y 6 D E S C R I P T I O N G É N É R A L E D E M E M P H I S
à gauche en montant, c’est-à-dire, du côté de l’est; pour cela il faut être muni
d’une très-haute échelle. Cette ascension a été figurée dans les planches ( i ) ; après
avoir suivi un couloir un peu tournant, on àr.rive au-dessus de la chambre du
ro i, et l’on se trouve dans la pièce dont il s’agit. Sa hauteur est seulement de i “',002
[ 3ds i pL Elle est si basse, qu’il paroît manifeste qu’elle n’avoit d’autre objet que de
servir de décharge au plafond de la chambre du roi ; d’autant plus qu’elle a la
même longueur et la même largeur que cette chambre, et qu elle est située juste
au-dessus. Quand les Français y ont pénétré, ils y ont trouvé un lit épais d’excrc-
mens de chauve-souris (2).
L ’écho de la pyramide est célèbre : il répète le son jusqu’à dix fois. Ordinairement,
en sortant de la chambre du roi et du haut du palier supérieur, les voyageurs
s’amusent à tirer des armes à feu. 1| me seroit difficile de peindre le singulier effet
que produit cette détonation sur la colonne d’air, effet encore plus frappant au
sein des ténèbres; je n’ai rien entendu d’aussi majestueux : il semble que l’oreille
frémit et bourdonne; les vibrations répercutées coup sur coup parcourent tous
ces canaux à surfaces polies, frappent toutes les parois, et arrivent lentement
jusqu’à l’issue extérieure , affoiblies, et semblables au retentissement du tonnerre
quand il commence à s’éloigner. A l’intérieur, le bruit décroît régulièrement, et
son extinction graduelle, au milieu du profond silence qui règne dans ces lieux,
n’excite pas moins l’attention et l’intérêt de l’observateur : c’est une expérience que
l’on aime à répéter. On a coutume aussi de tirer des coups de pistolet dans les
petites ouvertures de la chambre du roi. Plutarque dit que la voix se répète quatre
ou cinq fois dans les pyramides (3) : il faudroit savoir desquelles pyramides il s’agit.
Si la montée de la grande galerie est fatigante, la descente exige des précautions
pour n’être pas périlleuse: on doit du moins, à chaque pas, sonder l’entaille
et y poser le pied II seroit plus sûr de s’asseoir sur la grande banquette et de se
laisser glisser que d’y marcher debout. Quand on est arrivé à l’extrémité inférieure,
il faut . pour continuer sa route, descendre l’escarpement de la même
manière qu’on l’avoit franchi en montant. Arrivé ici, ordinairement on revient
sur ses pas, et l’on se dirige au sud par un canal horizontal de même dimension
que les deux premiers canaux de la pyramide; il a 38“ ,791 de long [ 1 toJî j p],
et conduit à une chambre qui est au bout à droite, longue de ym,224 sur
c’est ce qu’on appelle vulgairement la chambre de ta reine ; elle est bâtie en granit
comme la première, et le travail de l’appareil n’est pas moins soigné : son plafond
est en forme de toit; la hauteur jusqu’à la naissance du toit est de 4” . 1 >4.
et la hauteur au sommet, de 6” ,308; c’est plus que celle de la chambre du roi.
Une partie des pierres du plafond est en saillie sur l’autre. La salle est pleine
de décombres; quelquefois l’air y est si infect, qu’on ne pourroit y rester cinq
( i ) Voyez pl. //, Antiq. vol. V, fig. /, au point c,
et aussi pl. 14, fig. y , au point c"; pl. ty , fig-J s y > ou
point a, et fig. q., au point a". Dans la première planche,
M. Le Père, architecte, est représenté au pied de l’échelle,
et M. Coutelle au sommet, déjà à moitié entré dans la
chambre haute, qu’il croyoit visiter le premier.
(2) Voyez, pour les autres observations, le Mémoire
de M. Coutelle sur les pyramides,
( 3) De philos, placit. lib. IV, cap. xx, ed. Reisk. 1778,
tom. IX, pag. 575. Le passage est curieux, sur-tout en
ce qu il feroit penser que les pyramides étoient ouvertes,
ou que c’étoit une tradition, du temps de l’auteur.
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minutes sans y être asphyxié. A la gauche, il y a un trou forcé. Le canal est tapissé
de sel ; ce sel se forme aussi sur les parois des autres canaux; on l’enlève par
plaques de 2 lignes d’épaisseur ( 1 );
On sort de ce couloir tout en sueur, le visage et le corps tout rouges; et l’on
est tellement excédé, épuisé de fatigue, qu’il ne reste plus assez de forces pour
tenter la descente du puits, dont l’entrée est tout à côté de celle du couloir : il
faut absolument se reposer un moment, et réparer ses forces par quelque spiritueux
ou par quelque autre moyen. Ordinairement on remet la visite du puits à une
autre excursion, et c’est ce qui m’est arrivé; mais à ma seconde visite un obstacle
m empêcha d effectuer ¡’entreprise : je renverrai donc, pour le puits de la
pyramide, au mémoire de M. Coutelle, et aux mesures prises par M. Le Père, architecte,
me bornant à dire que la coupe, égale à im,4 sur om,6 en commençant,
va toujours en diminuant jusqu’à o” ,6y sur o"\6; qu’il ne descend pas d’un
bout à 1 autre verticalement; que la première partie du lit du puits a 4ym, 102,
etlaseconde t6m,242, en tout 63“ ,344; enfin, qu’on a pratiqué une chambre
a 9 métrés du haut, soit pour servir de repos à ceux qui montent ou descendent,
soit pour recevoir les décombres tombés dans le fond, ou pour tout autre usage’
La piece est taillée dans le roc; elle ne présente rien de particulier : sa hauteur
est de 3 métrés, et sa largeur, de moitié en sus (2).
La ^température au fond du puits est de 25", et dans l’intérieur de la pyramide,
de 220, d’après les observations de M. Coutelle. L ’importance de cette observation
sur la température intérieure du sol sert à relever encore le mérite de la
difficulté vaincue; il na pas fallu un médiocre dévouement pour pénétrer à une
si grande profondeur, au risque de périr par plusieurs causes. On sait que la température
de I air au fond du puits de Joseph, à la citadelle du Faire, est de 17 à
18 (3 ) ; celle du fond des hypogées à Thèbes et des hypogées voisins de la
pyramide s’élève jusqu’à 25°.
D après les calculs de M. Gratien Le Père, le fond du puits étoit de niveau
avec les hautes et même avec les basses eaux du Nil. Il est possible que la partie
du puits à laquelle on n’a pas encore pénétré, faute d’avoir déblayé assez avant,
corresponde au niveau du Nil: mais il me semble que la profondeur mesurée
est contraire à cette opinion. En effet, f ouverture du puits est à 68“ ,71 au-
dessus des basses eaux actuelles ( et elle étoit encore plus distante des anciennes) :
or k profondeur du puits a été mesurée en deux parties, dont la somme est de
63” ,34 seulement.^ A la vérité, les hautes eaux sont plus élevées que le fond,
mais leur niveau s’est exhaussé depuis l’excavation de ce puits; on ne peut donc
pas affirmer que jadis le fond du puits communiquoit avec l’eau du Nil. A u
reste, je n examine point ici l’assertion de Pline, que'l’observation précédente
ne contredit pas absolument : fy reviendrai ailleurs.
( 1 ) On a trouvé dans les catacombes des pyramides
des croûtes de sel qui ont jusqu’à 2 pouces d’épaisseur :
ce fait m’a paru assez important pour être consigné.
(2) M. du Bois-Aymé est descendu très-avant dans le
puits ; mais je n’ai pas connoissance de ses observations.
(3) Comme la chaleur moyenne du Kaire. Voyiez
la Description de la ville du Kaire, É. M. tom. I I ,
2/ partie, pag. 692.