celui-ci que s’attachoit la méthode Égyptienne; peut-être, en négligeant les détails
mesquins, l’artiste restoit plus près de son modèle.
J’ai dit plus haut que les modernes sectateurs d’Isis avoient étrangement associé
plusieurs figures ensemble; c’est un art que les Égyptiens avoient imaginé,
mais restreint dans de certaines limites. Rien n’est plus commun chez eux qu’une
tête humaine sur un corps d’animal, oiseau ou quadrupède. L ’épervier, avec un
masque de femme, est un symbole fréquent, soit dans les bas-reliefs et les peintures,
soit comme objet de ronde-bosse; souvent il est en bois revêtu de riches
couleurs, et le plumage de l’oiseau est imité largement. On peut voir un fragment
de cette espèce dans une des planches du second volume-d’antiquités (i) ; il a été
trouvé, à Saqqârah avec beaucoup d’autres semblables : sa matière est de bois de
sycomore : la face est dorée, ainsi que le bec et les yeux; le reste est peint. J’ai
essayé ailleurs d’expliquer cet emblème (2) : comme on le trouve toujours dans
les scènes funéraires, dans le tableau de la métempsycose, volant les ailes déployées
au-dessus des momies que représentent les papyrus, j’ai conjecturé qu’il étoit l’image
de Xame humaine, d’autant plus que Horus-Apollon nous apprend que l’ame avoit
1 épervier pour symbole ( 3 ). Mais cette conjecture a' besoin d’être appréciée dans
l’écrit qu’on a cité tout-à-l’heure.
Je citerai encore parmi les animaux une figure de chat en bronze, provenant
des hypogées de Saqqârah (4 ). C’est encore ici qu’on distingue, sans hésiter, le
caractère distinctif de l’animal, bien que l’artiste ait négligé plusieurs petits détails
; ces fragmens prouvent que les arts suivoient à Memphis la même route
quà Thèbes. On peut en dire autant d’une figure, quoique fort petite, trouvée
à Saqqârah, et représentant une grenouille (5); l’objet est en terre cuite, émaillée
en bleu, d’une nuance très-belle. C ’est un de ces objets que les dévots portoient
sur eux comme amulette ou comme talisman.
2 . 0 M O M I E S .
Je passe aux momies d’hommes et d’animaux conservées dans les hypogées de
Saqqârah. Ées voyageurs qui nous ont précédés ont fait connoître ces momies
sous plusieurs rapports, et c’est de Saqqârah, et même de cet endroit seulement,
qu’ils ont tiré celles qui ornoient les cabinets d’Europe au moment de l’expédition.
Aussi, en décrivant ces corps embaumés, ils n’ont pu les comparer avec ceux
qui sont déposés dans les catacombes de Thèbes. On ignoroit encore, à la fin du
dernier siècle, jusqu’à quel degré les Égyptiens ont poussé le soin dans la préparation
des momies, et quelle recherche dans l’embaumement, quel choix dans les
étoffes, quel art dans l’arrangement des bandelettes, quelle richesse dans les peintures,
frappent les yeux du voyageur qui parcourt les sépultures de la ville royale (6). Il-
n en est pas de même à Saqqârah : les momies, comme on l’a observé déjà, sont
(1) Voyez pl. 47, A. vol. I I , fig. 14, 1y, et pl. y 6, (3) Hor. Apoll. I. 1 , c. v u .
fig' 5' (4) Voyez pl. 87, A . vol. V, fig.
(2) Voye^ la Description des hypogées de Thèbes, (5) Voyez, pl. 89, A. vol. V,fig. 19, 20.
S‘ XIJ, pag.j8r et suiv. (6) Voye^ la Description des hypogées de Thèbes.
31 US
plus mal préparées; le baume étoit de moins bonne qualité; les étoffes, moins
belles et meme grossières ; un plus grand nombre étoient préparées au natroun :
il semble qu’on avoit perdu les anciennes pratiques.. A la vérité, l’on peut supposer
que jusqu’ici l’on n’a découvert ’que les catacombes les plus communes de
Memphis; car cette ville fut,, comme Thèbes, embellie par de grands monu-
mens, et tous les arts étoient sans doute en même temps portés au même degré.
D’ailleurs, quelques fragmens provenant de Saqqârah présentent une exécution
plus soignée. On peut citer un masque de momie en bois de sycomore, d’un assez,
bon travail ( i ) :: les sourcils et les bords des yeux sont incrustés en cuivre rouge ;.
une toile fine.est collée sur le bois : on l’a peint en vert sur une couche de stuc (2)..
On appliquoit ces masques sur la caisse des momies, et peut-être portoient-ils la.
ressemblance du mort.
Quatre fragmens de la même planche, appartenant à des caisses de momies
de Saqqârah, présentent le même genre d’ornement que celles de Thèbes. Ces
sarcophages étoient formés d’une espèce de carton dur fait de toiles collées,
divisés comme une boîte en deux parties à recouvrement, et chevillés ensemble.
C est quand la clôture étoit faite, qu’on appliquoit les couleurs. Le dedans étoit
peint comme Je dessus. Le premier fragment,, planche, fig.. / , est formé de trois,
épaisseurs de toile collées ensemble ; les deux chacals sont dessinés avec hardiesse
et peints en noir, comme on a coutume de représenter ces animaux, qui étoient
consacrés aux funérailles. Le socle est formé de bandes alternativement jaunes,,
bleues et rouges. Le second, fig . 3 , est un dessous de pied, peint également sur
toile et.stuc; deux sandales y sont dessinées, et chacune renferme un personnage
qui a les bras liés ; 1 un d’eux est noir : on a bien voulu certainement représenter
un nègre par cette figure, qui n’est pas rare dans les hypogées de Thèbes. On a
collé aussi des toiles l’une sur l’autre, et ces toiles sont à deux fils, dans la chaîne
comme dans la trame. Le troisième fra gm en t,^ . 4 , appartient à une caisse qui
étoit travaillée très-soigneusement. Le. sujet est le même que celui qui figure dans
un grand nombre de manuscrits Égyptiens. Horus, placé sur un trône, en avant
dOsiris et dlsis, armé de la crosse et du fléau, est dans l’attitude d’un juge sur
son tribunal ; il, est peint en jaune foncé sur un fond bleu. Devant lui se tiennent
debout les quatre figures qui repondent a ce qu on appelle des canopes, portant,
les tetes de femme, de cynocéphale, de chacal et d’épervier,. toutes peintes en
jaune; au-dela est un animai, chimérique peint en gros jaune sur un fond vert,
assis sur un autel de même couleur : au-dessus de ces figures est un grand lotus,
a feuilles vertes et fleurs rouges ; peut-être les couleurs ont été altérées par le
temps. Si la peinture étoit complète, on trouveroit derrière l’autel le personnage
qui se présente aux dieux après sa mort, pour être jugé sur les actions de
sa. vie..
Ce fragment est formé, de plus de cent épaisseurs de toile, artistement collées
ensemble, tellement que leur réunion forme un corps dur de 15 millimètres (3)
(0 V0 y e 7 .p l, S'y, f ig . 2 , A . vol. y , Voyez l’explica- (2) Épaisse d'un demi-millimètre,
non de la p l . (3) Six. lignes..
A. D . C