fort étendues, ainsi qu’on peut en juger par leur petit nombre, par la position
du Serapeum, renfermé, suivant Tacite, dans Rhacotis, qui embrassoit lui-même
tout le voisinage de la mer et la partie gauche du plan de la ville antique; enfin
par la surface de ce même Bruchion et des palais, dont nous ferons apprécier
l’immensité. Les trois autres quartiers, qui nous sont inconnus, s’étendoient donc
en arrière de ces deux premiers, jusque vers le lac Mareotis.
p o r t d ’ e u n o s t e .
On ne trouve point d’antiquités remarquables et qui appartiennent spécialement
à la marine, dans la partie enfoncée du port vieux qui baigne l’extrémité
de l’enceinte Arabe et le pied de la ville moderne. Celles que nous verrons plus
loin dépendoient et dépendent encore de l’île Pliaros.
Quoiqu’il soit donc jusqu’à présent assez difficile de déterminer la position
des anciens quais du port d’Eunoste, il est à croire qu’ils existoient dans la partie
méridionale du port vieux, c’est-à-dire, le long de la portion de l’enceinte Arabe
baignée par la mer. Les sondes, si elles eussent été faites avec plus de détail, et
spécialement pour cette recherche, justifîeroient plus complètement quelles ne
le font cette conjecture. Il n’est pas d’ailleurs présumable qu’on ait travaillé à détruire
ces vestiges sous l’eau : on devroit donc en trouver quelques-uns. Il reste
encore, dans cette partie du port vieux, des débris de maçonnerie qui semblent
confirmer ce soupçon. Il est de même probable que les Sarrasins, en resserrant
l’enceinte de la ville Grecque et abandonnant les parties inhabitées, avoient conservé
dans leurs nouvelles limites les objets dont l’usage continuoit de leur être
nécessaire et le voisinage commode, comme les quais, sur lesquels ils ont dû
avancer immédiatement leur clôture; comme aussi le canal ou aqueduc dérivé
du N il, qui débouchoit en ce'point des murs Arabes, et servoit aux besoins des
établissemens du port et d’aiguade [ 9 ] aux vaisseaux.
On trouve cependant une masse de fragmens antiques, mais hors de leur situation
primitive, dans le port d’Eunoste : c’est la cale d’embarquement, la seule de
cette espèce qui se trouve dans ce port. Elle est composée de troncs de colonne.
On rapporte que ces fûts, tirés des ruines de la ville d’Alexandre, comme
cela se pratique depuis environ neuf cents ans, avoient été successivement déposés
au bord de l’eau pour être transportés en Europe, mais que les Turcs en
formèrent une jetée indispensable dans cet endroit.
.Quoi qu’il en soit, tout le terrain bordant le port d’Eunoste a été tellement
travaillé par le temps, par la mer, et par la main des hommes, depuis les premiers
ravages qu’Alexandrie a éprouvés jusqu’aux dernières époques où tous les
établissemens et la ville moderne elle-même, attirés, comme c’est l’ordinaire, par
le voisinage des eaux, s’y sont peu à peu transportés, qu’il doit y rester moins de
traces des anciens ouvrages que dans les parties qui ont été le plus tôt et le plus
complètement abandonnées. L ’inspection des lieux autour de ce port, et sur-tout
l’existence du courant principal de l’ouest à l’est, le long des côtes d Alexandrie,
que nous aurons souvent l’occasion de considérer, prouvent que la mer a empiété
dans la région la plus orientale du port vieux. L ’effort des vents régnans du nord-
ouest a dû concourir a cet effet, et tendre par conséquent à faire ensabler l’emplacement
actuel de la ville moderne; de sorte qu’à mesure que l’un de ces agens dé-
truisoit une portion des rives du port d’Eunoste, l’autre couvroit la seconde [10].
Toutes ces circonstances ont donc contribué à effacer les vestiges de constructions
autour de ce bassin ou dans son intérieur.
Strabon décrit parfaitement les ports d’Alexandrie tels qu’ils existoient de son
temps. Il dit que « l’entrée de celui d’Eunoste, quoiqu’elle soit peu sûre, ne
» manque pas néanmoins de certains avantages. » Cette difficulté étoit cependant
moins grande pour la navigation ancienne que pour celle de nos jours, puisque
les vaisseaux d alors tiroient beaucoup moins d’eau que les nôtres [ 11 ]. II est donc
probable qu’elle provenoit du défaut de largeur de cette passe et des habitudes
des navigateurs de l’antiquité, qui, à cette époque, venoient plus fréquemment
de la Syrie et des côtes orientales de l’Égypte que d’ailleurs, route qui s’opposoit
à ce qu’ils pénétrassent avec le même vent, par ce passage, dans l’intérieur du
port d’Eunoste.
Par ces avantages que le géographe ancien indique et sur lesquels il ne s’étend
pas, il faut entendre sans doute la grande profondeur d’eau de ce port, qui per-
mettoit aux galères et autres bâtimens plats d’y tenir, sans courir trop de risques
du tangage occasionné par les vents auxquels ce havre étoit trop ouvert. On doit
y comprendre aussi 1 etendue dont ce port étoit susceptible. Je me sers de cette
expression, parce que nous verrons que le port proprement dit des anciens étoit
peu vaste, et que c’est le port neuf d’aujourd’hui qu’on qualifioit par l’épithète
de grand. Un autre avantage que Strabon sous-entend certainement par le mot
'7rptró/a.s (1), c’est l’abri sûr qu’on devoit trouver et dont on jouit encore aujourd’hui
dans la partie nord du bassin, sous la presqu’île de Pharos, et qui faisoit partie
ou dépendoit de ce que les Alexandrins appeloientportas Eunosh [12].
En effet, Strabon dit positivement que l’entrée de l’ouest forme le port. Je
pense, d’après cela, que cette passe est celle qu’on a appelée passe des djermes
dans la carte générale ; que le port d’Eunoste proprement d i t ,étoit situé immédiatement
sous la presqu’île P haros, qui i’abritoit en s’étendant le long de l’Hepta-
stadium, dont nous parlerons bientôt, et de l’enceinte Arabe actuelle, jusqu a la
pointe saillante que forme cette enceinte ; de sorte qu’il étoit à peu près borné
en avant par une ligne tirée de cette pointe vers celle de l’île Pharos, aujourd’hui
cap des Figuiers, et qu’il étoit bien loin d’occuper tout cet espace que les modernes
appellent port vieux. Il ne renfermoit donc pas le petit port Kibotos,
comme quelques-uns l’ont cru. Il étoit ouvert de toutes parts, comme on le voit,
et se composoit, si l’on veut, de toute la partie bien abritée du port vieux actuel,
qui n’étoit pas occupée par le bassin de Kibôtos et ses abords [ 1 3 j.
On l’appeloit portas Eunosti, qui signifie de bon retour : étoit-ce une allusion à
quelque événement heureux qui s’y étoit passé, ou plutôt une dénomination
provenant de ce que le commerce de long cours avoit, à certaines époques, ses
( 1 ) 0 « fAxi 7D<ruuvtç A?m/ T&ro/ttç. « Il n’exige cependant pas autant de précaution. » ( Lib. x v n . )