
il s’ensuit que les eaux croient arrivées à 11 pieds 3 pouces 1 i lignes du niveau de
ces hautes marées. Plus loin, après avoir fait un grand détour, l’eau s’est répandue
dans deux grands bassins de sept à huit lieues de tour, qu’elle a remplis. C’est au
milieu de ces lagunes formées par les inondations extraordinaires du Nil, à quatorze
mille mètres à l’est du Mouqfàr, et à l’extrémité du canal fort large, et de
deux cents mètres de longueur, dérivé de celui des deux mers vers I est, que M. Le
Père a judicieusement placé Thaubastum, dont Ortelius a dit : Circa paludes
Arabice videtur ( 1 ). A trois mille cinq cents mètres au sud-est de Ces ruines est le
santon de CheykJi el-Nedy, situé sur une colline, au pied de laquelle les eaux
sont arrivées en 1800.
A huit mille deux cents mètres environ au sud-est des ruines de Thaubastum,
on rencontre un monticule portant à sa sommité des ruines assez remarquables :
elles consistent dans des débris épars de gros blocs de granit et de grès polis,
portant des moulures de corniche qui ont dû appartenir à une rotonde de quinze
à vingt pieds de diamètre. C ’est là que MM. Le Père et du Bois-Aymé placent
avec raison le Serapeum, dont il est fait mention dans l’Itinéraire d’Antonin
comme station intermédiaire A’Heroopolis à Clysma ( 2 ). Quelques autres ruines se
trouvent au sud-ouest : on y remarque des fragmens de granit, de grès, et d’une
pierre calcaire, semblable à celle sur laquelle repose le plateau où sont ces ruines.
Ce sol calcaire tient à la chaîne de montagnes qui s’étend jusque près de Belbeys.
M. du Bois-Aymé y voit les ruines de Cleopairis ( 3 ), par suite de son opinion sur
les anciennes limites de la mer-Rouge, opinion assez généralement adoptée.
En quittant ces ruines pour se rendre à Suez, on traverse les bas-fonds de l’isthme
qui ont été décrits plusieurs fois : mes propres observations à ce sujet ont été
en partie publiées à la suite de l’Appendice au Mémoire de M. du Bois-Aymé sur
les anciennes limites de la mer Rouge (4 )• Elles n’ont aucun rapport avec les antiquités
; je n’en parlerai point ici.
Sur le bord de ces bas-fonds, à six ou sept lieues de Suez environ, il existe un ancien
monument que j’ai eu l’occasion de voir en 1799 avec MM. Rozière et Alibert.
M. Rozière a publié, dans le tome I ." des Mémoires d’antiquités, pag. 26y,
une dissertation contenant une description de ce monument, que je rappellerai ici,
tant pour ne pas laisser de lacune dans l’exposition générale des antiquités de
l'isthme de Suez, que pour faire connoître en quoi mon opinion diffère de celle
de M. Rozière, relativement à la position de ces ruines.
M. Rozière dit : « Le chemin que nous suivîmes en partant de Suez, paroît
» n’avoir été tenu par aucun Européen. Après avoir tourné les lagunes qui ter-
» minent la mer Rouge, nous continuâmes de nous diriger au nord, déclinant
» un peu vers l’est; direction qui, prolongée, doit passer à l’ouest de Qatyeh. » Je
pense au contraire que nous n’avons pas tourné les lagunes, et que nous nous
sommes dirigés tout d’abord vers le nord, notre intention étant de pousser une
( i ) V oye z É . M . tom. I .n , pag. rfj.
( 2 ) V oye z E . M . tom. I .n , pag. 40 et 164.
( 3 ) V o ye z É . M . tom. I . " , pag. 192.
( 4 ) V o y e z E . M . tom. I I , pag. 733.
reconnoissance entre Belbeys et Sâlheyeh. Si nous avions tourné les lagunes, nous
aunons immanquablement reconnu les vestiges de l’ancien canal. Ce n’est qu’après
avoir vu les rumes dont va parler M. Rozière, que nous sommes descendus dans un
vallon, ou nous avons trouvé beaucoup de végétation, des campemens d’Arabes
et des troupeaux en pâturage. La différence d’opinion-qui s’est trouvée entre
M. Roziere et moi sur la situation de ces ruines, a empêché, de les marquer sur la
carte : une nouvelle reconnoissance des lieux auroit levé toutes les difficultés Nous
lavons tentée avec MM. Le Père et Chabrol l’année suivante, mais sans succès II
est vrai que nous faisions la route en sens inverse, et que nous allions de Belbeys
a Suez. Cette question est donc encore à résoudre. M. Rozière continue : « Un
» monticule que nous aperçûmes sur notre gauche après six heures et demie de
» marche, excita notre curiosité. Dans i’Égypte, c’est souvent l’indice d’une an-
» cienne ruine. En effet, nous trouvâmes sur son sommet plusieurs blocs équarris
»les uns dun poudingue semblable à celui de là célèbre statue vocale de Mem-
» non, les autres en granit de Syène : ces derniers étoient couverts, non-seulement
» de caractères tout-a-fait étrangers à ce que nous avions vu jusqu’alors en ÉKypte
»mais encore de diverses sculptures emblématiques, d'un travail comparable à
»celui des plus beaux monumens de la Thébaïde, mais représentant des sujets
» tout-a-fait différens.
» Nul doute que ces différens blocs ne soient les restes d’un monument construit
» sur i emplacement même Le monticule, que recouvrent maintenant les
» sables du desert, indique évidemment une ancienne construction, et peut recéler
» d autres débris intéressans. »
Le détachement auquel nous nous étions réunis pour faire une reconnoissance
dans ce désert, ayant une mission militaire et non scientifique, avoit continué sa
route en s éloignant de nous, et la nuit approchoit. Il devenoit impossible de s’arrêter
plus long-temps pour dessiner complètement les inscriptions et les bas-reliefs;
on se décida à en détacher quelques fragmens, et à copier quelques caractères qui
sont graves fig. i , 2, 3 et 4 de la planche 29 du volume V des Antiquités.
Un des blocs de granit est décoré, dans sa partie supérieure, du globe ailé dans
le style Egyptien. Au-dessous est une figure assise d’environ soixante centimètres de
proportion, vêtue d’une longue robe qui descend jusqu’à ses talons, telle que l’on
en voit dans les bas reliefs des anciens monumens de Persépolis, La coiffure de ce
personnage a de l’analogie avec celle des figures Égyptiennes : elle leur ressemble
parfaitement dans la partie qui enveloppe la tête; mais sa partie supérieure représente
des créneaux. Ce personnage a le menton garni d’une barbe longue et épaisse
qui descend sur sa poitrine ; il tient à la main un long bâton un peu recourbé vers
le haut, que termine une tête de chacal très allongée : deux figures un peu moins
grandes que celle-ci, debout devant elle, semblent lui rendre hommage.
Les inscriptions sont également sculptées sur le granit; leurs caractères sont
semblables à ceux qu’on a trouvés sur les ruines de Babylone et de l’ancienne
Persépolis, et qui sont connus sous le nom de caractères Persépolitains cunéiformes
A . D . B