marché, nous avons remarqué une colonne de 9”,65 de hauteur, sur 3”,21 dc
circonférence : elle est debout, et presque à moitié enterrée dans les décombres.
Elle a été posée sur un socle de vingt-trois centimètres de hauteur, et scellée en
plâtre : sa base a cinquante-quatre centimètres d’épaisseur; et la moulure de l’astragale,
treize centimètres: en déduisant de la hauteur totale de la colonne, qui est
de 9",65, ainsi que nous l’avons dit ci-dessus, les soixante-dix-sept centimètres de
la base et du socle, il reste pour le fût 8”,88. Cette colonne ressemble beaucoup
à celles du Divan de Joseph au Kaire (1). Le sol sur lequel elle est posée, est à
neuf cent soixante-trois millimètres au-dessous du niveau moyen du terrain cultivé
dans la plaine. M. Girard (Mémoire sur le Nilomètre d’Eléphantine, A.page 11) a
établi que l’exhaussement de la vallée du Nil est de cent trente-deux millimètres par
siècle : il y auroit donc, en adoptant ses calculs, environ sept à huit siècles que la
base de la colonne étoit au niveau de la plaine. On doit supposer qu’elle a été posée,
dans l’origine, à un mètre au moins au-dessus des plus grandes inondations, en
sorte que son antiquité peut remonter aux premiers siècles de l’ère Chrétienne.
Entre Syout et la montagne, sont des maisons de Mamlouks, où l’on avoit établi
le quartier général de la division Desaix. Ces maisons dominent la ville ; on les avoli
crénelées, et l’on avoit placé dans les points les plus élevés quelques petites pièces
de canon. Cette espèce de citadelle se trouvoit à gauche de la route qui conduit à
la montagne : à droite, est une vaste plaine que le Nil couvre dans le temps dc
l’inondation. C’est là que nous nous établîmes sous des tentes et des baraques en
natte, afin d’être plus près des antiquités que nous avions à visiter, èt aussi parce
qu’il n’étoit pas prudent dé loger dans la ville, dont les habitans ne supportoient
encore notre domination qu’avec impatience. Dans ce séjour, nous fûmes attaqués
de violens maux d’yeux, presque tous en même temps, le 3 et le 4 avril 1799.
Le vent du sud régnoit alors; nous éprouvions du soulagement lorsque le vent
passoit au nord.
En suivant la route qui va de Syout à la montagne, on arrive bientôt à la limite
du terrain cultivé, où est le cimetière moderne. Ces dernières demeures des Musulmans
n’inspirent pas la tristesse ; elles ont un aspect beaucoup plus gai que
l’intérieur des villes : on arrive à celles-ci par une avenue plantée en acacias, nape-
cas et sycomores. Les tombeaux principaux sont d’une architecture légère, peints
de différentes couleurs, et environnés d’arbres. Quelques murs d’enceinte sont
construits par gradins en retraite les uns sur les autres, et forment des espèces de
pyramides. Parmi les omemens peints, ou, pour mieux dire, barbouillés sur les murs,
on remarque des fleurs, des arbres, et d’autres objets qui semblent avoir du rapport
avec la profession du défunt. Sur le tombeau d’un cheykh el-bahr ou clieykh el-merkcl
[chef des bateliers], on a représenté fort grossièrement plusieurs germes [barques
du Nil], N’est-ce pas là une tradition de l’écriture hiéroglyphique ! Les enceintes
des tombeaux sont crénelées. Les tombes sont carrées ou pyramidales, et toujours
peintes en blanc.
Non loin de ce cimetière est le pied de la chaîne Libyque, dans laquelle on
(1) Voyez planches y i et 7 2 , E. M . vol. II.
aperçoit un grand nombre de grottes disposées par étages, jusquau sommet ae la
montagne. Ces excavations sont de trois sortes. La plus grande partie et les plus
intéressantes ont été creusées par les anciens Égyptiens pour servir de sépultures:
on les reconnoît aux hiéroglyphes dont elles sont décorées, et à l’art qui a présidé
à leur exécution ; leurs parois sont parfaitement bien dressées, suivant un talus régulier.
D ’autres grottes ont servi de refuge aux premiers Chrétiens de cette contrée :
sur les parois de quelques-unes de celles-ci, on voit des figures de saints dessinées
et peintes dans le plus mauvais goût. D ’anciens hypogées ont aussi été habités par
les mêmes hommes, qui, à cet effet, les ont agrandis, grattés et rec^gpis, afin de
faire disparoître toutes les traces de l’antique religion du pays : quelquefois les
anciens hiéroglyphes ont conservé leurs formes,, et sont seulement recouverts
de peintures grotesques. Outre les deux espèces de grottes dont n.ous avons parlé,
on voit encore des carrières anciennes. Au pied de la montagne passe un grand
canal, qui a pu servir au transport des pierres : ce canal se joint au Bahr-Yousef
et communique avec le Nil par un petit embranchement transversal, à deux ou trois
cents pas au-dessous de la ville de Syout.
§. II.
Des Hypogées de la montagne de Syout.
Nous avons examiné successivement et avec attention toutes les grottes anciennes,
que nous appellerons du nom d’hypogées, pour nous conformer à ce qui a été
observé dans les écrits précédens. Nous allons en donner la description détaillée.
L ’hypogée principal, situé presque en face de la route qui conduit de la ville
à la montagne , est peu élevé au-dessus de la plaine. Il nous a paru très-
remarquable par sa grandeur, la régularité de son plan, et sur-tout par la quantité
prodigieuse de sculptures dont ses parois sont couvertes. Il est vrai qu alors nous
ne connoissions pas les tombeaux des rois de Thèbes.
L ’entrée de l’hypogée n’est pas immédiatement à la surface de la montagne.
On a commencé par enlever les premières couches du rocher jusqu’à une certaine
profondeur, afin de trouver la pierre franche et homogène ; on a dressé ensuite
ce rocher sur une largeur de douze à quinze mètres et une hauteur de sept à huit,
en lui donnant un talus de trois centimètres par mètre : c’est dans cette surface qu’est
ouverte l’entrée de l’hypogée, qui a véritablement quelque chose d’imposant et de
solennel. On pénètre d’abord dans une espèce de vestibule oblong, dont les parois
latérales ont un talus de trois centimètres par mètre. Le plafond de ce vestibule,
ainsi que de presque toutes les salles de l’hypogée, est taillé en portion d’arc de
cercle très-surbaissé. A peu de distance de la façade, on remarque une baguette
saillante, semblable à celles qui accompagnent toujours les corniches Égyptiennes.
Le plafond est peint d’étoiles jaunes parsemées sur'un fond bleu. Dans les autres
salles on voit d’autres sortes de peintures, dont les couleurs sont plus ou moins
bien conservées : on y reconnoît des espèces d’arabesques disposées en carreaux
et en losanges, et combinées avec diverses fleurs.