
colonnes et de gros blocs de pierre numismale qui avoient été trouvés tout taillés
dans les ruines, et que les Grecs ont pu employer ici lorsqu’ils ont réparé l’ancienne
digue naturelle ou artificielle , usée par les vagues [10 4 ]. Josèphe nous
apprend effectivement que cette partie du grand port étoit embrassée par des
môles fa its de main d ’homme.
Cette digue de rochers a été par tout travaillée par les Grecs et par les Arabes.
Ces derniers paroissent avoir borné leurs soins à la réparation et au maintien
d’un passage ou chaussée pour joindre la mosquée et quelques médiocres bâti-
mens à la terre ferme. Le mortier qu’ils ont employé à cette oeuvre a acquis une
grande dureté ; cependant il est inférieur en bonté à celui dont les GrCcs se
sont servis.
Pour que les Arabes aient eu besoin de joindre le rocher du Pharijlon au
continent, il faut qu’une bonne partie de cette ligne de récifs en ait été séparée
depuis Strabon; car, d’après ses descriptions, on voit clairement que le cap se
prolongeoit naturellement et sans interruption jusqu’à son extrémité très-alongée
et terminée en pointe, comme son nom d’ Acroloclias l’indique. Il est difficile
de déterminer a, quel point du môle actuel, dont Josèphe a fa it mention, s’appli-
quoit ce nom étymologique, et si ce ff’étoit pas plutôt le plateau de la mosquée
moderne qui formoit autrefois, cette extrémité. Mais ce qui confirme toutes ces
conjectures, et particulièrement la dernière, c’est que Strabon, en nous faisant
entrer de la mer dans le grand port, et peignant, comme tous les auteurs anciens,
l’excessif resserrement de la passe, nous montre d’abord à gauche les bas-
fonds que nous verrons tout-à-l’heure bien en avant de la mosquée; et immédiatement
après il indique le promontoire de Lochias , dont le point cherché, ou ce
gros rocher qui subsiste encore au-dessus des eaux, n’étoit que le sommet. Ainsi
non-seulement cette extrémité du cap a été séparée du continent, et c’est alors
que, depuis Strabon, on aura fait les fondemens Grecs de ce bras artificiel dont
parle Josèphe, mais encore elle s’est presque totalement perdue; en sorte que
l’entrée du port neuf, autrefois si étroite, est aujourd’hui fort large. Je dis l'entrée,
et non la passe; car celle-ci est toujours resserrée par les bancs sous-marins. Les
causes de toutes ces destructions de rochers autrefois très-âpparens n’ont plus
besoin d’être indiquées.
La mosquée, par sa position, son genre de construction et celui des autres
murs crénelés, paroît avoir dû servir de fortification correspondante à celle du
château du phare. D ’après cela, et d’après tout ce qu’on vient d’observer, il y
a lieu de croire qu’il n’y avoit, dans l’antiquité, sur cette langue étroite, que
quelques vigies semblables, et point d’habitations étendues; car Strabon n’en fait
point mention, et, je le répète, il n’indique, au premier abord, que le Lochias
et son cap.
En face du Pharillon, on voit encore, quand la mer est calme, les brisans
qui fermoient le grand port. Ainsi \’Acrolochias actuel pouvoir non-seulement
être jadis, comme je l’ai supposé, le commencement de cette chaîne de bancs
de roche dont une partie s’élevoit à fleur d’eau, mais encore s’avancer plus loin
dans la mer. Cette chaîne si usée se prolonge maintenant sous l’eau, sur une
longueur de trois cents toises au-delà de sa partie apparente, jusqu’à la dernière
sonde, cotée dix pieds, et ne laisse qu’une ouverture de cinq cents.et quelques
toises entre elle et le Diamant; ce sont là ces coûtes si redoutables que
Strabon nous montre avant tout, C ’est ainsi que se trouvoit complétée cette clô^
ture exacte du grand port dont tous les anciens ont célébré les avantages, et qui,
si l’on veut pousser le terme des conjectures beaucoup plus loin que celui auquel
remonte 1 origine de leurs traditions, permettait à peine de passer entre les
récifs et du Lochias zt du Phare; enfin c’est ainsi que les saillies de' côte les plus
solides se minent, que leurs anfractuosités se comblent, et que toutes leurs inégalités
s’effacent insensiblement.
C O T É O R I E N T A L D U P R O M O N T O I R E D E L O C H I A S .
En continuant de parcourir la partie maritime de l’ancienne Alexandrie, et
.suivant d abord Ja cote orientale du promontoire de Lochias, on s’aperçoit que
ce cap a ete fortement corrodé de ce côté. Lorsque la mer est calme, elle laisse
à découvert une assez grande surface de rochers qui ont été taillés dans presque
toute leur etendue. On trouve d abord, en face de la jetée que nous avons vue
tout-a-1 heure, plusieurs canaux pratiques sur ce rocher aplati, pour faire passer
1 eau de la mer dans de petits bassins capables de contenir aisément le corps
d’un homme. Ces canaux, entièrement creusés dans le roc, sont fort dégradés;
leur voûte est détruite, et il n y en a que deux qui aient conservé des parties
propres à faire reconnoître leur première construction. Lorsqu’il y a un peu de
houle, ces aqueducs se remplissent : mais, dans le calme, il n’y a pas seize décimètres
deau sur le radier.; ils doivent même être à sec quand le vent vient dp
cote de la terre. Mais, en admettant même qu’ils eussent autrefois introduit l’eau
à plein canal dans les bassins, cela confirmeroit toujours ce que nous avons dit
du peu d’abaissement de la Méditerranée depuis les premiers Ptolémées, et res-
serreroit encore beaucoup la limite que nous avons fixée à cette diminution
progressive de sa hauteur.
On trouve encore a la suite, en quittant les environs du cap, un grand nombre
de canaux qui ont un a deux pieds de largeur et qui forment divers contours.
Tous ces canaux ont bien clairement leur pente dirigée vers la mer, çt plusieurs
partent de puits circulaires. La plupart aussi sont actuellement découverts, et
n’ont qu’un ou deux pieds de profondeur, ainsi que les puits. Mais, dans les
endroits ou le sol n a pas ete autant usé, ces canaux passent sous le rocher à
travers lequel ils sont creuses en voûte, e t ils ont, depuis le fond jusqu’à l’intrados,
trois a quatre pieds de hauteur. Outre ces canaux, on voit d’autres ouvertures
plus larges : il y en a plusieurs qui devoient former des diambr.es .et peut-être
des salles de bain.
On sait, par tous les témoignages, que le promontoire de Lochias étoit couvert
de palais et de jardins, et que ses environs étoient très - habités. On ne doit
donc pas être surpris de trouver la côte ainsi travaillée par-tout. Outre qu’on