
nous de conno’ tre l'état de Ton A rt, dans un tems qui touchoit prefque au fien.
ti JufqUa Avicenne, dit-il, tous ont etc Phyficicns ou Médecins & Chirurgiens
55 enfemble ; mais depuis en ç a , ou par déiicateüe ou par la trop grande
11 occupation ès cures, la Chirurgie fut féparee 6C delaiffée es tnaïns des
55 Mécaniques (t). 55 Cette féparation cependant ne s exécuta entièrement que
beaucoup plus tard. Salicet, Lanfranc, Guy de Chaulhc lui-meme & bien
d ’autres cnfcignerent & exercèrent tout-à-la-fois la Medecine & la Chirurgie;
& ce ne fut que vers la fin du quatorzième fiecle, ou au commencement du
quinzième, qu’il exifta pour la première fois des Médecins & des Chirurgiens
yraiment. fépares & diftinéts, ayant leurs domaines diftinéts fépares comme
euj. C e fut alors feulement que fe fit ce partage de 1 Art de guérir, qui réglé
aujourd’hui les droits de ceux qui cultivent fes differentes branches, & qui fixé
leur rang dans la fociété. '
Nous ne nous propofons pas d’entrer ici dans aucun detail fur la manière
dont fe fit cette féparation, encore moins fur les puériles difputes auxquelles la
prééminence accordée par les loix à la Médecine fur la Chirurgie, a long-tems
donné lieu , & qui ne font pas même de nos jours bien afïçupies. Il n y a perfonne
qui ne fente aujourd’hui qu’une pareille prééminence neft point dans la nature,
que la Médecine & la Chirurgie font feeurs, que 1 antiquité de lune & de
l’autre doit être à-peu-près la même que celle de la nature humaine, & qu aux
yeux de ceux qui favent les apprécier , l’une ne le éedè point a 1 autre en
importance & en utilité. L ’Art de guérir eft un, fes principes doivent etre
par-tout les mêmes, 61 l’exercice de fes différentes branches fuppofe les memes
connoiffances fondamentales; mais il offre dans les details un fi vafte champ
à l’étude , qu’il eft peu d’hommes allez heureufement nés pour 1 embrafler en
entier, & pour en cultiver toutes les parties avec le meme fucces. I l importe
donc, pour l’avantage de.la fociété, que celles de ces parties qui peuvent
facilement fè féparer dans la pratique, foient exercees par différentes perfbnneS.
Les maladies qui affcéfent toute l’économie animale fe diftinguent aflez facilement
de celles qui font fidèlement locales, pour qu’on doive conferver 1 ufâge d en
faire deux départemens, fous les noms de Médecine & de Chirurgie. Differentes
branches de la Chirurgie fe féparent aufli du tronc affez naturellement pour
être cultivées par différens individus ; telles font 1 A rt de 1 Accoucheur, 1 Art de
l’Oculifte, celui du Dentifte, &c. Mais il n’en eft aucune qu’on ne cultive avec
d ’autant plus de perfection & de fucces, qu on eft plus verfe dans la connoiffanee
des fondions de l’économie animale , & des loix auxquelles elles font affujetties,
foit dans letat naturel dfc fanté, foit dans les dérangemens auxquels elles font
fujettes, foit enfin relativement aux effets des divers agens à l’influence defquels
les organes de ces fondions font fournis. Les études du Chirurgien par confisquent
doivent embrafler toutes les parties de la Médecine; il ne doit point être étranger
[ 1) Hifloire de la Chirurgie, T. I I , p. 86.
ïiori plus à fHiftoire Naturelle, à la Phyfique, ni à aucune des autres branches
de. la Philofophie. Hnl
Nous lifons dans Hérodote, que Démocède, Médecin de Crotone, qui étoit
fixé à Sarnos auprès du tyran Polycrate, ayant été enveloppé dans la ruine de
celui-ci, fut fait prifonnier & emmené en Perfe. Vêts le même tems, Darius,,
en defeendant de cheval, fe donna une fi violente entorfe que fon pied fe luxa.
On eut recours aux Médecins d’Egypte qu’il avoir à fa C o u r , & qui étoient
eftimés les plus habiles Médecins du monde ; mais tous les efforts qu’ils purent
faite pour réduire cette luxation, loin dette utiles, aggravèrent à tel point le
mal, que le Roi paffa fept jours & fept nuits dans les plus vives douleurs. Le
huitième jour quelqu’un parla d’un Médecin Grec nommé Démocède , & l’on
vanta les cures qu’il avoit faites à Sardes. C e Médecin étoit en prifon. Darius
ordonna qu’on le fît venir ; il parut comme il étoit, mal vêtu , chargé de chaînes.
C e Prince lui demanda s’il favoit la Médecine. Démocède craignant, s’il convenoic
du fait, de ne pouvoir jamais retourner dans fa patrie, prit le parti de diffimuler;
mais Darius qui s’en apperçut ordonna de le mettre à la queftion. Alors il avoua
qu’il avoit appris quelque chofe par les liaifons qu’il avoit eues avec un Médecin,
que cependant il étoit bien loin d’avoir toutes les connoiffances néceffaires. Sur
cet aveu, il lui fut ordonné de traiter le Roi à la manière des Grecs. I l commença
par employer des médicamens anodins, & par faire fur la partie malade, des
fomentations adouciflantes. L e Roi reprit en peu de jours la tranquillité & le
fommeil, & recouvra, contre tout efpoir, la liberté de fon pied.
: Cette hifloire, à laquelle il ne feroit pas difficile d’en ajouter beaucoup de
femblables , nous fait voir quelle différence il y a entre un Chirurgien vraiment
inftruit, & ceux qui, n’étant guidés que par unç routine aveugle, n’ont point
appris à étendre leurs idées, & ne favent plus agir qu’au hafard lorfqu’ils ne
réuffiffent pas en appliquant les premiers fecours qui leur ont paru indiqués.
Les Prêtres Egyptiens favoient que lorfqu’un os eft forti de fa place, il faut
l’y ramener; ils connoifloient fans doute jufqu’à un certain point les moyens
mécaniques propres à y réuffir ; mais ils ignoraient que fi l’on ne réduit pas une
luxation , avant que les parties foient gonflées , tendues & enflammées, tous les
efforts que l’on fait enfuite pour en venir à bout font le plus fouvent inutiles,
que, dans certains cas, la réduélton devient tout à-fait impoffïble. Démocède
plus éclairé qu’eux fuivit une autre route ; inftruit des dangers qui accompagnent
l’inflammation des parties membraneufes & ligamenteufes deftinées à foutenir
les articulations, ainfi que des moyens propres à la calmer; il s’appliqua d’abord
à combattre ce fymptôme, & après s’en être rendu maître, il acheva fans peine
une guérifon, dont on ne feroit jamais venu à bout en fuivant la méthode qu’on
avoit d’abord adoptée.
C ’eft bien à tort qu’on a voulu oppofer la Chirurgie à la Médecine en
qualifiant d A r t la première, & en donnant à la fécondé le nom.de Science,
prétendre, cpmrne on l’a fait, que la Chirurgie n’eft autre chofe que l’Art