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recouvrent , à moins que cette tumeur naît
augmenté très-rapidement, ou qu'elle ne Toit de
nature inflammatoire, & ne produite dans les
vaiffçaux cutanés un état d’aélion qui tende à en
altérer l’organifation. Dans toute autre efpèce
de tumeur dont les progrès font lents, & qui,
par fa nature, ne caufe pas d’irritation fur les
parties voifines, la peau ne perd jamais fa force
contraélile affez entièrement pour qu’elle ne
puifle revenir à fes dimenfions naturelles, lorf-
que la caufe à laquelle elle avoir cédé n’exif-
rera plus*, on voit même qu’après l'extirpation
des tumeurs les plus conlidérables des feins, fi
la peau n’a pas été enlevée , elle fe contràéle
bientôt au point d’être à peine fuffifante pour
recouvrir la plaie, à moins qu’on n’ait employé
des moyens propres à la contenir.
Cela étant ainfi, l’on n'aura pas de peine à
comprendre qu'il ne faut jamais, lorfqu’on fait
une opération, détruire ni enlever aucune partie
de la peau, fans une néceifité indifpenfable;
car moins on en aura ôté, moins la cicatrice
aura d’étendue, & moins la partie demeurera
fujette à être irritée par des impréflïons extérieures,
ce qui diminuera la chance d’un retour
de la maladie au même endroit. Nous voyons,
par exemple, que l’on efi bien plus sûr de procurer
une guérifon complette du cancer à la
lè v re , lorfqu'après l’opération on réunit les
bords de la plaie par la future entortillée, de la
même manière qu’on a coutume de le faire pour
le bec-de-lièvre, que lorfquon laiffe la plaie fe
guérir fans, avoir tenté cette réunion, ce qui
rient fans doute au peu détendue qu’on donne
par ce moyen â la cicatrice.
Lorfqu’en extirpant une tumeur cancéreufe du
fein ,_ on enlève une certaine quantité de peau ,
comme beaucoup de Chirurgiens font encore
dans l’ufage de le faire , on laiffe toujours une
plaie fort étendue, qui paroît même beaucoup
plus grande que n’étoit le diamètre dé la tumeur.
On donne lieu de cette manière à une
abondante fuppuration qui efi toujours fâcheufe,
fur-tout chez des perfonnes d’une conftitution
délicate, la guérifon a de la peine à s’achever,
& la cicatrice laiffe les parties d’autant plus
expofées quelle efi plus étendue. Si au contraire
on difsjèque la tumeur fans rien retrancher de
la peau, ou en n’ôtant que ce qui efi décidément
altéré par la maladie, & fi l’on rapproche
les bords d’une manière à les mettre en contaél,
lorfque la chofe efi poflible, on abrège extrêmement
la c u r e ,& l’on obtient une cicatrice,
non-feulement moins difforme, mais, bien plus
fojide & ‘ qui met les parties beaucoup plus à
l'abri de tomé efpèce d’irritation.
M. Fearon qui a plus que perfonne infiflé
fur l’importance de confèrver, autant qu’il efi
poflible, toute la peau qui recouvre une tumeur
çancéreufe, recoinmande aux Chirurgiens d’être
C A N
très-attentifs après l ’opératiôn à mettre parfaitement
en contaél les tégumens avec les parties
fubjacentes, afin d’exclure abfolument toute particule
d'air qui pourroit demeurer entre déux ;
parce que, fans cette précaution, l’air renfermé
dans la plaie tenant les parties écartées, favori-
feroit la fuppuration , & retarderoitla guérifon.
4.0 Lorfqu’on a retranché toutes les parties af-
feélées par le Cancer, fi la peau que l'on a
confervée ne fuffit pas pour recouvrir toute la
plaie, & fi les vaiffeaux continuent à fournir
une certaine quantité de fang, l'on eft dans
l’ufage de panier la portion de plaie qui demeure
à découvert > avec de la charpie sèche ,
ou humeélée avec de l’eau. On la traite enfuite
comme un ulçère produit par toute autre caufe.
Lorfque l’on peut la couvrir toute entière de
peau, après avoir fixé les bords de celle-ci les
uns contre les autres avec des languettes d’emplâtre
adhéfif, ce qu’il y a de mieux à mettre
par-deffus font des plumaceaux enduits de cérat
fimple. Nous reviendrons ci-après fur ce qui regarde
le panfemenr.
5.0 Une précaution généralement regardée
comme néceffaire pour mettre à l'abri d’une rechute
ceux qui ont fubi l’opération du Cancer,
fur-tout dans les cas où la maladie eft ancienne,
& où^elfe s’eft déterminée fans caufe extérieure
apparente, c'eft d’établir un cautère, & de le
faire fuppurer avant que la cicatrice foit fermée
*, on a même quelquefois cru qu'il étoit convenable
d’en établir plufieurs à-la-fois.’D’autres
Praticiens ont recommandé de former un pareil
exutoire dans la partie même d’où l’on a enlevé
la tumeur cancéreufe ; mais cette pratique n'eft
pas fans danger, il n’eft pas impoffible que l'irritation
qu’on excite àinfi dans une partie déjà
difpofée peut-être par la maladie qui a précédé,
à l’iilcération cancéreufe, n’occafionné un retour
du Cancer- au lieu de le prévenir. On a même vu,
fuivant M. le Dran, des champignons cancéreux
repouffer dans la cavité d'un pareil câutère,
qui probablement n’auroient pas eu lieu fi l’on
fe fut appliqué à favorifer la prompte cicatrisation
de la plaie plutôt que d'y établir un fem-
blable écoulement. Si l’on fe détermine à faire
un cautère, il faut le placer dans quelqu’autre
endroit ou l'on n'ait rien de pareil à craindre.
Au refte, il y a tout lieu de douter que ce
moyen air, en aucun cas, l’efficacité quon lui attribue
, de mettre à l’abri des retours de la maladie
les perfonnes qui ont été opérées, puifqu’on a
vu des rechûtes chez dçs perfonnes pour qui
1 on en avoit fait ufage , & qu’un grand nombre
fe guérifient parfaitement fans y avoir recours.
Il n’y a aucune partie da corps qui foit tout-
à-fait à l’abri du Cancer; mais celles qui font
principalement le fiège de cette maladie, font
les mammelles > la peau du vifage & fur - tout
des livre s, & les tefticules. Nous renverrons
aux articles
C A N
aux articles Castration & Sarcocele ce
qui concerne l’opération fur ces derniers organes,
nous bornant ici à décrire celle qu’exige la maladie
lorfqu’elle affl-éle les feins, ou les lèvres*,
on déduira aifément de cette defcription le procédé
opératoire à fuivre lorfque le Cancer aura
fon fiège en quelqu’autre partie du corps. Nous
commencerons par ce qui regarde le Cancer &
l’amputation du fein.
Du Cancer au fein & de la manière de l’opérer.
Outre le Cancer proprement dit > les feins
font fujets à d’autres affeéHons dont il efi important
de pouvoir les difiinguer. Ces affeétiôris
font les tumeurs fcrophuleules, les gonflemens
phlegmoneux produits par une obflruélion lai-
teufe, & les duretés caufées par quelque coup
ou antre accident extérieur.
On dîftingue aifément les tumeurs fcrophu-
leufes de celles qui font vraiment fquirrheufes,
parce qu elles ne font accompagnées ni de douleur
ni d’aucune fenfation incommode, même
lorfqu’elles ont. acquis un volume confidérable,
à moins qu'elles ne tendenr à fuppurer; alors
elles occafionne'nt, pour l'ordinaire, de la fièvre
qui augmente en proportion de l’inflammation ;
au lieu que le Cancer n’excite prefquè jamais de
fièvre, quoique lorfque les douleurs font très-
vives ƒ le pouls s’accélère quelquefois momentanément,
mais en devenant plus petit au lieu de
s élever. La peau fe tend, elle devient rouge
& liffe fur la tumeur fcrophuleufe qui fuppure,
elle n’a jamais cette apparence inégale & froncée
qu’on obferve fur le Cancer prêt à s’ouvrir, &
la matière qui en fort eft un pus louable que
le Cancer ne produit jamais. On ne voit pas non
plus que les mineurs fcrophuleufes donnent lieu
à la formation d'aucune dureté douloureufe dans
les glandes de l’aiffelle ; elles cèdent aufli beaucoup
plus facilement aux remèdes internes &
externes, tels que la ciguë, les mercuriels, les
topiques faits avec les préparations de plomb,
dont les effets obfervés dans des cas de cette
nature ont pu induire en erreur ceux qui ont
cru avoir guéri dés cancers par leur moyen.
, Quant au phlegmon du fein auquel les nourrices
font fujettes, il reffemble tellement dans fa
formation, Tes progrès, & fes diverfes termi-
naifons, aux tumeurs de la même nature qui
fe forment en d’autres parties, qu’il ne fauroit
y avoir aucune difficulté à le difiinguer d’une
affeélion cancéreufe. Le phlegmon ne dégénère
jamais en Ganter, & il ne paroît pas que cette
dernière maladie foit plus fréquente chez les
perfonnes qui ont beaucoup fouffert de la première
que chez d’autres.
Les duretés qui fe forment dans les feins en
conséquence d’accidens extérieurs font au con-
ttaire très-dangereufes, & méritent la plus fé-
Chirurgie. Tome J.tr Partie.
C À N 165
rieufe attention ; car nous n’avons aucun moyen
de reconnoître quelle efi précifémenr leur nature ,
ni aucune certitude qu’une tumeur de ce genre ne
^dégénérera point en Cancer. Tout ce qu’on peut
dire, c’eft que la tumeur occafionnée> par un
coup', menace un peu moins de pr.endre cette
tournure fâcheufe, que celle à laquelle on ne
peut pas aflïgner-de caufe pareille; & que lorf-
qu’elfe fe manifefte promptement à la fuite d’une
caufe extérieure, cela paroît être une circonf-
tance plus favorable que fi elle ne furvient qu’un
certain tems après j dans l’un & l’autre cas cependant
cette tumeur peut demeurer indolente pendant
bien des années, mais elle peut aufli faire
tout-à-coup des progrès rapides, devenir douloureufe
, & manifefter d’autres fymptômes qui
ne laifleront aucun doute fur fa nature, auquel
cas il faudra fe hâter d’en faire l'extirpation.
Nous allons parler à préfent de la manière do
faire cette' opération.
ce Si le Cancer eft encore mobile, dit Heifter,
35 & n’occupe qu’une partie de lamammelle, on
33 fera affeoir la malade fur un fiège commode
» & un peu plus élevé; on lui étendra le bras
du côté affeéïé en droite ligne, ou on le fixera
33 en bas & en arrière en l’attachant à la chaife
33 avec une ferviette; le grand peéloral étant alors
33 fortement déployé, il fera plus facile d'en fépa-
33rer la partie de la mammeile qui efi cancé-
33 reufe. Beaucoup de Chirurgiens font en ufage
33 dè faire au milieu de la tumeur une grande
33 incifion cruciale à la peau , & à lagraiffe quicou-
33 vrent le Cancer,- ils difsèquent enfuite les quatre
33 lambeaux qui réfuitent de i’incifion, & lorfqu’ils
33 ont bien dégagé la tumeur de toutes les part
i e s circon voifines, ils l’emportent fans en rien
33 laiffer. Afin de pouvoir lefaireavec plus d’exac-
33titude & de facilité , quelques-uns' veulent
33 qu’on la foulève avec un cordonnet de fil qu’on
33 y^ paffe à travers, au moyen d’une grande
33aiguille, ou avec l'érigne, ou un crochet. J ’ai
33 extirpé plufieurs fois des Cancers plus grès que
33 le poing, & qui s’étendoient depuis le mam-
33 melon jufqu’à l’épaule, en faifant nne fimple
>3 incifion longitudinale avec un biftouri convexe,
33 & je fuis parvenu à les féparer très-exaélement
33des^ parties faines; après quoi j ’ai cicatrifé la
33 plaie. Lorfque la peau eft alrérée, ou. fortement
33 adhérente au Cancer, on ne peut efpérer de
33 guérifon fi on ne l’emporte entièrement avec
33 la tumeur.
33 Si le Cancer foit occulte, foit ulcéré occupe
3 3 toute la mammeile, on ne peut fe difpenfer
33 d’emporter cette dernière en entier; mais il faut
33 examiner auparavant fi la tumeur eft adhérente
33aux glandes axillaires, ou au roufcle grand
33 peéloral, parce que, dans l'un & l’autre cas, la
33 plupart des Auteurs prétendent que l’opération
33 eft abfolument infruélueufe, & ceft en effet
» ce que j’ai éprouvé quelquefois.