le crifiallin n’en feroit pas moins probable par un
fait hors de tout doute, je veux dire la formation
fubite de la Cataraéle. J’en ai pardevant moi
deux exemples *, dans l’un l’opacité la plus com-
plette furvint en peu d’heures à compter du moment
où le premier fentiment d’obfcurité commença
à fe manifefter; fait qu’il eft difficile d’expliquer
en admettant tout autre fuppofition, &
d’autant plus que la vue revint comme précédemment
, dès qu’on eut fait l'extraction du
crifiallin. >5
Il efl aifé, pour peu qu’on ait fuivi tous les
points de théorie que nous venons d’établir,
de reconnoître les différentes efpèces de Cata-
raéte que nous admettons, & les moyens de gué-
rifon qui leur font propres. Ceux-ci font difiin-
gués en médicaux & en chirurgicaux. La Médecine
n’offre que des moyens inefficaces dans le
traitement de la Cataracte chez les vieillards &
même fouvent chez les adultes*, on les prend
ordinairement parmi les délayans & les incififs
que l’on croit atténuer & divifer la lymphe, tels
font les bains ; l’eau-de-veau, le petit lait, les
jus d’herbes * la çoquelourde, l’extrait de juf-
quiàme, de cigüe & les cloportes. Ces derniers notamment
ont été Singulièrement en vogue,& plus par
l’efprit de routine qui conduit le plus grand nombre
des Praticiens adonnés au traitement des
maladies des yeux, que par une efficacité réelle
& bien prouvée. Les mercuriaux , notamment
le calomel, ont eu quelquefois des fuccès heureux
dans les cas où l’on foupçonnoir une infection
vénérienne *, de nos jours oh a également
vanté l’éleCtricité *, mais les fuites n’en ont point
été heureufes. Nous n’en dirons point de même
des dépuratifs, des exutoires, & notamment des
fêtons & véficatoires, dans les cas où la maladie
furvient à une gale ou à une dartre répercutées.
Les Obfervateurs fourniflent des faits où
ces moyens ont eu le plus grand fuccès, on ne
peut donc que bien faire d’y avoir recours en
pareil cas, & d’y infifier long-temps. Cependant
le plus fouvent ils font inefficaces, & alors il
faut nécessairement en venir à l’opération; mais
il ne faut s’y déterminer que quand la Cataracte
efi bien mûre. On préfume quelle eft telle, i.°
quand la couleur en eft égale par-tour, les marbrées
font ordinairement cafeufes, elles n’ont
point une confiftançe égale dans tous leurs points-,
auffi n’ont relies pas affez de fermeté pour fou-
tenir l’aiguillé ; elles fe. partagent en différentes
parties, ce qui rend fouvent infruétueufe la mér
fliode par abbaifîement. 1 ° Quand les malades
n’apperçoivent plus qu’une foible lumière, qu’ils
ne voyent que l'ombre des corps qu’on paffe
devant leurs yeux, lorfque, dans cet état, l’iris
fe dilate à l’obfcurité, & fe refferre au grand
jour, on peut entreprendre l’opération; cependant
le D, Wenzel cite plnfieurs exemples de
fticcès,- dans les cas même où il n’y avoit aucun
mouvement dans l’iris. Il convient de n’y avoir
recours qu’autânt que l’autre oeil commencé à
être affe&é, car il y auroit tout à craindre que
la fouftraétion du criftallin affeété ne changeât
le foyer de l’autre, & ne dérangeât ainfi la vifion
comme on l’a vu arriver. Les Chirurgiens prennent
pour la faire le tems qu’ils appellent d’élection
, c’eft ordinairement le printemps ou l’automne
; ils choiliffent un beau jour, & particulièrement
le matin. On y prépare le malade par
quelques faignées, un régime antiphlogiftique, &
des bains fuivant les circonfiances.
Le procédé confifte dans l’emploi des moyens
propres à déplacer le criftallin de l’axe de la vi-
fion , ce à quoi l’on parvient par fon abbaiffe-
ment ou par fon extraction. Ces deux méthodes ne
font point également admifes, quelques Praticiens
regardant l’extraélion comme préférable à-
toute autre méthode, pendant que d’autres préfèrent
encore celle par abaiflement. Etabliffons
d’abord les procédés de chacune de ces opérations,
& nous verrons enfuite quels pourroient être pour
l’une ou l’autre les motifs de préférence ou d’ex-,
clufion.
D e Vabaijfement- de la Cataracte..
Cette méthode eft très-ar.cienne, elle étoit pra*
tiquée long-tems avant qu’on connût la vraie nature
de la CataraCte, ainfi qu’on le peut voir chez les
Auteurs qui vivoient vers le commencement de
l’Ere chrétienne. Elle confifte à porter, avec une aiguille,
le criftallin du lieu qu’il occupe ordinairement,
à la partie inférieure delà chambre pofté-
rieure derrière l’iris. Cette méthode eft la première
qu’on ait mife en pratique , elle éroit celle
de Celfe, ainfi qu’on le voit dans fon ouvrage
, où elle eft très-bien décrite. Par ce procédé
, l’obftacle qui s’oppofoit au5 paffage des
rayons lumineux , eft éloigné de 1 axe de J a vifion
, & quoique la vue ne^revienne jamais au
point où elle étoit précédemment, cependant elle
fuffit encore aux befoins les plus néceffaires de la
vie. Le criftallin fixé en cet endroit, après la rupture
de fa capfule, & n’ayant aucune force par
lui-même pour remonter où il étoit , eft forcé
d’y refter , & privé de fes communications, il fe
diffout plus ou moins promptement, félon la con-
fiflance qu’il avoit au moment où on l’a abbatu.
L’opacité produite par la difperfion de l’humeur
purulente qifil renferme, difparoît communément
peu de jours après l’opération. Les Cataractes qui
ont plus de confiftance, ne fe diflblvent guères,
qu après plufieurs femaines, & dans quelques cas
on a vu encore, plufieurs mois après, une petite
portion du criftallin qui netoir point difloufe,
mais cela eft rare, ainfi qu’il eft cqnftaté par fe plus
grand nombre d’obfervations. Le D. Wenzel
cite cependant des cas où elle n’a point gu iieuf
Les Anciens qui avoient. toujours regardé la
Cararaéle comme ufie membrane particulière , inventèrent
les inftrumens conformes à leurs opinions.
Les uns employèrent des aiguilles rondes,
aiitour defquelles ils s’imaginoient rouler cette
prétendue membrane, comme l’on feroit d’un ruban
autour •d’un bâton *, lès autres en inventèrent
d’extrêmement aigues, pour faire moins de divi-
fion à la felérotique *, quelques - uns fe fervirent
de tranchantes pour couper les filets, qui félon
eux, attachoient laCataraéle aux procès ciliaires.
Roche Mathioli imagina un pinceau de fils d’or ,
propre à paffer à travers une canule qu’il
portoit dans l’oeil*, il fe flatroit d’embraffer la
CararaCte dans fon pinceau , & de la retirer avec
facilité hors de l’oeil. Freiftag alla même jufqu’à
imaginer une efpèce de pincettes à refforr, terminée
en aiguille, avec lefquelles il fe propofoit
d’extraire la cataraéte membraneufe hors de l’oeil.
Depuis, l’on a vu que toutes ces aiguilles étoient
abfoiument inutiles, & qu’on pouvoir tout auffi
bien opérer avec une feule, comme on le verra
dans le procédé que nous allons indiquer.
L’opération décidée, on fait mettre le malade
fur une chaife qu’on place vis-à-vis d’uné fenêtre
à*une diftance convenable, & un peu de biais,
afin que la lumière du foleil ne frappe point à
plomb fur le vifage; l’expofition au nord feroit pour
cette raifon la plus favorable. L’Opérateur s’affied
fur une chaife un peu plus haute , & vis-à-vis
-de lui , afin d’opérer commodément. S’il n’y a
qu’un oeil cataraÇté, il appliquera fur le fain une
comprefle en plufieurs doubles avec une bande
pofée obliquement-, un aîde qui eft debout derrière
le malade, lui appuyéra fa tête contre fa poitrine.
Tout étant ainfi difpofé, il prendra l’inftrument
deftîné à opérer, & dont on trouve les différentes
formes dans les Planches *, celui qui nous paroît
le plus convenable eft compofé d’une aiguille
applatie à fa dernière extrémité, & fe terminant
par trois points, & d’un manche fur lequel fe
trouve une raye de couleur différente, & qui
répond au plat de l’inftrmnent. Cette' aiguille
eft repréfentëe dans les Planches qui ont rapport
à cet article, elle pénètre plus facilement que les
rondes, & abbat beaucoup mieux la cafa'raéte.’
Le malade tournant l’oeil ouvert comme s’il vou-
loit regarder fa tempe, l’Opérateur lui recommande
le tenir auffi ferme qu’il peut en cette fitua-
tion. Alors il pofera le doigt indicateur de la
main droite, fi c’eft l’oeil gauche fur lequel il
opère, au-defîous du fourciï, & le pouce fur la
pomette de la joue, & en écartant ainfi les deux
doigts, il tiendra les paupières ouvertes autant
qu elles pourront l’être. Quelques-uns pour écarter ,
ainfi les paupières & fixer l’oeil plus sûrement;
le fervent d’un infiniment qu'ils appellent fpecutum
oculi) if en* eft de plufieurs efpèces qu’on peut
voir dans les Planches 5 mais les inconvéniens'
quon y trouve en ont fait rejetter l’ufage, ainfi j
que nous le dirons en parlant de la méthode par
extraction.
Il eft effentiel pour l’Opérateur que la main qui
doit agir foit fermement fixée ; il ne réufura
en cela qu’autant que fon coude fera convenablement
appuyé. H le pofera donc fur lune table
difpofée à cet effet, ou ce qui vaut encore mieux
fur l’un de fes genoux, mais alors il faut que
fon pied foit lui-même fiable fur un des bâtons
de fa .chaife, de manière que le coude étant placé,
fa main vienne à-peu-près au niveau de l’oeil du
malade. La plupart des Opérateurs croient que
leur main eft affez ferme, quand le petit doigt
& l’annulaire appuient fur la joue, ou la*tempe
du malade ; mais cela n’eft pas toujours. Auffi la
méthode que nous prescrivons eft-elle fans contredit_
préférable ; car, avant tout, il faut être à
fon aife, Jorfqu’on pratique quelqu’opération que
ce foit. Alors l’Opérateur tenant l’aiguille de
la main gauche, fi c’eft l’oeil droit fur lequel
il opère, & de la main droite fi c’eft l’oeil gauche,
à-peu-près de la même manière qu’on tient
une plume à écrire, il place le petit doigt &
1 annulaire fur la tempe pour que fa main ne
puifte vaciller, & il piquera hardimènt la felérotique
au côté du petit angle à une ligne & demie
environ du cercle extérieur de l’iris, & un peu
au-deffous de la ligne diamétrale de la cornée,•
qu’on imagineroit aller d’un angle à l’autre, afin
de ne point piquer les nerfs ciliaires, Voyez ce
procédé rendu dans les Planches. Il fait entrer
l’inftrumentde manière que fon plat regarde i’uvée,
il continue de le poufler dans cette direction,
pour ne point bieffer les vaifieaux de cette membrane
, & lorfque fa pointe paroît à travers &
derrière la pupille, il fléchit Je doigt, & par
ce procédé, la pointe s’abaiffe, & ainfi il incife
en tirant légèrement à lui la partie inférieure de
la membrane capfulaire, puis il reporte la pointe
dans la même direction, en fuivant un mouvement
contraire avec le manche de l’infirumenr, jufqu’à
ce que là pointejfoît parvenue à la partie fupérieure
du criftallin. Alors tournant le manche entre les ;
doigts jufqu’à-ce que la facette noire devienne
fupérieure, ce qui indique que le plat de l’inf-
trument regarde le"bifeau du criftallin, il appuie
vers le bas dé l’oeil , & déprime ce corps
vers la partie inférieure de l’iris. On s’ap-
perçoit du fuccès de fon opération, quand on
voit dîfparoitre l’opacité à travers la pupille ,
& que le malade annonce qu’il voit mieux que
précédemment. En faifant inférieurement l’incifion
que nous recommandons, il y a moins à craindre
que. le criftallin revienne en fon premier lieu,
car alors il trouve une ouverture qui permet facilement
fon iflùe, & la capfule ne flùroit plus en-
fuite le ramener. Pour n’avoir point pris celle précaution,
il eft arrivé quelquefois que le criftallin
eft remonté fitôt qu’on eefîbir d’appuyer deffus
avec la pointe de l’aiguille. Ce retour du çrif