La carie des Dents diffère encore effentielterrent
de celle des autres ©|, en ce qu’elle neft
jamais accompagnée d’exfoliation. La partie faine
n’a pas le pouvoir d’agir fur celle qui eft cariée
pour la détacher, elle n’efi pas organisée de manière
à former une nouvelle forface qui la mette
à l’abri des impreffions extérieures, comme cela
s’obferve ailleurs dans les os ; mais cette faculté
ne lui efl pas auffi néceflaire qu’à ceux-ci,
parce qu’une Dent, devenue abfolument infen-
fible par la carie, peut fervir encore * & fou-
vent même demeurer prefqu’auffi utile qu’une
Dent faine.
L« mal de Dents efl une douleur beaucoup
plus vive que celle qui réfulteroît d’ une inflammation
femblable en toute autre partie du corps,
au moins dans la plupart des cas^ ; ce qui fient
probablement de ce que les parties affeèlées ne
font pas de nature à pouvoir aifément céder,
& à faire place aux vaifteaux diflendus par [’inflammation.
Le malade rapporte ordinairement fa douleur
à la partie originairement affeélée , favoir,
au centre de la Dent. Quelquefois cependant il
fe trompe fur fon véritable liège; il ne la rapporte
pas à la Dent d’où elle provient, mais à
quelque autre qui même peut être parfaitement
faine; ce qui a Couvent induit en erreur des Chirurgiens
peuxircônfpeèls y & les a engagés a arracher
des Dents auxquelles ils n’auroient pas du
toucher.
Dans tous le» cas de maux de Dents, la doule
u r , pour l’ordinaire, efl ramenée par des cir-
conflances teratà-fait étrangères à la maladie. L’im-
preffion du fro id , celle fur-tout d’un courant d’air
froid & humide, eft une des caufes qui produifenr
le plus Couvent cet effet ; auffi les maux de Dents
font-ils bien plus fréquens en Biver qu’en Eté.
Les liqueurs chaudes & toutes les particules d’ali-
mens , celles particulièrement qui renferment
quelque principe falin , lorfqu’elles viennent en
eontaâ avec l’intérieur de la Denf, ont auffi la
plus grande aptitude à ranimer ce fymptôme.
Cette douleur revient fouvent d’une manière
périodique; quelquefois elle s’appaife complette-
rnent ; d’autres fois elle ne fait que diminuer dans
les intervalles/, le redoublement a lieu toutes les
vingt-quatre heures y ordinairement vers le foir.
Cette périodicité a , dans bien des cas, engagé les
Praticiens à adminiflrer le kmkinar & fouvent ils
l’ont fait avec fuccès.
La carie des Dents, fur-tout quand elle a mis
leur cavité à découvert y rend fouvent [’haleine
fétidei foit que cela vienne de la putridité de la
partie affeétée , ou de celle des particules d’ali-
mens mêlés de falive qui féjournent dans cette
cavité, & qui font expofés au degré de chaleur
de la bouche, bien fuffifant pour leur faire contrarier
un degré confié érable de put r é g io n .
Du Traitement des maux de Dents»
Quant au Traitement de la maladie que nom
venons de décrire , nous confidérerons, i.°celui
de la carie fuperficielle, ©u les moyens d’en prévenir
les progrès. z.° Celui qu’exigent la douleur
lorfque la carie a pénétré dans la cavité , & l'inflammation
qui en efl la conféquence. Nous renverrons
aux articles Antre Maxillaire ?
Gencive , Mâchoire, &c-> celui des rliffé.
rentes affeflions des parties voifines des Dents
qui font- déterminées par la maladie de ce!! i0
§ I er. De la: DefiruSion de lar partie car:',;:
et une Dent.
Quelque léger que paroifiè le mal dans fes-
commencemens, ilell très-difficile, & mérr ci ; j
la plupart de$ cas , il cil impoffibie d’en empêcher
les progrès. Quelquefoj-s cependam c>n &
réuffi en emportant avec là lime la portion cariée
, & l’on a confervé la Dent , qui a duré auffi.
long-tems enfuite que fi jamais elle n’eût foufferr..
Mais ce moyen ,. qu’on ne dèvroit pas négliger,
lorfqu’on petit l’employer à tems, n’efi pas fréquemment
adiniffiblé; car,outre que lalituation
de la partie affeèlée- n’efi que rarement favorable^
toutes les fois que la; carie a pénétré dans
l’intérieur de la Dent, il feroit parfaitement'inutile
d’y avoir recours; on ne feroit qu'accélérer les
progrès du mal, & fe priver des autres moyens
de foulagement qui relient encore. Il n’y a que les
Dents de devant & les premières molaires for
lefquelle9 on puiflè appliquer la lime avec facilité
; mais1, pour le faire avec fuccès, il ne faut
pas limer de manière que la fur face nouvelle de
la Dent fe trouve tournée vers le dehors,. il faut
au contraire faire en forte qu’elle regarde le plus
qu’il fera poffible l’intérieur de la bouche, ^afin
d’empêcher que l’air extérieur ç e la frappe di*
reélemenr. Ainfi , lorfqu’une Dent commence à
fe carier fur le côté, comme c’cfl l’ordinaire,,
fi Fou fe détermine à enlever la partie affeétée,
il faut limer la Dent le plus obliquement que
l’on peut, vers le .dedans de la bouche , jufqu’à
ce qu’il ne refie plus de trace de carie ; .cette
opération réuffira plus fûrement encore fi la carie
efl plutôt fur l’intérieur que fur le côté. Mais
fi elle attaque la partie antérieure de la Dent „
elle ne tardera pas à repa roltre lors même que
tout ce qui étoit caiîé auroit été emporté par la
lime.Le fuccès d’ailleurs de cette opération fera
toujours d’autant plias certain que la carie fera
moins profonde, & que l ’on fe fera plus hâté
d’y avoir recours.
Ç. 2. De VObturation des Dents cariées.
Si la carie efl trop avancée pour que l’on puiffë
l’empoiter avec là lime, il faut tâcher d’en arrête*
les progrès. On emploie, pour cet effet, différons
moyens dont nous allons détailler les principaux.
.
Le premier & celui dont on fait ufage le plus
ordinairement, c'efl d’empêcher tout accès de l’air
à la furface interne de la cavité, en la remplif-
fant & en bouchant exaélement fon ouvertuie.
On fe fert dans cetre intention de cire, de maf-
tic & d’autres fubflances analogues, mais fur-
tout de feuilles d’o r , d’étain ou de plomb. Lorfque
l’ouverture extérieure formée par la carie efl
plus large que le refie de la cavité, il n’efi pas
aifé de la boucher efficacement ; en pareil cas,
cependant on pourra quelquefois le faire avec un
peu de c ire, ae raafiic ou de gomme laque qui
demeureront en place plus folidement que ne
feroient des fubflances plus dures ; mais, comme
elles s’ ufent bientôt par la maflication, on efl
obligé de les renouveller fréquemment.
Mais, lorfque la cavité formée parla carie n’efi
pas très-grande, & fur-tout lorfque fon ouverture
extérieure efl plus étroite que le refie, on
la remplit exaélement avec quelqu’un des métaux
indiqués ci-deflùs ; lorfqu’on fait cette opération,
cela s’appelle plomber une Dent, quoiqu’en général
Fon préfèt e , pour cet ufage, l’étain fin battu
en feuilles très-minces, tel qu’on l’emploie pour
éramer les glaces. L ’or & le plomb doivent également
être mis en feuilles très - minces, fi Fon veut
6en fervir préférablement à l’étain.
Pour plomber une Dent, on coupe la feuille
de métal en lames plus ou moins longues & plus
où moins larges, félon l’érendue de la cavité qu’on
doit remplir. On évite, autant que Fon peut, d’en
employer plufieurs, parce qu’elles tiennent mieux,
& durent davantage, lorfqu’elles font continues,
& d’une feule pièce. On pofe une des extrémités
de la lame de plomb entre le doigt indicateur de
la main gauche & la cavité cariée. On infinue ce
plomb dans la cavité, avec un inflrument adapté
à cet ufage. On tient cet inflrument de la main
droite, &*à mefure que le plomb s’introduit, on
en laide quelque peu fur le bord extérieur de la
cayité. On appuie fur celui qui a pénétré-dans la
Dent, avec l’inflrument, pour le prefîer autant
qu’il efl poffible; cependant, fi la cavité efl trop
fenlible, il ne faut appuyer que légèrement, le
contenter de l’introduire dans la cavité, feulement
pour le faire tenir un peu, le fouler un ou
deux jours après , & continuer ainfi jufqu’à ce
qu’il foit fumfamment foulé & arrangé , fuppofé
que la douleur n’ait point augmenté. Par ce moyen,
on accoutume mieux à la preffion du plomb les
parties fenfibles de la Dent, & l’ on en élude la
douleur. Pour ferrer davantage le plomb, on le
perce de plufieurs petits trous le plus profondément
que l’on peut avec un infiniment pointu ,
puis on le foule de nouveau avec un fouloir
toouffe, & Fon rabat en même*tems vers le mtlien
tout le plomb gui étoit demeuréà la circonférence
de la carie ; après quoi on polit la fur-
fkee extérieure du plomb avec un inflrument convenable
, & l'on obferve que le plomb ne déborde
pas le niveau de la circonférence du trou
qu’on a rempli. Voyc^ les planches, pour les inf-
trumens néceflaires à cette opération.
Il arrive fouvent que la Dent cariée eft trop
fenlible pour qu'on puifle la plomber, & qu’on
eft obligé avant de l'entreprendre, ou de lui laif-
fer perdre fa lenfibilité, comme elle la perd quel-
quefois naturellement, ou de l ’amortir en intrp-
duifant tous les jours dans fa cavité de l’effence de
menthe poivrée, de girofle ou quelqu autre huile
eflsntielfe, ce qui peu-à-peu diminue la fenfïbilité
du nerf, & le met en état de fupportet facilement
une preffion qui, auparavant, n’eût pas manqué
d’exciter la plus vive douleur.
Lorfqu’une , Dent a été plombée avec foin, on
voit allez fréquemment que la carie n y fait plus
de progrès, & quelle fe conferve dans le même
état pendant nombre d’années ; mais il faut pour
cela qu’on ait eu recours à ce moyen de bonne
heure, & avant que la Dent ait perdu une portion
confidérable de fa fubfiance ; car fi elle a été
cre.ufée profondément, 8c de manière à affoiblir
beaucoup fes parois, l’on ne peur pas preffer le
plomb fuffifamment fans courir le rifque de la
cafter, ou bien elle ne tarde pas à céder aux
efforts de la maflication, à moins que le malade
ne foit très-attentif à ne pas s’en fervir trop librement.
Dans les cas où la cavité eft trop évafée
pour que le plomb puifle y tenir, mais où cependant
les côtés de la Dent fubfiflent encore, on a
recommandé de les percer & d’y introduire une
goupille qui le fixerait ; mais il eft aifé de voir
que ce moyen ne feroit jamais d’une grande rèf-
fource, puifqu’il ne manquerait pas d’augmenter
la fragilité de la Dent, fur-tout dans le cas dont
il s’agit, où la cavité étant déjà fort grande,
les côtés de la Dent font trop amincis pour pouvoir
fupporter un grand effort.
Les perfonnes, qui ont de mauvaifes Dents &
qui en ont beaucoup fouffert, doivent être très-
attentives à éviter les impreffions de l’air froid ;
elles fe trouveront bien d’avoir la tête paisiblement
couverte la nuit, & d’habiter un lieu dont
l’air foit auffi fec que poffible. En général, nous
voyons que l’air humide eft pernicieux pour les
Dents, & que, dans les pays où il l’eft habituellement
, très-peu de gens Xonfervent les leurs.
Quelquefois on fe délivre tout-à-fàit des maux
de Dents en fortant d’un pays humide pour aller
demeurer dans un lieu plus fec; mais ce moyen
n’eft pis à la portée de tout le monde, & l’on ne
fauroit apporter trop d’attention à ceux qui peur
vent Être d’un ufage plus général.
D d d ij