55 le moignon ne prenne pas la forme d’un pain
95 de fuçre. >5 •
Obfrvations fur cette Méthode.
Cette méthode propofée par M. Alanfon , &
qui paroît avoir eu beaucoup de fuccès, diffère
fur-tout de celle que nous avons décrite ci-deflus,
dans la manière de divifer les mulcles, & par
la polition qu’on donne aux tégumens en les rapprochant.
C’efl aux Praticiens à décider laqueUe
doit avoir la préférence. 11 n’efl pas douteux qu en
fuivant la méthode de M. Alanfon , on ne puiffe
former un très-bon moignon ^ cependant la cavité
qu'il fait dans les mufcles par fon incilion oblique eff
fujette à retenir le pus, & ne permet pas au moignon
de fe cicatrifer d’une manière aufli égale & au (fi
uniforme, que lorfque les chairs ont été coupées
perpendiculairement à l’os. Probablement que
M. Alanfon, dans fa pratique, a trouvé le moyen
d’obvier à ces inconvéniens jil eff permis de le conclure
d’après les obfervations qu il rapporte, mais
cela ne fera peut-être pas également faci le à tout Chirurgien
qui voudra amputer fuivant fa méthode. 11
©bferve très - j udicieufem ent qu’après l’Amputation
de la cuiffe, il convient qu’il refte , au bout du
moignon, une quantité de chairs fuffifante pour
former un couffin entre l’os & la machine
qui doit remplacer la jambe pour marcher \
que plus il y en à , plus l’extrémité de l os . fur
laquelle la preflion eff fur-tout incommode , fe
trouve éloignée de la furface de la machine j
& qu’alors la circulation fe maintenant avec plus
de vigueur autour de l’extrémité de l’os, il y a
bien moins lieu à en redouter l'exfoliatipn. Or
il eff évident que l’extrémité de Vos fera moins
recouverte de chairs, lorfque -, par l’incifion obliqué,
on en aura enlevé une grande partie , que
lorfqu'on n’en aura point retranché, fi Von a foin
de fcier l ’os à une certaine diflance de 1 extrémité
des mufcles, & que la circulation ne pourra pas
y être plus vboureufe.
Peut-être ces objections. n ont-elles pas grand
poids y mais il y en a une autre qui certainement en
a davantage, c’eft la difficulté de faire cette opération
comme l'indique M. Alanfon. Peu de Chirurgiens
feront affez adroits pour faire Vincifion
oblique des mufcles fans endommager les bords
de la peau , fur-tout pour la faire avec le tranchant
de Vinftrurnent. On comprend, comment on
peut en venir à bout avec la pointe du couteau ,
quoique cela ne foit rien moins que facile ^ mais
on ne voit pas ailément comment i l eff pôffible
de couper obliquement les mufcles, jufques à la
diftance de trois ou quatre doigts du bords de la
peau, avec le. tranchant, tout, autour de l.os,. &
d'un feul cou p, fans nuire aux tégumens. Tl
eff vrai que l’Auteur confeille d’achever Vincifion
avec la pointe*, mais encore il eff difficile
de- comprendre comment on peut la com-_
mencer avec le tranchant , fant toucher ans
parties extérieures. 11 paroît reconnoître lui-même
qu’il y a de la difficulté dans cette partie de
l’opération*, car il dit (p. 1 4 ) , que pendant
qu’un aide tient ferme les parties &- les relève,
un autre a foin d’empêcher que la peau ne foit
coupée pendant que le couteau paffe fous le
membre. Cette précaution même qu'il indique eft
une forte objection contre fa méthode. Car deux
aides dont les mains font toutes employées à-peu-
près fur la même partie, doivent non-feulement
s’embarraffer réciproquement , mais ils ne peuvent
qu’embar r a fier aufli l’Opérateur. D ailleurs il
n’efl pas toujours poffible d’a\ oir deux aides pour
une opération.
Quant à la direétion qu’on doit donner dans le
panfement aux bords de la plaie, M. Alar.fon obferve
quefielle eff perpendiculaire, la cicatrice pour l’ordinaire
, fe trouvera juftement fur l'extrémité de
Vos, ce qu’il croît pouvoir éviter en la faifant tranf-
verfale, c’eft-à-dir.e, de droite à gauche. Alors,
dit i l , quand la guèrifon fera achevée, on trou-?
i vera qu’en conféquence. de la puiffante adlion des
J mufcles fléchiffeurs, la cicatrice eft retirée en
; arrière, & que l’extrémité de Vos fe trouvecou-
I verte de l'ancienne peau,
! Nous remarquerons là-deffus que la rétraction
d elà cicatrice par les mufcles fléchiffeurs doit être
attribuée prefque entièrement à la coutume où
Von eft de relever le moignon après l’opération,
& quelle n’a pas lieu lorfqu'on a foin de le
tenijTplus bas.que le refte du corps, ainfi que
. noiîs lavons expliqué. D’ailleurs l'os fe trouve
bien recouvert par les chairs, & la cicatrice eft
fi étroite quand l’opération a été faite comme il
fau t,. qu'on ne voit pas qu’il réfulte aucun inconvénient
de la circonftance dont parle M. Alanfon.
Mais il n'en eft pas de même du féjour,du
pus dans la. plaie que fa méthode favorife davantage
, & dont on ne manqueroit pas d’obferver
fréquemment de mauvais effets , fi l'on étoit
généralement dans, l’ufage de cicatrifer la plaie
tranverfalement..
Quoiqu’il en fo i t , c’eft aux Praticiens, comme
nous l’avons' dit , à juger du mérite de cette
méthode qui repofe fur les mêmes principes que
celle que nous avons d’abord expofée j & à
décider fi < les inconvéniens que nous lui avons
reprochés , & principalement la difficulté de la
bien exécuter font fuffifans pour la faire profc
1 crire.
D e l’Amputation dé la jambe.
Nous avons obfervé qu’en faifant l’Amputation
de la cuiffe,,, il fa'.loit en conferver le plus que
Von pouvoit \ car plus il refte de longueur au
moignon ,,plus cette partie pourra être utile. Mais
j les Auteurs ont établi, prefque comme une règle
générale , que lofqu'on coupe une jambe il faut
[ le faire un peu au-deffous du genou, même.lorf-
^uè la maladie qui met dans la néceffité de faire
cette opération a fon liège à l’articulation du
pied , ou dans le voifinage , & permettroit par
cônféquent d’amputer beaucoup plus bas. La
raifon qu'on en donne eft qu’il luffit de conferver
la longueur de quelques pouces de la
jambe , pour donner au corps un point d’appui
convenable, lorfqu’il s’agira de marcher avec une
jambe de bois *, tandis que fi l’on en conferve davantage
, cette partie excédente embarrafferabeaucoup
, foit pour marcher, foit pour fé tenir aflis,
fans qu’il puiffe en réfulrer la moindre utiliré.
Si l’on regardoit comme une chofe décidée,
que la pratique ordinaire de plier le genou pour
faire repofer le corps fur fa partie antérieure eft
la feule qu'on puiffe admettre après l’Amputation
de la jambe, il n’eft pas doureux qu’il ne fût
plus convenable d’amputer au-deffous du genou
que par-tout ailleurs. Mais, comme aujourd’hui
l'on a beaucoup d’exemples de gens qui, marchent
très-sûrement avec des machines qui permettant
de faire ulàgê de l'articulation du genou , ont
de plus l'avantage d’être plus agréables à l’oeil
par leur parfaite reffemblance avec une jambe
naturelle, que ne le font les jambes de bois ordinaires
3 comme d’ailleurs l’opération fe fait
au bas de la jambe plus facilement & avec moins
de danger pour le malade qu'à fa partie fupé-
rieure,des Praticiens célèbreseftimentque toutes
les fois que la chofe eft praticable , il faut la
faire près de la cheville du pied , plutôt qu'à
l ’endroit ordinaire auprès du genou. (
M. White, Chirurgien de l’Hôpital de Man-
çhefter, dans un écrit daté de 1769 , & inféré
dans le quatrième volume des Recherches & Ob-
fervations de Médecine , par une Société de Médecins
de Londres, nous apprend que Vidée de faire
1 Amputation au-deffus des malléoles, afin de conferver
au genou tonte l'étendue de fon mouvement
, lui vint d’après un cas particulier que le
hafard lui préfenra. L ’Amputation avoit été faite
dans cette partie par une fimple incifion , & avec
un fuccès fi heureux que le malade marchoit
très-bien, même avec une machine mal conftruite.
M. White commença dès-lors à opérer au-deflus
des malléoles en faifant la double incifion -, il
imagina une machine mieux conftruite , & qui
remplit parfaitement fes vues.
En 1773, M. Bromfield publia fes Obfervations
de Chirurgie. On y lit qu'il commença d’amputer
au-deffus des malléoles vers l’année 1740,
à 1 occafion d’une gangrène dans cette partie de
la jambe. Le malade marcha fi bien à l'aide
d une machine très-fimple , foit fur un terrein
u n i, foit en montant ou en defeendant des ef-
caliers , qu’ il étoit difficile de voir qu’elle eût
perdu le pied. Dans ce tems, le même Auteur
recommanda de faire l’Amputation en cet endroit
de la jambe *, mais il ne l ’exécuta point lui-même
en étant détourné par plufieurs Chirurgiens. C’eft
pourquoi iî abandonna fon projet, jufqu’en 1754.
Il apprit alors que M. Wright avoit fait t ois
fois Cette Amputation avec fuccès. M. Bromfield
opéra de nouveau au-deffus des malléoles avec
un très-grand fuccès , & fans qu’il arrivât le
moindre accident , depuis le moment de l’Amputation
jufqu’à celui de la guèrifon.
L ’opération , avons-nous dit , eft plus facile
un peu au-deffus de la cheville du pied qu’au
haut de la jambe , parce qu’il y a moins de
parties à couper 3 car le diamètre de la jambe
eft bien plus petit en bas qu’en haut. Elle eft
aufli accompagnée de beaucoup moins de danger,
parce qu’il eft bien plus facile ici de mettre les
os entièrement à couvert avec les chairs & la
peau, & que par ce moyen on cicatrife la plaie
de la même manière & tout aufli promptement
qu’à la cuiffe. Au-deffous du genou , non-
feulement lés os font plus gros , mais l’on eft
fi peu maître de difpofer des chairs comme on
veut, que malgré tous les foirn les mieux entendus
, la guèrifon eft toujours extrêmement
lente 3 tellement que lorfqu’on fait l’Amputation
comme à l’ordinaire, à quatre pouces à-peu-près
au-deffous de la rotule, la plaie, quelqu’attenrion
qu'on apporte à la manière dont on coupe les
chairs , ne fe cicatrifera que bien rarement en
moins de dix ou douze femainés j & qu’elle
prendra même quatre ou cinq mois pour fe guérir
lorfqu'on fe contente d’opérer fuivant la méthode
ordinaire de faire la double incifion. Mais fl
l’opération eft bien faite, en coupant à quelques j>
pouces de l’articulation du pied , il ne faudra
dans la plupart des cas , que deux ou trois fer
maines pour complettér la guèrifon.
Il eft vrai qu'on a propofé de faire l’Amputation
au-deffous du genou par la méthode qu’on
nomme l’opération à lambeau, au moyen de laquelle
on obtient une guèrifon plus prompte que par
la méthode ordinaire j elle eft cependant encore-
très-longue, fans faire mention des inconvéniens
auxquels cette manière d'opérer eft fujette , &
dont nous aurons bientôt occafion de parlet.
M'ais lorfque la maladie de la jambe s’étend
affez haut pour qu’il foit impolfible de couper
au-deffous de l’endroit où l’on eft dans l'ufage
de le~ faire , eft-il convenable de faire l’Amputation
en cer endroit ? Tous les Chirurgiens jufques
à préfent ont confeillé d’amputer au-deffous
du genou , plutôt qu’au-deffus * lorfque le haut
de la jambe eft fulfiffamment fain.
Avant que les Praticiens euffent connoiffance
des derniers perfcéHonnemens qu’on a introduits
dans cette opération , ils avoient adopté cette
maxime en confidération fur-tout de ce que le
poids du corps repofoit plus facilement fur la
peau faine de la partie antérieure de la jambe ,
que fur l’extrémité du moignon , lorfqu’on aveit
coupé au-deffus du genou. Mais à préfent que
l’opération peut fe faire à la cuiffe , de manière