
large & de quatre à cinq aunes de long. On’doit !
préférer une bande de^flanelle à une bande de toile, j
parce qu’elle eft plus chaude & plus fouple. On j
mettra en écharpe le bras du côté affecté, afin d’en (
tenir les mufcles dans un état de relâchement.
La plaie fournit une férofité fanguinolente ,
affez abondante ordinairement pour percer tout
l’appareil, que l’on ôte le quatrième jour après
l’opération , fi elle s’eft faite en été , ou le cinquième
fi c’eft en hiver. A cette .époque les languettes
d’emplâtre agglunnatif fe trouvent détachées
par l'humidité de la plaie, & l’on peut
les ôter fans nuire à la cicatrice j on fi l’on a fait,
des points de future, on peut les couper avec des
cifeaux & ôter les fils. On couvre les bords déjà
réunis de la plaie avec des, bandelettes de toile
enduites de cerat, & pour en maintenir la réunion,
on rapproché encore, de part & d’autre, les tégu-
mens avec de petites bandes d’emplâtre agglutina-
tif. Au moyen de ces précautions on diminuera
encore la cicatrice, & l’on accélérera la guérifon.
En fàifam cette opération on ouvre néceflaire-
ment plufieurs petites artères , dont quelques-
unes font fu jettes à donner beaucoup de fang, &
peuvent alarmer l’Opérateur s’il n’a pas déjà une
certaine expérience ; l’inquiétude même que lui
caufe cette hémorrhagie peut l’engager à fe hâter
plus qu’il ne doit 3 pour mettre fin à fon opération.
Cette précipitation , indépendamment du
danger auquel elle l’expofe, de laiffer quelque
partie vidée par la maladie, peut avoir d’autres
conféquences défagréables *, & l’on a vu des cas où,
après avoir fait trop tôt le panfement, & misles
malades au lit , il efi furvenu une hémorrhagie
telle, qu’on étoit obligé de lever tout l'appareil
pour ôter le fang épanché & nettoyer la plaie.
Pour éviter un pareil défagrément , l’Opérateur
doit attendre patiemment jufqu’à ce que le fang
ait entièrement ceffé de couler, ce qui peut aller
de dix à vingt minutes tout au plus, fuivant la
nature du cas, avant que de mettre en place les
tégumens, & d’appliquer l’appareil. Quelquefois
il arrive qu’après cpie les artères.ont ceffé de donner
du fang, il s en fait encore un petit fuinte-
ment qui vient du mufcie peéloral, ou de quel-
qu’autre partie qu’on a été obligé d’entamer dans
l’opération. En pareil cas , il fufnt de comprimer
légèrement avec les doigts les vaiffeaux qui le
fourniffent, ou de les expofer à l’air, pour fuppri-
mer tout-à-faît cet écoulement.
Il y a une autre erreur dans laquelle on tombe
quelquefois , & qui n’eft pas moins dangereufe
que celle dont nous venons de parler ,* c'eft de
donner un cordial à la malade avant ou après
l’opération. Si l’on donne un cordial immédiatement
a*.ant l’opération, dans l’idée qu’il aidera la
malade à la fupporter, il en réfultera naturellement
que la circulation étant plus animée , l’hé-
motrhagie durera plus long-tems qu’elle n’auroit
fait fans cela, $ ).a malade fera d’autant plus affoiblie
qu’elle aura perdu plus de fang. Si l’on ne ï©
donne qu’après l’opération, dans l’intention d©
foutenir les forces de*la malade & de prévenir la
défaillance, on court le danger, en donnant de
l’aélivité'à la circulation , de fairë r’ouvrir quelque
vaiffeau qui avoit ceffé de fournir du fang, &
par-là non-feulêment d’abattre encore plus les
forces, mais encore de fe voir obligé de lever
tout l’appareil.
Dès que l’opération & le panfement font achevés
, on doit mettre la malade au lit , & la laiffer
parfoitement tranquille $ cela fuffira pour diffiper
peu-à-peu le femiment defoibleffe quelle éprouve,
& la pofition horizontale la mettra à l’abri de la
défaillance , mais lors même qu’on ne pourroit
pas l’empêcher tout-à-fait, il ne faut pas trop s’en
inquiéter, ni fe donner beaucoup de peine pour
la faire ceffer , parce qu’il ne fauroit eh réfulter
aucun inconvénient. En général il convient, lorsque
la malade efi au lit , de lui donner quinze à
vingt gouttes ou davantage de laudanum liquide,
dans quelque véhicule approprié *, on diminue
ainfi l’irritabilité des nerfs, on appaife la douleur
& l’on procure le fommeil. On peut, pendant
les premiers jours , répéter tous les foirs cet anodin,
fi cela paroît néceffaire j on fera ufage auflî ,
fuivant le befoin, du quinquina, du vin & des
autres eorroborans, dès que les bords de la plaie
feront réunis.
Nous n’avons point fait mention de là ligature
des artères, comme d’un moyen d’arrêter l’hémor*
rhagie, parce qu’en fuivant la méthode que nous
venons de décrire , cela n’eft que rarement néceffaire,
& que les fils des ligatures forment toujours
un obftacle à la prompte & parfaite réunipn des
parties. Cependant, s’il fe préfemoir quelque rameau
artériel , un peu trop eonfidérabîe pour
qu’on pût efpérer qu’il ceffât de donner du fang,
après avoir été comprimé avec les doigts pendant
quelques Ühinutes , il n’eft pas douteux qu’il ne
convînt d’en faire la ligature. M. Bell, recommande
au Chirurgien d’être très-attentif à cette
partie de l’opération 'r il veut que l’on cherche
avec le plus grand foin à découvrir toutes
les petites artères * & même qu’on donne à la ma*
lade du vin ou quelqu’aurre cordial , fr ellejfe
fent foible & difpofée à la défaillance, afin dô
ranimer l’aétion des vaiffeaux , & d’en faire mieux
appercevoir toutes les petites branches capables
de verfer du fang dans la plaie. M. Fearon, au
contraire, nous dit que fur le grand.nombre de
Cancers au fein qu’il a extirpés, il n’a jamais été
dans le cas de lier une feule artère,, quoiqu’il ait
quelquefois enlevé des tumeurs très-volumineu-
fes 5 & il exhorte les Chirurgiens à n'avoir aucune
crainte à cet égard •, d’autant plus que la nature
des parties fur lefqnclies on opère , qui ne fonfi
fournies que de vaiffeaux peu confidérables, leuff
permet de diffëquer hardiment les glandes tiuné?
fiées»-
Du Catcef au v i f âge , & particulièrement aux
lèvres.
La pratique nous apprend que la peau du vifage
eft plus fujette aux Cancers que celle qui recouvre
toutes les autres parties du corps. Ces Cancers
dans leur commencement ne font pour l’ordinaire
qu’un petit bouton , ou une efpèce de verrue
fimple, fans aûcun mauvais caraélère en apparence,
& qui d’abord paroiflent être de peu de
conféquence, mais qui augmentent, prennent un
mauvais caractère & deviennent douloureux , le
plus fouvent pour avoir été touchés & irrités j ils
prennent plus fûrement encore cette tournure par.
l’ufage indifcret descaufliques avec lefquels on fe
contente de les toucher, quelquefois pour les con- !
fumer > fans que cela les détruife. L’inflammation
furvient en conféquence, elle s’étend de proche
en proche aux parties voifines, & il fe forme ainfi
un ulcère rongeant. C’efi principalement cette efpèce
de Cancer que les Anciens ont nommée noli
me tangere , voulant dire par-là qu’il ne faut pas y
toucher, parce qu’ils le croyoient incurable j il
peut fe guérir cependant, & même dans prefque
tous les cas par une opération chirurgicale, pourvu
qu’on y ait recours affez tôt. On le guérit aufli
quelquefois par les cauftiques •, mais l’aélion de
ces derniers eft fi incertaine que le Chirurgien
prudent préférera toujours de l’attaquer par l’inftru-
ment tranchant. Comme c’eft aux lèvres que ces
fortes Cancers fe manifeftent le plus fouvent,
nous nous contenterons d’indiquer la méthode
que l’on fuit pour en faire l’extirpation dans ces
parties, dont il fera facile de déduire , ainfi que
de ce que nous avons dit en parlant de l’opération
du Cancer âu fein , le procédé opératoire
pour toutes les autres parties qui peuvent être
affeélées de cette maladie.
L’opération dont il s’agit ici, eft la même que
nous avons décrite pour le Bec-de-lièvre , c’eft-
à-dire que pour guérir le Cancer à la lèvre , il faut
y faire une plaie femblable à celle que l’on fait en
retranchant les bords de la fente qui a quelquefois
lieu naturellement dans cette partie, & que l’on
nomme Bec-de-lièvre. On fait avec le biftouri
deux incifions à la lèvre malade , entre lefquelles
on comprend toute la tumeur cancéreufe\ ces incifions
doivent être faites l’une & l’autre en ligne
droite, 8c fe rencontrer dans une partie faine,
for niant entr’elles un angle plus ou moins aigu j
afin que les bords après l’extirpation de la partie
affeélée puiffent être rapprochés, & mis en con-
laél d’une manière exaéle & uniforme dans toute
leur longueur *, après quoi on les fixe dans cette
. pofition refptélive, au moyen de deux ou trois
aiguilles, & de la future entortillée.
Lorfque le Cancer n’affeéle que la lèvre, lès
parties auront après la guérifon à-peu-près la
#nO|ue apparence qu’elles ont après l’opérarioadii;
Bec-de-lièvre •, mais lorfqu’il s’étend fur la joue ,
comme il arrive quelquefois , on eft obligé d’in-
cifer aufli cet te partie, & de réunir de la même manière
les bords de la plaie qu’on y a faite.
Autrefois on fe contentoit d’enlever avec le
cauftique ou l’infirument tranchant, la partie malade
j mais comme on n’avoit. pas imaginé le
moyen dont nous venons de parler de- fermer la
brèche qu’on avoit faite par l’opération, il en
réfultoit non-feulement une grande difformité,
mais encore de grands inconvéniens, foit pour la
parole , foit pour la déglutition , & lorfque c’étoit
la lèvre inférieure qui étoit affeélée, le malade
ne pouvoit point retenir fa fylive. C’eft un grand
bienfait de la Chirurgie moderne que d’avoir
trouvé le moyen de corriger cetre difformité, &
de rendre la lèvre ainfi mutilée , aufli utile qu’au-
paravanr. Car à moins que la maladie ne s’étende
fur toute la lèvre ou à-peu-près, lors même qu’il
y en a une partie eonfidérabîe qui fe trouve affectée
, il eft prefque'1 toujours pofiible après l’extirpation
, de rapprocher & de maintenir en conta#
les bords de la plaie, à caufe de la grande
lâcheté & de la foupleffe naturelle de ces organes.
M. le Dran va même au-delà } il dit qu’il y a eu
des cas où il a amputé toute la lèvre,- depuis une
des - commiffures jufqu’à l’autre, & même par-
delà, pour ôter toute la portion de la tunique interne
qui avoit contrarié une couleur vicieufe ;
qu’il faifoit enfuite plufieurs points de future entortillée,
comme on fait pour le bec-de-lièvre ,
& que la guérifon a fùivi de fort près fans lajfTer
de difformité. M. Louis n’eft pas du même fenti-
ment (i) ; il donne pour maxime que lorfque les
tumeurs cancéreufes à la lèvre ont une certaine
étendue , il ne faudroît faire l’opération que pour
fauver la vie , 8c ne pas prétendre corriger la difformité
, fur-tout par l’ufage des futures qui irritent
les parties, & caufent des accidens qu’on évi-
teroit en renonçant à ces moyens de réunion. H
eft porté à tirer cette conctufion du mauvais fuc-
cès de deux cas, où, courre fon propre avis, il avoit
été obligé de fuivre cette méthode. Chez l’un de
ces malades, la tumeur avoit le volume d’un petit
oeuf de poulej il en fit l’extirpation , & réunit les
bords de la plaie par la future entortillée. Les
aiguilles caufèrent de l’irritation & de l’inflammation
qu’on eût affez de peine à calmer. La cicatrice
fe fk affez bien j mai-s au bout de trois femar-
nes le malade mourut en marafme d’un abcès putride
à la feffe. Chez le fécond , fa tumeur étoit
encore plus volumineufe que chez le premier, &
anticipoit un peu fur la eommiffure des lèvres-,
il fallut fe gouverner en conféquence, & faire l’in-
cifion de manière à extirper entièrement la tumeur.
On fit la furure qui entraîna auflî des accidens ; fe
malade-guérit néanmoins j mais , l’année fukanre,
( i f Mémoire fur Vopération du Bec-de-Tièvre , tFaps fes
Mémoires de l’Académie Royale de Chirurgie, tome-1*»-