
impraticable -, il faut s’occuper des moyens de
pallier les fymptômes, afin d’adoucir, autant
qu’il eft poflible, les fouffrances des malades;
La première chofe à laquelle on doit être très-
attentif dans cette intention , e’eft de tenir le malade
au régime le plus adoueiffanr, & d’éviter avec
foin tout médicament, & toute application extérieure
capable d’exciter de l'inflammation, ou de
caufer aucune irritation quelconque. Les malades
doivent s’aftreindre à ne fe nourrir que de fubftances
végétales, ou de; lait, s’ils peuvent lefupporter; lé
laitd’âneffe doit avoir la préférence fur toute autre
filo n a le choix à cet égard. I l n’eft pas befoin de
dire que le vin & tes liqueurs fpiritueufes leur font
abfolument interdites ; qu’enfin ils doivent éviter
tout exercice violent, & tout ce qui peut d’ailleurs
animer la circulation du fang. Nous avons déjà
parlé de l’avantage qu’on pouvoit retirer des
faignées, foit générales, foit topiques pour en
diminuer la â iv ité , ainfi que pour modérer,
ou retarder les progrès du mal, lorfqu’il eft par venu
à un degré tel que fa guérifon eft abfolumenr
iinpoffibie.
Quant aux médica^ens proprement dits, de
K»us ceux dont on a fait ufage, celui qui mérite la
préférence eft la ciguë, qui, par fa vertu anodyne,
appaife la douleur & amène le fommeil. On fe
fert fur-tout de l’extrait & de la poudre faite avec
les feuilles féches de cette plante; la poudre eft.
plus fujette à donner du dégoût & à fatiguer
l ’eftomac, mais elle l’eft moins à-varier dans fa
qualité que l’extrait. Sous .quelque forme qu’on
emploie; la ciguë, il ne faut jamais commencer
que par de petites dofës, qu’on augmente graduellement,
jufqua ce qu’on foit parvenu à la plus
haute, que le malade puiffe fupporter; ce dont on
s’apperçpit par quelques affeélions nerveufes qui en
font l ’effet, telles qü’un peu de vertige, une
douleur dans les y e u x o u un peu d’agitation & de
jremblement dans tous le corps*, mais-comme ces
effets font paffagers ils n’empêchent pas que bien-tôt
on ne puiffe augmenter les dofes de nouveau. Pour
obtenir de ce remède tout le foulagement qu’on
peut en attendre, il faut donner au malade toute la
quantité qu’il en peut fupporter, ce qu’on fera
toujours fans danger, malgré la différence qui
exifte, à cet égard, entre différens individus, en y
procédant.comme nous venons de l’indiquer;, dans
les tempéramens fcrophuleux, la ciguë donnée
de cette manière ne manque prefque jamais de
procurer un foulagement très-marqué. Mais çes
bons effets font ‘rarement de longue durée, &
même, quoique l’on continue à augmenter les
dofes, le malade au bout de quelque temps n’en
eft plus foulagé comme auparavant. C’eft pourquoi
ilconvienr d’en interrompre l’ufagedès qu’on s’ap-
perçoit de cette diminution d’effet, & y fubftituer
uelqu’autre narcotique , tel que la Jufq'uiame ou
a Belladona. En variant ainfi ces remèdes, l’tfto-
qiac s’accoutume moins à leurs imprefftons 3 & Ion
peut revenir avec plus de fuccès à ceux: qu’on avoit
abandonnés j mais il faut toujours obferver en
recommençant à en faire ufage de.les donner en
dofes beaucoup moins fortes que celles auxquelles
on étoit arrivé en les augmentant peu-à-peu.
Lorfque ces différens narcotiques deviennent
inutiles, il faut avoir recours à l’opium & le
donner en dofes fuffilarites pour calmer les douleurs.
En variant ainfi avec prudence le traitemenr,
fuivant que les circonftances l’exigent , on réuffu
pour l ’ordinatre à pal lier beaucoup les fymptômes,
& à rendre les fouffrances des malades bien plus
fupportables qu’elles n’auroient été fans ces
feconrs;
La fétidité des ulcères cancéreux étant en général
fort incommode, c’eft une circonftance à laquelle il
eft toujours important de remédier, ainfi que dei
changer & d’adoucir, autant qu’il eftpoffible, la
nature de la matière qui découle de la partie
ulcérée, & qui eft féreufe, âcre & corrofive. La
ciguë eft encore un des mèilleurs moyens que nous
ayons, pour obtenir ces deux effets, foit ’ en
ladminiftrant intérieurement, foit en l’appliquant
à 1 extérieur. Des cataplafmes faits avec la mie de
pain, ou les farines émolliëptes, & le jus récemment
exprimé des feuilles de ciguë » font un des topiques
les plus utiles dans cette intention; lorfqu’on ne
peut fe procurer le fuc récent, on y fupplée par la
poudre des feuilles sèches, que l’on mêle en grande
proportion avec les autres ingrédiens du cata-
plafme. L ’on a auffi recommandé dans le même
but la pulpe de carottes / & l’on en a fouvent
obtenu de bons effets, fur-tout dans les cas de
cancer cutané, quoiqu’elle ne mérite pas à beaucoup
près tous les éloges qu’on lui a donnés ; l’opium
appliqué fur l’ulcère, foit en forme, de poudre
foit diffous dans de l ’eau dont, on imbibe des
plumaceaux, eft auifi d’un grand ufage pour
calmer les douleurs. Enfin l’on fe fert avec beaucoup
d avantage des diverfes préparations de plomb qui
font adoptées dans les pharmacies, & dont plufieurs
Praticiens ont varié les formes. En voici une à laquelle
M.Jaenilch,Médecin de Pétersbourg, donne
de grands éloges. Prenez, dit-il, trois onces de
litharge, trirurez-la dans un mortier de plomb
avec un pilon du même métal, jufqu’à ce que fon
poids foit doublé ;ajoutez-y peu-à-peu fix onces
d extrait de Saturne, & continuez à triturer,
jufqu’à ce que le tout foit intimement mêlé, & ne
préfente qu une poudre féche. On s’en fert pour
faupoudrer la furface de l’ulcère j & ce topique ,
fuivant notre Auteur, appaife la chaleur, réfifte
à la putréfaction, empêche les chairs fongùeufes
de s élever, arrête les hémorrhagies, & calme
fouvent la douleur.
Lorfque, par ces différens moyens, on a été affez
heureux pour diminuer, jufqu’à un certain point,
la malignité de l’ulcère, on ne devroit plus y
appliquer qu’un fimplecérat, & le panfer plus ou
moins fréquemment fuivant l’abpndancg de la
ïnatière qu’il fournit; en faifaot attention cependant
à ne jamais laiffer l’ulcère à découvert que
le moins de tems polfiblè , de peur queleoontaél
de l’air ne l’irrite, & ne contribue à lui faire
bientôt reprendre une tournure plus fâcheufe.
Telle eft la méthode qu’on doit fuivre.dans le
traitement du Cancer, iorfqu’ on eft obligé de s’en
tenir à la cure palliative, comme dans les cas dé Cancer
de la matrice,du foye ou de quelqu’autre vifeère;
ou dans ceux qui, affeôianr des parties extérieures,
ont fait trop de progrès pour admettre l’extirpation.
11 arrive prefque toujours que ces derniers n’en
font venus à ce point que pour avoir été négligés,
ou mal gouvernés, par des Chirurgiens timides
ou peu expérimentés, qui n’onr pas lu faire fentir
à tems la néceffité de l’opération; ou parce que la
crainte de la douleur a engagé les malades à
recourir à des charlatans, qui les ont flattés
par l’efpérance d’une guérifon, jufqu’à ce que
le mal fût tout-à-fait fans reffource. Nous allons
nous occuper à préfent de la manière dont on
doit procédér à l’opération du Cancer , en commençant
par quelques obfervations générales.
Obfervations fur la maniere deprocéder a Vopération
du Cancer.
i.° Toutes les fois qu’une partie affeCtée du
Cancer peut être détruite par 1 opération, même
dans les cas en apparence les moins graves,. il faut
y procéder par l’inftrument tranchant plutôt que
par le cauftique,-quoique bien des Auteurs aient
recommandé l’ufage de ce dernier , & qu’il y ait
encore des Chirurgiens qui s’en fervent dans
certains cas particuliers. Les Praticiens du premier
rang font généralement d’avis aujourd’hui que
cette méthode eft mauvaife, & que fi l’on eft
jamais autorifé à la mettre en ufage, ce ne doit
être que pour les malades qui ont une averfion
invincible pour l’inftrumept tranchant, & lorfque
l ’ulcère n’a pas fon fiège fur une tumeur glandu-
leufe. Car, pour détruire une tumeur d’un certain
volume par dés applications deee genre, il faut
revenir nombre de fois à la charge, & il arrive
prefque toujours qu’à mefure que le cauftique y
fait une brèche, il irrite les parties voifines &
augmente la maladie au lieu de la déraciner, le
Chirurgien n’étanr point le maître délimiter ni de
diriger à fa volonté,. l’aCtion de fon topique. Et
quoiqu’à tout prendre cette manière d’opérer foit
non-feulement beaucoup plus incertaine, mais
encore beaucoup plus douloureufe que l’excition,
comme elle effraye moins 1 imagination, les charlatans
tirent parti de cette circonftance poijf engager
les malades à fe mettre entre léursunains ; & fi, fur
le grand nombre, ils font affez heureux pour en
guérir quelqu’un, ils font fonner fi haut ce fuccès
qu ils trompent encore davantage le public j &
multiplient ainfi les victimes de ceuç maladie j la
juusicxuelle peut-être qui exifte.
l.° En quelque partie du corps que foit le
Cancer, il faut extirper avec foin toutes- les
parties qui paroiftenr le moins du monde aftéCtées;
& fi, en,faiiam les panfemens fubféquens à l’opération,
on en apperçoit quelqu’une qui ait échappé
aux premières recherches, il faut auffi l’enlever;
autrement la maladie reparoîtra, comme fi l ’on
n’avoit rien fait pour la détruire. Toute glande
durcie aux environs d’un ulcère cancéreux fera ,
fuivant toute apparence, la bafs d’un nouveau
Cancer, fi on la laiffe fubfifterv
jj.° Quelque indifpenfableque foit l’extirpation
de toutes les parties vraiment affectées par la
maladie , il ne faut jamais emporter farts néceffit'é
aucune portion des. tégumens.
Nous avons eu déjà occafion à l’article Amputation
défaire voir combien il importe de conferver
autant de peau qu’il eft néceffaire pour recouvrir
Toute la pl aie formée par la réfection d’un membre ,
& c’eft une maxime dont les Chirurgiens, ne
devroient jamais fe départir, que, dans toute
opération, il faut conferver autant de peau faine
< que l’on peut. Dans le cas qui nous occupe en
1 particulier , lorfqu’il y en a quelque portion qui
fe trouve ulcérée, ou très-adhérente aux parties
qu’elle recouvre, il ne faut pas héfiter à l’enlever,
mais il ne faut jamais en ôter davantage. Car la
peau ne fe régénère point; & la où elle a été
détruite , les parties ne fe recouvrent que d’épiderme,
qui ne les défend que très-imparfaitement.
Mais une raifon bien plus forte d’adhérer à cette
pratique,, c’eft que toutes les fois qu’une grande
étendue de peau fe trouve détruite il en réfulre
.néceflairemenr une grande plaie, dont la guérifon
par conféquent eft bien plus longue, qu’elle ne
feroir s’il n’y avoit eu quepeu ou point de déperdition
de cet organe. Telle opération qu’on peut
achever fans ôter aucune partie de la peau, Iaidera
une plaie qui fe guérira dans peu de jours, tandis
qu’elle prendra plufteurs femaines à fe cicatrifer ft
l ’on retranche une certaine quantité de tégumens ;.
à moins’ cependant quel a peau faine, qui refte aux-
environs, n’ait encore affez d’étendue, & ne prête
fuffifamment, pour que l’on puiffe en rapprocher
les bords, & les réunir comme ceux d'une fimple
coupure fans perte de fubftance.
La coutume où’ l’on a été d’emporter beaucoup
de peau en extirpant des: tumeurs, paroît
avoir pris naiffance dans ame opinion qui a long-
rems été adoptée par les Chirurgiens, c’eft que
la peau lorfqu’eile a fduffen une grande diften-
fton,; eft fujette^à. perdre fon ton, fi ‘ complètement,;
qu’erlle ne peut plus le-recouvrer; & ,
quÆn;q>areif >eas,ril.i£aur ôter 'tout- ce qui a été
j ainfi tiiftenduafin \ d’éviter à. la nature le tra-
; vail néceffaire pour le féparer^Mais cette opinion
ffeft point •fondée, & l'expérience: démontre
.què la fimple‘diftenfio'n caufée par une tumeur,
quelque volunïineufe qu’elle fo it, ne détruis
j point 'jk -1.3 vie tégumens qui 1$.