
L'Auteur procède enfuire à décrire de quelle
manière on doit s’y prendre pour enlever une
inammelle fquii rheufe, & parle d’abord des méthodes
inventées par difFérens praticiens pour faciliter
cette opération. Telle efi celle de Scultet,
qui confeille préalablement de tranfpercer toute la ;
tumeur avec une aiguille , & d’y paff'er un cor-
donnet dont on refferreles deux bouts, pour en i
former une anfe au moyen de laquelle on la déta- !
che des côtes •, qui veut même qu’on en paffe deux ;
en croix dans certains cas pour plus de cômmo- 1
dité. Telle eft auffi celle de Solingen & dcBidloo,
qui recommandent , l’un une ‘Tefpèce de four- j
chette, Faune un petit glai\e dont on fert pour j
percer & affüjt ttir ainfi la tumeur. Telle tft encore
celle du duéleur Tabor , qui avoir imaginé
un infiniment au moyen duquel il embraffoit la
inammelle carcinomateufe par fa baie> & l’etn-
portoit enfuite d’un feul coup d’un biflouri qui y
étoit adapté. Il rejette ces moyens trop cruels ou |
trop incertains, & confeille de foutenir la mam- .. L
melie d’une main , tandis que de l’autre on l’ampute
avec un rafoir, ou avec un biflouri tuffiiam-
ment gros. On lit dans l’ancienne Encyclopédie j
que, pour faire cette opération, le Chirurgien placé |
à droite, foulève la mammelie avec fa main gau-
che , & la tire un peu à lui ; que de l’autre main
il tient un biflouri avec leqnel.il inçife la peau à
la partie inférieure de la circonférence de la rumeur.
L’Opérateur introduit Ces doigts dans cette
incifion, pour foulever la tumeur'& la décoller de
dëifus ie mufcle peèloral 3 & avec fon Jfifiouri il
coupe la peau à mefure qu’il diffèque la tumeur.
Il ne faut pas s’étonner !i , avec cette manière
d’opérer, les plus habiles Praticiens regardaient
autrefois l’extirpation du Cancer au fein comme
une opération incertaine & dangereufe 3 la vafte
étendue de la plaie qui eh réfultoir ne pouvoir
qu’ entraîner de fâcheux accidehs , ne fût-ce qu’^n
conféquence de l’irritation que caufoienr néceffai-
rement les panfemens & Fiin&reffion de l’air fur
un ulcère d une auffi grande furface , & de la fup-
puration qui pouvoit facilement prendre un mauvais
caractère , ou épuifer les malades par fa trop
grande abondance. Les Chirurgiens ont fer-ti ces
imonvéniens de la méthode généralement adoptée,
&, depuis bien des années, ils ont recommandé
dé conferver une étendue de peau faine,
pour diminuer la furface de la plaie 3 mais encore
en faifant cette opération , ainfi que bien
d’autres, ils laifioient une grande furface a découvert
, ils éSoient obligés d’employer des. panfemens
qui caufoieni beaucoup de douleur aux
ma'ades, ils donnoîent lieu à la formation d’un
ulcère large & de mauvaife apparence , & dont la
guérifon étoit, malgré tous leurs foins, lente &
difficile. Nous allons à préfent txpofer la méthode
à laquelle on doit donner la préférence , & dont
nous tirerons la defeription particulièrement de
l ’ouvrage de Fearon | la Tienne étant de toutes
/es manières d’opérer qu’on a ’décrites celle qui
promet le plus de fuccès, en même-tems qu’elle
efi de beaucoup la moins douloureufe quant aux
fuites de l’opération.
La malade étant placée fur une chaife d’une
hauteur convenable , un peu penchée en arrière,
la tê-’e Contenue fur un oreiller par un aide placé
derrière elle f St les bras fixés par deux aides à Tes
côtés, le Chirurgien fe placera devant elle de la
manière qui lui paroitra la plus commode, foit
affis, foit debout. Il fera une incifion dans les
tégumens, fur le milieu , à-peu-près de la tumeur ,
plus longue que la maffe qu’il doit enlever, dans
une direélion horizontale, autant qu’il fera poffi-
b lè , ou dans celle des côtes, St un peu au défions
du mamme^on , pour que la cicatrice lai fie moins
de difformité. Cette incifion prend fi peu detems,
qu’en lui donnant un peu plus de longueur qu’il
n efi ftriélement néceflaire , on n’augmente pas
fenfiblement la douleur qu’en éprouve le malade $
mais il en réfulte ce grand avantage, que l’Opérateur
a beaucoup plus de facilité pour difféquer,
& enlever toute la tumeur.
Cette partie de l’opération qui efi la plus dou-
loureufe étant achevée , oir charge les aides qui
tenoient les bras de la malade, du foin d’écarter
l’un de L’autre les bords de la peau, & de comprimer
avec les doigts les artères qui donnent le plus
de fang. Le Chirurgien alors, par des coups de
fealpel bien ménagés, doit détacher les tégumens
des glandes tuméfiées;, i 1 fépa-rèra de même celles-ci
du mufcle peéloral & des autres parties auxquelles
elles étoient attachées. Afin de garantir le mufcle
peèloral , .autant qu’il efi poffible de l’aélion du
fealpel , on fera étendre le ira s de la malade^en
le plaçant dans une pofition un peu au-deflus de
la pofition horizontale 3 de cette manière , les
fibres de ce mufcle feront maintenues dam un
état d’exrenfion , & moins exoofées par-là même,
à être bleffées pendant l’opération , qu’elles ne le
feroient en demeurant plus relâchées.
II arrive fouvent , il efi vrai, que les parties
malades adhèrent au mufcle peéloral 3 quelque-?
fois même on trouve le période des côtes affeété,
quoiqu'on ne l'eût point foupçonné d’avance. En
pareilles circonftances , comme il faut toujours
retrancher toutes les parties-maladeS^on ne doit
pas trop chercher à ménager le mufcle peétoral,
ni aucune autre-partie adhérente, à la tumeur ;
mais toutes les fois qu’on peut détacher les parties
affeftées fans en blefiër d’autres, il faut bien
fe garder de les attaquer.
La tumeur étant entièrement fëparée , le Chirurgien
ôtera de deflus.la plaie tout le fang qui
s’efi épanché^ avec une éponge & de l’eau tiède;,
après quoi il examinera, avec tout le foin poffible,
l'état des parties > & s'il apperçoit quelques pérîtes
glandes durcies, ou quelque portion detiffii
cellulaire, plus épaifle & pins ferme que dans
l’état naturel a il les enlèvera en entier; car fans
cette précaution il courroit rifque d'avoir manqué
routà-fHt le but de l'opération.
Il n’eft pas toujours très-facile d'appereevoir
ces petites glandes déjà affeélées par la maladie 3
il y en a fréquemment qui font logées derrière
le bord du mufcle peéloral, entre cette partie &
î ’aiffelle que l’Opérateur, s’il n'eft pas bien
au fait de l’endroit où il doit les chercher , peut
facilement ne pas appercevoir à caufe de leur peu
de volume. La meilleure manière de les découvrir
eft en foulevanr le bras de la malade, de prefler
avec le bout des doigts le bord poftérieur du mufcle
peéloral, en fe dirigeant vers FaifTelIe, s’il fe
trouve en cet endroit quelques glandes engorgées
, on les appercevra dans le trajet des vaif-
-feaux lymphatiques, augmentant de volume , &
plus profondément fituéiss à mefure qu'on avance
du côté de l’aifielle.
Mais il arrive fouvent que tous les vaifleaux
lymphatiques, qui vont à cette partie, font gonflés
& durcis, & que les glandes auxquelles ils aboutirent
le font auffi confidérablemenr. Quelquefois
on trouve beaucoup de glandes dans le même''
état, qui s’étendent depuis le fein jufqu’à la clavicule,
& même on en découvre des pelotons con-
fidérables le long du bord inférieur de cet os.
Des cas de cette nature font très-fâcheux , & ne
préfentent pas une' grande chance de fuccès. Cependant
fi , d’après les règles pofées ci-deflus ,
ils paroiffent encore attaquables par l’opération ,
on prolongera l’inçifion des tégumens jufqu’à ces
glandes, ou bien l’on en fera de nouvelles depuis
l ’extrémité la plus éloignée de chacun de ces amas
de glandes jufqu’à l'incifion principale. Ainfi ,lorf-
ifjüè tes glandes de l’aifielle font affectées, quoique
l’on'pût fouvent les faifir & les tirer dehors,au moyen
d’un crochet qu’on introduirait fous la peau par
la plaie du fein , & que l’on engagerait dans une
ou plufieurs de ces glandes , il vaut bien mieux
cependant, à tous égards, mettre les glSfedes à dé?
couvert par une incifion , & les difféquer enfuite
avec le fealpel. Dans le cours de la diffeélion, on
pourra fe donner beaucoup de facilité en paffant
une forte ligature au travers des plus confidéra-
b!es de ces glandes , avec laquelle on aidera le
peloton entier auquel elles appartiennent, à fe
détacher des parties qui l’environnent 3 cette précaution
fera d’autant plus utile , que ces glandes
fe trouvent quelquefois très-voifines de l’artère
axillaire , & que par conféquent on ne doit rien
•négliger de ce qui peut en rendre la difleétion
plus fùre & plus facile-
Lorfque le Chirurgien aura fini fon examen, &
détaché routes les parties fufpeéles, la fimpie cou-
traèlion des artères aura pour l'ordinaire mis fin
a 1 hémorrhagie 3 on ôtera de nouveau le fang qui
a pu s’épancher fur la furface de la plaie pendant
qu’on achevoit l’opération , l’on rapprochera les
bords de la peau en fuivant les précautions mentionnées
ci-deflus , & en faifant n en forte qu’ils
In forent par-tout en contact d’une manière égale &
uniforme, & on les maintiendra dans cette fi rua-
- tion par des languettes d’emplâtre agglutinatiff
ou fi cela paroît nécefl’aire, on fera deux ou
trois points de future, & l'on aflurera ainfi leur
réunion.
Nous avons fuppofé jufqu’ici que toute la peau
- qui recouvre la tumeur étoit faine, & que pa^confé-
quent on pouvoit la conferver en entier. ^Mais,
pour l’ordinaire, avant que le Praticien confeille
l’opération , & prefque toujours avant que la malade
confenre à s’y foumettre , une grande partie
des tégumens eft déjà affectée , au point qu’on eft
obligé de l’emporter avec la partie giandulcufe 3
ou fi la- peau n’eft pas efTentiellemem malade ? d ie
adhère tellement à la partie la plus fai liante du
i fein qu’on ne peut pas l’en féparer. Dans i’un &
i l’autre cas il faut ôter une portion de cette peau ,
en même-tems que la rumeur. Pour cet e f f it , ou
doit faire une fécondé incifion , q u i, par fes extrémités
, fe joigne à la première , de manière que
toute la peau qui a foufFerr fe trouve renfeimée
entre les deux , en ayant foin que cette féconde
incifion foit en ligne droite a.utant que la chofe
fera praticable. En difféquaot la tumeur, on emporte
avec elle fa portion de peau qui éréit afFeéïée.
On rapproche enfuite, comme dans le premier cas,
les bords des tégumens fains , & on les tient
en contaél s’il eft poffible de la fnême manière.
M. Fearon dit que, dans toute fa pratique, il n a
jamais vu un cas où , après l’opération , il ne
.demeurât pas aflez de peau faine pour recouvrir
toute la plaie, & pour former une cicatrice par
fimple réunion , ou par la première intention,
fuivant le langage des Chirurgiens. (( Dans tous
5 5 les cas, dit-il, j’ai vu rénflir la réunion par la
5? première intention , quoique j ’en aie opéré queL
55 ques-uns chez des malades qui avoient déjà pré-
- s? cédemment fubi une opération, & dont onaveit
33 emporté la tumeur cancéreufe avec une grande
j? étendue de peau. Chez d’autres, j’ai trouvé des
33 ulcères, dont la furface étoit fi grande , - qu’à la
33 première vue on auroit pu croire qu’il férok
33 impoffible qu’il demeurât après l’opération une
33 affez grande étendue de tégumens pour garantir
33 toute la plaie 3 mais comme l'extirpation de,la
3.3 tumeur diminuoit confidérablemenr.la furface à
33 recouvrir, la peau faine qui reftoir a toujours
33 fuffi pour cela. »
En général, il fuffit, comme nous l'avons dit;,
de quelques bandelettes d’emplâtre aggltuinatif,
pour maintenir les tégumens en contaèl 3 cependant
lorfqu’on aura été obligé d’en retrancher unq
grande étendue ^ om pourra faire deux ou trois
points de future pour empêcher qu’ils ne fe dérangent,
& Ton en recouvrira les bords de pliima-
ceaux enduits de cerat 3 on mettra par deflus uns
grande compreffe bien épaifte & trèsrfouple, faite
de vieux linge, & l’on fixera le tout au moyen
d 'u n e b a n d e d e f l a n e l le d ’e n v iron cinq pouces d»