
grande évacuation ; ce qui prouve que les faignées
ne remédient pas auffi promptement & auffi efficacement
qu’il le faudroit dans les cas preffans, c’eff
qu à 1 ouverture du cadavre, on ne trouva aucune
tuméfaélion , ni le ligne de la moindre inflammation
, mais les veines étoient fort gorgées d’un fang
très-épais. Le même Auteur a obfervé, dans le
pays de G alles, fur-tout aux environs de la Mer,
une efqtiinancie épidémique catharale * l’engorgement
étoit lymphatique , & les malades périf-
foient en deux ou trois jours; la faignée n’eut
pas été ici d une grande efficacité , il n’y avoit que
la Bronchemie qui pût fauver les malades , &
l’on n’y eut point recours.
La compreffion de la trachée-artère par des
corps étrangers arrêtés dans le pharynx 9 ou par
des tumeurs nées au-dehors & fuffifamment volu-
mineufes pour comprimer ce canal, demande également
qu'on opère plus ou moins promptement
félon les accidèns. La Bronchotomie efl l’urgent ;
les procédés pour extraire les corps étrangers n’en
deviendroienrque plus faciles après qu’elle auroit
été faite , auffi bien que dans les cas où le corps
tombé dans la trachée - artère, y feroit libre
on accroché fur fes parois, en fuppofant qu’il
fut pointu, aigu,, ou irrégulier, dune manière
quelconque. M. Bell cite deux exemples de cette
efpèce de fuffocarion où la refpiration manqua
pendant quelques minutes ,& qui néanmoins furent
également funefies, quoiqu'on mit en pratique tous
les moyens connus qu’on emploie ordinairement.
Il y a tout lieu de croire, continue-t-il, que fa
Bronchotomie auroit eu le plus grand fuccès, fi
3 on y eût eu recours très-promptement, & avant
que les effets de la fufFocation euffent pu devenir
mortels. On doit également y avoir recours dans
le cas de compreffion par des tumeurs , ou concrétions
dans lès parties environnantes. 11 y a environ
vingt ans que j’ouvris un homme qui périt
fùbitement à la fuite d’un emphyfème qui lui étoit
fur venu inflantanémeot. Il étoit attaqué depuis
très-long rems d’un gouëtre qui étoit devenu monf-
trueux dans les derniers tems de fa vie. La cavité
de^ la trachée-artère étoit tellement oblitérée qu’à
peine y avoit-il un efpace propre à admettre
l’épaiffenr d'une pièce de douze fols ; fans doute ,
on eût prolongé fes jours f i , avant cette nouvelle
maladie , on lui eût fait l’opération de la Bronchotomie.
Enfin l’on doit recourir à cette opération dans
le cas où un corps étranger auroit 'été porté dans
la trachée-artère , & fermeroit tellement lepaf-
fage delà glotte qu’il occafionneroit une fufFocation.
Habicot, M.e en Chirurgie de Paris , dans
un Traité , intitulé : Quefiion Chirurgicale fur la
pojjîl Site & la' née effilé de la Bronchotomie , rapporte
avoir fait avec fuccès, cette opération à un
garçon de quatorze ans, qui ayant oui dire que
fo r avale ne faifoit.point de mal, voulut avaler
seufpiftoles qu’il avoit enveloppées dans un linge l
F pour les dérober à la connoiffancé des voleurs'’
Ce paquet , qui étoit fo?t gros, ne put paflèr le
détroitdu pharynx, il s’engagea dans cette partie
de manière qù’on ne put ni le retirer, ni l’en-*
foncer d .ns l’eflomac. Ce jeune garçon étoit fur
le point d’être fuffoqué par la compreffion que ce
paquet caufoit à la. trachée-artère -, fon cou, &
fon vifage étoient enflés & fi noirs, qu’il en étoit
méconnoifl'able. Habicot > chez qui on porta le
malade, effaya envain, par divers moyens, de déplacer
le corps- étranger. Enfin voyant le malade
dans un danger évident d’être fuffoqué, il réfolut de
lui faire la Brochotomie. Cette opération ne fut pas-
plutôt faite que le gonflement, & la lividité du
cou & de la face, fe diffipèrent. Habicot fit def-
cendre le paquet d’or dans l’effomac par le moyep-
d’une fonde de plomb, & le jeune-homme rendit,
huit ou dix jours après par l’anus, les neuf pifioles
à diverfes reprifes; Il guérit parfaitement & très-
promptement de la plaie de la trachée-artère..
M. Louis , dans un excellent Mémoire fur les corps
étrangers dans la trachée, efl celui de tous les
Auteurs qui ait le plus conflaté la néceffité de
cette opération dans les circonftances de cette
efpèce. Comme fes preuves font expofées dans
une obfervation qui lui efl particulière, & en fêta
de toutes celles qu’il rapporte, nous la citerons
d’autant plus volontiers qu’elle nous tiendra lieu
des détails où nous aurions dû nécefi’airement
entrer , tant fur le diagnoflic, que fur le pro-
noflie de ce fâcheux cas. et Le Lundi, 19 Mars
1 7 5 9 , dit cet Auteur , un enfant de fepr ans,
petite fille d’un Marchand de Vins, rue du Four ,
vis-à-vis la rue des Canettes , jouant avec des
fèves de haricots fèches,. en jetta une dans fa-
bouche, & crut l’avoir avalée; elle fut attaquée,
fur-le-champ, d’une difficulté de refpirer, & d’une
toux convulfive qui la fatigua beaucoup. L’enfant
déclara quelle avoit avalé une fè v e,on lui donna
les fecours qu’on crut convenables. Le défaut de:
fuccès fit appeller fuceeffivement plufieurs Chirurgiens,
qui effayerent auffi ififruétueufement les
différens moyens que l’art preferit pour procurer
la fortie des corps étrangers qui font dans l’oefo-
phage, ou pour les enfoncer dans l’eflomac.. Une
éponge fine attachée avec précaution à l’extrê«
mité d’une baguette de baleine bien foupîe & bien
flexible, fut portée à diverfes reprifes dans toute
l’étendue de l’oefophage, L ’enfant qui marquoit
avec la main que le corps- étranger étoit au milieu
du col, croyoit fentir quelque foulagemenr lorfque
l’éponge avoit été portée plus bas que l’endroit
indiqué. Elle avoir de tems à autre,, des toux
violentes, dont les efforts excitoient des convul-
fions dans tous les membres :.la déglutition étoit
libre, on lui avoit fait avaler fans grande difficulté
de l'eau tiède de l’huile d’amandes douces-
Deux jours entiers s’étoierrt écoulés dans les an-
goiffes-, lorfque les parens m’appellèrentau fecours
de cet enfant, qui > avec tout le courage & la coq#
noiffance poffible avoit été tenue plufieurs fois
entre leurs bras, prête à expirer par la fuffoca-
lion. Bien inffruit de ce qui s’étoit paffé, j’entrai
dans la chambre de la malade. Elle étoit au l i t .
fur fon féanr, appuyée fur les deux points, &
ayant pour tous fymptômes, une refpiration fort
laborieufe. Je lui demandai où elle fentoit du
mal, elle me répondit par un ligne qui ne me laiffa
aucun doute fur la nature de l’accident. Elle avoit
porté le doigt indicateur de la main gauche fur la
trachée-artère, entre le larynx & le flernum. Les
tentatives inutiles qu’on avoit faites du côté de
l’oefophage dans l’intention de déplacer le corps
étranger, la nature & le volume de ce corps qui
n’étoit pas fufceptible d’être arrêté dans le conduit
des alimens, & la facilité de la déglutition
étoient les lignes négatifs de l’exiflencede la fève
dans l’oefophage.La refpiration étoit la feule fonction
léfée, elle étoit difficile & avec râlement;
l’enfanr expeâoroit une humeur écumeufe, &
elle indiquoit fi exactement le point douloureux,
où étoit tout l’obflacle qui caufoit fa peine, que
je n’héfitai point de dire affirmativement aux parens
à fa. Ample vue, que la fève étoit dans la trachée-
artère , & qu’il n’y avoit qu’un moyen de fauver
la vie à cet enfant, qui étoit de lui faire une
incifion pour tirer le corps étranger. Je les prévins
que l’opération n’étoit ni difficile , ni dan-
gereule, qu’elle avoit réuffi tout autant de fois
quelle avoit été pratiquée, & que ie danger très-
prelfant ne me paroiffoit permettre que le délai
néceffaire pour avoir des Chirurgiens éclairés qui
jugeaffem avec moi de la néceffité indifpenfable
& urgente de £erte opération. Je crus la précaution
utile pouraffurer la confiance des parens,
& me mettre moi-même à l’abri de tout reproche
en cas que l’événement ne répondft pas à mes
efpérances. Je retournai chez moi afin de difpoCer
tout ce qui étoit néceffaire à la Bronchotomie.
On vint m’y chercher au bout de deux heures,
les Conlultans m’attendoient; Depuis mon départ
l ’enfant avoit eu du calme , elle étoit couchée fur
le côté, & s'y étoit endormie. Mon opinion mal
expofée par les parens & par les gardes, avoit
été dilcutée avant mon retour; ceux qui avoient
donné des foins dans l’idée que le corps étranger
étoit dans l’oefophage, marquèrent leur furprife
fur la propofitiôn d extraire par opération , un
corps dont la préfence ne s’étoit manifeftée en
aucun point de ce conduit. J ’expliquai mon avis
fur la Bronchotomie. Je ne nt’attendois pas à voir
élever un doute fur un fait auffi politif. La recherche
de la vérité peut autoriflr des objections auxquelles
ceux qui les font ne donnent que le degré
de valeur quelles métirent, mais je fus arrêté fur
la pofiibilité du cas. On mecontefla qu’un corps
du volume d’une fève put s’infinuer dans la trachée
artère. Je ramenai tout le monde à mon avis
par le court expolé des fairs de même nature qui
«n’étoiem connus. On examina l’enfant, elle étoit
u n p e u mieux que quand je l’avois vue, & l’on
trouva un emphyfème bien cara&érifé aux deux
côtés du col au-deffus de chaque clavicule, fymp-
tôme qui n’exiftoit pas deux heures avant. Cette
tuméfaélion me fit conclure que l’opération en
devenoit plus néceffaire & plus preffée. Les parenr,
dont la confiance avoit été ébranlée par les opp< -
fitions que j’avois trouvée à établir l’iinanimi é
des avis fur la nature du mal éprouvèrent la plus
grande perplexité, lorfqu’on leur dit affirmativement
que l’enfant pourroit mourir dans l ’opération
que je ne leur avois propofée que comme
une plaie très-fimple, laquelle n’entraînoit aucun
danger. Ils me demandoienr, à différentes reprifes,
fi je répondois de la vie de l’enfant dans l’opération,
le cas preffant où elle fe trouvoit, & qui
pouvoir à chaque inffantla faire périr fi on l'aban-
donnoit à fon fort, ne pouvoir être diffimulé
dans cette occurrence. L e danger de la fituation
fut oppofé à tout ce que l’opération promettoit
d’avantageux. La confidération de la mort aflùrée
de l’enfant fi on ne l’opérbit pas, ne pùt réfoudre
les parens à la foumettre au hafard d’un moyen
propofé comme indifpenfable , & qui leur paroil-
foit pouvoir accélérer fa perte. Je leur repréfentai
envain que s’il y avoir à craindre pendant l’opération,
ce feroit par l'accident & non par le
fecours ; ils ne fentirenr point cette diffinétion ,
& je me retirai en refnfant mon confentement à
l’adminiftration de deux grains d’émétique dont
l’opération me paroiffoit devoir être inutile, &
pouvoir être dangereufe. Ils furent donnés dans
la nuit, l’enfant fut fatigué de leur effet, & n’en
retira aucun fruit. Je la vis afîèz tranquille le
Jeudi matin, ceux qui l’avoient vifitée avant moi
l ’avoienttrouvé à merveille:quoiqu’elle fût mieux
à leurs yeux ainfi qu’aux miens, la refpiration
reftoit toujours accompagnée du râlement que
j ’avois obfervé la veille, dans le tems où elle étoit
beaucoup plus laborieufe. Elle devint fuffoeàtive
plufieurs fois dans la journée, & l’enfant mourut
le fo ir , trois jours révolus après l’accidenr.
M. Bordenave, qui avoit vu la malade , vint le
Vendredi matin m’apprendre cette mort.llm’avoit
prévenu en demandant aux parents l’ouverture
du corps. Il la fit ce jour-là même devant une
nombreufe affemblée que le bruit de ce cas y
avoit attirée. Après avoir fait une incifion longitudinale
à la peau & à la graiffe, le long de la
tranchée-artère, entre les mufcles fterno-hyodiens
& entre les deux bronchiques, il fendit la trachée-
artère en long , en coupant trois de fes anneaux.
Au même inftant tout le monde vit la fève, &
je la tirai avec de petites pinces. On reconnut,
par la facilité d’extraire ce corps étranger, que
l’opération auroit eu fur le vivant l’effet le plus
prompt & le plus falutaire. Les parens eurent le
regret d’avoir Cacrifié une enfant qui leur étoit
chere, à l’irréfolution & à la timidité, que les
raifons les plus perfuafives n’avoknt pu vaincre. Jt.
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