fang. Dans l’état naturel les gencives font tellement
adhérentes au col de chaque Dent, qu’elles
contribuent à les fixer dans leurs alvéoles;, mais
dans certaines maladies, & particulièrement dans
le fcorbut, elles fe féparent Couvent & des Dents
& de l’apophyfe al véolaire même.
Des maladies des Dents , & en particulier de
leur carie , & de la douleur qui en eji l(t conséquence.
*
Les Dents font par elles-mêmes des organes
affez importans po»r qu'on doive s’occuper de
leur confervation pendant quelles font faines,
& des moyens de les guérir lorfqu elles font malades*,
elles requièrent encore des foins à caufe
de l’influence qu'elles ont fur les parties avec
lefquelles elles ont quelque connexion } car les
maladies des Dents en occafionnent fouvent dans
leur voifinage > qui font de la plus férieufe con-
féquence.
On feroit d’abord porté à croire que les maladies
des Dents font fort (impies , & femblables
à celles qui affeélent la fubflance offeufe en d’autres
parties $ mais l’expérience nous fait voir le
contraire. Les Dents ont une firuéture qui leur
eft tout-à-fait particulière, & leurs^maladies font
auffi d’une nature particulière} elles font Amples,
jl efi vrai, confédérées en elles-mêmes $ mais elles
deviennent quelquefois très-compliquées par les
rapports qu’il y a entre les Dents & les parties
qui les environnent, dans lefquelles elles occa-
fionncnt fréquemment des abcès plus ou moins
'difficiles à traiter, des caries, des fongus, &c.
Kous avons parlé , ou nous parlerons en leur
lieu de ces diverfes affections fecondaires , ici
. nous nous bornerons à traiter de celles des Dents
-uniquement-. '
De toutes les maladies des Dents la'plus fréquente
efl une deftruétion graduelle de leur fubf-
' tance qu’on nomme vulgairement carie, & que
l’on pourroit appeller plutôt gangrène ou mortification
(a), fi ces dénominations n’avoient pas
été particulièrement affe&éesà la deftruction des
parties molles, par pourriture. I c i, cependant il
paroîry avoir quelque chofe de plus*, car la mort
pure & fimplç de la partie ne produiroit pas l’effet
que nous obfervons , puifque les Dents privées
de vie ne.font point fufceptibles de purréfaélion.
11 fe paffe donc quelque chofe dans la Dent vivante
qui opère le changement que nous y voyons
arriver.
Cette maladie commence prefque toujours à
l'extérieur, & affecte d’abord une très-petite portion
de la furface du corps de la Dent , où elle
fe maoifefte par une tache d'un blanc opaque
qui annonce que les particules de l’émail ont
( a) Voye\ Hunter. On thedifeafes o f the teeth.pag. 1.
perdu leur côhérence, & qu’elles commencent à
être fous la forme d’une poudre. Lorfque l’émail,
ainfi dénaturé, s'efi détaché, la partieoffeulède
la Dent fe trouve à découvert, elle ne tarde pas
à s’affeéter, 8c l’on y apperçoit une tache dun
brun tirant fur le noir. Quelquefois cependant
ce changement de couleur he paroît pas, & la
maladie ne fe manifefte que lorfqu’elle a déjà
formé une cavité affez confidérable dans la Dent.
Dans les molaires , -c'eft ordinairement au fond
de quelqu’une des petites cavités de leur furface
qu’on commence à l’appercevoir. Dans les inci-
fives, elle commence le plus fouvent fur le côté de
la Dent, près de fon c o l, & fes progrèsïe font en
travers de fon corps, jufqu’à .ce que, divifé prefque
en entier , il fe rompe par le moindre efforr*
Quelquefois, mais beaucoup plus rarement, elle
attaque d’abord l’intérieur de la Dent, qui prend
alors une couleur noirâtre & brillante en même-
tems, parce qu’elle n’a pas perdu le poli de fa
furface ; & dans ce cas on ne voit pas de trou
qui eonduife dans fa cavité.
Cette couleur noire tient à la carie d’une petita
portion de la fubflance offeufe, près de la fur-
face interne de l’émail, laquelle carie creufe peu-
à-peu cette fubflance , jufqu’à ce qu’elle arrive à
la cavité naturelle de la dent. Alors, de quelque
manière quelle ait commencé , elle fe communique
à toute la furface interne de cette cayiré,
& les progrès deviennent beaucoup plus rapides ;
l’intérieur du corps de la Dent étant creufé &
détruit de plus en plus, il ne refle qu’une écaille
ou coque fort mince , qui fe brifant tôt ou tard
par la maftication, forme une ouverture plus ou
moins grande, & expofe à la vue tout l ’intérieur
de la cavité.
• La carje n’affeéte pas les racines des Derçts auffi
facilement que leur corps •, parvenue jufqu’à elles,
on la voit s’arrêter il efl bien rare du moins
qu’elle creufe bien avant dans leur fubflance, &
fouvent on les trouve parfaitement entières,
quoique tout le refle des Dents auxquelles elles
appartiennent ait été détruit, 8c quoiqu’ayant pe/du
tout principe de vie elles ne (oient plus que des
corps étrangers dans leurs alvéoles. Elles peuvent
demeurer bien des années en cet état, •&
fervir à la mafiication , fur-tout s’il fe trouve des
Dents à la partie correfpondante de» l’autre mâchoire
, pour leur donner un point d’appui. Cependant
y à la longue, les alvéoles commencent
à fe remplir par le fond d’une fubflance offeufe,
& pouffent au-dehors ces racines ou’« chicots,
qui fe détachent enfin de la gencive, ou qu’on
arrache avec la plus grande facilité , s’ils deviennent
incommodes. *
Quoique le mal paroifîe avoir fon principe
dans la Dent même, & ne pas beaucoup dépendre*
de l’influence des caufes extérieures, on
voit manifeftement dans bien des cas, que la carie
d’une partie de la Dent détermine celle de
tout
tout le refle. Car fi l’on enlève complètement
avec une lime la portion affrétée , avant que la
carie ait gagné la cavité de la Dent, on réuffit
fouvent à en arrêter les progrès au moins pour
quelque tems. # .
Quoiqu’on foit dans l’ufage d attribuer la cane
des Dents à des caufes accidentelles & extérieures,
elle n’en dépend pas auffi généralement qu’on
j’imagine. Souvent on la voit fe manifefter en
même-tems dans deux Dents correfpondantes,
ce qui feroit préfumer qu’en pareil cas elle dépend
d’une caufe qui tient à la formation de
ces Dents, & que le tems ou elle doit fe développer
eft. déterminé par la nature même de
leur organifation. D'ailleurs, toutes les Dents ne
font pas également fujettes à fe carier, les Dents
incifives de la mâchoire inférieure le font Igeau-
coup moins que celles de la mâchoire fupérieure,
où les molaires, quoiqu’égalementexpofées à tous
les accidens produits par des caufes extérieures
qui pourroient leur nuire.
Cette maladie & toutes fes conféquences paroif-
fent être particulières à la jeuneffe & à l’âge
moyen*, les Dents de lait y font tout auffi fujettes
& même davantage que les Dents permanentes
, & l’on voit rarement des Dents qui commencent
à fe cariée, paffé l’âge de cinquante ans.
On n’a pas encore pu rendre raifon de cette
affeflion d'une manière fatisfaifante. Si elle com-
mençoit toujours dans ^ ’intérieur de la^cavité,
on pourroit fuppofer qu’elle dépend de quelque
vice dans le fyfiême vafculaire de la Dent,
qui l’empêche de fe nourrir. Mais, comme elle
commence ordinairement à l’extérieur , dans une
partie où les Dents même les plus faines ne reçoivent
que peu ou point de nourriture, on ne
fauroit l'attribuer à aucune caufe pareille.^
Elle ne dépend point de l’aélion d aucune
caufe extérieure, de celle, par exemple, de quelque
diffolvanr, car un agent de cette efpèce ne
borneroit pas fon influence à une place auffi petite
& auffi circonfcrite. Et lorfque l’intérieur
d’une Dent a été mis à découvert par la carie,
fi le mal fait alors des progrès beaucoup plus
rapides, ce n’eft pas uniquement, comme on eft
en général porté à le croire, en vertu de l’aélion
de l’air fur cette partie -, car lorfque , par quelque
accident, une Dent faine vient à fe rompre, de
manière que fa cavité foit mife à découvert, il
n'en réfulte pas toujours que cette Défit fe carie.
Cependant on voit quelquefois qu'elle fe
gâte, en çonféquence d’un pareil accident,& qu’ elle
occafionne de la douleur , comme dans les cas
ordinaires de carie. Dans ceux-ci, le mal fait
évidemment des progrès beaucoup plus rapides,
lorfque la cavité delà Dent eft à découvert*, car
fi l’on peut en boucher l’ouvqrture de manière
à empêcher tout-à-fait l'accès de l’a ir , l’on eft
fûr de retarder confidérablement la deftruélion
de fa partie offeufe. D’où il réfulte que .fi 1 accès
Chirurgie. Tome -I.er I I .e Partie*
de lrair ne fuffi’t pas pour produire la carie , il
contribue au moins à en accélérer les progrès.
On n’a pas encore bien déterminé jufqu’à quel
point la carie d’une Dent peut contribuer à gâter
celles qui l’avoifinent •, il y a des faits qui fem-
blent attefter cette influence , tandis que d'autres
la feroient révoquer en doute. On voit fouvent
deux Dents cariées l'une & l’autre dans les points
exa&ement oppofés, & par lefquels elles le touchent*,
& comme l ’une a commencé à fe gâter
avant l'autre, on eft porté à croire gue la dernière
n’eft devenue malade qu'en raifon de l'infection
communiquée par la première. D’un autre
côté on voit fouvent une Dent fainé, en contact
avec la partie cariée d’une Dent malade ,
fans quelle éprouve la moindre* atteinte en
conféquence de ce voifinage.
Jufqu’à ce que la carie foit parvenue à ta cavité
de la Dent, il n’en réfulte pas de fymptônies
fâcheux, fi ce n’eft une fenfibiliré plus ou moins
grande de la Dent affeélée à tout attouchement,
ou à d’autres impreffions extérieures^ Mais, dès
que la cavité fe trouve à découvert, il furvienr,
pour l'ordinaire, beaucoup de douleur & d’autres
fymptôme* très-défagréables. Cela n’arrive pourtant
pas toujours, & l'on voit des Dents que la
carie détruit en entier, fans qu’il en réfulte aucune
douleur.
Souvent le mal de Dents produit par cette
caufe, après s'être fait fentir très-vivement pendant
quelque tems, s’appaife rout-à-fair, fans traîner
aucun autre fymptômê.à fa fuite , pour recommencer
au bout d’ün intervalle plus ou moins
long , & s’appaifer de même : mais il arrive fréquemment
auffi qu'il eft le premier fymptôme
d’une inflammation très-vive & très-douloureufe.
Les parties "voifines, favoir les gencives, les té-
gumens qui les recouvrent, les glandes parotides
& maxillaires, les os mêmes des mâchoires participent
à cette inflammation *, les parties molles
s’tnflent'aü point d’affèéter tout ce côté de la
tête où eft la Dent cariée -, la bouche ne peut
prefque plus s’ouvrir*, la fécrétion de la falive
eft augmentée , & l’oeil eft prefqu’entièrement
fermé.
Cette inflammation de la Dent dure quelquefois
affez long-tems, & s’appaife peu-à-peu. L ’or-
ganifation des Dents ne permet point que cet
état inflammatoire amène la füpurarion , ni la
granulation qui fe fait en d’autres organes, &
qui tend à les recouvrir, mais qui détruiroit ab-
folument l’ufage des Dents, fi elle avoit lieu dans
les affections de celles-ci. L ’inflammation fe dif-
fipe par degrés, mais fans jamais produire une
guérifoh radicale j elle laifle la dent auffi malade
quelle Péroit auparavant, & tout auffi fufcepri-
ble de s’enflammer de nouveau, jufqu’à ce que
fa partie molle ou pulpeufe, étant détruite en
entier , elle devient infenfible & fe trouve enfla
à l’abri de nouvelles attaques.
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