
unir de la manière la plus avantageufe la pratique à la théorie ; c’eft-là que >
par une attention foutenue aux phénomènes des maladies & aux traitemens les
mieux entendus, il apprendrai bien obfervet, à voir les faits fous leurs differentes
faces, 6c à juger fainement du parti qu’il convient le mieux de prendre dans les
différens cas qui fe préfentent.
L a Chirurgie n’eft donc pas une Science fi facile à acquérir, que l’on puiffe
en venir à bout, comme tant de gens l’imaginent, en apprenant quelques
formules , 6c en s’exerçant à faire quelques opérations des plus communes.
Combien de gens cependant qui n’ont pas d’autres titres pour fe dire Chirurgiens!
Pour peu que l’on réfléchiffe à ce qui fe pafle à cet égard,.on ne peut que
frémir des maux qui doivent en réfulter, & qui en réfultent inconteftablement.
C a r f i, dans toutes les villes d’une certaine étendue, on trouve des Praticiens
vraiment inftruits &C confommés dans leur Ar t , qui ne fait que leurs foins
particulièrement dévolus aux gens aifés, laide le bas peuple, la partie la plus
nombreufe de la Nation, à la merci d’une foule d’ignorans qui lui en impotent
par une prétendue habileté, 6c qui fouvent ne favent que l’égorger pour s emparer
de fes dépouilles. Dans les campagnes, fi l’on trouve çà 6c là quelques hommes
éclairés qui exercent le divin Art de guérir , il eft abandonné dans la plupart
des endroits non aux Charlatans proprement dits, qui cherchent toujours les
lieux où fe raflemble la foule, mais à des hommes fans inftruétion qui ne fuivent
qu’une routine aveugle, à laquelle ils font incapables de taire ni addition ni
changement, même après une longue pratique. I l eft plus aifé de faire appercevoir
ces maux" que d’en indiquer le remède; on ne le trouvera probablement que
lorfqu’on aura rendu l’inftruétion générale parmi' le peuple, & lorfquil aura
appris à calculer par-lui-même fes véritables intérêts à cet égard, comme a tant
d’autres, fur lefquels ilétoit relié jufqu’à ce jour dans la plus profonde ignorance.
Il n’y a aucun pays de l’Europe où le Gouvernement fe foit occupé avec
autant d’attention 6c de paternité qu’en France , des moyens d’empêcher
de gens incapables d’y
que la fanté des individus ne fût livrée aux foins
veiller. l i a voulu que perfonne ne pût être admis à entreprendre des études
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de Chirurgie fans être Maître-ès-Arts. I l a ordonné qu’on ne pourrait obtenir le
droit d’en exercer les fonctions fans avoir confacré trois ans à des Cours d’Ana-
tomie , de Phyfiologie , de Pathologie, de Thérapeutique, 6c fans avoir travaillé
pendant trois autres années dans les Hôpitaux ou ailleurs, fous d’habiles Maîtres.
Mais quelque fages que foient ces ordonnances, l’expérience de tous les jours
n’en démontre que trop l’iniuffifance. Beaucoup d’Elèves en Chirurrgie ne font
point convenablement préparés par les études préliminaires de Littérature & de
Pfiilofophie ; un grand nombre ne donnent point à celles qui appartiennent plus
ftriétement à leur Art, le tems ni l’application nécellaires ; la faveur cependant, la
protection leur font obtenir des certificats de favoir Sc de bonne conduite, qui
ne devraient être donnés qu’à ceux qui les ont mérités par leur application Sc
leur travail. Munis de l’autorité néceflaire pour s’ériger en Pradciens, fans confioitre
lés réglés de 1 Art qu ils vont exerce*, il y fuppléent par des recettes de
médicamens qu’ils appliquent au hafàrd, iis joignent aux fondions dé la Chirurgie
celles de la Médecine, fous lefquelles ils peuvent plus facilement dégüifer leur
ignorance, ôc font ainfî de 1 A rt de guérir une arme à deux tranchans, donc
ils frappent indiftinétement à droite Sc à gauche.
Nous ne nous apppfantirons pas davantage'fur ces abus, mais nous ne pouvons
nous empecher de dire un mot fur une queftion qui fe préfente ici naturellement..
Chacun convient qu il faudrait interdire à l’ignorant l’exercice de toute
.fonétion medicale, mais le Chirurgien éclairé pat l’étude 8c par la pratique,
neft-il pas autorife a exercer la Médecine aufïi b:en que la C h rurgie ? Tout
ce que nous avons dit pour prouver l’identité des deux proie (fions dans leurs
principes , ne tend-il pas à faire décider cette queftion pour l’affirmative?
Ecoutons la-dcllus un des Chirurgiens, les plus diftingués de notre fiècle
un de ceux qui ont fait le plus pour la gloire & l’avancement de leur Art (t).
et Quoique la théorie de la Medecine & de la Chirurgie foit la même, dit-il,
” quoiqu elle ne foit que l’affemblage de toutes les règles 6c de tous les préceptes qui
55 apprennent à guérir, il ne s’en fuit pas que le Médecin & le C h ’rurgien foient des
55etres que Ion puiffe ou que l’on doive confondre. Un homme qu’on fuppofera
55 pourvu de toutes les connoiflanccs théoriques générales, mais en qui on ne fup-
” M ' r'en nC ^era i f Chirurgien ni Médecin. Il faut pouf former un
55 Médecin, outre. 1 acquifition de la Science qui apprend à guérir, l’habileté d’ap-
55 pliquer cette Science aux maladies internes ; de même fi on veut faire un Chirur-
55gien, il faut quil acquière 1 habitude, la facilite, 1 habileté d’appliquer aufïï ces
.55 memes règles aux maladies externes. L a Science ne donne pas cette habileté
55pour 1 application des^règles, elle diète Amplement ces règles & voilà tout;
55 c eft par 1 exercice qu’on apprend à les appliquer, & par l’exercice fous un
35 Maître inftruit dans la pratique. 33
Nous fournies convaincus, ainfi que cec homme célèbre, que la théorie ne
jufht pas pour former un Praticien. On a dit, avec beaucoup de raifon, que fi
les penfées des autres pouvoient rendre un homme favant, il ne devenoit fao-e
que par fes propres réflexions & fon expérience. Des principes généraux, des
notions vagues de maladies n’auront pas une grande utilité, fi on ne les réduit
1 eS4-Æ CtS PluS ^fcei-mmés. Si le favoir n’eft pas dans les détails, rien ne fera
pus difficile que d en faire, au befoin, l’application aux cas particuliers. Celui
qui veut exercer la Chirurgie avec probité 6c avec honneur, doit s’y appliquer
comme a un Art & l’etudier comme une Science. S’il manque au premier de
ces ioins, il l’exercera fans fuccès, s’il néglige le fécond, il fera des bévues à
chaque pas, a. moins qufil ne foit dirigé par un homme plus inftruit, dont il
ne lera que 1 infiniment ou le manouvrjer. Le Médecin le plus favant, le plus
ver c dans la leârure dès Auteurs, s’il n’a pas vu des malades, s’il n’a pas confacré
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(i) M. Louis, ancienne Encyclopédie.