que la plaie fê guérira deux fois plus vite qu elle
ne feroit fi elle étoît au-deffous du genou , &
que le moignon fera recouvert de chairs & de
peau faine qui permettront au malade de s ap-
puyer fans crainte fur'fon extrémité , la raifon
dont nous venons de parler fur laquelle on fon-
doit particulièrement cette pratique, perd abfo-
lument tout fon poids.
Nous croyons qu'il ne faudrait prefque jamais
faire l’Amputation immédiatement au-deffous du
genou. Mais comme on eft encore généralement
dans l’ùfagè d’opérer en cet endroit, nous allons
décrire la manière dont on doit s’y prendre pour
faire cette opération.
On placera le malade fur une table , & l’on
s’affurera de lui , comme nous l’avons indiqué
pour l’Amputation de la cuiffe. On placera le
tourniquet au-deffus du genou , & l’on mettra
le çouffmet pour comprimer l’artère , fous le
jarret. Un aide aflis vis-à-vis du malade, tiendra
la jambe & le pied , tandis qu’un autre aide
tirera les tégumens vers le haut. Le Chirurgien
placé en dedans de la jambe fera avec le couteau
une incifion circulaire au travers de la peau & du
tiffu cellulaire ,jufques aux mufcles, affez bas pour
qu’après qu’on aura féparéune étendue de tégumens
fuffifanre pour couvrir en entier l’extrémité du moignon
on puiffe couper les mufcles & les os immédiatement
au-deffous de l’infertion des tendons
flé-hiffeurs de la jambe. On divifera les parties
molles entre les os avec le couteau à Amputations
, ou avec le fcalpel intéroffeux , voyez les
Flanches. On appliquera enfuite les rétraéleurs
de manière à foutemr& à défendre la peau & les
autres parties molles, pour quelles ne foientpas
touchées par la fcie quand on fera l’Amputation
des os. Cette partie de l’opération étant faite ,
on liera les vaiffeaux, l’on ramènera les tégumens
fur la plaie, & on les retiendra dans cette pofition
avec des languettes d’emplâtre adbéfif, comme
nous l’avons prefcrit en parlant de l’Amputation
de la cuiffe; on doit fuivre d’ailleurs le même
traitement que nous avons décrit alors jufquesà
parfaite guérifon ; feulement en mettant la bande de
flanelle , il n’efi pas néceffaire de commencer au
haut de la cuiffe ; il fuffira de lui faire faire deux
ou trois tours au-deffus du genou pour l’empêcher
de gliffer vers le bas.
En féparant la peau des parties qu’ elles recouvre
, il faut avoir foin de conferver avec elle
autant de fubfiance cellulaire qu’il eft poflible ;
autrement la circulation y- fera fi foible & fi
languiffante , qu’elle ne pourra peut-être pas
contraéler d’adhérence avec les parties dont on
la rapprochera. Il faut fe fouvenir auffi que lorf-
qu’on coupe la jambe au-deffous du genou , cette
diffeclion demande plus d’attention de la part de
l’Opérateur que lorfque l’opération fe fait à la
cuiffe, parce que le iiffu cellulaire, qui repofe ici
fur la furface de l’os , y eft bien plus ferré, &
plus difficile à détacher des parties voifines. Et
comme cet état de la membrane cellulaire ne
permet pas aux tégumens de fe retirer facilement4
après qu’on les a difféqués ; comme il n’eft même
pas trop poflible de les repouffer vers le haut,
il faut les rouler à mefure qu’on les fépare ,
avant que d’incifer les mufcles, autrement l’on
coupera la peau en faifant cette incifion , où l’on
ne pourra pas la faire auffi haut qu’il le faudroit.
Cette précaution de rouler la peau , eft indif-
penfable quand on fait l’Amputation en haut de
la jambe ; elle eft même quelquefois néceffaire
quand on la fait en bas; mais à la cuiffe on peut
toujours retirer les tégumens vers le haut autant
qu’il eft néceffaire , de la manière que nous avons
indiquée, fans être obligé de les rouler.
Nous avons d it , ci-deffus > qu’il falloit que le
Chirurgien fe plaçât vers la partie interne de la
jambe pour faire, cette opération. Etant de ce
côté, fi le genou & le pied font tournés un peu
en dedans, de manière à relever un peu le péroné
, on pourra appliquer la fcie de manière à
les couper tous deux à-la-fois , ce qui eft la
meilleure précaution à prendre pour empêcher
qu’ils ne fe caftent avant que d’être entièrement
coupés. Mais fi l’Opérateur fe place vers le côté
extérieur de la jambe , il ne pourra couper le
péroné qu'après que le tibia aura été fcié prefque en
entier. Il aura de plus le défavantage de pofer
la fcie fur la crête de ce dernier os , & par
conféquent de l’attaquer par fon plus grand diamètre
, ce qui rendra néceffairement l’opération
un peu plus longue.
Quand on veut faire l’opération au-deffus de
la cheville, il faut commencer par marquerFen-
droit où le moignon aura la longueur la plus
convenable pour recevoir une machine qui puiffe
fervir à marcher , en imitant l’autre jambe
Je mieux qu’il fera poflible. Il paroît que , pour
une perfonne de taille ordinaire, la diftance de
huit à neuf pouces depuis la jointure du genou
eft en général la plus favorable , parce que le
moignon alors eft affez long pour fournir des
' points d’appui fuffifans à la-jambe artificielle , &
que l’on pourra donner beaucoup plus de légèreté
à celle-ci , que fi le moignon étoit plus
long; car on feroit obligé d’en faire entrer l’extrémité
dans la machine, qui par conféquent de-
vroit être plus épaiffe & plus lourde , & ne
pourroit plus avoir aulfi exactement la forme &
la groffeur de l’autre jambe. Une autre confidé-
ration encore doit engager à ne pas couper très-
près des malléoles, c’ eft que, quoiqu’en en général
il convienne de conferver la plus grande longueur
poffible au moignon , il importe beaucoup auffi
de ne pas couper trop près du fiége du 'mal >
fur-tout en cette partie , parce qu'on court le
rifque de trouver les vaiffeaux très—dilatés , ce
J qui oblige à faire beaucoup de ligatures. Quel*
efois même il en réfulte une .hémorrhagie de
foute la furface, très-difficile à réprimer, ou une
plaie qui fuppure beaucoup, ou qui fe réunit mal.
V Après avoir décrit la manière d’amputer immédiatement
au-deffous du genou, nous ajouterons
que l’opération au bas de la jambe doitfe
faire*exactement fuivant la même méthode que
l’Amputation de la cuiffe ; nous remarquerons
feulement qu’en cet endroit , on trouve fur le
devant, au lieu de mufcles, des os couverts de
peau & de fubftance cellulaire ; mais comme
cette fubfiance eft ici plus lâche & en plus grande
quantité qu’au haut de la jambe , non-feulement
on la détache plus aifément du période , mais
elle fert à couvrir les os d’une manière beaucoup
plus complette. Auffi , quand l’opération a été
bien faite , la plaie fe cicatrife pour l’ordinaire
en moins de trois femaines ; & la furface du moignon
eft égale , & bien couverte de peau parfaitement
faine.
iAmputation a Lambeau.
Il nous refte à parler de l’Amputation à lambeau
, opération qui depuis quelques années a été
pratiquée avec le plus grand fuccès , quoiquelle
eût été dévouée à l’oubli depuis long-tems ; qui
mérite bien d'être connue dans l’état de perfection
auquel on l’a amenée de nos jou rs , & qui peut
même être préférée, dans certains cas, à toute
autre méthode.
Nous avons déjà remarqué, ci-devant, que l’Amputation
étoit autrefois une opération extrêmement
dangereufe ; & que lorfque les malades
ne périffoient pas de fes luites immédiates, leur
fanté en étoit très-dérangée. La cure devenoit
extrêmement longue ; & les moignons étoient
après la guérifon, d’une fi mauvaife forme, & fi
mal garantis par les régumens qui les recou-
vroient, qu’ils ne pouvoientêtre d’aucune milité.
Tous ces défavantages a voient engagé les Chirurgiens
à chercher une méthode plus sure &
plus utile ; ils imaginèrent pour cela de conferver
un lambeau de mufcles & de peau au-
déffous de la feCtion de l’ os , dans le but de
s’en fervir pour recouvrir le moignon. Cette
opération fut d’abord propofée par un nommé
Loudham, Chirurgien Anglois, & îe manuel en fut
publié, en 1679, par Jacques Youngdans fon ouvrage
• intitulé : currus triumphalis ex tercbinth. Elle a été-
pratiquée plufieurs fois avec fuccès , fi l’on veut
«n croire les Auteurs , en Hollande , en Allemagne
, en Suiffe & en France; mais , pendant
un fiècle , ces prétendus fuccès n’ont jamais pu
lui donner quelque réputation Son principal inconvénient
venoit des hémorrhagies, qu’on cher-
choit à prévenir par des moyens trop incertains ,
tels que l’application de l’agaric & de diverfes
fubftances aftringentes ; ou par la ligature des
artères dans laquelle on comprenoit beaucoup de
fubfiance mufculaire ; ou par tme eompreffioa
extérieure trop forte. On fixoit le lambeau par
des points de future ; & lorfqu’après le panfe-
ment il furvenoit une hémorrhagie , ce qui
arrivoit très-fréquemment, il falloit pour découvrir
les artères qui fourniffoient le fang, ôter tout
l ’appareil, & détruire les adhérences qui pou-
voient déjà s’être formées. Lors même qu’il n?y
avoir pas d’hémprrhagies , ou qu’on parvenoit h
les arrêter, là compreffiQn, qu’on employoit auffi
pour appliquer uniformément le lambeau fur la
plaie, nuifoir au fuccès ; la douleur, l’inflammation
& les fuppurations abondantes en étoient
les fuites ; & comme ces fymptômes.étoient portés
plus loin encore dans cette méthode que dans la
méthode ordinaire , elle fut totalement décriée.
En 1765, M .O’Halloran, Chirurgien de Lime-»
rick, en Irlande, tira de l’oubli l’Amputation à
lambeau qu’il fit d’après un plan nouveau, étayé
d’obfervations & de raifonnemens très-ingénieux,
& propres accréditer fa doélrine. Le principal
okïmgement qu’il y a introduit, confifte à ne
pas appliquer le lambeau fur la plaie j immédiatement
après l’Amputation , mais à renvoyer de le
faire jufqu’au dixième , douzième ou même
jufqu’au quatorzième jour ; en attendant , il
panfe l’extrémité du moignon & la furface interne
du lambeau, comme deux plaies diftinéles ^~à
cette époque l’inflammation étant appaifée, les
bords de l’os recouvert, & la fuppuration fe trouvant
établie, il rapproche le lambeau de la fur-
face du moignon, & le retient dans certe pofition
au moyen d’emplâtres adhéfifs, d’une douce com-
preffion, & d’un bandage propre à contenir tout
l’appareil, jufqu’à ce que les parties foient parfaitement
réunies. *
De cette manière l ’opération à lambeau eft
devenue beaucoup moins dangereufe , & beaucoup
plus iure quant au fuccès. Il eft à préfumer qu’elle
auroit été généralement admife dans" la pratique ,
fi la méthode perfectionnée que nous avons décrite
n’eût déjà commencé à s’introduire. Mais
quoiqu’il foit très-probable que cette dernière
méthode fera généralement préférée, il y a des
cas où l’opération à lambeau fera plus convenu-:
ble. Car toutes les fois que la plaie ne pourra
pas être fuffifamment couverte de peau en opérant
d’une autre manière, il ne faudra pas héfiter
à recourir à celle-ci. C’eft ce qui arrivera par
exemple lorfqu’on fera l’Amputation du bras dans
l’articulation de l’épaule, ou de la cuiffe dans
I l’articulation de la hanche, ou lorfqu’on am-
j putera Un doigt ou un orteil. Quelques Praticiens la
préfèrent auffi à la méthode que nous avons décrite
, lorfqu’il -s’agit d’amputer au-deffous du
genou ; car les tégumens fe trouvant fort minces
en cet endroit, ils imaginent que le moignon ne
fauroit être couvert, autant qu’il eft néceffaire, par
aucune autre méthode. Mais par la raifon que nous
avons déjà expofée, il n’y a jamais de néceffité de