
faire l’opération à lambeau,ni au-deffus du genou,
ni près des malléoles, ni au bras, ni à l’avant-
bras. Cependant comme il pourroit arriver que
quelques Chirurgiens lui donnaient la préférence
dans tous les cas, nous allons décrire la manière
dont on doit la faire dans chacun de ces endroits.
I. De tAmputation de la Cuijfc
dans Varticulation.
L ’Amputation 'de la cuifle à l’articulation a
toujours été regardée comme une des opérations
H* plus dangerenfes , auffi avons - nous peu
d'exemples de cas où elle ait été rnife en exécution.
Les Praticiens , même les plus célébrés, en ont
parlé en général , comme d’une opération que
l ’on peut décrire dans un traité de Chirurgie ,
mais qui n’a jamais lieu dans 1? pratique ; &
quand on considère la groffeur des vaideaux qui
portent le fang dans ces parties; la difficulté de
le rendre maître de l’hémorrhagie pendant qu'on
opère, & l’étendue prodigieufe que devroit avoir
la plaie dans la manière ordinaire de faire une
Amputation, il n’y a pas lieu de s’étonner du
point de vue fous lequel on a envifagé cette opération
, ni de l'horreur qu'on en témoigne.
Mais lï l’on peut écarter ces difficultés $ fi l’on
peut empêcher l’hémorrhagie pendant l’Amputation
, & s’en garantir enfuite *, s'il eft poffible
de couvrir toute la plaie de peau , affez complet -
temenr pour qu’elle fe cicatrife en peu de femai-
nes ; enfin s’il fe préfente des cas q u i, lorfqu'on
refufera cette relfource, fe termineront néceffaî-
rement par la mort du malade , on ne doit pas
.héfiter à y avoir recours. Or il n’eft pas bien difficile
de comprendre que l’on peut amputer dans
l ’articulation dp la cuifle, fans occafionner une
grande perte de' fang ; ^que l’on peut conferver
affez de peau pour en recouvrir toute la plaie ;
& fûrement aucun Praticien ne niera qu’il n’y ait
des cas où le haut de la cuifle eft tellement
afflé lé, qu’il ne refte aucune’chance de fauver le
malade qu’enfaifantl’Ampution de tout le membre.
Nous nous fomtnes fuffifamment étendus, ci-
devant fur les caufes .qui peuvent déterminer la
néceffité d’une Amputation quelconque. Nous ne
répéterons pas ici ce que nous avons dit à ce
fujet*, mais nous obferverons que des plaies d’armes
à feu, accompagnées de fraélure dans c,ette
articulation , la fpina ventofa, & la carie de la tête
du fémur font à-peu-près les feules caufes qui puif-
fent donner lieu'à l’opération dont nous parlons*
Lorfqu’on fera déterminé à la faire, voici de
quelle manière il faudra s’y prendre.
L'on placera le malade fur une table; & afin
de jnienx mettre à découvert les parties où l’on
doit couper, on le fera tenir fur le côté fain. On
le retiendra dans lapoflure convenable , en plaçant
auprès dç .lui un nombre d'aides fuffifant pour s 'e n
affurer, tandis qu’un autre aide rechargera de tenir
le membre qu’on doit amputer.
On mettra une pelotte ou un eouffinet d’une
conliflance convenable fur l’artère fémorale, à
l’endroit précifément où elle fort de deflbus le
ligament de Poupart, pour entrer dans la cuifle,
& l’on s’en fervira pour la comprimer , & pour
arrêter totalement là circulation dans les parties
inférieures , au moyen d’un tourniquet qu'on
placera le plus haut qu’il lera poffible. On divi-
fera la peau , le ri fin cellulaire & i’aponeurofe
tendineufe de la cuifle, par une incifion circulaire
, à fix poucesan-deffous dufommet du fémur,
& à trois pouces au moins plus bas que la bande
du tourniquet; & après avoir fait remonter la peau
d’un pouce, on incifera les mufcles le long defes
bords avec le couteau à Amputation , de manière
àpénétrer perpendiculairement, & tout autour, jufqu’à
l ’os. Si cette incifion des mufcles aéré bien
faite, ils fe retireront affez pour donner à l’Opérateur
la facilité de lier, non feulement l’artère
fémorale, mais toutes fes branches mufculaires;
enfuite au moyen d’un grand fcalpel très-fort. &
convexe du côté du tranchant, on fera une incifion
profonde jufqu’à l’os, qu’il faiidra commencer vers
le bord fupérieur de l'incifio-n circulaire , fur la
partie poflétieure de la cuifle , & continuer en
remontant jufques un peu au-deffùs du grand
trochanter, en pénétrant dans la.jointure. On
fera une incifion pareille dé l’autre côté du membre
, à une diftance convenable de l’artère fémorale
j ufqu’à l’os ; on difféquera de part & d'autre
les chairs de defiùs l’os , & l’on fera tenir les
lambeaux par les aides, tandis qu’on aura foin
de lier toutes les artères coupées à nufure qu’on
pourra les appercevoir. La jointure étant mife à
découvert, il faudra une certaine dextérité pour
dégager la tête du fémur de dedans l’acetabulum,
car le ligament rond qui le retient dans cette
cavité rend la chofe un peu difficile. Mais en
tournant l’os en différçns Cens, & fur-tout en le
preffant dp dehors en dedans, ç’eft-.à-dire, vers le
côté où il peut le mieux s’échapper hors de l’acetabulum
, parce que le bord de cette cavité s’y trouve
moins élevé, fatêre en fortira allez pour que, de
l’autre côté, on puiffeatteindre ip ligament avec la
pointe d’un fcalpel ou d’un bifiouri à pointe boutonnée
-, mais, pour en venir à bout , il faut que
tous les mufcles foient auparavant détachés de l’os.
La tête du fémur étant fortie de fa place, &
le membre tout-à-fait fëparé, il faut examiner
l’état de l racetabulum, car s'il fe trouve fain, on
pourra bien plus certainement fe flatter d’une
g.u.érifon que s il y en a quelque portion qui paroi
ffe cariée. Mais quelle que foit l’apparence des
o s , le traitement de la plaie doit être le même;
il faut chercher, autant qu'il eft poffible, de la
guérir par Ample réunion. C’eft pourquoi, après
avoir débarrafl’é la furface de la plaie de tout
le fang coagulé, & avoir replacé les mufcles |
autant que cela fe peut dans leur pofition naturelle
il faut rapprocher les.lambeaux de manière
qu’ils recouvrent la plaie, & les fixer dans,
cette pofition , par quelques points de future
placés aux endroits les plus convenables,
par des emplâtres adhéfifs, & par de bonnes
compreffes retenues au moyen d’une bande de .
flanelle, paffée plufieurs fois autour du corps, &
en fpirale autour du moignon. On aura grand
foin de laiffer les ligatures des artères affez longues
pour que les bouts pendent extérieurement, .
& que l’on puiffe enfuite les tirer facilement hors
de la plaie.
L’opération étant achevée, on mettra le malade
au lit, & on le foignera exactement, à tous égards,
comme nous avons recommandé de le faire en parlant
du traitement général des malades, après une
Amputation. On remarquera feulement, qu’il faut
être ici plus attentif qu’en aucun autre cas àprévenir,
& à diinper les fymptômes de fièvre qui furviennent
plus ou moins après toute opération de ce genre ;
car lorfqu’on ôte une partie du corps auffi confi-
dérable, on peut s’attendre qu’il en réfuitera un
très-grand effet fur tout le refte de la machine. Si
le malade efi pléthorique, il conviendra de diminuer
la quantité du fang, par des faignées plus ou
moins répétées, fuivant l’état du pouls,. &• par un-
régime févère.
Beaucoup de Praticiens cependant-fe font trompés
fur ie principe d’après lequel ils croyoient la
faignée néceffaire en pareil cas, imaginant qu’après
une Amputation , le fyftême fanguin devoit contenir
tout le fang qu’il contenoit auparavant, &
en outre celui qui étoit deftiné à circuler dans
le membre amputé. Mais le membre amputé emporte
avec lui une quantité defang proportionnée à
Ion volwme, &n’en làiffe pas-beaucoup plus dans-les
vaiffeaux qu’il n’y en a voit auparavant.- Ce n’eft
donc pas de cette furabondance du moment, qu’il'
faut s’inquiéter*, mais comme le fang fe fépare & .
fe renouvelle fans ceffe, la nature accoutumée à
en former une certaine proportion néceffaire pour
le corps, lorfqu’il eft dans fon entier, continue
à en préparer la même quantité, après qu’on; a fé-
paréune partie des vaiffeaux-où ce fluide fe dif-
iribnoit. Il réfulte de-là une trop grande tenfion
du fyftême de la circulation, . fi l’on n’a pas foin
de diminuer extrêmement la quantité d’aiimen* y
fur-tout après l’Amputation d’un membre auffi
volumine ux que la cuifle. Auffi doit-on conleiller
aux perfonneî,.qui fe trous eroient dans un cas pareil
, de s’aftreîndre à un régime peu nouiriffant,
fi ce n’eft pendant toute leur vie , au moins pendant
long-tems, après, avoir fubi une femblable
opération. *>
On lèvera l’appareil dans le tems ordinaire , &
dans l’efpace de dix ou douze jours, on pourra
retirer toutes les ligatures *, alors on refermera
Soutes les portions de la plaie qui- demeurer oient I
encore Ouvertes, en rapprochant leurs bords, & en
les maintenant en conraél par des bandes d’emplâtre
adhélîf. On peut bien s’attendre que, pendant
la cure d’une plaie auffi prodigieufe, il fe
formera, en différens endroits, des amas de pus
Tous la peau ; car on ne pourra pas exercer fur
toute fon étendue , une compreffion suffi égale
qu'on le fait dans d’antres cas d’Amputation ;
mais l’inconvénient qui en réfultera ne fera pas
très-grand ; & fi l’on ne peut pas fe débarraffer du
pus en comprimant les parties, on en viendra
facilement à bout avec la lancette; & la guéri
fon , fuivant toute apparence, n’en fera pas extrêmement
retardée.
Dans toutes les circbnflances poffibles,cefte opération
paroîtra toujours très-cruelle & très-redoutable.
Cependant, quand on l’exécutera delà manière
qwenous venons de décrire , on en diminura
bien le danger & les inconvéniens ; malgré l’horreur
qu’elle infpire, nous penchons à croire qu’un
Praticien accoutumé à opérer , ne devroit jamais
héfiter à la faire quand elle fera néceffaire pour
fauver la vie du malade. Au moyen du tourniquet,
on eft parfaitement maître d’empêcher le fang de
circuler dans le membre affeéié, jufqu’à ce qu’on
ait lié tous les vaiffeaux qui ont été coupés par
l’incifion circnlaire des mufcles*, & fi l’on a foin
de faire auffi la ligature de toutes les artères que
L’on apperçoiten faifant les incifions longitudinales
-> & en difféquant les lambeaux mufculaires,
la perte de fang fera très-peu confidéiabie. On
ne courra pas de rifque de bleffer l’artère fémorale
en féparant les chairs de l’os fS pourvu qu’on
le fafle avec précaution.
On dira peut-être qu’en faifant l’opération dé
la manière que nous avons décrite, on confer-
vera une plus grande quantité de mufcles & de
tégumens, qu’il n’en faut pour couvrir la plaie.
Mais on ne doit pas oublier que cette plaie aura
une très-grande étendue , & que les mufcles coupés
fe retireront confidérablemenr. D’ailleurs on
ne pourroit pas appliquer le tourniquet ,, fi la
première incifion devoit fe faire beaucoup plus
haut que nous ne l’avons preferit ce qui ren-
droit l’opération bien plus dangereufe; & fi les
lambeaux mufculaires & les tégumens fe trou-
voient un peu plus longs qu’il ne faut pour couvrir
la plaie en entier, l’inconvénient n'en feroit pas
bien grand, tandis qu’il y en auroir beaucoup,
s’ils n’étoient pas affez longs pour rempltr ce but.
Dans le fixième Volume des Commentaires de
Médecine d’Edimbourg, on iit l’hifloire d’une Amputation
de la cuiffe dans l’articulation, faite par
M. Kerr, Chirurgien à Northampion. Dans ce
cas, on renvoya la feélion de l’artère fémorale à
la fin de- l’opération ; & l’on ne fe fervit pas de
tourniquet. 11 ne furvint pas d’hémorrhagie; mais
certainement on courut plus de danger à cet
égard, que fi l’on avoit fuivi la méthode .que nous
v e fiions de- décrire. L O pérateur* ne pouvoir- dail<t