
qui fe répandent dans la cuiffe*, cé qui fait qu'au-
defius du genou> plufieurs parties confervent encore
de la fenlibilité , malgré la compreffion
qu’on exerce plus haut, & qui ne peut affeéler ces
branches. M. Moore préfume, que lorfqu’il s’agit
de couper la jambe au-deffus du genou , on pour-
roit, au moyen du tourniquet, comprimer ces
nerfs affez efficacement pour fufpendre tout-à-fait
leur fenfibilité *, il faudra, pour çet effet, l’appliquer
un peu au-deffus de l’endroit où J’on
doit amputer, & le laiffer jufqu'à ce que les
parties au-deffous foient tout-à-fait infenfibles.
On pourroit croire , qu’en continuant à comprimer
les gros troncs des nerfs- auffi long-tems
que cela paroît néceffaire pour obtenir leffet
déliré, on court le rifque d’occafionner un degré
permanent d'engoùrdiftement, ou même de para-
lyfie dans la partie du membre qui relie après,
l'amputation. M. Moore regarde cette craintç
comme abfolument deflituée de fondement, ayant
fouvent fait ufage fur lui-même de la machine
décrite' ci-deffus , en la laiffant én place affez
long-tems après quelle avoir fufpendu toute fen-
"tfibiïité, & tout mouvement dans le membre fur
lequel il l’avoit appliquée, & ayant conftam-
ment obfervé que ces deux facultés fe rétablif-
foient dans toute leur perfeélion, peu de minutes
après qu’il avoit écarté la caufe comprimante.
Le même infiniment, en lui donnant [es di-
menfions convenables, peut également fervir pour
l'amputation du brasj il aura même ici le double
avantage de s’appliquer avec plus de facilité., &
de prévenir, plus complettemént encore que dans
la cuiffe , la douleur des opérations; parce que
tous, les nerfs qui fe diftribuent au bras & à la
main, font raffembiés fous Taiffelle, & neuvçnt
erre facilement comprimés tous à-la-fois.
Ce n’eft pas feulement dans les amputations,
que l’on pourra tirer avantage de cette méthode.
Car s’il peut amortir la fenfibilité des parties,
le Chirurgien aura bien plus de facilité à examiner
les os foupçpnnés de carie, à appliquer
les moyens propres à déterminer l’exfoliation, à
ouvrir les abcès & les finus, à retirer des plaies
l.es efquilles d'os & les corps étrangers, &c. L’on
peut fe flatter auffi de tirer parti de ce moyen ,
pour la réduction des fraciures St. des luxations',
car, quoique les mnfcLes privés de Tinflqence
nerveufe, pourront encpre fe contrarier jufqu’à
qn certain point, lorfqu’ils feront irrités par l’ex-
tenfion ou autrement, la compreffion des nerfs
ôtant au malade toute fenfibilité, ne lui 1 aider a,
ni le pouvoir, ni la volonté dé réfifter aux efforts
de l’opérateur , pour ramener les parties dans
leur .pofiîion naturelle.
Tel eft le moyen que M. Moore a imaginé,
pomme propre à diminuer la Douleur dans certaines
opérations. Nous ne favons jufqu'à quel
point une expérience ultérieure a confirmé ,, 04
pourra confirmer encore la bonne opinion qu’il
avoir conçue de fes avantages, mais nçus avons
regardé fa découverte comme trop intéreffante
& trop ingénieufe pour ne pas mériter une place
dans cet ouvrage. Le terns & les travaux des
Praticiens détermineront le degré d’utilité qu’on
peut en attendre.
DRAGONEAU. ApaxoyTMv. Dracunculus, Maladie
/endémique à Médine, dans, l’Inde , & dans
quelques endroits de la Zone torride. Albuchafis,
confidérant les phénomènes qui l'accompagnent,
ne çrut pouvoir mieux la caraélérifer, qu’en l’ap-
pellant, TaJJîo vtnee. exeuntis ou vena exiens.
Cette maladie avoit déjà été obfervée par Galien,
& par les Grecs qui ont écrit depuis lui,
tels que Paul d’Egine, Ætius & autres j ils lui
donnèrent le nom de Ap«tiço»T«y. , d’après l'apparence
d’un petit ferpent, qu'avoit le corps qui
s’échappoit au-dehôrs, à la fuite d’une inflammation
locale, qui a toujours lieu en pareil cas.
Cette dénomination eft toujours reftée parmi
nous, parce qu’eu effet elle lui eft la plus convenable.
Voyei les Definitton.es Medicce , de
Gorrée, Médecin de notre Faculté,
Cette maladie eft-elle occafionnée par les efforts
d’une veine qui tend à fortir au-dehors,
comme le penfoient les Arabes ? Les détails où
l'on entreroit, pour donner à cette opinion un
air de vérité, feroient abfolument fupferflus, l’Anatomie
ne pouvant en aucune manière les admettre.
Les Grecs ont été plus foigneux à nous
tranfmettre les moyens curatifs de çette affection,
que de nous en développer la caufe. Plufieurs,
cependant, reconnoiffant une organifation dans
le corps vermiforme qui fort ainli de la peau,
le regardèrent comme un véritqblç animal,
malgré le fentiment contraire de quelques Arabes,
& notamment de Rhasès & d’Avicenne. Koempfer,
dans fes voyages de l’Inde, & Hans-Sloane, en
Amérique, qui avoierir eu de fréquentes occafions
d’pbferver le Dragoneau, difent politivement que
c’çft un êtfe vivant & organifé. Cette affertion
eft abfolument contraire à celle de J. L. Petit, qui,
dans les Mémoires de l’Académie Royale des
Sciences, 1726, prétend que ce corps n’en qu’une
concrétion lymphatique féjournant. dans une
veine, & fufceptible de réfolusiun, comme toutes
les coagulations fanguines. Cette opinion ne fan-
roit être mieux réfurée, que par Pexpofé que j’ai
eu occafion d’obferver moi-même à ce fujet,
Après avoir doublé le Cap de Bonne Efpérance,
pour revenir en Europe, je fus appellé, par les
15 degrés de latitude méridionale, pour voir im
Dragoneau qui venoit de fortir fpontanément de
là jambe d’un Matelot. Il étoit à-peu-près du
volume d’une moyenne plume à éçrire, & avoit
/ environ
environ quatre pouces d’étendue ; il étoit d’un
blanc de perle, & ne préfentoit aucune -diftinc-
tion de parties, fi ce n’eft quelques fibres circulaires
féparées d.’autres, qui ètoiem plus rranfpa-
rentes. En le confidérant à la loupe, j’apperçus
intérieurement un mouvement comme celui d’un
tourbillon, qui alloit d'une extrémité à l'autre,
& qui yevenoit enfuite fur lui-même ; ce mouvement
imitoit en tout l’impulfion qui détermine
les molécules organiques du fperme, à fluer, tantôt
vers un lieu déterminé, tantôt vers un autre.
Ce tube organifé fe contournoit, & formoit des
ondes d’une manière fenfible \ ces ondes augmen-
toient par la feule impreffion de l’haleine, ou en
verfant deffus quelques gouttes d’eau froide. Peu-
à-peu ces mouvemèns ondulatoires commencèrent
à difparoître à mes yeux, & j’avois déjà tenté de
les rappeller avec la pointe d’une épingle, lorfque
celle-ci, poufièe trop avant, fit fortir une humçur
exactement femblable à l'humeur féminale qui
n’a point féjourné dans les véficutes. Les parois,
qui contenoient ce fluide, s’affaiffèrent auffi-tôt,
& le tout devint femblable à une veine vuide.
Cet affaiffement doir, en quelque façon, difculper
les Arabes de leur erreur fur la caufe première
de la maladie.
Le Dragoneau n’eft point une affeCHon tellement
annexée à l’homme, qu'on ne puiffe la
rencontrer quelquefois chez les animaux. Les Auteurs
ên rapportent divers exemples, & Bartho-
lin dit en avoir vu deux dans le rein droit d’un
■ chien fort maigre : ceux que Bidloo obferva dans
le foie des moutons & des autres animaux, & ceux
que Volchérus Coiter trouva dans le foie & les
poumons^des brebis, ne paroiffent point diffé-
rens de ceux que les Arufpices troiivoienc à Rome
dans les entrailles des victimes, & dont ils ti-
roient un heureux préfage •, à moins qu’ils ffetiffent
fu en impofer au peuple, en les fubftituant lorf-
qu’ils' ne les-y reqçontfoienr point. Bernardinus
Gallegauris en a rrouvé dans le faucon ; & il
ajoute, que quand ce ver manque d’aliment, il
fe porté de la peau en-dedans , & qu’il le fait
mourir en lùi perçant la coenr. Velfchius, qui a
beaucoup écrit fur cette maladie , dit qu'il en a
vu de fort longs dans les reins & le foie des al-
louettes. Doit-on regarder comme tels, ceux qu’on
obferve dans les écreviffes & les huitreS, particulièrement
l’hiver ? C’eft ce que nous laiflbns à
décider aux Naturaliftes.
Si le Dragoneau peut ainfi refter long - terns
intérieurement, fans manifefter au—dehors-le
moindre ligne de fon exiftence ; les obfervations
de ceux qui difent avoir trouvé des vers dans des
cavités, qui naturellement ne peuvent en admettre,
pourroient ne point être entièrement defti-
tuéés de vérité. Telle eft celle de Duverney , qui
dit en avoir vu un dans le finus longitudinal fu-
périeuc.de la dure-mère-, de Guy-Patin, qui en
Chirurgie, Tome %et IL* Partiea
tfouvé dans le cerveau d’une jeune fille •, ob-
fervation rapportée par Th. Barthoiin , & nombre
d’autreséparfes dans les ouvrages des Obferva-
teurs.
Le Dragoneau^ n'eft pas toujours en totalité
dans le lifeu où il a paru d’abord. Guénot rapporte
à ce fujet, l’hiftoire d’un malade , dont le
vers fe rompit au pied par l’impéritie d’un Chirurgien.
La douleur , l’inflammation & les côn-
vulfions ne tardèrent point à paroître , & la
mort fuivit vingt-quatre heures après. Le padavre
ouvert, on trouva la plante du pied enftunmée:
le ver y étoit attaché *, & de-Ià il fe contournoit
cinq ou fi.x fois comme une corde, à l’entour de
la cheville*, & enfuite il fe portoit droit au genou,
où il faifoit de nouveaux contours, & alloit enfin
finir vers le coccix. On trouve dans Velfchius,
une gravure qui exprime ces circonvolutions
variées/
Il n’eft point éronnant qu’une maladie auffi
fingulière que celle-ci, ait excité les Pathologifies
à en chercher les caufes. Les Médecins du pays
où elle règne, l’attribuent généralement aux eaux$
cette opinion , qui n’eft fondée fur aucune rai-
fon , n'en a pas moins été celle des Médecins, &
des Chirurgiens Européens qui ont eu occafion
de voir cette maladie. H eft d’obfervation qu’ellé
n'affèéle point indiflinélement toutes fortes dd
perfonnes *, que les riches , qui font de la propreté
un objet de luxe, n’y font point fujets,
mai* bien les pauvres, & particulièrement ceux
qui vont pieds nuds. Or une caufe fi univer-
felle que leau , ne devroit-elle pas produire fon
effet ihdiftinélement fur tous les fujets?- La dif-
ferrarion du D. Linnée, qui a pour titre, YExati-
themata v iva, feroit foupçonner que la caufe première
de cette organifation animale, eft cachée •
fur le fol même, comme il en eft à l’égard des
chiques. Nous devons aux Naturaliftes de nous
avoir fait cônnoître les peuplades microfcopiques
qui vivent dans la farine, dans la pouffière du
lycopodium ; d'avoir fournis à nos yeux celles
qui établiffent leurs républiques dans les eaux
ftagnantes, dans les diverfes excrétions ou éruptions
du corps humain *, mais aucun n’a encore
parcouru d’un oeil avide , la pouffière foulée aux
pieds, qui dans les pays où cette maladieëft endémique,
peut fervir de matrice à une caufe purement
microfcopique, laquelle n’attend pour fe
développer., qu’un foyer plus convenable. Peut-
être eft-ce elle qui fe fixe aux pieds fuans des
malheureux, à qui l’indigence reiiife le vêtement
qui les en préferveroit. De quelque manière que
le Dragoneau parvienne dans le corps, dès le moment
qu’il y eft entré, il fe développe facilement\
& en le parcourant d’une région à l'autre, il chemine
dans le tiffu cellulaire , de même qu'une
taupe fe fraie voie dans la terre, non fans cependant
exciter quelques douleurs, qu’on rap