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mes & toutes les parties fol ides, jufquaux os •,
cette diftinélion , difons-nous, eft vaine & inutile
dans la pratique, puifqu’il eft impoffible pour
l’ordinaire, de juger, avec quelque exaélitude,
par l’apparence extérieure des parties, jufqu’où
le mal peut avoir pénétré.
Le -corps humain eft une machine dont la
durée eft limitée par fa ftruélure même,* non-
feulement il porte, dans la manière dont il eft
organiféj les principes de fa deüriuSiion *, mais
l’aélivité même du principe vital modifiée de di-
verfes manières, en devient fouveut la caufe immédiate.
Ce que nous difons du tout, eft également
vrai de fes parties} chacune a fa vie particulière,
& par-là même, eft fufceptible de
différentes modifications qui tendent à la détruire^
en forte que’ tout organe doué de force
vitale, & d’une faculté d’agir qui lui eft propre,
peur la perdre, en vertu de l’aétion de diverfes
eau fes qui altèrent ou dirigent dune autre manière
fon énergie naturelle. Lorfqu’une fois il en
eft privé, tout rapport te trouve perdu entre la
partie morte, & celles où la vie fubfifte encore,
&,;il n’eft pas au pouvoir de d’art de le rétablir.
D e s Caiifes éloignées de la. Gangrène.
Les phénomènes qui accompagnent la mortification
, ne font pas toujours les mêmes ^ ils diffèrent
, fuivant l'organifation des parties affectées
, fuivant la difpofition antérieure du fyftê-
me , & fuivant la nature des caufes qui ont dé*-
lerminé'la maladie.
Comme la connoiffance de ces caufes eft d une
grande importance, pour le diagnoftic & le traitement
de la Gangrène , nous commencerons
par en faire l’énumération*, nous expoferons
tnfuite i’hifioire & le traitement de la maladie.
$. I. VInflammation,
La plus manifefte & la plus fréquente de
toutes les caufes de Gangrène, c’eft l’inflammation.
Telle étoit l’opinion des Anciens, & telle
eft celle de prefque tous les Modernes *, quelques
uns de ces derniers cependant, en convenant
que la Gangrène tient quelquefois à cette
caufe, nient qu'il y ait une connexion néceffaire
entre l’une & l’autre, & prétendent au contraire
qu'elle dépend très-fou vent de caufes qui fup-
pofenr un état du fyftême abfolument oppofé à
l’état inflammatoire. Mais' cette difficulté ne gît
que dans les expreffions.. Si l’on n’entend par
le mot inflammation , que cette affeéiion fpon-
tanée du corps, marquée par .une douleur vive
& puifatile , avec tenfion & gonflement de quelque
pari ie, accompagnée d’un pouls plein ,
ferme & élevé, chez une perfonne^d’aiHeurs for-
St bien çonftituée, on exclut par cette définition
même prefque tous les cas où la Gangrené
pourra devenir la conféquence d'une affeétion
de ce genre. Non-feulement on fépare ainfi de
la claffe des maladies inflammatoires, proprement
dites, l’éréfypèle fpontané, & celui qui eft
fi fouvent occafionné par des plaies, l'irritation
produite par l’aétion du feu , par diverfes fubf-
tances vénéneufes &c., niais encore on oublie
que l’état de pure inflammation , qui ne fe termine
jamais que par réfolurion ou par fuppu-
ration , chez des fujets naturellement fa ns «St
robuftes, pourra traîner à fa fuite la Gangrène,
chez des perfonnes mal difpofées par leur conf-
tirution naturelle, par des maladies antécédentes,
par l’âge, par le climat, &c. Fqyej In-
. FL AMM AT ION.
Nous difons donc que l’inflammation, (en
attribuant à la lignification de ce mot, toute
l’étendue que lui ont donnée la plupart des
Auteurs,) eft, de toutes les caufes de Gangrène,
la plus fréquente. C’eft en déterminant
un état inflammatoire, que divers ftimulans ,
plus ou moins aétifs, appliqués fur des plaies
plus ou moins irritables, y détruifent la vie,
& le font quelquefois avec une promptitude ,
telle, qu’à peine a-t-on le tems d’appercevoir
l’état intermédiaire entre l’application de la caufe
irritante, & l'extinâion du principe vital. Chez
les perfonnes frappées de la foudre, mais qui.
ont furvécu à cet accident, on voit fouvent les.
parties qui ont reçu le choc le plus direélement,
affeâées prefqu’auffi-tôt après d’une mortification
complette, tandis que celles qui ont été
atteintes d'une manière plus légère, font enflammées
, & doivent être traitées comme telles..
L'état d’aétion auquel tient le principe vital, ne
peut admettre qu’une certaine latitude. Si l’irritation
d’un ftimulant le porte fort au-delà des
bornes naturelles, il en réfulte bientôt la perte
de la fenfibilité & du mouvement dans l'organe
affeélé. Si, fans outre-paffer les limites dans
lefquelles la vie peut encore exifter, l'aélivîté
du ftimulant foutient l’énergie du principe vital,
dans un degré fupérieur à l’état naturel, pendant
trop long-tems, il en réfultera pareillement
l’atonie des fibres motrices, & même la ceffa-
tion totale de la vie dans l’organe affeélé;
nous avons un exemple du premier, cas dans les
effets du tonnerre ^ les phénomènes des plaies,
ceux qui fuivent l'application de certaines fubf-
tances âcres & irritantes, nous en fourniffent
fouvent du fécond.
Toutes les parties fujettes à l'inflammation
ne font pas également fufceptibles de fe gangrener.
La difpofition à la Gangrène eft beaucoup
plus marquée dans les parties très-irritables,
telles que l’eftomac, les inteftins, la vel-
fie. Les J coliques inflammatoires abandonnée*,’
à elles-mêmes, tuent quelquefois en peu d’heures $
• & dans ces cas on trouve toujours quelque poi>
(ion des inteftins gangrenée. Une tenfidn \ ou
compreffion extraordinaire de la partie enflammée,
augmentant l'irritabilité dans les organes
qui en font naturellement moins pourvus, peut
suffi en très-peu de tems ctmfer, la Gangrène
dans ces organes.
De toutes les maladies inflammatoirescelle
qui tend le plus facilement à la Gangrène, eft l’éréfypèle.
Le phlegmon qui.fe rrouve compliqué ,
même légèrement, avec une affeétion éréfypéla-
teufe * paroît avoir la même tendance $ la caufe de
ce phénomène tient probablement à ce que l’éréfy-
pêleaffeéïe des parties plus irritables que celles
qui font le fiège du phlegmon, ( Voy ei Eré-
s y p e l e . ) Elle dépend auffi fréquemment de
l’état où fe trouvent les perfonnes qui en font atteintes.
Car tandis que des inflammations d’un
autre genre, telles que la pleuréfie, le phlegmon
de toute efpèce, &c. furviennent particulièrement
à des perfonnes robufles, & chez lefquelles
le principe vital a beaucoup d’énergie, l'éréfy-
pèle attaque fur-tout des perfonnes d’un tempérament
très-irritable, âgées ou cacochymes $
<5n le voit-aufli fe manifefter comme fymptô-
me , dans des parties qui ont jufqu’à un certain
pointperdu leur ton, lorfque la peau eft irritée
par une diftenfion exceffive, ou par quel-
qu’autre caufe. Dans ces derniers cas fur-tout,
il tend très - facilement à la Gangrène. 11 en
èft de même de l’inflammation éréfypélateufe ,
qui furvient fréquemment dans les cas de fraélure
compliquée, & qui fait périr tant de bleffés, fur-
tout dans les hôpitaux.
Les inflammations fpécifiques , c’eft-à-dire ,
celles qui font occafionnées par l’applicarion de
certaines matières d’une narure déterminée ,
telles que différens poifons animaux & végétaux ,
le virus variolique, le virus vénérien, &c. font
fuivies de Gangrène plus ou moins fréquemment
fuivant le degré d'aélivité de la caufe qui les a
produites , & fuivant la difpofition des fujets,
qui en font attaqués. L'épanchement qui fe fait
alors dans le tiffu cellulaire d’une férofité in-
feétée du venin particulier qui a caufé la maladie,
peut, dans bien des cas, accélérer le progrès
du mal, en agiffant direélemeut fur le principe
vital, di en contribuant à détruire fon énergie.
C’eft peut-être à une inflammation fpécifique qu il
faut attribuer cette mortification des pieds & des
orteils fur laquelle Pott a écrit d’une manière li
intéreffante, celle qui eft occafionnée par le bled
ergotté, & bien d'autres, dont la caufe paroît
être interne, & ne fe manifefter que fecondairç-
tneqt fur des organes particuliers.
$. 2. D e la fupprejjîon de la circulation.
La fécondé, des caufes de Gangrène dont nous
ferons mention , eftl’obftruélion au cours du fang*
Chirurgie. Tome L er ïï»* Partie,
Telle eft l’obftruéHon occafionnée dans des vaif-
féaux confidérables, par la compreffion trop fortfc
d’un bandage, par celle d’une tumeur , par
la tenfion d’une membrane enflammée. Telje eft
encore celle qui a lieu d’ans une hernie étranglée.
Il paroît que, dans ces différens cas, c’eft dans les
veines particulièrement qu’eft l’obflacle, & que
le fang accumulé dans la partie, occafionné une
réaéiion impuiffante des vaiffeaux artériels * qui
les conduit à la mortification, fuivant les principes
expofés ci-deffus , à moins que la liberté
de la circulation ne foit promptement rétablie.
Van-Swiëten rapporte, daprès Boërhaave, le
cas d’un jeune homme qui s'endormit les.coudes
appuyés fur une fenêtre, étant ivre. Ses jarretières
étoient fi étroitement ferrées, que le fang
retenu avoit enflé les jambes \ le mouvement
vital des humeurs, ayant été entièrement arrêté,
la Gangrène furvint *, elle gagna, promptement
les deux cuifles, & caùfa la mort.
Dans les cas de plaie , & particulièrement
dans ceux de plaies faites par des armes à feu,
l’irritation des parties inembraneufes , qui ont
été bleffées, occafionné fouvent une gêne de la
circulation dans les organes affeéiés , laquelle
accélère les progrès du mal, & la tendance à la
Gangrène, en même-temps qu'elle donne lieu,
dans bien des cas, à un gonflement très-con-
fidérable, accompagné d’épanchement féreux dans
le tiffu cellulaire. On voit auffi le fang épanché
dans ces mêmes cellules, à l’occafion fur-
tout de la plaie d’une artère > ou d’une veine
confidérable, produire fouvent par fa tnaffe,
une compreffion fur les. vaiffeaux, qui intéreffe
la circulation dans le membre affeélé. C'eft ce
que l’on voit arriver dans les cas d’aneurifme
faux, fi l’on n'a pas recours affez promptement au*
moyens que l’art indique.
Dans quelques cas, la circulation du fang
eft fupprimée par la compreffion, ou par la fec-
tion d’un tronc artériel, quelquefois elle eft l’effet
de l’offification des artères. St la fuppreffioti
de la circulation eft complette, ou à-peu-prèe
dans la partie affe&ée, la vie s'y éteint, & elle
tombe dans L’éfat qu’on appelle de Gangrène fè-
che, dont nous parlerons enfuite, & qui peut
auffi être produite par des caufes d'une autre
nature.
S* III. Les contujions $ commotions violentes.
Les contufioas violentes qui détruifent 'l or*
ganifation des parties, y déterminent fouvent la
formation de la Gangrène, foit en altérantle ton
des vaiffeaux , &;én les rendant par-la^ incapables
de foutenir l'inflammation qui va s'y établir,
foit en occaûonnant par leur rupture , un épanchement
de fang dans le tiffu cellulaire. Ce fluide
ne pouvant plus .être réabforbé, à caufe du maij*
vais état des organes > & n’étant pas fufceptibl$