
fions, & où le préjugé conduit encore.ayenglé-
ment les hommes. Détailler ce qu’éroit la Chirurgie
dansâtes rems reculés , c’eft faire, l’hiftoire
des erreurs de l’humanité & le nécrologe de ceux
qui en furent les viélimes. Une époque plus remarquable
& plus iméreffante à l’Art, eft celle
qui nous ramène en France au douzième tiède.
Louis IX , Roi aufli généreux que bienfaifanr,
qui s’expofoit fréquemment pour le l'alut de fon
peuple à la tête de fes Armées, comme dans les
Hôpitaux des peftiférés, penfa dès-lors à 1 établi
ifement & aux progrès de l’Art en formant une
iociété de ceux qui en pratiquoient les dogmes.
Ces premiers Pères de la Chirurgie Françoife
jettèrem les fondemens de ce gtand édifice, dont
les Grecs, les Romains & les Arabes fournirent
les matériaux. Ils furent aidés par les Médecins
qui traduifirent les Auteurs Grecs & Latins,
mirent en langue vulgaire les livres les plus effen-
fiels, tournèrent en axiomes les points dé doclrine
les plusintérefians, & même pratiquèrent l’Art avec
autant de diflinélion que ceux qui par état s’y
ètoient voués entièrement. Ainfi, par l émulation ,
& peut-être encore plus par l’envie qui devoir
naturellement exifter entre deux proférions dont
les poffeffionsfont fi limitrophes, fe forma infen-
fiblement une doétrine dont les principes fervent
aujourd’hui de bafe à la Chirurgie.
A Cuivre les chofes dans la plus exâéle rigueur,
il eft certain que la théorie des maladies Chirurgicales
eft fondée comme celles qui font l’objet
de la Médecine, fur les loïx d’un même organi foie;
en forte que qui connoît bien ces loix , peut également
bien apperCevoir les dérangemens qui dérivent
dé leur inexécution. Mais comme la connoif-
fance de ces dernières en feppofo une infinité
d’autres ; & que le plus grand nombre de ceux
quife livrent à la pratique de la Chirurgie, font
moins curieux de fe les rendre familières que de
fe former un fond de pratique établi fur des
bafes purement foumifes aux Cens, il n’en eft pas
moins vrai que ces deux fciences, quoiqu’unies
dans la théorie , feront & doivent toujours être
féparées dans l’exercice. La pratique de la Cht-
jurgie peut fans contredit illuftrer ceux qui s’y
adonnent avec les connoiffances préliminaires ,
propres à éclairer fur les fonctions du mécanifme
de la vie. La certitude des axiômes établis dans la
théorie donne à cette fcience un cara&ère d’évidence
auquel on ne fauroit fe refufer; mais , fous
telle face qu’on envifage les notions quelle offre,
jamais elles ne fuffiront pour éclairer fur les dé-
fordres cachés, dont les caufes font éloignées des
fens. Pourquoi donc les Chirurgiens cherchent-
ils à s’approprier un domaine où ils fe trouvent
étrangers à eux-mêmes, incertains dans la marche,
qu’ils doivent tenir *& incohérens avec les principes
réels de l’organifme? Pourquoi, dès les premiers
pas qu’il font en avant, leur propre confcience
gqi les avertit du danger, & combien leur pralique
pourra devenir meurtrière, ne les ramène-
t-elle pas en arrière ? La néceffité eft la mère de
tous les maux , comme elle eft l’origine de tout le
bien -, elle détermine fouvent à tenir une conduite
qu’on n’auroit point fuivie , fi l’on eût été moins
forcé par le befoin. Il eft à croire qu’une autre
inftitution établira fur ce point des règles, mais,
avant qu’elles foient mifes en pratique, l’ignorance
moiffonnera encore bien des viéUmes. L’Art eft
long & la vie eft courte, difoit Hippocrate , dans
un rems où les connoiffances qui le conftituenr ,
éroient loin d’être ce qu’elles font aéhiellèment.
Comment donc peut-on vouloir une réunion dans
les parties qui le conftituent, lorfque chacune
exigent tant de connoiffances particulières, c« La
divifion de l’Art de güérir, dit-on, dans un
Profpeèlus d’Ephémérides pour fervir à l’hiftoire
de toutes fes Parties, répandu dernièrement à
profufion, n’a été imaginé que par l’ignorance &
le fyftêmeabfurde par lequel on a prétendu élever
une partie au préjudice de l’autre, elle n’a jamais été
que le réfulrat du defpotifme qui ne raifonne
point. >5 J’ignore fi lors de la divifion de l’Art,
ï’efprit de domination qui nous gouvernoit, il y
a quelques années* fût caufe de la diflinélion qu’on
établit entre les diverfes perfonnes qui l’exer-
çoient ; mais il me paroît beaucoup plus (impie
de croire qu’elle fe fit infenfiblemenr, & que les
malades la firent eux-mêmes &non aucun Gouvernement
; comme nous voyons encore aujourd’hui
qu’ils ont plutôt recours à certains Praticiens qu’à
d’autres, pour les mêmes maladies qui font également
de la compétence de tous, et Quels feroient
les motifs de fupériorité , conrinue-t-on , entre
les parties d’une Science fondée fur les mêmes
principes & employant les moyens femblablts pour
traiter des maladies qui ne diffèrent le plus fou-
vent que par leur liège? & lorfque ceux qui exercent
cet Art font réunis par l’importance & la
nobleffe du but qu’ils fe propofent, à quel titre
les uns l’emporteroient - ils fur les autres
en digniré? a 11 n’eff fans contredit aucune fupé-
rioriré entre les différentes branches du grand
Art de guérir du moment que chacune vient à
fa fin , qui efi la guérifon. Mais pourquoi demande
t-on la dignité de ceux qui les exercent ,
efi-elle différente? c’eft-à-dire , en bon françois »
pourquoi le lucre n’efl-il pas égal pour tous ?
Par laraifon toute (impie, que ceux qui travaillent
le plus* ou qui font^cenfés le plus travailler , doi-,
vent être les mieux récompçnfés ; nous laiffons
à décider quels ils font.
Il n’eft perfonne qui foit plus éloigné de toute
fupériorité'cférat que moi * parce que je lescon-
fidère tous comme nés d’une même mère, lajnéçef-
fité *, mais j’ai toujours obfervé que ceux qui vou-
loient mettre le leur en égalité avec celui d’autres,
dont la fupériorité a été reconnue dès la plus hante
antiquité, n’étoient point ceux qui pouvoient le
mieux faire valoir leur propre champ. 11 eft
reconnu que tous les grands Chirurgiens * Si j’en
nommerois pl.ufienrs dans cette Capitale , ont été
les moins jaloux des titres qui pouvoient aux yeux
du vulgaire établir eerre égalité. Contensde i’efli-
me publique qu'ils ont juftement acquile , ils profèrent.
leur état avec diflinélion & fans ambitionner
une fupérioriré àJaquelle d’autres plus médiocres
croient devoir tendre -, parla fimple raifon
que leurs foins érant eftimés fur leur capacité *
ils vont de pair avec ceux qui pratiquent l’Art
dans toute fon étendue. J’ignore fi l’efprit de
révolution qui nous anime aéluellement en amènera
aufli une dans l’étude comme dans la prati-
tique de l’Art de guérir ; mais ce que je puis
affurer, c’eft que fi dorénavant cet Art ne faifoit
qu’un , il faudroit donner à chacun une égale
dofe de facultés mentales, & une éducation abfo-
lument la même, pour les difpofer à l’exercice*,
ce que je ojois abfolument impoffîble , ce qui le
paroîtra aux yeux de ceux qui raifonnent, & ce
qui l’eft réellement dans l’état actuel des chofes.
Mais c’eft affez nous étendre fur un objet qui
mérite fi peu de difeuffion.
Les maladies chirurgicales & les cas chirurgicaux
font l’objet de la Chirurgie; lés Auteurs'
les plus anciens ont rangé les maladies chirurgicales
en cinq claffes différentes , qui font les
apoftèmes, les hernies , les plaies, les ulcères,
les fraélures & les luxations. Les cas chirurgicaux
font les diverfes affeétions qui fur v iennent
inopinément, qu’on ne fàuroit prévoir , & qui
demandent des fecours momentanés & quelqûe-
fois très-imporrans. Toutes ces âffeâi on s exigent
qu’on ait recours à différens moyens de guérifon,
qui font là fituation , le bandage, les topiques,
les inflrumens & le fen. Celui-ci ne doit être employé
qu’en dernier reffort & lorfque les autres •
font infùffifans *, Hippocrate nous en fait la loi,
lorfqu’il dit • Quos remedium non fanat, ferrum
ffinit ; quos ferrum non fanat ignis fanai , & quos
ignis non fanât \ infanabiles. (M . P e t it R ad et.)
CHIRURGIEN. Chirurgus. Celui qui exerce
& profeffe la Chirurgie après les iumières acquifes :
par une étude fuivie des principes de l’Art * &
daprès une expérience raifonnée. Aux yeux de
1 homme qui réfléchit, le Chirurgien tel que nous
le défignons & qui joint aux qualités de fa pro-
fefiion une probité reconnue, eft aufli eftimable
que celui qui fe livre aux autres branches du
grand Art de guérir. La jeuneffe eft une qualité
effentielle au Chirurgien , du moins à celui qui fe
deftine à la pratique des opérations majeures ou
délicates. Il doit avoir un courage raifonné &
tempéré par un fond de bonté, être habile de la
jnam & employer l’une aufli bien que l’autre dans
Jh6| de néceffité. Celfe , qui après Hippocrate,
eft 1 Auteur d’où nous font venus les meilleurs
préceptes de Chirurgie, expofe toutes ces qua-
nres de la manière fitivante : ejfe autem débet
* °lejcens aut adoUJcentioe propior t manu flrçnuâ
f a i l l i nec unquam intremifeentè > eâque non minus
finiflrâ quam dextrii promptus, acit oculorum acri
olarâque3anr.mo intrèpidus, imniifericors^ficut fanari
velit eum quem accepit, non ut clamore ejus motus
vel magis quam res defiderat, properet vel minus
quant necejfe e f,fe e e t;fed p e r in d e faciat omnia a&
f i nullus ex vagitibus alterius ajfeaus oriatur.
Les Chirurgiens nom pas toujoursMcommé
nous les voyons aujourd’hui ; ils ne commencèrent
guère à fe former en Corps que fous la
troifième race de nos Rois ; avant ils n’étôient
que des Empiriques , & tels qu’ils font encore
parmi les peuplés barbares , où chacun a fon-
fecret approptié aux,diverfes maladies : les Moines
, les Mires & les vieilles femmes entrepre-
noient toutes les guérifon s que la crédulité de
cés tems leur confioit ; en forte que la Chirurgie
étoit véritablement un Art fans art | qui le plus
fouvent tournoit au malheur de l'humanité. Les
chofes perfiftèrént ainfi jufqu’à rétabliffement de
l’Univerfité, où les Moines qui s en occupoient
vinrent former partie de ce grand édifice. Mais
fi le luftre dont devoit briller cette fcience étoit
fi peu éclatant chez nous, il n’en étoit que plus
apparent vers le milieu de l’Italie. Quand la con-
noiffance des langues y eut fait valoir les tréiors
quereceloient les ouvrages des Grecs & des Latins ,
après la renaiflance des Lettres en Europe , on vit
dtms cette partie du monde fe former des Hommes
i 11 offres, à qui l’Art devoir inceffamment rapporter
,une grande partie de fa fplendeur. Il en parût
.égalemept dans l’Allemagne, & l’émulation fem-i
bloit'deVoir ainfi fe communiquer à l’entour 8t
porter la Science au plus’haut'point, fi l’efprit
qui entraîne follement les hommes à s’entredétruire,
ainfi que les préjugés, ne fuffeut -venu s oppo- ^
fer à d’aufti rapides progrès. Dès que lés Chirurgiens
fe formèrent en France, la difpofirion des
Loix avoit favorifé la liberté d’unir dans les
mêmes hommes *, les deux Arts; ce fut précifé-
ment cette liberté qui caufa la chûre de la Chirurgie.
H n’eft pas difficile de fen tir les raifons
de cette décadence/, les dehors de cet A^t ne font
point attrayans, iU rebutentla délicatefle. Cet Art
hors le tems de la guerre, & quelques circonf-
rarjcès peu frappantes, n’eft guère mis en pratique
que fur le peuple, ce qui n’amorce ni la cupidité
ni 1 ambition, qui ne trouvènr leur avantage que
dans le commerce avec les riches & les .grands *
de-là la^ raifon pourquoi les fa vans Maîtres, en
l’une tk l’autre Science,abandonnèrent l’exercice de
la Chirurgie.- Les maladies médicales font les compagnes
ordinaires des richeffes & des grandeurs *
elles n’offrent rien qui éloigne les perfonnes trop
délicates ou trop fonfibles ; ce furent ces motifs qui
déterminèrent ces premiers Pères à abandonner les
fonéhons de Chirurgien, pour ne.plus éxercer qns
celles de la Médècine. Cet abandon donna lieu au fe-
cond état deh'Chirurgie.LèsMédecins-Chirurgiens
en quittant l exercice, retinrent ledifoit de préfidénee