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beaucoup de tems & de foins auprès de leurs lits à obferver les maladies, â
comparer les defcriptions qu’il en a lues avec ce qu’il v o it, à en etudier la
marche, les progrès Sc les diverfes modifications » s’il n’a pas acquis ce tad fin
&: fûr , néceflaire pour diftingucr les fymptômes eflenciels, quoique couverts 5c
obfcurcis par mille circonftances accidentelles > qui, trop fouvent, en impofent
aux yeux peu exercés, il n’eft point qualifié pour exercer fa profelïion, il lui
xefte un grand travail à faire pour le devenir.
U n Médecin inftruit & expérimenté peut, jufques à un certain point', s’aider
îles lumières qu’il a acquifes fur les maladies que l’obfervation lui a rendues
familières pour fe conduire dans celles qui lui font moins connues , mais il lie doit
fe contenter d’un pareil guide, que lorfqu’il ne peut pas faire mieux. C e lu i, par
exemple , qui aura obfervé les falutaires effets du bain tiède dans divers cas
de maladies fpafmodiques, & qui, pour la première fois de fa vie, verra un malade
laffedé de tétanos, fera naturellement conduit à lui prefcrire le même remède;
mais il eft à prëfumer qu’il ne tardera pas à en obferver un effet fâcheux j & fi,
par théorie, il s’obftine à en faire ufage, non-feulement il perdra un tems précieux,
mais il courra un grand rifque d’accélérer le terme fatal de la maladie
jqu’il pourroit guérir en recourant à d’autres moyens. v
S i, pour être un Médecin ou un Chirurgien confommé, il faut avoir obferve
toutes les maladies qui peuvent fe rencontrer dans la pratique de la Chirurgie
ou de la-Médecine, fi l’on ne peut parvenir à ce point de favoir & d habileté
fans un travail long & affidu , peu de gens, fans doute, pofîederont affez de
talens, & feront capables d’une application affez grande pour embrafler a-la-fois
les deux branches, pour fe faire une idée nStre non-feulement de la théorie,
mais de tous les détails de pratique dont la connoiffance eft néceflaire au traitement
de chaque maladie de l’un & de l’autre département. Les facultés de 1 homme
font bornées, & paffé certaines limites, ce qu’il acquiert en étendue & en multiplicité
d ’idées j eft toujours, plus ou moins, aux dépens de leur précifion&C de leur netteté.
C ’eft une vérité bien conftatée, que , pour obtenir la plus grande perfection
compatible avec la plus grande célérité de fabrication dans les ouvrages mécaniques
, il faut en répartir le travail entre différens Ouvriers. De cette manière,
chacun étant toujours occupé à la conftruction des mêmes parties d’une machine,
d’une montre , par exemple, il y acquiert une habileté à laquelle ne peut jamais
atteindre celui qui veut en exécuter à lui feul toutes les pièces. I l y a differens
objets de la Chirurgie qui fe féparent aifément du corps de la Science, ainfi
qu’il en a été fait mention ci-deflus, tels font la partie des Accouchemens, celle
des maladies des Y eu x , celle qui regarde les Dents. Chacune de ces branches
exercée par des hommes qui s’y dévouent en entier, l’eft d’une maniéré bien
plus parfaite & plus utile, que fi elle ne formoit pas de département diftind.
Il n’y a pas de doute que la pratique de la Médecine ne devînt plus utile &
plus fùre dans fes procédés, s’il étoit poflible de la divifer de même en différentes
branches.
P R É L I M I N A I R E . r»*; «
Comment donc arrive-t-il qu’un grand nombre de Chirurgiens, non contens
de l’exercice de leur A r t, auquel ils auraient peine à fuffire, s’ils vouloient y donner
toute l’application néceflaire pour fe rendre dignes de l’exercer, comment, dis-je,’
.arrive-t-il que ces Chirurgiens embraflent la pratique de la Médecine dans fon entier,
& qu’ils traitent toutes les maladies internes avec la même confiance que fi leurs
études avoient été fpécialement tournées de ce côté. Les anciens Médecins, avons-nous
dit, trairaient les maladies de tout genre, les internes comme les externes, les maladies
générales comme les locales ; mais l’inftrudion qu’ils recevoient dans leurs
Ecoles étoit dirigée de manière à leur apprendre tout ce que l’on favoit alors du
traitement des unes & des autres. Ils fentirent d’ailleurs eux-mêmes les difficultés
qui réfultoient d’un plan trop vafte de pratique ; & l’Art de guérir fut divifé par
le fait, chaque Praticien s’attachant principalement à la partie à laquelle il avoit
eu le plus d’occafions de s’appliquer. D e nos jours, au contraire, les études
pratiques de la Chirurgie font abfolument diftindes de celles de la Médecine.
L e Chirurgien, par-là même, n’eft pas plus qualifié pour traiter les maladies qui fonc
du reffort de celle-ci, que ne l’eft le Médecin pour traiter les maladies chirurgicales.
Nous pouvons même dire qu’il l’eft moins, puifqu’aucune partie de
fon inftrudion ne tend à lui donner la connoiflance des maladies internes, & que
le Médecin eft tenu,dans les Univerfités, à s’occuper de celles dont le traitement
appartient à la Chirurgie. — Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails
.fur cette queftion, qui n’en eft pas une aux yeux des gens fages & vraiment
inftruits. Les grands Chirurgiens trouvent la carrière de leur Art affez vafte pour ne
pas chercher à l’étendre aux dépens de la Médecine; ils n’ont pas befoin qu’on
leur faffe voir la nécefficé de n’en pas franchir les limites. Ceux d’un ordre
inférieur, que des motifs d’intérêt, pour l’ordinaire, engagent à fuivre une route
pour laquelle ils n etoient point préparés, ne feront pas ramenés par toutes les
raifons que nous pourrious ajouter. C ’eft au Gouvernement, qui a voulu que
1 état de la Medecine fût féparé de celui de la Chirurgie, à prendre les mefures
neceflàires pour que ceux qui ont le droit d’exercer l’un n’empiètent point fut
les fondions de ceux qui fe font voués à l’exercice de l’autre ; c’eft au Public
mieux inftruit, à réfléchir fur fes véritables intérêts, & à favoir puifèr les fccours
dont il a befoin, là où il eft le plus probable qu’il pourra le trouver.
Après avoir donné une idée générale des connoiffances néceflaires au C h irurgien
, de l’étendue de fon Art & des limites qui féparent fes fondions de
celles de la Médecine, nous croyons devoir préfenter ici une Nofologie ou un
tableau raifonné des maladies chirurgicales, que nous ferons fuivre d’un autre
tableau de toutes les opérations de la Chirurgie. L a forme de Didionnaire à
laquelle nous étions aftreints ne nous a pas permis de placer ces deux tableaux
dans le corps de l’Ouvrage; nous les avons jugés néceflaires cependant pour lier
enfemble, d’une manière fyftématique, tout ce qui tient plus particulièrement à
1 Art que nous avons à décrire.