
réitérées des malades, après qu’on aura eu foin de
les inftruiredu danger d'une rechute , qui puiffent
déterminer un Chirurgien à procéder à l’extirpation.
Il n’eft pas étonnant queM. Monro , qui avoit
vu fi fouvent le peudefuccès de cette méthode,
maintint une opinion pareille, & fi „ en général,
on ne réulfiflbit pas mieux que lui en la buvant,
il n’efi pas douteux qu’elle ne dût être absolument
rejettée. Mais 1 expérience de beaucoup de Praticiens
qui ont été plus heureux, & un grand nombre
d’obfervations faites fur-tout depuis qu’il a publié
les fiçnnes , .autorifent à penfer que'cette maladie
n’eft pas, à beaucoup près, auffi incurable qu’il
1 avoir imaginé. Nous avons entr autres un ouvrage
qui a été donné au public quelques, années après
le fien, dans lequel l’Auteur, M. Hill Chirurgien de
Dumfiies, en Ecoffe, rend compte defes obférva-
tions fur le Cancer dont le réfultat eft infiniment
plus fatisfaifant pour les amis de l’humanité
( i ) . , ...
En l'année 1772, gui eft celle où M. H ill publia
fon livre, ce Praticien avoit extirpé en différentes
parties du corps., quatre-vingt huit Cancers, dont
quatre Seulement n’étoient pas ulcérés. De ce
nombre, deux perSonnes Seulement avoient Succombé
à la maladie, malgré l’opération qui n’avoit
point arrêté les progrès de fulcère.
Des quarante-cinq premiers cas il n’ y en eut
qu’un où le progrès du mal ne fût pas SuSpendu par
ce moyen-, dans trois autres on le vit reparoître en
d’autres parties-, &, dans un cinquième, il parut
quelques tumeurs dont le fiége étoit éloigné dç
celui du premier Cancer ; mais ces tumeurs ne Se
manifefièrent qu’au bout de trois ans, & la malade
mourut d’une fièvre avant qu’elles euffent fait
aucun progrès. Les quarante autres malades furent
guéris complètement & fans aucune rechute. L ’un
d’eux, dit M. Hill, a vécu trente ans après l’opération
, & il y en a encore quinze vivans ( en 1772 ) ,
quoique Je dernier ait été opéré en 1761.
' Des trente-trois autres malades, il en eft mort
un quatre mois après l’opération, & il y en a eu
cinq chez qui le Cancer a reparu après avoir été
guéri.
L'Auteur remarque que, fur les quarante-cinq
premiers cas, il y en a eu cinq ou l’opération n’a pas
réuffi, & fix fur les trente-trois autres-, il attribue cette
différence de fuccès à ce que les guérifons, qu’il
avoit opérées, d’ans les premiers nm s , lui avoient
enfuireattiré de tous les côtés du pays des malades,
qui après avoir porté des Cancers jufqu’à ce qu’ils
fuffcnt parvenus au point d’être prefque incurables
, même par l’extirpation, le follicitoienr cependant
pour être opérés , & l’engageoicnt à yprocéder
T ( 1) Cafes in Surgery, particularly on Cancers, and
Piforders of the head, By James Hill.
malgré le peu de probabilité qu’il prévoyoit dans
le fuccès.
En réfumant toutes fes obfervations M. Hill
trouve, ,en l’année 1770, que de 88 malades de
Cancers opérés, deux ans auparavant, deux ont
fubi l’opération fans aucun avantage , neuf ont eu
des rechûtes , & un en a été menacé ; ce qui éta-
tablit, même relativement aux Cancers ulcérés, la
probabilité de plus de fix contre un en faveur
de la guérifon par l’opération, & il obferve què
to u s ceux qui ont été guéris, ont vécu aufh long-
tems enfuite qu’on pouvoit le le promettre d’après
les calculs fondés fur les regiftres mortuaires.
De ces faits qui font très-authentiques, & d’autres
dont nous aurons occaiion de parler, il réfulte
affez manifefiement, que le Cancer en général
doit être confidéré comme une maladie locale,
quoique fa formation puiffe jufqu’à un certain
point, dépendre d’une certaine difpofition générale
& héréditaire du fyftême, mais qui ne peut
avoir fon effet que par le concours d’une caufe
occafionnelle & déterminante-, & que lé vice cancéreux
proprement dit, n’exifte peut-être jamais
dans la confiitution, qu’en conféquence d’une
abforption de la matière produite par un ulcère
de cette nature. On doit en conclure encore, que
toutes les fois qu’il fe préfeme un véritable Cancer,
on une tumeur de la nature de cejles qui tendent
à devenir cancéreufes, on ne doit pas héfi-
ter à recourir à l’extirpation le plutôt poffible;&
que li l’on prenoitce parti de bonne heure, & avant
qu’il y eût aucun épanchement de matière dans la
tumeur, il feroit bien rare qu’on vît aucun retour
de la maladie.
Mais quelle peut être la raifon de cette grande
différence de fuccès dans la pratique de M. Monro
& dans celle de M. Hill ? Deux confidérations
peuvent concourir à l’expliquer. L ’une, c’eft qu©
quoique le premier ne fpécifie point les cas auxquels
il fait allufion, il paroît qu’un grand nombre
de ceux-ci, & peut-être la plupart affeéloient
les feins, tandis que des quatre-vingt-huit malades
de M. H ill, cinq feulement portoient un Cancer
dans ces organes. O r , de ces cinq il n’y en eut
que deux qui obtinrent une guérifon complette
par l'opération; ce qui tendroit à prouver que
fon fuccès eû beaucoup plus précaire dans ces
parties que partout ailleurs, conféquence qui
cependant n’efi pas fondée , comme nous le verrons
ci-après. L ’autre confidération eft tirée des
détails que donne M. Monro, fur fa manière
de traiter les plaies cancéreufes -, ca r , en entretenant
comme il faifoit, l’ouverture de la plaie
après l’opération, & en donnant eh même-tems
du'mercure à fes malades,“ il prënoitTes mefures
les plus propres à favorifér la reproduction de
la maladie que fon intention étoit de guérir.
Quelques-uns des Chirurgiens d’aujourd’hui,-
dont l’opinion paroît devoir comp tçtje plus comme
faifant
.ïàifant autorité , regardent le Cancer ën quel- 1
q u e endroit du corps qu'il fe manifefte, comme
une maladie auffi circonfcrite dans fes commen-
cemens, à la partie qui en eft le fiége, qu’un
chancre vénérien fur le gland, ou que l'inflammation
& l’ulcération du bras après l’inoculation
de la petite vérole \ & penfent que le virus
cancéreux abforbé par les valu eaux lymphatiques,
affeéle les parties fur lefquelles il eft porté, de
la même manière que le virus vénérien, ou le
virus variolique , reproduifant ainfi, dans toute
l ’économie animale, la maladie fpéçifique dont
il eft le produit. Or, dans les cas de chancre vénérien
& d’inoculation, on peut empêcher la maladie
d’attaquef la confiitution en faifant l’exci-
fion de la partie primitivement affe&ée; mais, pour
y réuflir, il faut s’y prendre de très-bonne heure,
avant qu’il fe foit fait aucune abforption-, au-
lieu que dans les cas de Cancer, lors mêmequil
eft évident que l’abforption a commencé à fe
faire ( ainfi qu'on peut en juger par l’état des
vaifleaux lymphatiques qui font engorgés S i enflammés
) on peut encore donner au malade une
chance plus.ou moins grande de guérifon, fi. fans
tarder davantage, on emporte avec l’ inftrument
tranchant toutes les parties affë&ées ; & s’il y a
des faits qui montrent que l’opération a pu être
fans aucun fuccès pour la guérifon des Cancers
ulcérés, il y en a beaucoup d’autres qui prouvent
qu’un Cancer ulcéré depuis quelque teins;
même au fein , & mêrrje lorfque les glandes
axillaires ont commencé à s’affecter, peut le guérir
par ce moyen complètement & fans rechûte;
Il eft plus que probable que rien ne tend davantage
à rendre la maladie tout-à-fait conftiru-
tionnelle, que les délais & la négligence à recourir
au feul moyen qui offre une chance de guérifon ,
ce qui laifle le tems au virus d’être abforbé'en
telle quantité, & d’altérer tellement la confti-
tution, qu’il ne refiera plus affez de forcés à
celle-ci pour réfifter à fes funeftes influences.
D’après ce qui vient d’être dit, nous croyons
qu’on peut conclure , que le Cancer ne reconnoit
jamais pour fa\caufe; ou du moins pour fon unique
caufe;, <une affeélion générale de la conftitu-
tion; & qu’au contraire cette maladie, dans fon
principe, tient toujours à une caufc locale, comme
à une condition effentielle à fa formation. Et lors
même que, contre toute apparence, une telle conclusion
ne feroit pas fuffifamment fondée, nous
penfons que cette erreur feroit bien moins dan-
gereule que l’opinion contraire, fi jamais elle
venoit à être généralement adoptée.
■ Dw traitement du Cancer, & des principaux moyens
qu’on a recommandés pour le guérir.
Les Praticiens de tous les tems ont cherché
à découvrir un remède efficace contre le Cancer ,
mais, quoique les plus recommandables par leur
Chirurgie, Tome I,<r I .ere Partie.
habileté & leur expérience, aient répété & mul*
tiplié prefqu’à l’infini leurs tentatives pour y parvenir,
tous leurs efforts jufqu’ à nos jours ont
été inutiles, & l’on ne peut que regretter que le
zèle qu’ils ont apporté à cette recherche n’ait
pas été couronné par le fuccès, non-feulement
parce que nous avons de plus en plus lieu cle
craindre d’être pour toujours privés d’une découverte
auffi précieùfe , mais encore parce que
tous les médicamens qu’on a employés dans cette
intention ont fait beaucoup plus de mal que de
bien, induifant les malades en erreur par 1 efpoir
d’une guérifon, quelquefois même par un fou-
lagemenr paffager, jufquà ce qu’il fût trop tard
pour avoir recours aux moyens chirurgicaux.
L ’ouvrage de M. Storck fur la ciguë, publié
il y a environ vingt-cinq ans, donna lieu d’ef-
pérer qu’on avoit enfin trouvé le remède fpéci-
fique du Cancer; mais on ne tarda pas à s’apper-
cevoir que ce remède n’opéroit pas toutes les
merveilles qu’on lui avoit attribuées ; & beaucoup
de Praticiens fe hâtèrent d’affirmer qu’il
n étoit bon à rien, parce qu’il n’avoit pas tous
les effets qu’ils s’étoient flattés d’en obtenir. Malgré
l’ufage fréquemment répété de la ciguë, foit à
l’extérieur, foit à l’intérieur, pendant nombre
d’années , en divers paÿs, & par les Observateurs
les plus induftrieux & les plus exaéls,
on ne cite peut - être pas un feul exemple bien
prouvé de véritable Cancer qui ait été guéri complètement
par fon moyen; cependant il n’y a
pas un Praticien qui en ait obfervé attentivement
les çffets, qui puiffe nier quelle ne foit d’une
grande efficacité dans diverfes affèélions très-opiniâtres,
qu’elle n’ait même appaifépour untemsîes
douleurs cancéreufes, fufpendu quelquefois les progrès
de la maladie, changé & adouci la matière de
l’ulcère & que l’on n’ait beaucoup d’obligations à
M. Storck pour en avoir introduit l’ufage. Voye^
Ciguë.
En 1774, M. le Fêvre de Saint-Ildéfont publia
un Traité dans lequel il parle de l’arfenic donné
intérieurement, comme d’un fpéçifique contre le
Cancer foit occulte, foit ulcéré. Gooch & Akeniîd©
ont vanté pareillement les effets du fublimé cor-
rofif. Juflamond a donné les mêmes éloges au»
fleurs martiales ; mais toutes les fois .que ces
remèdes ont étéeffayés par des Obfervateurs attentifs
& impartiaux, dans des cas de véritable Cancer,
ondes a vus manquer leur effet; d’où l’on
peut raisonnablement conclure, que lorfqu’ils ont
paru réuflir, les maladies contre Iefquelles on les
avoit employés n étoient pas vraiment cancéreufes,
mais feulement des ulcères opiniâtres, & de mauvais
caractère, pour l’ordinaire de nature fcrophuleufe.
On a cru que le mercure pouvoir être employé
avec fuccès contre le Cancer, & nombre de Prati-?
çiens ont été conduits par des raifons de théorie
à s’en fervir; quelquefois même, foit par préjugé,
foit en vertu de quelques obfervations qui témoin