Cette obfervation conftate d’une manière certaine
les accidens qui s’enfuivent de la préfence
des corps étrangers dans, la trachée-artère, &
indique en même - teins les feuls moyens chirurgicaux
qui peuvent être falutaires. Mais , parmi
Jes phénomènes qui paroiffenr difficiles à expliquer
, c ’eft ce calme dont étoient fuivis à différons
intervalles, les accès de toux plus ou moins
fatïgaDte. L anatomie a cependant diftipé beaucoup
de doutes fur cer objet. D’abord il eft confé
r é que la totalité du canal de la trachée-artère
eft beaucoup moins fcnfible que les lèvres
de la glotte. Un corps étranger de la nature de
celui dont il eft fait mention dans l’obfervatjon
que nous venons de rapporterpeut donc relier
un certain tems dans ce canal fans ne guères
nuire que. par fon volume en obftruant plus ou
moins le canal félon fa polîtion. 11 peut même
jefler plufieurs jours, plufieurs mois, & même
des années , fans donner le moindre ligne de fa
préfence, que par un fentiment de gêne peu
inquiétant, & c eft ce qui arrive lorfqu’il eft placé
dans l’un des ventricules du larynx. On trouve
des faits de ce genre dans Tulpius, dans Bar-
îholin, & chez un grand nombre d’Obferva-
teurs. Mais fi ce corps fort de cet endroit, qu’il
foir porté dans la trachée, l’ irritation qu’il y
produit, & notamment vers le larynx, donne lieu
à la toux, & fi dans les fecoufies, le corps étranger
fe fixe entre les lèvres de la glotte, il peut
faire périr & fur-le-champ, comme vraifembla-
foiemènt. il eft arrivé dans beaucoup de cas de
(fuffocation par des corps étrangers. Un autre phénomène
qui mérite d’autant plus d’attention,
q u il confirme la préfence du corps étranger dans ;
la trachée-artère, eft l’emphysème qui parut vers j
les clavicules dans les derniers tems. Je ne
crois pas, dit M. Louis, qu’aucun de ceux qui
onr eu occafion de voir la malade, aient pu avoir
«ne idée bien jufte fur la formation de ce fymp-
tàme. On pouvoir imaginer que le corps étranger
par 1 obftacle qu il mettoit depuis deux fois vingt-
quatre heures au libre pafiage de l’air, avoit
caufé la dilatation forcée de la trachée-artère,
& l’éraillement des membranes qui unifient les
anneaux cartilagineux de ce conduit } mais l’ou-
Terrure du corps a diftipé cette illufion. La tumeur
flatulenre ne s’étoit pas formée aux environs
de la trachée-artère, nous ne voyons là
que les limites de l’emphysème, le corps même
des poumons & le médiaftin étoient emphyfé-
tnateüx, la rétention de l’air gêné par le corps
étranger dans chaque mouvement d’infpiralion,
& fur-tout dans les quintes de toux, produifoit
un refoulement violent de ce fluide élaflique
vers la furface du poumon dans le tiflu fpongieux
de^ ce vifcère. Il a paffé enfuite dans les cellules
qui unifient le poumon à fa membrane propre
que la plèvre Jqj fournit, &par communication
fie cellules en cellules# il a prodjgieufçment gonflé ,
le tiffu follicnleux qui fépare les deux lames du
médiaflin. L’emphysème, dans fes progrès, s’eft
enfin montré au-defliis des clavicules. Le gonflement
du poumon & des parties circonvoifities,
par l’air qui s’étoit infinité dans les tiffus fpongieux
& cellulaires, eft une caufe bien manifefle
de fuffocation. Le gonflement paroît un effet
fi naturel de la préfence d’un corps étranger
dans la trachée- artère, qu’on a peine à croire
qu'il n’en foit pas un fymprôme effentiel quoi-
qu’aucun Auteur n’y ait fait attention.
Mais les corps étrangers qui ont paffé dans
les voies aériennes ne déterminent pas toujours
la mort d’une manière aufli prompte*, ce qui
peut provenir du peu de volume & du poli du
corps qui s’eft fourvoyé, & de l’endroit où il
s’eft fixé. On en trouve un exemple dans les
Ephémérides des Curieux de la Nature. Decad.II«
Ann. X . Le plus ancien des Religieux de l’Abbaye
de Saint-Martin, près de T rêv es , fe promenant
dans le jardin, ne put réfifter à la beauté
d’une cerife 5 il inclina la branche de l’arbre,
& faifit le fruit avec la bouche. .Après avoir
féparé par l’aélion des dents, la chair d’avec le
noyau, il voulut avaler le tout précipitamment,
parce que le fon des cloches l ’appelloit à l’églife.
Le noyau paffa dans la trachée-artère. Une toux
violente & les plus grands efforts comme pour
vomir, furent les premiers fymptômes de cet
accident, par lequel ce Religieux penfa mourir.
Un fommeil de quelques heures fuccéda à cette
terrible agitation, & le malade ne fentit plus le
moindre mal pendant une année entière. Au bout
de ce tems, il fut attaqué d’une»toux accompagnée
de fièvre. Ces fymptômes devinrent plus
graves de jour en jour } le malade rejetta enfin
une pierre du volume d’une noix mufcade. Elle
étôit formée extérieurement de matières tarra-
reufes, auxquelles le noyau de cerife fervoit de
bafe. Une expectoration copieufe & purulente
fuivit la fortie de ce corps étranger, & le malade
mourut queique-tems après dans le marafme.
Il n’eft point fait mention de l’oûverture du cadavre
dans cette obfervation1*, mais tout porte à
croire d’après les fymptômes, qu’il y avoit une
fuppuration dans la propre fubflance du poumon,
ou une vomique qui étoit occafionnée par la préfence
du corps étranger.
On a propofé la Bronchotomie dans le cas
où la langueferoit tellement gonflée quelle obf-
trueroit totalement le paflage vers l’arrière-bouche.
Le D. Richter fait mention d’une inflammation
de la langue, où le volume de cet organe étoit
le quadruple de ce qu’il eft ordinairement. Avant
lui, Valefcus avoit fait la même obfervation,
il dit : ego aliquando vidl ita magnificatam lin—
guam projeter humores, ad ejus fubflantiam vcnien-
tes & ipj’am imbibentes , quod quajî totum os repie•
bat, & aliquando ex ore exibat. Lib. 2 , cap. 66*
Ces fortes de gonflemens font fouveni rnéta
tiques dans les fièvres malignes, & dans les pe- I
fîtes véroles. lis font aufli quelquefois purement
accidentels comme ceux qui fuccèdent à quelques
piquures faites par un infeéte, ou à une mau-
vaife adminiftration du mercure. M. Bell fournit
un exemple de ce dernier genre. Il dit que
le malade avoit pris,en peu de tems, une fi
grande quantité de ce minéral que le gonflement
des glandes fut porté à un point alarmant dans
l ’efpac« de peu d’heures, & quoiqu’il eût mis en
ufage tous les remèdes ufités en pareils cas,
aucun d’eux n’eut le moindre effet, l’opération
contre fon gré fut différée, jufqu’à ce que le
malade fût prefque fuffoqué} mais il revint bientôt
dès que l’ouverture de la trachée-artère lui
eut été faite. Malgré le fuccès fi évident en pareil
cas , nous ne Camions être de l’avis de
M. Bell, fur la néceflité de cette opération,
fur-tout lorfque nous confidérons que telle volu-
mineufe que foit la langue dans les engorgemens
*tont elle peut être attaquée, les fcarifïcations
profondes de manière à opérer un prompt dégorgement,
peuvent toujours la diminuer, &
même affez promptement, pour qu’on puiffe fe
difpénfer de tout autre procédé.
Les obfervations de M. de la Malle fur le
gonflement de la langue, & fur les moyens les
plus efficaces d’y remédier inférées dans le 5e volume
des Mémoires de l’Académie Royale de
Chirurgie, ne font que confirmer cette opinion.
Nous pourrons y revenir par la fuite en traitant
des affeélions de la langue, relativement aux
moyens chirurgicaux qui leur conviennent.
On a encore propofé la Bronchotonie lorfque
les amygdales de chaque côté font tellement
gonflées qu’elles obflruent totajement le paflage
de l’ air dans la refpiration. Ce n’efi point le
gonflement inflammatoire qu’on a ici en vue*,
celui-ci ordinairement paffe promptement à la
fuppuration, & ^’ouverture fpontanée de la tumeur
, ou faite par un phryngotome, difpenfe
toujours d’un moyen fi extrême*, mais c’eft le
gonflement chronique, celui dont nous avons
parlé à l’article Amygdales, & qui quelquefois
parvient à un très-grand volume chez certains fu-
jets. Ce que nous avons dit touchant cette maladie
donne déjà à entendre qu’on doit beaucoup
plus efpérer de la réfection des amygdales,
que de l’opération dont il eft ici queftion. Aufli,
avant que le volume des glandes foit porté au
point de menacer de fuffocation, convient-il de
recourir à cette réfe&ion, plutôt qu’à la Bronchotomie
qui remédieroit bien à ltorgent, mais
non à la caufe. En général, la fuffocation n’eft ici
à craindre que quand le gonflement eft porté à
un tel point,que non-feulement l’ifthme du gofier,
mais encore les arrière-narines, font obftruées,
ce qui eft exceflivement rare. Il n’eft pas non plus
ordinaire qu’un polype foit affez volumineux pour
exiger cette opération ,Boërrhaye rapporte cepen- ,
dantun cas oùelle pou voit avoir lieu j il dit qu’étant
confulté pour un polype, & ne voyant aucun
remède efficace que l’éradication, il la conftilla,
le Chirurgien alloit la pratiquer, lorfque le malade
fut fuffoquéj fans doute il auroit pu vivre
encore, fi dès-lors on lui avoit entr’ouvert la
trachée-artère.
Enfin, l’on a confeillé la Bronchotomie, dans
le cas de fubmerfion. Le D. Détharding eft le
premier Auteur qui ait parlé de la néceflité de
cette opération, en pareil cas, dans une lettre
adreffée à Schroeck , fous le titre De methodo fub-
veniendi fubmerfis per Laryngotomiam. Haâenus
recle, dit Haller, fifpuma quâ pulmo in fubmerfis ,
offercitur, eâ adminiflratione repelli quiret. Il fou-
tient que les noyés n’ont point d’eau dans la poitrine
ni dans les bronches, & qu’ils péri lient
fuffoqués, faute d’air & de refpiration , & que
pendant, la fubmerfion, l’épiglotte fe colle tellement
fur la glotte, qu’il ne peut pas y pafler
la moindre goutte d’eau. Mais ces afferrions font
évidemment contraires au réfultat des nombreufes
expériences tentées par M. Louis, en fubmergeant
des animaux dans des liqueurs colorées. Il copfte,
d après ces expériences, que ceux qui fe noyent
infpirent de Peau, & que leurs bronches en font
exactement remplies. Il a également ouvert des
hommes qui avoient péri fous les eaux, & jamais
il n’a trouvé Pépigiotte fous la giotte comme
dit le D. Détharding 5 & les connoifiances anatomiques
difent allez que cela ne peut être. Le
confeil de recourir à la Bronchotomie, dans le
cas de fubmerfion , nous paroît être fondé fur
une faufle opinion touchant le mécanifme de la
refpiration. II eft bien confia té aujourd’hui qu’il
ne fuffit pas, pour que cette fonction puiffe fe
faire, quil y ait communication entre les voyes
aeriennes & l’air qui nous entoure, mais qu’il
faut encore que la poitrine foit fuffifamment
dilatée antécédemment à l’infpiration, ou fimul-
tanément pendant qu’elle a lieu. O r , envain on
cherchera à faire entrer l’air, fi Pon ne donne aux
mufcles infpirateurs Pénergie qu’ils doivent avoir
pour dilater la poitrine de toute part} faute d’avoir
fait attention à ceïte fimultanéité d’aélion, on eft
tombé dans des erreurs incroyables, & loin d’avoir
été utile aux noyés, on a éloigné, difons mieux,
empêché leur retour à la vie. La Phyfiologie mieux
étudié'e, & les caufes qui fufpenderir la vie, en
pareil cas, mieux apperçues, ont donné lieu à
des préceptes plus falutaires, ainfi que nous aurons
lieu de le dire à l’article Noyés.
Après nous être étendus fur les caufes qui demandent
qu’on ait recours à la Bronchotomie s o y o n s
la manière de la pratiquer dans le cas de fuffocation.
Cette opération eft une de celles qui ne
demandent aucune préparation préliminaire, car
tout retardement ne fait qu’augmenter le danger.
Le malade étant convenablement placé dans un
fauteuil, ou mieux encore, dans fon lit, la tête