les, comme il arrive quelquefois, U ne faut
pas infifter fur fon ufage , de peur qu’il ne nuife
au malade, ainfi que toute autre efpèce de
purgatifs. Up régime févère qui a pu être
utile & même néceffaire, pendant la durée de
l'état inflammatoire, peut auffi avoir de fâcheux
effets, s’il.éroit trop long-tems continué, en
abattant les forces du malade, qu’on doit au
contraire tâcher de foutenir, par une nourriture
plus fubflantielle.
i . Remède* toniques & antiseptiques.
Ceci nous conduit à une fécondé indication
bien effentielle & bien importante à remplir,
dès que les fymptômes qui annonçoient la pré-
fence de l’état inflammatoire, paroiffent s’appai-
fer, & que le malade commence à perdre fes
forces.- Cette indication eft de prévenir l’excès
de foibleffe, par l’ufage convenable des cordiaux
, & en particulier des toniques. Ces mêmes
moyens contribuent en outre à mettre le
fyftême en état de fe débarrafler des parties
mortifiées, ou de les détacher: car , comme nous
l’avons déjà obfervé, l’inflammation eft le moyen
par lequel la Nature prépare la féparation des
parties gangrénées de celles qui font faines ^ or
cette inflammation falutaire ne fauroit avoir lieu,
fi le principe vital perd de fon énergie dans
le relie du fyftême.
II eft néceffaire , pour remplir cette indication,
de prefcrire un régime nourriffant , avec
une certain? quantité de bon vin, proportionnée
aux forces du malade, & aux fymptômes de la
maladie. Ce régime procure généralement un
avantage plus réel que toute la claffe des médi-
camens cordiaux & ftimulaos. Néanmoins, lorf-
que le malade eft fort affoibli, que la mortification
eft complétte dans la partie affeêlée, &
qu’elle paroît s’étendre au-delà , on peut prefcrire
quelques-uns de ces remèdes ; tels que
l’atkali volatil, la confection cordiale de Londres
, la thériaque , &c. > dont on réglera la
dofe, fuivànt la fituation du malade. En général
cependant le vin eft le meilleur, comme le
plus agréable de tous les cordiaux -, & l’on doit
employer, dans cette intention , les vins les plus
parfaits, tels que ceux d'Efpagne, de Madère,
& autres de la même nature.
De tous les médicamens recommandés jufqu’à
préfent contre la Gangrène, il n’y en a certainement
aucun, dont l’efficaeité égale celle du
quinquina ; fouvent ce remède arrête , d une
manière très-fenfible & très-aéhve, le cours de
la maladie. Comme tonique très-puiffanr, il agit
probablement en fortifiant le fyftême, & en
maintenant par«-là même, dans chaque partie, le
ton néceffaire pour réftfter aux progrès de la
Gangrène. Mais, quelle que foit fa manière d’agir,
c’eft un fait aujourd’hui fuffifamment reconnu,
que l’on doit l'employer dans prefque
tous les cas de Gangrène, dès que la violence
des fymptômes inflammatoires eft appaifée.
C’eft M. Rufworth, Chirurgien à Northam-
pton, qui fit cette découverte, en 1715. MM.
Amyand & Douglas, Chirurgiens de Londres,
confirmèrent bientôt après la vertu de ce remède.
M. Shipton, auffi Chirurgien Anglois, a
parlé, dans les Tranfaélions philofophiques, des
bons effets qu’il lui a vu produire. On lit, dans
les Effais de Médecine d’Edimbourg, plufieurt
obfervalions fur l’efficacité du quinquina dans
la Gangrène. L’on y voit [’interruption de fon
ufage, marquée par un ralentiftement de .féparation
des efcarres, & cette féparation fe rétablir,
lorfqu’on revenoit au quinquina. Tons
les Praticiens, depuis cette époque, foit en An«
gleterre, foit ailleurs, ont eu recours à ce remède
, & par-tout on les a vu lui donner les
plus grands éloges ; malheureufement ces éloges
induilirent les Chirurgiens à L’employer incon-
fidérément, & avec la même confiance, dans
toutes fortes de cas ; & il en réfulta des non-
fuccès qui le décrièrent prefque généralement;
jufqu’à ce que des expériences, faites avec plus
de foin & de circonfpeélion, aient enfin rétabli
fon crédit, en montrant les limites au-delà
defquelles on ne fauroit compter fur fon efficacité.
On ne peut douter effectivement que le quinquina
n’ait eu fréquemment les effets les plus
falutaàres, dans des cas de Gangrène , quoique
probablement on lui ait plus d’une fois attribué
ce. que 1a Nature feule avoit opéré ; mais dans
bien dçs cas, il nuit évidemment, fi l’on y 3
recours trop tôt; il y en a d’autres où il ne paroît
déployer aucune efficaciré; d’autres où il
eft impolfible de l’employer en quantité fuffi*
fante ; l’eftomac ne pouvant le fupporter fous aucune
forme. En général, on ne doit jamais lad*
miniftrer, rant que le pouls eft éleyé, & que
les autres fymptômes inflammatoires fubfiftent;
mais, lorfque la tenfion des parties diminue,
que le pouls baiffe, que les fymptômes de foi?
biefle & d’affaiffement commencent à fe mani-
fefter , & fur-tout, quand avec ces apparences,
on voit un commencement de féparation entre
le mort & le vif' il ne manque prefque jamais
de foutenir les forces vitales, & d’aider puiffam-
ment à la chute des parties gangréneufes. te Dans
les cas de Gangrène, dit Pringle , où des vaif-
feaux font relâchés, & le fang diffous, ou dif-
pofé à la putréfaction , foit en vertu d’une dif-
pofition naturelle, foit en conféquence de l’ab-
lorption d’une matière putride , le quinquina eft
un vrai fpécifique. »
On^’apperçoit qu’on ne l’adminiftre pqs inu-
tilemmt lorfqu’on voit le délire s’appaifer, le
pouls fe relever, & un cercle fe former autour
des parties mortes ; fouvent fon ufage détermine
là formation de quelqa’abcès, dans le
voifinagG
v0i(lnage de ces dernières-; ces abcès ont tou- l
jours été regardés comme d’un bon augure, dans
les cas de cette efpèce; & quand en les voit
iparoître, on peut toujours fe flatter, que s’ils
[viennent complètement à fuppuraiion, le ma~
llade fe guérira , pourvu que la quantité de pus
ne foit pas:..trop abondante.
Quant à la dofe de ce médicament, on ne
ne peut établir de règle plus convenable que
d’en donner toujours, autant & auffi fréquemment
que l’eftomae peut le fupporter. On ne
doit guères compter fur fon efficacité, chez un
adulte, fi l’on ne peut en faire prendre au malade
une once dans vingt-quatre heures; on le
donne fréquemment en dofe deux ou trois fois
plus forte,. avec, le plus grand fuccès. Mais fon
ufage eft fujet à un grand inconvénient, que
l’on rencontre plus fréquemment peut-être, dans
les cas de Gangrène, que dans tour autre; c’eft
que fouvent l’tftumac a de la peine à le fupporter
en fubftance; cependant on ne fauroit
le donner fous une forme plus avanrageufe,. fur*-
toiit dans cette maladie, où l’on ne devroir jamais
-fe confier à aucune • de . fès préparations.
Un peu de vin, ou quelqu’eau fpiritueufe, font
le meilleur véhicule pour aider l’eftomac à le
fupporter; on peut auffi joindre à chaque dofe
un peu d’opium , : ce qui convient d’autant
mieux, que. l’ufage de ce médicament eft auffi
indiqué dans un grand nombre de cas, comme
nous le verrons bientôt. .
L’on donne fouvent, avec avantage, l’acide
; vitriolique , en même-teins que le quinquina ;
& la meilleure manière de l’employer, eft de
js’en fervir pour aciduler toutes les boiffons du *
[ malade. On fe fert auffi > dans la même intention;
des autres acides minéraux.
L’air fixe eft encore un médicament très-utile
i dans tous les cas de Gangrène ; on l’a vu opérer
les plus grands effets, même dans des - cas
! où l’on avoit adininiftré fans fuccès le quin-
| quina. Voye^ Aie. fixe.
Tels font les remèdes'qui ont mérité le plus
la confiance des Praticiens, lorfqu’il s’agit de
foutenir l’énergie du principe vital, afin de
; s oppofer aux progrès de la mortification. L’on
! en a recommandé un beaucoup plus grand nombre
; mais il n’y en a aucun.qui, pour l'efficacité,
puiffe être comparé à ceux dont nous venons
! de parler. ,
3. Remèdes anodins.
Une troifième indication, qui doit marcher de
front avec la fécondé, ou même dans bien des
: ’tfas ,1a précéder ; c’eft de diminuer l’irritabilité,
v |,esu fonlErances du malade par i’ufag'e de
1 opium. Cette précaution contribue fouvent, plus
fl1e tonte-autre- chofé -, à airréur 'les progrès du
•nul ; fou-vent elle eft fndif'penTatële ^pôu-r favo-
Chirurgie, Tome J.et J I .{ Partie.
rifer l'effet des autres remèdes. Dans tous les'
cas de Gangrène, tout ce qui échauffe, irrire,
ou fait fouffrir le malade, .paroît plus généralement
ajouter au mal, & augmenter la rapidité
de fes progrès, tandis que tout ce qui tend à
calmer, à adoucir & à relâcher , retarde prefque
toujours ces progrès, s’il n’en réfulre un
plus grand* bien. Or la doûleur ,qui eft conftam-
ment l’indice d’une irritation trop violente ,
contribue par elle-même à augmenter L’irritation
; & , fous ce double point de vue, on ne
fauroit mieux faire, dans la plupart des cas ,
que de chercher à l’appaifer par un ufage plus
ou moins abondant d’opium. On peut le joindre,
lorfque l’état inflammatoire eft encore très-
marqué, à dès médicaméns antiphlogiftiques ,
tels que des fels neutres, & particulièrement au ni-
tre ; ou au quinquina & aux cordiaux , lorfqu’il
s’agit de foutenir les forces, & de combattre la
putridité.
M. Pott a décrit ur.e efpèce particulière de
Gangrène, dans laquelle il a trouvé que l’opium
éroit le rtmède effentiel, & le feul, fuivant lui,
fur lequel on peut fonder des efpérances de
guérifon.
Cette maladie, qui commence à l’extrémité
d’un ou de plu fleurs orteils, paffe, dans un ef-
paee de tems plus ou moins long, au pied &
à la cheville , & quelquefois plus haut ; & malgré
tous les fecours, fe termine fouvent par la
mort. Dans quelques cas, elle fe manifefte fans
aucune douleur, ou avec unè douleur très-légère ;
mais le plus fouvent, le malade éprouve un grand
malaife, dans toute l’étendue du pied, & de
l’articuJation de la cheville,' fur-tour la nuit ,
même avant que ces parties manifeftent aucune
apparence de maladie. Pour l’ordinaire, le premier
fymptôme extérieur eft une petite tache
noire ou bleuâtre, qui -paroît à la partie interne,
ou à l’extrémité d’un des petits orteils. A
l’endroit de cette tache, on trouve toujours- l’épiderme
un peu détachée, ik la peau qui eft
au-deffous, a. une couleur rouge foncée.
Son progrès 'eft différent dans les différens
fujets, & dans les circonftances différentes. Chez
quelques-uns , il eft très-lent & peu douloureux ;
chez d’autres, il eft très-rapide , accompagné de
douleurs cruelles^ Elle commence ordinairement
à la fnrface interne de chaque périt orteil, avant
d’être vifible à fa face fupérieurë ou inférieure ;
& lorfqu’elle attaque le pied, c’eft fa partiefu-
périeure qui eft la première affeôlée par la tu-
; méfaétion, & le changement de couleur à la
peau. Elle fe rencontre chez les hommes, plus
fouvent que chez les femmes ; chez les riches
voluptueux & intenipérans, plutôt que chez lès
pauvres & chez ceux qui mènent une vie la-
borieufe,* elié .attaque fouvent lés perfonriès
•.avancées en âge; mais elle n'eft point particulière
à la viéiliéflV ; ‘elle paroît fur-toct avoir lieu,
A a a a