
à la vue. Dans tous ces cas , lorfque l’ExfoIiation
eft faite, les granulations s’affaiffent, la fubftance
de l’os fe déprime, & devient beaucoup plus
mince que par tout ailleurs ; c’eft ce qu’on voit '
évidemment dans les Exfoliations du crâne. Com-
jne le diploë eft une efpèce de tiffu cellulaire>
fourni de beaucoup de vaiffeaux, la fuppuration
qcnV anéantit jufqu’ à une certaine profondeur,
'permet aux deux tables de fe rapprocher l’une
de 1 autre; & ainfi l’os devient beaucoup plus
mince dans l’étendue où 1 exfoliation s’eft faite.
M. Tenon, dans une des expériences qu’il a tentées
pour connoître le mécanifme de l’Exfoliation,
dit que toute la circonférence de la dénudation
avoir paru fous la forme d’ un cercle rouge , que
ce cercle fembloit formé par une fubftance comme
charnue, qui fe développoit fous une lameoffeufe;
que cette lame plioit fous la fonde, quelle di-
minuoit de jour en jou r , étant rongée par les
bords, à mefure que les chairs s’avançoient fous
elle; en forte qu’au moment où elle fe détacha,
elle fe trouvoit réduire à un feuillet beaucoup
moins étendu que la dénudation. Il dit que le
refie de cette lame avoit tellement difparu pendant
le traitement, qu’il n’avoit pas même pu
en découvrir le moindre vefiige avec le fecours
de la loupe. Certe obfervation eft plus intérefiante
qu’on ne l’avoit d’abord cru ; elle explique comment
FExfoliation, ou , fi l’on aime mieux, la
décompotirion de l’os peut être fort confidérable
dans la réalité, fans‘cependant qu’on l’apperçoive
pendant tout le tems du traitement. D’autres fois
les chairs recouvrent fi promptement la pièce,
que lulcère tend à la guérifon avant quel’Exfo-
liarion ait eu le tems de fe faire -, mais alors,
fi la cicatrice fe forme, elle n’efi point durable,
elle fe rouvre bientôt; & avec le pus qui en fort,
s’échappe une portion d’os, de volume & de
forme différente. Il efi donc très-effemiel de bien
difiinguer la nature des chairs qui couvrent un
os fain , de celles qui cachent un os altéré» Dans
le premier cas, dit Duverney, dans fon Traité des
maladies des o s , la chair efi ferme, grenue, vermeille,
fenfible & adhérente à toute la furface
de’ l’os qui vient de s’exfolier; dans l’autre , au
contraire, la Chair n’efi qu-’un alongement des
fibres charnues qui font au voifinage de l’os altéré;
elle eft molle, fopgeufe* blanchâtre, infenfible;
elle cède aux doigts qui la preffent fur l’os qui
eft au-deffous, parce qu’eue n’a aucune liai fon
avec fon tiffu. 11 n’en eft pas de même des bourgeons
qui pouffenr roure la partie des l’os qui
s’exfolie, & qui, s’ unifiant avec ceux des chairs
& de la peau voifine, ne font qu’une feule &
même cicatrice , ferme & adhérente à l’os. La
couleur de la peau, dans le cas où la cicatrice
feroit déjà faite, donne également des indices
d’une Ex fojiat ion qui i voudroit fe faire *, elle eft
toujours d’un blanc tram fur le violet, & comme
plombée ; du moment où il s’y eft fait une érofion,
le pus qhî s’en écoule eft fluide, clair, grifâfrej
par fois fort puant, & ayant une odeur comme
urineufe ; il noircit le linge, & en fort en plus
grande quantité que ne le comporte l’étendue de
l’ulcération.
Comme l’Exfoliation eft le produit de la force
vafculaire, & qu’elle fe fait fouvent attendre
long-tems , foit à raifon de l’inertie de cette
force , ou à ràifon du volume de la pièce
qui fe détache , les Auteurs ont propofé diffé-
rens moyens de fubvenir à la Nature en lui
abrégeant fon travail. Les remedes dont on puiffe
le plus attendre en pareil cas , font moins les
exficatifs , les fpiritueux que les aqueux,, les
graiffes, & toutes les fubftances quiN tendent à
ramollir le tiffu de l’os. La méthode la plus
ancienne eonfiftoit à appliquer fur l’ os à découvert
le cautère aéhiel pour brûler difoit-on,
& faire périr la portion fydérée de l’ps ; on
régardoit l’os ainfi à découvert comme attaqué
dé carie. féche , & l’on fe comportoit à fon
égard comme s’il eût été réellement carié. On
peut voir dans Fab. de Hilden , & Fab. d’A-
quapendente, i’expofé de la doétririe alors régnante
, aux articles où ils ont traité de la
carie, & des ulcères avec dénudation. Souvent
auffi l’on attendoit patiemment que la Nature
fit tour par elle-même , ce qui étoit fouvent
très-long. Aulfi tenta-t-on divers procédés pour
amincir, difoit-on , la pièce d’os qui devoit fe
détacher, & qui, par fon épaiffeur, oppofois
„une trop longue réimance aux parties faines qui
étoient deffous. On trouve, dans les Auteurs ,
& notamment dans Paré & Scultet, différentes
formes d’inftrumens propres à cette opération,
& auxquels on a donné les noms de rngines.
Mais cette méthode efficace dans certains cas*
étoit néanmoins infuffifante dans beaucoup d’autres.
Bellofte, Chirurgien des Armées d’Italie, que
fon genre de pratique, vers le commencement
du fiècle dernier, mettoie fouvent dans le cas
de voir la lenteur avec laquelle les os à nud
fe recouvroient de chairs , imagina pour empêcher
l’Exfoliation, & faciliter ce recouvrement,
un procédé qui lui réuffit dans le plus
1 grand nombre de cas. Ce fut de perforer la
pièce d’os qui devoit être détachée, avec une
1 pointe conduite fur différens endroits au moyen
; de l’arbre du trépan. Son intention dans cette
pratique éroit de donner jour aux bourgeons
charnus, qui affaiffés & gênés par l ’épaiffeur de
la pièce, ne pouvoient fe développer affez pour
la rellreindre. Cette méthode devint dès-lors,
celle de tous/les Chirurgiens, ainfi qu’on le peut
voir eu lifant les Obfervateurs de ces tems, &
elle fe foutint dans des fiècles plus, éclairés,
précifément parce qu’elle aboutifioit à une toute
autre fin, que celle que Bellofte avoit eu e»
vue en la pratiquant, c’efi-à-dire , qu’elle faci'
litoit le travail de l’Exfoliation de la manièr*
la plus évidente. Ces bourgeons qui viennent
du développement des vaiffeaux propres de l’os
paroiftent fouvent même fur les os qui n’ont
éprouvé aucune érofion , ni perforation quelconques.
Fabrice de Hilden rapporte que, dans
une plaie où les tégumens furent détachés du
crâne, il releva le Jambeau, & en recôuvrit
! l ’os autant qu’il lui fut poffible $ il mit promptement
de la charpie féche fur .ce qui reftoit de
[l’os découvert, & panfoit cette plaie les jours
fuivans avec beaucoup de précaution & de promptitude,
Néanmoins il apperçut au bout de quelques
jours de petites taches rouges qui pa-
roiffoient comme autant de petites gouttes de
fang. Ces taches augmentèrent à vue d’oeil , &
fournirent line chair qui paroiffoit fpongieufe,
| & qui couvrit l’os en peu de tems. Pour raffermir
un peu cette chair, Fabrice mit une pou-
! dre defficative deffus ; par ce procédé, la plaie qui
étoit fort confidérable, fut guérie dans l’efpace
| d’un mois, fans que l’os découvert fe foit exfolié.
Le procédé de ce Praticien eft fans contredit
le plus raifonné qu’on puiffe fuivre, &
pie paroit de beaucoup préférable à ""celui que
j’ai vu fuivre dans les Hôpitaux , où la pratique
des Elèves eft calquée fur les préjugés
& la routine du maître. On y panfoit les dénudations
d’os avec les plumaceaux imbibés
d’efprit-de-vin , le baume de Fioravend , ou
d’eau vulnéraire qui n’avoit pour toute propriété
que celle de deffécher les vaiffeaux , &
d’empêcher leur développement ; auffi les Ex-
[foliations étoiem-elles infiniment tardives. La
méthode de Bellofte pare à cer inconvénient;
[mais, par un procédé bien merveilleux , & que
M. Tenon a le premier développé, les bourgeons
au développement defquels elle aide,
1 s’élèvent "peu-à-peu du fond de chaque trou ,
| & paroiffent plus volumineux par leur Commet,
que par leurbafe, qui fort du trou comme par
un pédicule. Mais comme à mefure , chaque
trou s’aggrandit par une érofion de fou
bord, le pédicule s’élargit & fe joint aux autres
bourgeons qui croiffent entre chaque trou, &
ceux-ci aux autres d’alentour , en forte que de
la réunion , de tous naît une efpèce de couverte,
molle, rouge, fournie d’aigrettes vaf-
culaires , grainue à la furface qui s’étend fur
Joute la dénudation. Cette fubftance naît de
1 intime fubftance de l’o s , elle a paru à notre
lObfervareur un véritable produit de fon tiffu ;
j1' a remarqué que plus on la fuivoit vers l’os,
moins elle étoit rouge, molle * fpongieufe , &
Mu enfin elle dégénéroit en une nature blanchâtre
jui.approchoit beaucoup de la cartilagineufe.
jMais tous ces phénomènes ne s’apperçoivent
iguère que vers le milieu, du travail de l’Exfo-
haiion , car à une époque plus tardive, ou
tuoins, la décompofition n’eft point encore affez
lancée, ou la récompofuion l’eft trop. Mais
fi la méthode de Bellofte facilite une Exfoliation
néceffaire , & qui a lieu dans fous les
c a s , on doit donc en faire une pratique , &
c’eft effeélivement la conféqùonce qu’il faut en
tirer d’après les expériences de M. Tenon, qui
confirment fori utilité dans les dénndatibns chez
les fujets avancés en âge, & même chez les plus
jeunes. Nous renvoyons pour de plus grands
détails aux Mémoires que cet Auteur a donnés,
& qu’on trouve parmi ceux de l’Académie Royale
des Sciences, années 1758 & 1760.
Mais lorfque la portion d’os qui doit tomber
eft d’une* épaiffeur confidérable , qu’elle fe détache
d’un endroit où il y â peu ou point de
fubftance diploïque, le perforatif offre peu d’ef-
pérance, & la rugine lui devient alors préférable.
Néanmoins, dans ces cas même , il ne
faut y avoir recours qu’au tant que l’os paroît
obfcur, ou jaunâtre , & qu’il y a par-tout une
égale reniter.ee fans aucun mouvement fenfible
dans la pièce qui doit fe féparer. On s’expofe-
roir,fi on la pratiquoit dans cette dernière c ir -
conftance à froiffer les chairs qui cherchent à
expulfer la partie avec laquelle ils ne peuvent
avoir aucune communication. Mais fouvent ce
moyen eft encore infnffifant, notamment chez les
vieillards , où la fubftance compare , a une
dureté qui approche de celle de l’ivoire. On ne
doit point héfiter en pareil cas , de recourir
au trépan exfoliadf & même d’appliquer plufieurs
couronnes de trépan-qui prennent les unes fur
les autres * & qui pénètrent à proportion de
l’épaiffeur qu’on foupçonne que la pièce altérée
peut a v o ir ,, & on enlève ce que la couronne
a fcié, avec un cizeau & un maillet de plomb.
On eft quelquefois obligé de recourir d’abord
à ce dernier moyen, pour enlever par parties,
la pièce d’os qui doit s’exfolier, et Une femme
qui avoit été trépanée , dit M. Quefnai dans
un Précis d’Obforvations fur les Exfoliations du
crâne, inféré dans le premier volume des Mémoires
de l ’Académie Royale de Chirurgie
vint con fui ter J . L. Petit plus d’un an après l’opération
; l’Exfoliation ne s etoit faite que d’un
côté du trou du trépan. Plufieurs Chirurgiens
avoienr traité fucceffivement cette femme, Se
s’étoient appliqués fans fuccès à procurer le
refte de l’ Fxfoliation. J. L. Petit trouva le côté
de l ’os qui ne s’étoit pas exfolié, fort noir,
mais il n’y avoit pas encore de difpofition à
l’Exfoliation. Il fe détermina à enlever à plufieurs
reprifes cette partie noire de l’os ; avec le cizeau ,
& le maillet de plomb; mais en procédant, il
reconnut la caufe du rerard de cette Exfoliation.
La partie de los qui devoit fe détacher, avoir
du côté de l’os fain une rainure dans laquelle
le bord de cet os étoit engréné , & la pièce
d’os éroit retenue en devant par le bord de l'a
circonférence de l’os qui s’étoit exfolié , & en