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Nous ne nous arrêterons pas à décrire la maniéré
de diffiliet le vin j d'en retirer l'alcool;
les^ procédés de cette opération , les attentions
qu'elle exige ont été expofées dans l'article précédent
, on y a vu que c’eft par des diftillations
repetees & conduites avec ménagement 3 que
c’eft en réparant le premier produit de chaque
diftillation, qu'on obtient l'alcool dans un état
de pureté propre aux opérations de chimie &
de pharmacie.
L'odeurj la faveur, font reconnoître fi l’alcool
eft altéré par un arôme particulier, fi dans
la dillillation , il a contraâé de l'empyreume,
s'il a entraîné une partie de l’huile que fournit
le vin par fa décompofition. L'altération en rouge
des papiers colorés par la teinture.de tôurnefol
ou par les petaies bleus des plantes, indiquera
la préfence d’un acide étranger. Enfin, fi comme
rtoüs l'avons vu une’ fois, l'alcool tenoit accidentellement
un oxide de cuivre , on le découvrira
facilement par l'affufion de-quelques gouttes
d’ammoniaque; mais il eft un autre objet bien
important , fur-tout pour le commerce & la
pharmacie , c’eft de connoître & de déterminer
d'une maniéré prëcife la quantité de flegme ou
d’eau qui relie mêlée avec l'alcool : pour parvenir
à ce but, on a propofé différens moyens
d’épreuve, tous fondés fur quelqu'une des propriétés
de l’ulcool, telles, que la facilité avec
laquelle il s'évapore, s’enflamme, ou l’étendue
de fa dilatabilité .à une température déterminée.
Depuis long-temps l'expérience a fait reconnoître
combien tous, ces moyens éroient fautifs & infidèles
, & comme il étoit démontré que l’alcool
étoit d’autant plus léger, qu’il contenoit moins
d’eau, on imagina, pour s’alfurer de cette propriété,
différens inftrumens qui font connus
jfous le nom d'aréomètres ou pèji-liqueurs. Ainfi
Homberg propofa d’employer une petite bou-
te lie a col étroit & allonge, qui contient exactement
une once d’eau, & après l’avoir rempli
du fluide dont on vouloit connoître la nature,
on la pefoit, & la différence de pefanteur
formoit la différence des fluides ; d’autres
ont propofé de plonger dans le fluide un tube
de verre, terminé par une boule & leftée d’une
certaine quantité de mercure, afin que l’inftrument
relie droit & foutenu dans la liqueur, &
ils jugent de la pureté de l ’alcool par l'étendue
de l'immerfion dé l’inftrument : ainfi plus l’inf-
trument s’enfonce , plus auffi le fluide eil.léger,
plus il contient d’alcool.
Tel ell le principe d’après lequel font conf-
truits les differens pèfé - liqueurs généralement
connus dans le commerce, mais ces inftrumens
ne donnent qu’une approximation pliis ou moins
fautive; car outre, comme le dit M. Baürtié
lui-même , w qu il eft difficile de fe procurer des
pèfe-tiqueurs dont le tube foit parfaitement cylindrique
, Se d'un diamètre égal, « l'immexfioa da
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rinilrumént change néceffairement la hauteur du
fluide, & par conféquent la graduation, marquée
lur fa tige eft tres-variable & très-inégale pour
déterminer la quantité d’alcool contenu dans;une
liqueur ou fi l'on veut, pour connoître fes degrés
de reétification ; il n'y a fans doute, commé le remarque
M. Baume, qu’un moyen qui foit. bon
& toujours comparable , c’eft de déterminer fa
pefanteur fpécifique comparée à l’eau, car il
ell indubitable, comme l’obferve M. Briffon ,
« que la pefanteur fpécique d’un corps ell le
” poids qu’il pèfe fous un volume déterminé,-
» Sc les pefanteurs fpécifiques de différens-corps
" comparées entr’elles font toujours proportion-
». nelles aux poids que pèfent des volumes 'égaux
v de.ces fubllances. s>
Ces principes d'une vérité incontellable, &
généralement reconnus, ont guidé de M. Gouve-
nain , citoyen de Dijon, dans une fuite d'expériences
très délicates , qu’il a faites depuis plu-
fieurs années fur la pefanteur fpécifique des liqueurs
, & particulièrement fur les mélangés
d’alcool & d’eau en. différentes proportions, &
fes recherches l'ont conduit à la conftruïtioa
d’un aréomètre ou pèle-liqueur, finon nouveau,
du moins perfeélionné, & dont l’ ufage fimple,
facile, indique toujours d'une manière précife
les quantités réelles d'alcool mélangé avec de
l’eau, & fournit, par conféquent, un moyen
certain de déterminer les degrés de rétification
des diverfes efpèces d’ alcool qu’on trouve dans le
commerce.
Cet inilrument a, polir la forme, beaucoup
de reffemblance avec celui de Fahrenheit; il
eft compofé d’un tube .cylindrique de verre, qui a
environ quatre pouces de hauteur & onze lignes
dë diamètre; ce tube qui forme le corps de
l'inftrument eft fermé par le bas.,,& rétréci par
un étranglement qui forme un. petit réfervoir
dans lequel on introduit du mercure pour lefter
l’inftrument ; dans le haut, ce tube cylindrique
eft tiré en une tige mince, égale, de trois quarts
de ligne de diamètre, de la hauteur d'un pouce ,
& qui fe termine' par un petit baffin propre à
recevoir des poids qui font étalonnés avec la plus
grande exaélitude. Cette tige dont , on a con-
fervé l'ouverture, reçoit un petit cylindre de verre
terminé fupérieurement par un pëtit bouton qui
laiffe la facilité de le retirer à volonté ; on trace
fur ce cylindre une ligne tranfverfale qui forme
le point fixe de cet inilrument.
Nous ne. nous arrêterons pas à expofer les attentions
néceffaires dans la conftruélion de cet
inilrument, ces détails appartiennent à la phy-
fique ; il nous fuffira d’obferver ici que cet inflru-
ment doit être égal en volume & eh poids a mille
grains d’eau diftillée, prife à la température de
dix degrés au thermomètre à mercure, félon
M. de Luc , ou pour nousexpliquer d’une manière
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qui pourra paroître plus claire à quelques pèr-
fonnes, rinftrument avec fon lefte-, doit pefer
exactement mille grains d’eau > 8c plonge dans ■
un vafe plein d’eau diftillée , 8c a la température
iudiquée , il doit j en s’enfonçant jufqu au
point fixe marqué fur fa tige, -déplacer un volume
de mille grains d’eau 5 deux conditions ef-
fentielles pour la perfection de cet inilrument.
On obtient facilement l’un à 1 aide de balances
exactes, on parvient à l’autre avec des attentions
8c de la patience.
Si l’inftrument pefant avec Ton lefte mille grains,
s’enfonce au-deflus du point marqué fur fa tige,
alors il a trop peu de volume, il faut l’augmenter.
Pour cela après avoir retiré le mercure qu’on
avoir introduit dans fa capacité pour fervir de
lefte, on préfente à la flamme d’uné lampe d’é-
mailleur le corps de l’inftrument, 8c lorfque le
verre eft dans un état fuftifânt de ramolliflement,
on fouffle légèrement de manière à augmenter
le volume du tube y on verfe enfuite dans la cavité
de l’inftrument la quantité dé mercure qu’on
en avoit retiré, 8c on l’elfaye de nouveau en
le mettant dans, de l’eau y s’il ^s’enfonce encore au-
deflus du point marqué fur fa tige, il faut em
core en augmenter le volume, 8c recommencer
à fouffler le tube jufqu’à ce que l’inftrument s’enfonce
exactement au point marqué. Lorfqu’au
contraire l’inftrument a trop de volume, il ne
s’enfonce pas jufqu’au point fixe, alors il faut
diminuer le volume du tube, 8c on y parvient
en retranchant un peu de fa longueur, ce que
les ouvriers accoutumés à travailler le verre exécutent
facilement.
D’après les détails dans lefquels nous venons
d’entrer, on voit que la conltruCtion de cèt inf-
trument exige des attentions , des. tâtonnemens
qui font plus minutieux que difficiles 5 mais auffi
conftruit d’après ces principes , cet aréomètre
prélente de grands avantages, non-feulement l’u-r
Age en eft fimple, facile, commode, toujours comparable
, mais encore il a beaucoup plus de fenfibi-
lité que tous ces inftrumens- où les,degrés font
marqués fur la tige y 8c comme fon volume eft
déterminé , il ne s’agit que d’en connoître le
poids, pour trouver le rapport de la pefanteur
fpécifique d’une liqueur quelconque à celle de
l'eau, ainfi il exempte l’embarras d,es; Cjolculsj
enfin on n eft pas obligé, comme pour lés .aréomètres
ordinaires, d’adopter aveuglément une
divifion arbitraire, ou .dé s’en, rapporter bonne--
ment à la-parole du fabricateur. £n effet, en
mettant dans la capacité de l’inftrument du mercure
ou tout autre lefte, jufqu à ce qu’il pèfé
mille grains, cet inilrument, pour être bon;,
doit plonger dans l’eau diftillée, & à >la température
de dix degrés, précisément jufqu au
point 'marqué .dans l’intérieur de fà tige. Ce
moyèn de vérifier fur-le-champ lajufteffe de ces
fortes d’inftruméhts eft fi fimple, fi facile, qu’il
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ne doit jamais être négligé lorfqu’ on en fait conf-
truire.
Le volume une fois bien conftaté, un feul
inilrument pourroit, à la rigueur, fuffire pour
déterminer la pefanteur fpécifique des différentes
efpèces de liqueurs, 8c en connoître le rapport
à celle de l’eau y il né s’agir oit, pour cela, que
d’augmenter ou de diminuer dans des proportions
connues , le poids ou la quantité de
lefte Suivant la-denfité de la liqueur qu’on au-
roit à éprouver 5 ce qui ne feroit pas fort
difficile , puifque la tige de l’inftrument étant
ouverte on peut y introduire ou en retirer du
mercure, 8c pour éviter l’embarras d’avoir recours
à la balance chaque fois qu’on change-
roit le ©oids du lefte, on pourroit avoir des
quantitéirde mercure différentes renfermées dans
de petits flacons étiquetés, 8c quel’on introduirait
dans l’aréomètre , fuivant.Ia denfité delà liqueur
a é]*ouver y mais il eft infiniment plus fimple, plus
commode 8c plus fur d’avoir plufieurs aréomètres
du volume de mille grains d’eau, mais tous
leftés différemment^ ce qui ne doit point pa-
roitre plus extraordinaire dans un laboratoire,
que d’avoir plufieurs balances fuivant les différens
poids qu’on a à employer.
Ainfi, comme en confiaérant la denfité des
liqueurs, nous pouvons en dillinguer fix efpèces
très-différentes, nous confeillons pour la
commodité des expériences d’avoir fix aréomètres
différens par leur poids quoique fem-
blables par leur volume.
Le premier , avec fon lefte , doit pefer fept
cens vingt grains, & il eft dêftinépour l’éther ,
1 alcool p u r , ou affoibli d’une petite quantité
d’eau.
Le fécond péfera huit cens grains, 8c il fer-
vira pour les différentes efpèces d’alcool, efprits-
de-vin, eaux-de-vie du commerce & pour les huiles.
Le trojifîème du.poids de neuf cens quatre-
vingt-dix grains fèrvira pour l’eau, les différentes.
espèces de vin, liqueurs de table, rata-
fiats, quelques djffolutions falines peu chargées ,
& pour l’acide muriatique.
L e quatrième toujours du volume de mille grains
d’eau, péfera douze cens grains, 8c il fervira
pour les diffolutions falines très - chargées , l’acide
nitrique foible, .
L e .cinquième du poids de quatorze cens cinquante
grains, eft deftiné pour les acides nitreux
$c nitrique concentrés , & pour l’acide fulfu-
rique foible. , '
fie fixième enfin^ du poids de dix-fept cens?
grains , fera employé pour les liqueurs plus denfes
l’acide fulfurique concentré.
Le poids de chacun de ces. aréomètres garni
de fon lefte, eft marqué en encre rooge fur fon
baffin , de. forte qu’én prenant finilrument pour
en faire >ufage , on voit fur-le-champ quel eft
fon. poids, 8c le volume étant le même pour