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qu'on attache par les quatre coins fur un carrelet ,
pour y filtrer les fîrops , ou quelqu'autre fluide
vifqueux qui ne pafleroient pas, ou du moins très-
difficilement 8c trop lentement à travers le papier ;
on choifit ordinaiiement pour cet ufage une étoffe
blanche, raifon pour laquelle on a donné le nom
de blanchet au morceau que Ton emploie.
Cette étoffe doit être groffe, & fon tiffu fera
plus ou moins ferré, fuivant la nature des fubf-
tances que l'on doit filtrer. S'il s'agit feulement de
filtrer un fïrop préparé par l'infufion, la déco&ion,
ou le fuc d'une plante, le tiffu de l'étoffe fera médiocrement
ferré î il doit l'être davantagé fi la liqueur
à filtrer tient en fufpenfion des fubftances
terreufes, métalliques, pulvérulentes.
Toutes les fois qu'on emploie un blanchet il
faut avoir foin de le faire tremper, laver en grande
eau & Lécher avant de s'en fervir de npuveau j
mais cette attention ne fuffiroit pas encore pour
tous les cas, il eft des liqueurs qui en filtrant entraînent
dans le tiffu de l'étoffe, les parties les plus
fines de la poudre ou de la fubfiance médicamen-
teufe qu'on y avoit fait infufer ; difleminees dans
le tiffu de l'étoffe, ces molécules s’en détachent
quelquefois difficilement par un premier lavage,
fur-tout s'il eft fait dans l'eau froide, & .fi on paf-
foit à travers le blanchet une nouvelle liqueur,
elle entraîneroit les parties étrangères quels première
filtration a lailfées dans le tiffu de l’étoffe >
ce qui, comme on le fent très-bien, altéreroit les
propriétés du remède qu’on prépare , ainfi nous
avons vu des vomiffemens produits par l u’âge
d'un firop d'oeillets, parce qu'on l'ayôit fait pal-
fer dans une chauffe d'étoffe, qui précédemment
avoit fervi à filtrer un firop préparé avec l’oxide
vitreux d'antimoine. Cette obfervation doit faire
fentir au pharmacien quelles attentions il doit apporter
dans l'ufage des blanchets & filtres d'étoffe,
qui ont déjà fervi à quelque préparation. Sans
doute il feroit à defirer qu'on n’employât jamais
deux fois la même étoffe, au moins eft'-il indif-
penfabîe d’avoir l'attention de ne p.oint pafTer de
décodions calmantes, adouciffantes, 8cc. fur une
étoffe qui a fervi précédemment à filtrer une liqueur
chargée d'une poudre .antimoniale, ou de
quelqu'autre fubftance vomitive, irritante, dont
les molécules peuvent être retenues dans le tifïu de
l'étoffe. Enfin il faut renouveller fouvent les blanchets
8c autres filtres d'étoffes de laines, car après
quelques temps de. fervice leur tiffu fe refferre,
s’épaiftit, & la filtration fe fait très-lentement.
Blanchiment. Quoique le mot blanchiment
foit empoyé dans plufieurs arts, pour exprimer
l’opération qu’on fait fubir à beaucoup de fubf-
tances colorées, foit par la nature, foit par l’art,
& pour les rappeller au blanc, il eft. plus particulièrement
& prefque généralement employé
pour l'art d'enlever au fil ou aux toiles de chanv
re, de lin & de coton, la couleur fauve que la
nature a donnée aux faifceaux fibreux de ces
plantes. On pourra voir dans le di&ionnaire des
arts tout ce qui eft relatif a ce procédé ordinaire de
blanchir les toiles, 8c qui ponfifte à les expofer à
l'air fur des prairies, pendant plufieurs mois, 8c
à les paffer d'abord dans des leffives alcalines,
enfuite dans du lait aigri, il ne fera ici queftion
du blanchiment que pour y rendre compte d'une
découverte chimique de Schéele, 8c de l'heu»
reufe application que M. Berthollet en a faite.
La defcription de fon procédé & les détails qu’il
a donnés fur ce nouvel art dans les annales de chimie,
feront voir quels füccès on peut attendre des
découvertes chimiques pour le perfectionnement
des arts, 8c combien il eft important qne les per-
fonnes qui font à la tête des manufactures ou qui
veulent en élever de nouvelles, prennent des con-
noiffances étendues de chimie. M. Berthollet a
rendu un fervice fignalé à fa patrie 8c à tous les
pays du monde où l’on cultive 8c où l’on travaille
le lin, le chanvre, le coton. Quand il n’auroit
rendu que ce feul fervice par l’heureufe application
de la chimie, fon nom mériteroit d être placé
dans la lifte trop peu nombreufe des bienfaiteurs
de la foçiété. C e feroit affoiblir cette hiftoire
importante d'un art chimique nouveau, que de ne
pas emprunter fon propre langage, t n préfentera
donc ici les divers articles qu'il a inférés dans les
annales de chimie , les lettres qu'il a reçues de
plufieurs manufacturiers , un mémoire de M.
Chaptal fur le même objet, 8c nous terminerons
cet article par un mémoire de M. Berthollet fur la
théorie de la décoloration par l'acide muriatique
oxigené.
Defcription du blanchiment des toiles & des fils par
l3acide muriatique oxigené, &c.
L'on doit non-feulement à Schéele la découverte
de l'acide muriatique oxigené, mais encore celle
des effets qu’il produit fur les parties colorantes
des végétaux. « C'eft dans l'état élaftique (dit
ce grand chimifte ) que fe découvrent le mieux
les qualités de cet air (gaz acide muriatique oxigené.
) On met au bain de fable une cornue de
verre, dans laquélîe on a verfé de l'acide muriatique
fur la manganèfe} on y adapte de petits
ballons de la continence d'environ douze onces
1 d’eau, dans lefquels on met à-peu-près deux gros
L d'eau, fans autre lut qu'une bande de papier gris
au col de la cornue. Au bout d’un quart-d'heure
on apperçoit Y air jaune dans ce ballon, qu'on enlève.
Si le papier a été bien pofé, l'air fort avec
' force j on ferme auffi - tôt le ballon, 8c on en
j met un autre : on peut ainfi remplir plufieurs
J ballons avec l'acide muriatique déphlogiftique}
| mais il faut arranger la cornue de manière que
| les 'gouttes qui s’éleveroient jufqu’à fon col puif-
! Lent y retomber. L’eau fert à retenir les vapeurs
I de l’acide. Je prends plufieurs ballons pour n’êtré
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pas obligé de répéter à chaque Expérience une pareille
diftillation; il ne faut pas en employer de
gros, parce qu’ à chaque fois qu’on les ouvre,
il fé diflîpe à l'air une bonne partie de l’acide.
« Ce que j’ai fournis à l’examen dans cet acide
muriatique déphlogiftiqué, éto.t dans le col du
ballon que j’avois bouché.
v Le bouchon a jauni comme par l’eau-forte.
» Le papier bleudetoumeibl eft devenu prelque
blanc, toutes les fleurs jouges, bleues, & jaunes ,
même les plantes vettes, ont jauni en peu de
temps, & l’eau du.ballon a été changée en un
pur acide muriatique foible.
» Les alcalis ni les acides, n’ont pu rétablir
les couleurs des fleurs 8c des plantes. »
Je repris,les expériences de Schéele, & je tâchai
de répandre un plus grand jour fur la nature
de l’acide muriatique oxigené, 8c fur fes
principales propriétés. Je fis voir qu’une partie
de l’acide muriatique difloivoit l'oxide de manganèfe
, en chalfant une partie de la bafe de l’air
vital ou oxigène, qui étoit en excès dans l’oxide de
manganèfe pour que cette diffolution pût s'opérer
; que cet oxigène privé de l'état élaftique , ou fe
trouvant, fuivant l'expreflionde M. Lrieftley, dans
l'état naiflant, 8c étant par-là, très-dilpofé à former
de nouvelles combinaifons, s'unilfoit avec
une autre portion de l'acide muriatique, & que
cette combinaifon conftituoit le gaz acide muriatique
oxigené. J'ai développé cette théorie dans
plufieurs mémoires qui fe trouvent dans Je recueil
de l'académie de 1785 8c des années fuivantes,
& dans le journal de phyfique de Juin iyBc &
d'août 1786 j mais afin que les perfonnes qui
ne fe font point occupées de la chimie, foient en
état non-feulement d'exécuter le procédé que
je vais décrire, mais encore de le modifier &c
de l’étendre, je vais rappeller quelques expériences
dont j’ai donné le détail en perdant de
vue les autres parties de la théorie, pour in-
nftet fur la compofition de l'acide muriatique oxigené,
8c fur laêtion qu'il exerce fur les molécules
colorantes.
Selon Schéele , « l'acide muriatique dépouillé
du phlogiftique, qui eft une de fes parties confti-
tuantes, ne s'unit avec l'eau qu'en très - petite
quantité, & ne la rend pas fort acide. » 11 y
a apparence qu'il fe contenta d'examiner l'eau
qui n’avoit été en contact avec le gaz que pendant
le temps de l'opération , & qu'il en conclut
qu5 ce 8az s'y difloivoit très - peu , de manière
qu il lui parut préférable de foumettre à. fes expériences
ce gaz même , que l'eau qui n'en devoit
erreque foiblementimprégnée, 8c qui, en même-
remps devoit contenir un peu d'acide muriatique
qui pafle dans la diftillation lorfqu' on ne prend
pas les précautions neceflaires pour le retenir dans
un flacon intermédiaire.
Le premier, objet que je me propofai, ce fut
d examiner la difîblubüité du gaz acide muriatique
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oxigene pari eau. parce que je m'imaginai que iï
je pouvois en obtenir une diffolution un peu ctin- 3 Ü feroit plus facile de foumettre à
differentes épreuves cette liqueur qu'un Ample
gaz. Je m'apperçus bientôt que ce gaz fe dif-
folvoit dans l'eau plus facilement & en plus
grande quantité que le gaz acide carbonique ou
air fixe, & que l'eau qui s'en faturoit, acqué-
roit une odeur très-vive, une couleur jaunàrte
& des propriétés très-marquées. J'avois fait ces
premières épreuves en agitant l'eau en contadt
avec le gaz de la manière dont on imprègne ordinairement
1 eau d acide carbonique j mais la va-
peur füffoquante qui s'exhaloit, me. fit fubftituer
a ce procédé celui de M. VVoulfe. Je plaçai entre
la cornue & lés flacons remplis d'eau deftinée à
s imprégner de gaz, un petit flacon que j'en-
tourai de glace pour retenir la vapeur muriatique
qui n etoit pas oxigeriée ; j'entourai également de
glace les flacons remplis d’eau. J’obfervai, dans
cette opération, que l'eau étant faturée de gaz
celui-ci prenoit une forme concrète, & fe pré-
cipitoit lentement au fond de l’eau.
bi 1 on remplit d'eau imprégnée du gaz qui s'eft
dégagé, c eft-a-dire, d acide muriatique oxigené,
un flacon dont une tubulure prolongée ce recourbée
plonge fous un récipient rempli d'eau
& fi ce flacon eft expofé à la lumière du foieil ou
voit Bientôt s'en dégager des bulles' qui paffent
dans le récipient, & qui font de l'air pur, de l'air
vital ou gaz oxigène. Lorfque les bulles ont ceffé
de fe dégager, la liqueur a perdu fon odeur ,
fa couleur , & toutes fes propriétés diftinétives ;
ce n eft plus qu'une eau légèrement imprégnée
d acide muriatique ordinaire. Cette expérience
limple doit fuffire pour fe convaincre que l'acide
muriatique oxigene n eft réellement qu'une combinaifon
de l'acide muriatique avec la bafe de l'air
vital ou oxigène, qui fe trouve fi abondamment
dans l'oxide noir de manganèfe, qu’il fuffit de
pouffer cet oxide a un grand feu, pour en retirer
une grande quantité, & alors il n'eft plus propre
a former de l'acide muriatique oxigené, parce
qu’il eft dépouillé de cette partie d’oxigène qui
doit fe combiner avec une partie de l'acide muriatique.
Remarquons que la lumière a la propriété de
dégager l’oxigène qui étoit combiné avec l'acide,
muriatique, en lui rendant félafticité dont i! étoit
privé en partie , ce que ne peut faire la fimple
chaleur, llparoît que la lumière fe combine avec
l'oxigène, & que c'eft à cette combinaifon qu’eft
dû l'état élaftique de l'air vital qui,.en perdant
de nouveau fon élafticité par la combuftion , c'eft-
à-dire, par une combinaifon rapide avec quelque
corps, laiffeéchapper encore le principe’ de la lumière
, & en même temps il fe dégage beaucoup
de chaleur dont nous ignorons jufqu a préfent les
véritables rapports avec la lumière. »
bi l'on plonge-dans l'acide muriatique ori«en»