
taine quantité d’eau qu’il avoit enlevée à ce
fluide , pouvoit 3 quoique flegmatique & devenant
de plus en plus foible , réagir affez fur une
autre portion du même alcool pour le mettre
dans l’état huileux, a propofé une autre opinion
fur la production de l’éther ; il regardoit l’alcool
comme un fluide compofé d’huile, d’acide &
d’eau ; il penfoit que lorfqu’on mêloit de l’acide
fulfurique à l’alcool , il réfultoit de ce mélange
une forte de fluide bitumineux qui fourniffoit
par la diltillation les mêmes principes que tous
les bitumes 3 c’eft-à-dire , une huile légère , très-
odorante 3 très - combuftible y une efpèce de
naphte qui étoit l’éther , & enfuite une huile
moins volatile & plus colorée que la première ,
qui étoit l’huile douce du vin ; on verra en effet
par les propriétés de l’éther 3 que nous allons
examiner 3 que ce fluide a tous les caractères
d’une huilé très-tenue, & telle quê la naphte;
mais cette théorie qui pouvôit fuffire & fatisfaire
les chimiftes il y a vingt-ans , lorfqu’elle a été
préfentée par fon auteur , eft bien loin de remplir
le voeu des phyficiens modernes : il paroît que.
dans cette opération l’oxigène eft enlevé à l’acide
fulfurique • par l’hydrogène de l’alcool, qu’une
partie de l’hydrogène , principe de ce dernier,
forme de l’eau avec cet oxigèhe, & que l’alcool,
privé de cette portion d’hydrogène , conftitue
l’éther. Mais outré que tout ce qui fe pafife dans
cette opération n’eftpas encore entièrement connu,
on ne peut difcuter. cette théorie fur la formation
de l’éther , qu’après avoir examiné en détail les
propriétés de cette liqueur, & même après
avoir déterminé TaCtion des autres acides fur
l’alcool : nous devons donc traiter cës deux
objets , & remettre la difcuflion fur la théorie
de l’éthérification après l’expofé des faits relatifs
à ce phénomène.
L’éther fulfurique , obtenu par le procédé que
nous avons décrit, n’eft pas très-pur après la
première opération, il eft uni à de l’alcool 8: à
de l’acide lulfureux ; pour le re&ifier, on a coutume
de le diftiller dans une cornue au bain de
fable Sc même au bain de lampe , en ajoutant de
l’alcali fixe ordinaire ; ce fel fe combine^ avec
l’acide lulfureux. Mais l’emploi de l’alcali dans
cette reéfification a un inconvénient qu’on
n’a point fait connoître. L’alcali dont on fe fert
ordinairement eft celui qui provient du tartre
brûlé j la potaffe y eft en partie cauftique & en
partie à l’état de carbonate de potaffe : cette
dernière portion fait une violente effervefcence
avec l’acide fulfureux contenu dans l’éther non
re&ifié ; 8c l’acide carbonique qui fe dégage,
emporte avec lui une très-grande quantité d’éther
qui eft perdu. Four remédier à cet accident, nous
rectifions l’éther fulfurique par l'addition de la
chaux éteinte à l’air, & nous diftfilons à la chaleur
douce d’une fimple lampe : l’éther paffe très-
pur par ce procédé fimple & peu difpendieux,
Si l’on fépare la première moitié de ce produit,
on obtient l’éther le plus pur 8c le plus reétifié;
on voit fouvent quelques gouttes a’huile nager
fur la liqueur du réfidu.
L’éther eft un fluide plus léger que l’alcool ,
d’une odeur forte, fuave/8c très - expanfible,
d’une faveur chaude 8c piquante : il eft fi volatil ,
qu’en le verfant 8c en l’agitant, il fe diffipe en
un inftant ; il produit dans fon évaporation un froid
tel qu’il peut faire géler l’eau, comme M. Baume
l’a démontré par fes belles expériencés. 11 fe
rédiiit en une forte de gaz éthéré qui brûle avec
rapidité, 8c qui remplit de flamme'la partie de
l’athmofphère dans laquelle il eft diffous. La diminution
de la preflion de l’air favorife fingulière-
ment l’évaporation de l’éthèr ; à 15 cens toifës
au-deffus du niveau de la mer, il fe réduit très-
promptement en vapeur , comme l’ont prouvé
MM. Sauffure 8c Lamanon. Sous le récipient
d’une machine pneumatique , on le Voit, dès les
premiers coups de pifton, entrer eh ébulition 8c
difparoître en formant un fluide élaftique. L’air
même , avec fa pefanteur la plus forte 8c à une
température baffe, diffout l’éther avec une grande
énergie ; il luffit, comme on le fait dans les expé-,
riences de phyfique, de jetter quelques gouttes
d’éther dans une bouteille de fer blanc, pour que
l’air, qui s?en imprégné par la plus légère agitation ,
devienne très - inflammable, 8c produife une détonation
par l’étincélle électrique ; c’eft un des
procédés que l’on employé pour l’expérience du
piftolet de Volta. L’air qui tient de l’éther en dif*
folution peut paffer i travers l’eau, fans- çeffer
d’être inflammable 8c odorant, ce qui prouve que
ce produit volatil eft fort adhérent à l’air athmo-
ph.érique.
L’éther s’ allume très - facilement, dès qu’on
le chauffe à l’air libre , ou qu’on en approche un
corps enflammé ; l’étincelle éleétriqùe l’allume de
même ; il répand en brûlant une flamme blanche
fort lumineufe , 8c il laiffe une trace noire, comme
charboneufe , à la furface des corps que l’on
expofe à fa flamme. M. Lavoifier a conftatë qu il
fè forme de l’acide carbonique pendant la com-
buftion de cette liqueur 5 mais il n’a pas encore
pu réuffir à obtenir un réfultat exaa dans les
produits de la combuftion de l’éther, par la difficulté
de conftruire un appareil capable de les recueillir.
Cette difficulté confifte dans ce qu’il faut
une grande quantité d’air pour brûler complètement
l’éther, 8c dans ce que la flamme qu’il forme
à l’extrémité d’une lampe eft fi légère, qu’elle fe
détache par la moindre agitation de l’air qu’on
fait arriver dans les cloches. Voye% les m otsCombustion
, A ppareils, Lampes, & c .M . Schéele
a découvert que le réfidu de l’éther brûle fur, un
peu d’eau, contient de l’acide fulfurique ; 8c il a
affuré, d’après çela, que l’éther recèle toujours
une portion de l’acide qui a fervi à le former.
L’éther fe diffout dans dix parties d’eau, fuivant
M. de Lauraguais. Autrefois on né connoif-
foit point cette diffolubilité de l ether dans 1 eau ;
8c comme on voyoit l’éther mis en affez grand
volume fur l’eau 3 y relier fans apparence de com-
binaifon 8c à la manière de l’huile y o n croyoit
que ces deux corps ne s’uniffoient point 8c on
les laiffoit toujours en contaél l’un avec l’autre :
aujourd’hui on ne commet plus cette faute.
On n’a point encore examiné en détail les phénomènes
que l’éther eft fufceptible de préfenter
avec toutes les fubftances falines : on ne con-
noît bien que l’aéfion de quelques acides fur cette
liqueur. La chaux 8c les alcalis fixes ne paroiffent
point fufceptibles de l’altérer; L’ammoniaque cauftique
s’y mêle eh toutes proportions, 8c elle forme
une matière dont l’odeur mixte pourroit être très-
utile dans les afphixies 8c les maladies fpafmo-
diques. L’acide fulfurique s'échauffe beaucoup
avec l’éther, 8c il peut en convertir une bonne
partie en huile douce du vin par la diftillation.
L’acide nitreux fumant, y excite une effervefcence
confidérable ; 8c l’éther femble devenir plus con-
fiftant, plus coloré 8c plus huileux dans Cette
expérience. Mêlé avec la diffolution muriatique
d’o r , il retient une partie de ce métal, 8: femble
agir- alors comme les huiles volatiles qui féparent
également une portion d’oxide d’o r , en le rapprochant
de l’état métallique. On n’a point encore
examiné la diffolubilité des fels neutres ou moyens
dans d’éther : le plus grand nombre , à la vérité,
ne fe diffout point dans cette liqueur ; mais les
fels déliqtiefcens paroiffent fufceptibles de s’y
combiner en certaines, proportions. Plufieurs ■ fels
métalliques s’y uniffent, 8c fur-tout le muriatede
mercure corrofif 8c le nitrate de mercure, dont
il retient une partie, quoiqu’il s’en précipite la
plus grande portion.
L’éther fe combine facilement aux huiles diftil-
lées des bitumes, à la naphte, au pétrole : il diffout
auffi le fa'von ; il s’unit auffi aux huiles volatiles
8c aux réfines plus facilement que l’alcool,
8c les médecins employent fouvent des teintures
éthérées.
L’éther eft regardé, en médecine, comme un
tonique puiffant, 8c comme un très bon anti>
fpàfmodique : on l’emploie dans les accès hifté-
riqties , dans les coliques fpafmodiques ; il s’op-
pofe promptement aux vices dé 4a digeftion qui
ont pour caufe la foibleffe de l’eftomac : on ne
doit l’adminiftrer qu’avec prudence, parce qu’on
fait que fon ufage exceffif eft dangereux : on s’en
fert encore avec fuccès à l’extérieur, dans les
douleurs de tête, dans les brûlures, 8cc. 11 eft
bien prouyé qu’à la température ordinaire du corps
humain, Péther prend 8c conferve la forme de
fluide élaftique : cette oonfidération mérite toute
l’attention des médecins ; „ elle a été préfentée
avec toute l’étendue quelle mérite , dans le dictionnaire
de médecine, au mot Ether. Huffman,
qui s’eft beaucoup occupé des oombiaaifons- de
l’alcool avec l’acide fulfurique, fe fervoic d’un
médicament compofé d’huile douce du vin , dif-
foute dans l’ alcool, qu’il appelloit liqueur minérale
anodyne. La faculté de médecine de Paris a ajouté
l’éther à cette liqueur, & elle a prefcrit, dans fon
difpenfaire, de la préparer en mêlant deux onces
de l’alcool qui paffe avantl’éther, & douze gouttes
d’huile douce de vin. Ce médicament s’emploie
comme l’éther ; mais il n’a pas, à beaucoup près,
la même vertu. Telles font les propriétés connues
de l’éther fulfurique. 11 réfulte de leur enfemble
que ce produit eft une forte d’huile formée par
un changement de proportion dans les principes
de l’alcool, opéré à l’aide de l’acide fulfurique :
l’aâion des autres acides fur l’alcool rendra cette
opinion plus claire & plus vraifemblable.
L’acide nitrique agit d’une manière très-rapide
fur l’ alcool. Navier de Châlons eft le premier qui
ait donné un procédé facile & peu difpendieux,
pour préparer l’ éther nitrique. On prend, d’après
ce chimifte , une bouteille de Sèves très-forte ;
on-y verfe douze onces d’alcool bien pur & bien
réétifié, & on la plonge dans l’eau froide, ou
mieux encore dans la glace : lorfque l’alcool eft
refroidi, on ajoute à plufieurs reprifes, & en
agitant chaque fois le mélange, huit onces d’acide
nitrique concentré : on bouche la bouteille avec
un bouchon de liège qu’on affujettit avec de la
peau, & qu’on ficelle bien. On laiffe ce mélange
en repos dans un endroit écarté, pour prévenir
les accidens que pourroit produire la fraéture de
la bouteille , qui fouvent à lieu daus cette opération.
Au bout de quelques heurës, il s’élève des
bulles du fond de. ce vaiffeau, & il fe raffemble
à la furface de la liqueur, des gouttes qui forment
peu-à-peu une couche de véritable éther. Ce
dégagement dure pendant quatre à fix jours. Dès
qu’on n’apperçoit plus de mouvement dans la liqueur
, on perce le bouchon avec an poinçon ,
pour laiffer échapper une certaine quantité de
gaz, qui, fans cette précaution , fortiroit bruf-
-qüement en débouchant la bouteille, & entraine-
roit l’éther, qui ferôit perdu. Lorfque le gaz eft
diftipé, on débouche la bouteille ; on verfe la liqueur
qu’elle contient dans un entonnoir, dont on
bouche la tige avec le doigt; on fépare le réfidu
d’avec l’éther qui le fumage, & an reçoit ce der-
•nier dans un flacon à part.
M. Woulfe a donné un autre procédé pour
préparer l’éther nitreux ; il confifte à employer
des vaiffeaux très-grands , pour offrir beaucoup
d’efpace à l’air qui fe dégage. Voye^ les mots A p-
-pareil de W oulfe. : On prend un ballon de
verre blanc contenant huit à dix pintes, terminé
par un col de fept à huit pieds de long ; on le
pofe fur un trépied affez élevé pour qu’on puiffe
placer deffous un réchaud ; on ajufte au cou de
.ce matras un chapiteau tubulê, au bec duquel
on adapte un tuyau de verre de fept à huit pieds j
-ce dernier eft reçu par fon extrémité inférieure