
L'alcool ne diffout pas le ’ foufre en maffe ni
en poudre ; mais il s'y unit lorfquç ces deux corps
font en contaét dans l’état'de vapeurs , comme l’a
découvert M. de Lauraguais. Son procédé confifte
à mettre du foufre en poudre dans une cucur-
bite de verre; à placer dans le même-vaiffeau &
fur le foufre un bocal plein d’alcool, & à chauffer
la cucurbite au bain de fable , en y adaptant un
chapiteau & un récipient. Le foufre fe volatilife
en même-tems que l'alcool ; ces deux fubftances
fe combinent en vapeurs 3 8c le fluide qui coule
dans le récipient elt un peu trouble 8c répand
une odeur fétide. Il contient environ un grain de
foufre par gros d’alcool. J'ai trouvé quon obtient
la même combinaifon en diftillant les eaux fulfu-
reufes j telles que celles de Montmorency avec de
l'alcool.
On obtient encore un produit analogue en dif- i
tillant les dilfolutions de fulfures. alcalins dans
l ’alcool j car ces fulfures , ou foyes de foufre y [ont
entièrement 8c parfaitement diffolubles dans cette
liqueur ; ces diflolutions font plus ou moins rouges
3 brunes3 fétides, décompofables par l'air,
par l’eau en grande quantité 8c à raifon de l ’air
qu’elle contient.
L ’alcool n’a aucune a"étioo fur les matières
métalliques , ni fur leurs oxides ; il diffout en
partie le fuccin ; il ne touche point aux bitumes
noirs 8c charbonés ; on obférve que lorfqtfil
a été diftillé fur un alcali fixe, il s'unit mieux au
fuccin , 8c que ce fel, mêlé avec ce bitume , le
rend beaucoup plus diffoluble en le rapprochant
fans doute de l’état favôneux.
Il eft peu de .matières végétales fur lefqueMes
l ’alcool rie puiffe avoir une adfion plus ou moins
marquée ; les extraits y perdent leur partie colorante
8c fouvent toute leur fubftance , lorfqu’ils
font de la nature des extraéto-réfineux, ou des ré-
fino-extra&ifs ; les fucs fucrés & favoneüx s.'y unif-
fent. Margraf a retiré par l ’alcool un fel efientieJ
fucré de la betterave , du chervis , du panais, 8cc.
Les huiles végétales fixes, fluides, ficcatives ,
concrètes, &c. ne s'uniffentpoint à l ’alcool ; leurs
combinaifons avec les alcalis fixes ou les favons,
s y diffolvent très-facilement : on donne le nom
dVjfenee de favori- à cette diffolution alcoolique.
Les matières végétales avec lefquelles l'alcool
fe combine le plus facilement, font les huiles volatiles,
l'arome, le camphre, les.baumes 8c les
réfines. Cn donne le nom impropre d‘eaux dtftiilées
fpiritueufes à l'alcool chargé de l'arome des plantes
odorantes : ce liquide s'empare du principe de
l’odeur, 8c fe volatilife avec fui ; il entraîne même
une certaine quantité d'huile volatile, ce qui'fait
qu'il blanchit avec l'eau diftilléè ; mais on le fépare
dé ce principe étranger, en le rectifiant au bain-
marie , à une chaleur très-douce; & on a foin de
lie retirer que les trois-quarts de- l’alcool qu'on a
employé , afin d’être sûr de ne volatilifer avec lui
que l'arome. Ces alcools aromatiques, ou ces eaux
I
dtftiilées fpiritueufes, acquièrent une odeur plus
agréable à mefure qu'elles vieilliffent, & il paroît
que le principe odorant fe combine de plus en plus
intimément avec l'alcool. Cette remarque a été
faite depuis long-temps dans les pharmacies.
L'arome a tant d’attraéfcion pour l'alcool, que
ce dernier eft capable de l’enlever aux huiles volatiles
& à l'eau. En effet, en diftillant de l’alcool
fur des huiles volatiles 8c fur l’eau chargée de
l’odeur d'une plante, l'alcool prend le principe
odorant, 8c laiflfe l'huile 8c l’eau fans odeur. On
obférve que l'alcool diffout mieux les huiles volatiles
pefantes 8c épàiffes, que celles qui font bien
fluides & légères. L'eau peut défunir ce compofé ;
elle en précipite l'huile fous la forme de globules
blancs 8c opaques; mais l'arome refte toujours uni
à l’alcool.
Ce liquide diffout facilement le camphre à froid ;
mais il le diffout en plus grande quantité, lorfqu'il
eft aidé de la chaleur; Cette diffolution bien chargée,
comme de deux gros de camphre par once
d’alcool, mêlée avec de l’eau qu'on y ajoute peu-
à-peu 8c par gouttes, fournit une végétation crif-
taillne obfervée par Rômieu : c'eft un filet perpendiculaire,
fur lequel font implantées des aiguilles
qui s'élèvent contre le filet, fous un angle de
foixante degrés. Cette expérience ne réuffit que
rarement, & elle demande beaucoup de tâtonnement
pour la quantité d’eau , le réfroidiffe-
ment, 8cc. g
On donne le nom de teintures, dé élixirs, de
baumes , de quintejfences, &c. aux compofés de
fucs huileux ou réfineux 8c d'alcool, quand celui-
ci eft affez chargé de ces fubftances pour* avoir
beaucoup de couleur, & pour précipiter abondamment
par l'eau. Elles font, comme les eâtix
diftillées fpiritueufes, ou Amples lorfqu'elles ne
contiennent qu'une matière en diffolution, ou
compofées lorfqu'elles en contiennent plufieurs
à la fois. Ces médicamens fe. préparent, en général
, en expofant le fuc en poudre, ou la plante
sèche dont on veut diffoudre l'huile volatile ou la
réfine, à l’aêtion de l'alcool, que l'on aide par
l'agitation 8c par la chaleur douce du foleil ou du
bain de fable. Lorfque l'on veut retirer les réfines
de plufieurs plantes ou fubftances végétales quelconques
à la fois, on a foin de faire digérer d'abord
la matière qui eft la moins attaquable par
l’alcool, 8c d'expofer fucceffivêment à fon aélion
les fubftances qui y font les plus diffolubles. Quand
ce diffolvant eft autant chargé qu'il peut l’être .,
on le décante ou on le filtre. Quelquefois on fait
fur le champ une teinture compofée, en mêlant,
plufieurs teintures fimples ; telle eft la manière de
préparer Y élixir de propriété| en uniffant les teintures
de myrrhe, de fafran 8c d'aloës. On peut
féparer les réfines 8c les baumes de l’alcool, en
verfant de l’eau fur les teintures, ou en les diftillant
; mais dans ces deux cas, l'alcool retient le
principe odorant de çes fubftances. L'eau n'eft pas
capable
capable de décompofer les teintures formées avec
les- extraéto - réfineux ou les réfîno - extraélifs ,
comme celles de rhubarbe, de fafran, d'opiumde
gomme ammoniaque, &c. parce que ces matières
font également diffolubles dans ces deux liquides.
Nous avons découvert * il ÿ. a quelques mois,
que le gluten de la farine de froment, ou la matière
glutineufe et* général, eft diffoluble dans
l’alcpol pur ; on fait qu'une grande quantité de
matières colorantes végétales y font également
diffolubles : ainfi, quand on emploie l'alcool pour
le faire agir fur des végétaux entiers, ou des matières
végétales sèches, comme des racines, des
hoir, des écorces, des fruits, 8cc. ce diffolvant
porte fon aétion fur un grand nombre de matières
à la fois« & on ne parvient à féparer ces matières
dijffoutesfimultanément que par des procédés compliqués,
des évaporations ménagées, interrompues
8c reprifes à différentes époques , des additions
d'eau également fracturées & faites à .différens
temps j, l'expofîtion à l'air, 8cc.
Les matières animales traitées par l’alcool, pré-
fentent. à-peu-près les mêmes phénomènes que les
fubftances' végétales , dont on fait qu’elles fe rapprochent
par la nature de leurs principes ; les ré-
fines, le corps fucré, l’extrait âcre ou amer, les
parties colorantes au’elles contiennent-s’y diffolvent
; l’albumine, au lieu de s’y combiner, fe"'
prend ou fe coagule par le calorique que le mélange
d’alcool développe de l’eau qui la délaye,
8 c toutes les humeurs animales qui font plus ou
moins albumineufes, préfentent un pareil phénomène
de coagulation plus ou moins marquée avec
l’alcool; la matière gélatineufe n’y eft pas plus diffoluble
que le mucilage fade des végétaux ; la partie
fibreufe eft condenfée, refferrée 8c confervée par
I alcool ; la bile eft diffoluble comme un favon
dans l’alcool, qui en fépare la portion d’albumine
fous la forme de flocons épais ; les calculs biliaires
le font également ; les graiffes proprement dites"
refufent de s'unir à ce liquide ; mais l'efpèce d'huile
.concrète, analogue an blanc de baleine, que nous.
avons trouvée fi. abondamment dans les matières
animales , s'y diffolvent très-bien, quoique beaucoup
plus à chaud qu'à froid. On voit, d'après
.ces principes, que l'alcool peut être employé avec
fuccès pour analyfer les matières animales.
§. IV. Des ufages de l'alcool.
L alcool & l'eau-de-vie ont des ufages très-
•étendus 8c très-multipliés. On boit la dernière de
ces liqueurs pour relever les forces abattues; mais
.l'excès en eft dangereux., parce qu'elle defleçhe
les fibres 8c produit des tremblemens, des para-
lyfies, des obftruéfions, des hydropifies. On erri-
pioie 1 alcool pur uni au camphre, pour arrêter
les progrès de la gangrène.
- Les eaux diftillées fpiritueufes ( ou l'alcool aro-
matife) font adminiftréejs en médecine comme to-
Chj.mie. Tome II.
niques, cordiales, anti-fpafmodiques, ftomachiques, 8cc. On les donne étendues d'eau, ou adoucies
par des fyrops.
On fait avec ces eaux 8c le fucre, des-boiffons
connues fous le nom de ratafiats ou de liqueurs.
Ces boiffons bien préparées, 8c prifes à petites
dofes , peuvent être utiles; mais en général, elles
conviennent à peu de perfonnes, 8c elles peuvent
être nuifibles à un très-grand nombre. L’excès de
ces fortes de liqueurs comporte les plus grands
dangers ; 8c au lieu de donner des forces 8c d'augmenter
celles de l’eftomac, comme on le croit
affez communément, elles produifent , le plus
fouvent, un effet entièrement oppofé. Celles qui
font les moins nuifibles, lorfqu’on en boit rarement
8c avec modération , doivent être préparées
à froid, avec une partie d'aleool diftillé fur la
fubftance aromatique dont on veut lui communiquer
l'odeur, deux parties d’eau 8c une partie de
fucre royal.
Les teintures ont à-peu-près les mêmes vertus
que les eaux diftillées fpiritueufes ; mais leur aêlion
eft beaucoup plus énergique ; aufli ne les emploie-
t-on qu'à une dofe beaucoup plus petite : on les
donne dans du vin, dans des potions, ou même
dans des liqueurs aqueufes. Le précipité qu'elles
forment dans ce dernier cas eft également fufpendu
dans le mélange , & d'ailleurs la partie odorante
jefte en diffolution dans l'alcool,.
L'alcool de potaffe , ou la teinture âcre de
tartre, les différentes efpèces d'éther , & fur-
tout l'éther fulfurique , les élixirs, les baumes , 8cç. font des médicamens très-employés 8c très-
utiles dont il a déjà été fait mention, & qui feront
confédérés comme tels, avec toute l'étendue qu'ils
méritent, dans le dictionnaire de médecine.
Les ufages des eaux-de-vie 8c de l'alcool pur
dans les arts , ne font pas moins multipliés que
dans la médecine ; le nombre des arts où l'on
emploie cette liqueur eft très-confidérable , aujourd'hui
fur - tout où la chimie commence à
répandre fa lumière fur les procédés 8c les pratiques
des atteiiers 8c des manufactures : on s'en
fert à tous momens dans les parfumeries pour
diffoudre des huiles volatiles odorantes, ou des
effences, des baumes, du favon , de l’ambre, du
mufe., 8cc. pour purifier plufieurs des produits
naturels végétaux on animaux, qui font la bafe
des parfums ; pour diftiller avec des bois , des
racines, des écorces, des fruits, des femences
qui lui communiquent leur odeur. Les limonadiers
ou diftillateurs en font une. très-grande confomma-
tion pour la préparation des liqueurs de table ;
on s’en fert dans la cuifîne 8c dans l’office, dans
l’art du confifeur : c’eft un des corps qu’on emploie
le plus fouvent dans tous les atteiiers, pour
conferver fans altération les fubftances végétales
ou animales, pour confire, en quelque forte, les
fruits, les bayes, les boutons de fleurs, les écorces
aromatiques, les jeunes pouffes, & c.
M