
de foufre , parce qu'une portion de l'antimoine eft
combinée ayec les matières falines qui forment les
fcories.
I es fcories qui furnagent l'antimoine , extrait
de fa mine par ce procédé, font très-compofées.
Cn y trouve l'alcali fixe du nitre & du tartre
uni au foufre de l'antimoine, & dans l’état de'ful-
fure alcalin ou tihépar. C e fulfure tient en difio-
lution une portion d'oxide d'antimoine, & il eft
mêlé d’un peu de fulfate de potaffe formé par
l’acide fulfurique produit par la combuftion du
foufre, & uni à une portion de l'alcali du nitre.
Enfin ces fcories contiennent une matière char-
boneufe fourniepar le tartre. Si on les fait bouillir
dans une grande quantité d'eau, & fi on filtre la liqueur bouillante, elle laiffe fur le filtre la
portion charboneufe. Cette diffolution qui eft
claire, tant qu’elle eft chaude , fe trouble par le
réfroidiffement, & dépofe une matière rougeâtre
qu'on a regardée pendant long-temps comme un
fulfure de potaffe antimonié. C e précipité eft
nommé kermès minéral par la voie lèche. Lorfque
la liqueur n'en précipite plus, on peut la faire
évaporer, & on en obtient une matière moins
colorée que le kermès, & qui eft un véritable fui- ■
fure de potaffe antimonié. Elle fournit aufli du
fulfate de potaffe. S i, au lieu d'évaporer cette
liqueur, on y verfe un acide quelconque, il y
produit un précipité jaune orangé d'oxide d'antimoine
fulfuré , auquel on donne le nom de
foufre doré £ antimoine , & qui paroît peu différent
du kermès.
Si l'on fait bouillir quelques inftans du fulfure
d’antimoine réduit en poudre, dans de l'eau chargée
de potaffe ou de foude , l’un ou l'autre de
ces alcalis diffout le foufre, & forme un fulfuie-
alcalin qui tient en diffolution unè partie d'oxide
d'antimoine. On filtre la liqueur bouillante ; elle
laiffe précipiter par le réfroidiffement la portion
d'oxicle d'antimoine fulfuré brun ou de kermès minéral
qu'ellè contient. Cette liqueur étant refroidie
& filtrée, on peut en précipiter de nouvel
oxide d'antimoine fulfuré orangé, par le moyen
des acides j fi on fait bouillir de nouvelle leflive
alcaline fur le réfidu , on peut encore tirer du kermès
5 mais celui-ci eft plus pâle que le premier f
& plus on réitère l'opération , moins on obtient
du vrai kermès ; il paroît que l'alcali diffout plus .
de foufre que d'oxide d'antimoine , & qu'on ne
devroit faire’ fubir au fulfure d'antimoine qu'une
ou deux décodions dans l’alcali. Cette opération
fe nomme en général préparation du kermès par
la voie humide.
Ce nom lui a été donné par le frère Simon ,
chartreux, fans doute à caüfe de fa couleur fem- j
bîable à celle de la coque animale ou de I'in-
fede appelle kermès, qu’on emploie dans la teinture.
Le kermès minéral a été aufli appelié poudre
des ch trtreux, parce qu'il a d'abord été pré- j
paré dans la pharmacie de ces religieux. La dé- J
couverte de ce médicament paroît être due à
Glauber, qui le préparoit avec le fulfure d'antimoine
& la liqueur de nitre fixe par les charbons ;
mais il a décrit fon procédé d'une manière inintelligible,
8: prefque fous les emblèmes alchimiques.
Lemery qui a beaucoup travaillé fur l'antimoine,
& qui a donné, fous un autre nom une
préparation analogue au kermès minéral, peut en
être regardé comme le véritable inventeur. Cependant
ce remède a été préfenté comme entièrement
nouveau plufieurs années après la publication
de l'ouvrage de ce chimifte, 8c il n'a dû en
effet fa Célébrité qu'aux cures fingulières qu'il
paroît avoir opérées entre les mains du frère $i-
•
mon. Ce religieux tenoit cette compofition d'un
chirurgien nommé la Ligerie, qui n'en étoit pas
lui-même l'auteur. Ce dernier difoit l'avoir reçu
de M. Chaftenay, lieutenant du roi à Landau ,
à qui elle avoit, difoit-on, été communiquée par
un apothicaire -3 prétendu élève de Glauber. Do-
dart, alors premier rr^decin du roi, s'adreffa à la
Ligerie, pour faire publier làrecette du kermès
minéral, & elle le fut eir effet par ce chirurgienen
1720. Lemery le fils revendiqua la découverte pour
fon père, dans les mémoires de l'académie, &
avec d'autant plus de juftice 3 que la plupart des
pharmaciens fuivent encore le procédé, indiqué
par cet habile chimifte, pour faire cette préparation.
Le procédé décrit par la Ligerie, confifte à faire
bouillir pendant deux heures une pinte d'eau de
pluie avec quatre onces de liqueur de nitre fixé
par les charbons , & une livre de fulfure d'antimoine
caffée par petits morceaux > à filtrer la
liqueur bouillante 5 à faire bouillir la même mine
avec trois onces-de nouvelle liqueur de nitre fixé,
étendue dans une pinre d'eau de pluie ; enfin à
faire fubir au fécond réfidu une troifième ébullition
avec les leftives précédentes, en y ajoutant deux
onces de liqueur de nitre fixé, & une pinte d'eau
de-pluie. Cn filtre & on laiffe dépofer le kermès
: on le lave, jufqu'à ce. qu'il foit infipide,
on le fait fécher, on fait brûler de l’eau-de-vie •
deffus, & on pulvérife. Ge procédé eft long, il
ne fournit que^très-peu de kermès, puifqu'on n'en
obtient tout au plus que quelques gros d'une livre
de fulfure d'antimoine. Il eft d'ailleurs embarraf-
fant, à caufe de la longue ébullition 8c de l'évaporation
de l'eau. Enfin il fait perdre plus des trois
quarts de la mine d’antimoine, en raifon de la petite
quantité d'alcali que l'on emploie relativement
â celle de ce minéral.
M. Baumé qui a adopté celui de Lemery , donne
deux méthodes pour préparer facilement &en peu
de temps une grande quantité d'oxide d'antimoine
fulfuré rouge ou de kermès minéral, l'une par la
voie feche , 8c l'autre parla voie humide. Suivant
ia première, on fait fondre dans un creufet un
mélange d'une livre de fulfüre d’antimoine , de
deux Lyres d'alcali du tartre bien pur & d'une
0,ce de foufre , le tout bien pulvérifé. On coule ;
ce mélange fondu dans un mortier de_ fe r , on le
milvérife groffièrement, quand il eft refroidi ; on
le fait bouillir dans une fuffifante quantité d eau :
on filtre la liqueur au papier gris ; elle donne un
kermès minéral d’un rouge brun par fon refroidilfe-
ment : on le lave f abord avec 1 eau froide &
enfuite avec l’eau bouillante ,* jufqu a ce qu il loit
fuffilamment deffalé : on le fait fécher.
Pour préparer le kermès minerai par la voie numide
, fuivant le même chimifte, oh fait bouillir
une leflive de 5 à 6 livres d’alcali fixe pur en liqueur,
avec 15 ou 10 livres d eau de riviere ; on
jette dans cette liqueur bouillante quatre ou cinq
onces de fulfure d'antimoine porphyrife ; on agite
, bien le mélange, & lorfqu’il a bon lh un mitant,
on le .filtre. Cette liqueur depofe beaucoup de
kermès, par le réfroidiffement: on le lave de 1a
même manière que celui qui eft fait par lafufion.
Ce procédé fournit, fuivant M. Baume, . i l a
1; onces de kermès par livre d’antimoine. L e
chimifte affure que ces deux kermès font parfaitement
femblablèsl . . , ,
ia théorie de cette operation & la nature du
kermès ne font peut être pas encore parfaitement
connues, maigre les travaux de plufieurs chimiltes
célèbres. On penfe généralement que 1.alcali dit-
fout le foufre de la mine, & que le fulfure qui le
forme, diffout auffi l’antimoine. C e nietal n eit
cependant pas diffout en totalité, puifque dans le
procédé de Lemery par la voie humide, il fe précipité
pendant l’ébullition une poudre grife qui fe
fond farrs addition en un véritable antimoine. La
préparation du kermès par le réfroidiffement de la
leflive qui eft d’abord rougeâtre 8c tranfparente,
8c qui perd fa couleur i mefure que le kermesfe
dépofe, eft encore un phénomène fingulier. On
a penfé que ce compofé étoit une forte d antimoine
furchargé de foufre, 8c foluble a chaud dans
l'alcali fixe. En effet fi l'on fait bouillir unelef-
lîve qui contient du kermès depofe, cette lubf-
tance fe rediffout par la chaleur. La leflive qui a
précipité du kermès par le réfroidiffement, contient
encore du fulfure de potaffe antimonié j lorfqu on
y verfe un acide, il s'en précipite une matière
orangée nommée foufre. doré d antimoine^ , & qui
eft beaucoup plus émétique que le kermes. Beaucoup
de chimiffés croyent qu'il contient moins de
foutre & plus d'o^ide métallique que ce dernier.
Geoffroy qui a donné à l'academie en 1734 &
1735 plufieurs mémoires fur le kermes, a procédé
par beaucoup d’expériences à fon' analyfe. L action
des acides eft regardée comme le moyen le plus
efficace qu'on puiffe employer pour cela , on croit
que cesfels diffolvent le métal, & laifferit le foufre
à nud, & que l’on peut par ce moyen apprécier
la quantité refpeétive de ces deux fubftances. Un
gros de kermès contient, fuivant Geoffroy,^ 16 à
tÉ grains de métal, 13 à 14 grains d'alcali fixe.
& 40 à 41 grains de foufre. Il y a maniféftement
de l'erreur dans cette analyfe. L'alcali que
Geoffroy a retiré de fon kermès, paroît pe provenir
que dé ce qu'il étoit mal lavé. Tous les
chimiftes penfent aujourd'hui que le kermès minéral
ne contient pas un atome d'alcali. H- Bau-
mé dit que ce fel n'eft pas un de fes principes
conftituans, 8c qu’on peut le lui enlever par le
fsul lavage dans beaucoup d'eau bouillante. M.
DeyeuX' qui a , fait des recherches fur cet obje
t, eft du même fentiment. Dans' des travaux. .
fuivis fur le kermès , j'ai eu occafion de voir la
même chofe. D'ailleurs Bergman a vu fe former
le véritable kermes fans alcali pendant la
diffolution du fulfure d’antimoine dans l’acide muriatique,
' , .
Mais ce qu’il y a de plus important fur cet objet,
c’eft que le kermès minéral paroît être très-différent
de lui-même, fuivanf plufieurs circonftances de
fa préparation. 11 contient plus ou moins de foufre
& d’oxide métallique , & l’on conçoit que fes
effets doivent varier à 1 infini, d après ces diffé-
. rences. En général il paroît que 1 état de fulfure
d’antimoine, la variété des proportions de_ fes
principes, fa plus ou moins grande divifion, l’état
de l’alcali plus ou moins cauftique, fa quantité ,
celle de-l’eau, le temps de l’ébullition , & plufieurs
autres circonftances analogues, font fingu-
lièrement varier le kermes. Pour 1 avoir uniforme,
il faut le préparer avec des fubftances toujours
égales à elles-mêmes 8c dans des circonftances parfaitement
femblables. Sans entrer dans beaufoup
de détails fur les phénomènes que m’a offert la
préparation du kermès & le kermès lui-même traité
par. un grand nombre d'intermèdes differens, j’ajouterai
feulement, x°. que les alcalis cauftiques
l’altèrent fingulièrement & le diffolvent même à
froid ; z°. que les acides agiffent avec mie énergie
très-variée fut cette fubftance,& qu il eft très-
difficile de déterminer d’une manière^ exaére par
leur moyen , la quantité de l’oxide d’antimoine ,
& celle du foufre qui entrent dans fa compofition,
parce que le foufre qui en eft féparé retient toujours
une certaine quantité d’oxide d’antimoine ;
3°. que le kermès minéral eft un compofé intime
d'oxide d’antimoine & de foufre, dans lequel l’état
d’oxidation du métal & la quantité du foufre font
tels, que fa couleur eft foncée & fon énergie allez
grande pour agir à de très-petites do fes fur 1 économie
animale.
Les alcalis cauftiques agiffent avec beaucoup
plus d’énergie fur le fulfure d’antimoine , que les
alcalis effervefeens ou que les alcalis en partie à
l’état de carbonates, tels qu on les a employés juf-
qu’ ici S ils forment un kermès beaucoup plus abondant
& beaucoup plus foncé en couleur. La chaux,
l’eau de chaux , mife en digeftion fur l’antimoine
en poudre, donne même à froid au bout de quelques
jours uneefpèce de kermes ou de foufre doré
d’une belle couleur rouge. L’ammoniaque s’altère
dé la même manière. En diftillant du muriate d am