
l’azote & l’hydrogène ne font point à l’état
élaftique , leur attraction réciproque eft plus
grande , en raifon du peu de diftance de leurs
molécules ; elle eft même alors fupérieure à celle
que ces fubftances ont pour le feu , & elles
s’uniffent. Mais quand ces molécules, font éloignées
les unes dès autres , comme dans l’état
élaftique , alors leur affinité réciproque, cède à
celle du feu qui les empêche de fe réunir.
La pefanteur.fpéeifîque du gaz hydrogène étant
onze fois moindre que celle du gaz azote >
l ’écartement de fes molécules doit être plus
confidérable que celui des molécules du gaz
azote, dans le rapport de la racine cubique de
l i a i , Il les molécules de ces deux fluides
élaftiques ont la même étendue : & les effets
de cet écartement fur l’attraCtion qu’il diminue,
font aux effets de l’écartement des molécules du
gaz azote, comme les deux nombres dont il
vient d’être queftion, ou mieux comme les quarrés
de ces nombres.
M, Auftin penfe que la combinaifon de
l’hydrogène avec le gaz azote , & la formation
de l’ammoniaque , dépend principalement, fi ce
n’eft uniquement, du rapprochement des molécules
du gaz hydrogène , quand il rencontre du
gaz azote.
Il cite pour preuve de ce qu’il avance ,
l’expérience fuivante.
Ayant rempli, de mercure un tube de yerre,
& l’ayant plongé dans, le mercure , il y introdui-
fît d’abord un peu de gaz azote , & enfui te de
la limaille de-fer 'humectée d’eau diftillée. Par
ce moyen , l’hydrogène, que le fer fépare de
l’eau , rencontrant du gaz azote à l’inftant où
il fe dégage, fe combine avec lu i, & forme
de l’ammoniaque. Pour reconnoître la plus légère
quantité d’ammoniaque qui fe reproduirait dans
cette expérience , M. Auftin mit dans l’intérieur
de la cloche, un morceau de papier coloré
en bleu avec de la peau de raves ; en 24 heures ,
le papier prit une couleur verte. Pour avoir une
nouvelle preuve de la formation de l’ammoniaque,
M . Auftin mit dans le même tube, un morceau
de papier qu’il avoir trempé dans une
diffolution de nitrate de cuivre 5 il efpéroitque
l ’ammoniaque qui devoit fe former, feroit paf-
fer au bleu la couleur verte du papier. En effet,
la couleur du papier pâlit par degrés, & fe
trouva changée en bleu au bout de quelques jours.
On a , dans cette expérience, une preuve fenfible
de la formation de l’ammoniaque ; l’eau & la
limaille de fer mêlées enfemble donnent du gaz
hydrogène 5 mais fi on lui préfente , lors de fon
dégagement du gaz azote , il forme de l’ammoniaque.
Cette production de l’ammoniaque dépend
du jeu des doubles affinités ; tandis que
l’oxigène de l’eau eft attiré par le fer , fon
hydrogène eft attiré par le gaz azote > l’eau
fembie décompofée plus rapidementen raifon )
de ces doubles affinités3 que quand elle fe trouve
expofée à l'aétion du fer feul.
L'ammoniaque fe produit en peu de temps
fi } toutes choies égales d'ailleurs, on fe fert du
gaz nitreux au lieu du gaz azote. Quand • M.
Auftin s'elt fervi de gaz nitreux3 chargé d'une
affez grande quantité d'acide pour que le papier
bleu qu’il introduifoit dans le tube prit une
couleur rouge , la quantité . d'ammoniaque qui
s'étoit formé dans l’efpace de 24 heures 3 a toujours
été fuffifante pour, faire prendre une
couleur verte au papier que l'acide avoit rougi.
Si on met de la limaille de fer & de l'eau
dans du gaz nitreux '3 la nature de ce gaz eft
tellement changée , que fi on y plonge 1 une
chandelle allumée 3 elie y brûle avec une flamme
plus éclatante que dans l’air athmofphéïique,
comme l’a remarqué M. Prieftley, Cette altération
du gaz nitrèux dépend de ce qu'une
partie de l’azote du gaz nitreux ,, ayant fervi
à la production de l'ammoniaque qui fe. forme
dans ce cas 3 il y a une plus grandg quantité
d’oxigène dans le fluide élallique qui relie après
l’expérience. •
On obtient un réfultat femblable 3 fi on fait
à l’air libre les efiais dont il vient d’être queftion
j mais il faut plus de temps pour que le
papier change de couleur : cependant l’altération
de fa couleur 3 qui indique la formation f de
l’ammoniaque 3 eft fenfible au bout d’un jour ou
deux. On peut conclure d’après cela 3 que quand
le fer & l'eau font en contaél , foit au milieu
de 1’ air athmofphérique , foit dans le fein de la
terré, il fe forme de l’ammoniaque. Le gaz azote
fe trouve dans tous les points de notre globe ,
& la nature fépare conftamment le gaz hydrogène
de l’eau , & peut-être de beaucoup d’autres
corps. Nous pouvons, d’après cela , expliquer
la formation de l’ammoniaque qui fe préfente
dans différents endroits de la terre, & fur-tout
dans ceux où il y a une grande quantité de matières
inflammables.
Quand le fe r , l’eau & le foufre agiffent
l’un fur l’autre dans l’air athmofphérique , il y a
production d’ammoniaque. On doit voir d’après
cela , que l’eudiomètre de Schéele eft inexaCh
Il s’abforbe du gaz azote, & -il fe forme de l’ammoniaque.
Cette méthode d’analyfer l’air a induit
ce grand chiiiiifte en erreur, & lui a fait
fuppofer que la proportion du gaz azote étoit
feulement i f de fois plus confidérable que celle
du gaz oxigène.
Le gaz hydrogène fe combinant avec le foufre,
forme le gaz hydrogène fulfuré ou hépatique.
L’illuftre M. Kirwan a obfervé que fi on mê-
loit ce fluide élaftique avec du gaz nitreux il
fe produifoit de l’ammoniaque. M. Auftin a répété
fouvent cette expérience, & la couleur verte
qu’a prife le papier bleu, lui a indiqué la formation
de l’ammoniaque.
M.- Auftin conclut de toutes les expériences
que nous avons rapportées, que le gaz azote,
foit qu’il jouiffe d’une extrême pureté , foit
qu’il fe rencontre mélangé avec le gaz oxigène,
comme dans l’air athmopfhérique, foit qu’il s’y
trouve combiné comme dans le gaz nitreux,
s’unira avec la bàfe du gaz hydrogène, ou inflammable,
toutes les fois qu’elle fe trouvera dans
un certain état de condenfation, & que cette
combinaifon n’aura pas lieu dans le cas inverfe. 31 n’y a pas de combinaifon entre le gaz hydrogène&
le gaz azote du gaz nitreux, quoiqu’on
ajoute à leur mélange de l’acide muriatique ou
marin, qui par fon affinité avec l’oxigène &
l ’ammoniaque, pouvoit, d’une part , concourir
à la dëcompofîtion du gaz nitreux, &de l’autre
, favorifer la réunion des parties conftituantes
de l’ammoniaque. La formation de l’ammoniaque,
n’aura point encore lieu fi on ajoute de la limaille
de fer au mélange de gaz hydrogène &
de gaz nitreux, quoiqu’on ait obferyé qu’il étoit
aifé de formerde l ’ammoniaque, en prèfentant du
gaz azote atvgaz hydrogène à l ’inftant où le fer le
dégage de l’eau.
M. Auftin termine fon mémoire en rapportant
les calculs qu’il a. faits pour eftimer les proportions
d’hydrogène & d’azote contenus dans
l’ammoniaque. Ses réfultats font prefque conformes
à ceux que l’expérience a préfentés à
M. Bertholet, qui a trouvé que, dans l’ammoniaque,
l’azote étoit à l’hydrogène : : m : 29.
Suivant M. Auftin, l’azote eft à l’hydrogène: :
121: 32.
Tous les details confignes dans le mémoire de
M. Auftin, contiennent les bafes des cohnoif-
fances acquifes par les chimiftes modernes fur, la
formation naturelle ou artificielle de l ’ammonia
que, dans les décompositions minérales ;Jes premiers
élémens de la formation de- cet alcali dans
les matières animales foumifes à la diftillation &
à la putréfaction, ont auffi été préfentés dans cet
article j fi l’on compare maintenant les idées vagues,
les hypothèfes incohérentes qu’on avoir autrefois
fur cette formation, on verra bientôt à
quelle hauteur s’eft élevée la chimie depuis quelques
années, & quelle diftance, prefque incom-
menfurable, fépare cette fcience au moment où
nous en mefurons aujourd'hui l’étendue dans cet
ouvrage (1791), de ce qu’elle étoit il y a vingt ans.
On trouvera peut-être en comparant un affez grand
nombre de paffages de ce dictionnaire, que nous
répétons fouvent 8c fous dés formes variées,
cette affertion fur la différence., de la chimie actuelle
d’avec la chimie telle qu’elle, étoit il y a
une vingtaine d’années , 8c à plus forte raifon à
des époques plus éloignées j mais dans une fcience
dont la marche a été fi rapide, en même temps
que Tes avantages ont été fi grands, il n’eft pas
permis d’oublier d’en faire connoître les progrès
& la marche aflurée, toutes les fois que l’occafion
Chimie, T orne IL
s'en préfente, 8c aucune partie n’offre une occa-
fion plus belle & plus remarquable de fon perfectionnement,
que l’hiftoire de l’ammoniaque.
Cétte hiftoiré, qui autrefois n’eut demandé que
quelques lignes dans des ouvrages de chimie,
exige aujourd’hui de longs détails } elle tient à
celle des matières animales, à leur rapport avec
les fubftances végétales j elle conduit à la connoif-
fance de l’ânimalifation, de la putréfaction $ elle
éclaire une foule de phénomènes qui fe préfentent
dans les diffolutions & les précipitations métalliques
, dans la décompofition de l’eau opérée par
deux cotps à la fois > elle conftitue une branche
entière des attractions doubles ou affinités doubles}
en un mot, elle tient un des premiers .rangs
dans les forces chimiques, & fi l’on néghgeoit
d’en confidérer convenablement les différens
points, on perdroit un des moyens les plus
utiles & les plus fûrs de pénétrer dans les profondeurs
de la fcience, 8c de parvenir à de nouvelles
découvertes.
§ . V I . Des ufages de l'ammoniaque.
Dire ehr général qu’il n’y a pas de produit chimique
plus utile & d’un ufage plus général que
l’ammoniaque, foit dans la médecine, foit dans
les arts, foit pour l’avantage de la chimie même,
ç’eft s’énoncer d’une manière vraie, mais trop
vague & trop indéterminée. Dans un ouvrage où
l’on veut connoître la fcience avec toute fon étendue
& toute fa richeffe, il faut parcourir en détail
les différens ufages auxquels l’ammoniaque eft
employée, 8c juftifier en quelque forte par Ten-
femble des avantages qu’ils préfentent, la longueur
des difcuffions où l’on eft entré, & la force
ainfi que la continuité d’attention qu’on a exigée
de fes leCteurs.
Sans faire connoître ici toutes les indications
que l’ammoniaque eft fufceptible de remplir entre
les mains d’un médecin inftruit pour Iè traitement
des maladies , objet qui regarde le dictionnaire
de médecine, il faut au moins faire remarquer
que la forte faveur, la grande diffolpbilité &
la propriété de fe réduire promptement en gaz
que préfente l’ammoniaque, & fur-tout l’énergie
fingulièré avec laquelle elle agit fur les matières
animales & diffout un grand nombre de ces matières
épaifïies, la rendent d’une utilité irnmé-
diate, & l’on peut même dire indifpenfable,
dans un grand nombre de cas. Ainfi on l’employé
avec dès fuccès marqués dans les engor-
gemens des vifcères & fur-tout du méièntère, dans
les embarras des reins, dans l’engouement du fyf-
tême lymphatique, dans les tumeu-s glanduleufes,
dans les longs catarrhes, & c .} appliquée à l’extérieur,
elle fond & diffout les tumeurs lymphatiques
, les empâtemens fous-cutanés, -les tumeurs
froides 8c blanches en général. Les effets que l’am-
, moiftaque produit 4âüS tous les cas où elle eft bit»