la première , Sc qu’on mêle avec les précédentes ;
on continue ainfi de fuite jufqu’à ce qu’on ait
tiré de l’eaurde-vie tout ce qu’elle peut fournir
de liqueur fpiritueufe , femblable au premier
alcool : il refte dans le bain-marie , après,chaque
diftillation v une liqueur phlegmatique qui à une!
odeur d’eau-de-vie, mais qui ne. contient plus,
de liqueur inflammable : on la jette chaque fois
comme inutile.
Alors on diftille, de nouveau au bain- marie
toutes les i premières portions d’alcool qu’on a
mêlé à mefure; on en faitpaffer par la diftillation
environ la moitié ; on la met à part : c’eft ce
que l’on nomme alcool rectifié. Cn continue la
diftillation pour tirer tout le fpiritueux qui refte
dans l’alambic ; on le reêtifie de nouveau pour
tirer encore la moitié- de la liqueur qui paffe la
première, & on peut continuer ainfi de fuite,
pour rectifier tout l’alcool de^ l’eau-de-vie qu’on
a employée ; on le garde à part, fi l’on v eu t,
pour des ufages où on n’a pas befoin d’alcool fi
bien rectifie ». ;
A cette defcription du procédé pour obtenir
l’alcool rectifié, M. Baume ajoute des remarques
qui éclairent fur les différens procédés décrits
avant lui, & que nous inférerons encore, »plufieurs
habiles chimiftès, dit-il, ont donné leurs procédés
pour rectifier l’alcool par des intermèdes terreux,
fppngieux, falins & aqueux ; mais je n’en ai pas
trouvé de plus commode, & qui foit auiïi bon
que celui qui vient d’être rapporté ».
» L’eau-de-vie qu’on trouve dans le commerce
contient, pour ainfi dire, les mêmes principes
que le vin , mais dans des proportions bien différentes
; elle contient moins de flegme & d’acide
que le vin, mais plus d’huile furabondante , &
plus d’efprit inflammable ».
» La première portion d’alcool qui s’élève dans
chaque diftillation, eft la plus pure & la moins
chargée d’huile effentielle groflière 5 celle qui la
fuit en eft prefque faturée : on remarqua même
que certaines eaux-de-vié, fur-tout celles qui ont
ete tirées des lies de vin, lai fient dans l’alambic;^
après la diftillation de la: partie fpiritueufe, un
flegme qui eft fur nagé par une grande quantité
de cette huile, qu’on peut féparer par l’entonnoir
j l’eau-dë-, vie qui a été étirée du vin n’en
lai fie point, ou du moins une bien moindre quantité:
ce n eft pas qu’il.en ait paffé davantage pendant
la rectification de cette efpèce d’e au -d e -v ie ,
c eft feulement parce qu’elle en contenoit une
moindre quantité , ce qui fait qu’elle ne devient
pas aufli fenfible. C ’eft pour priver falcool de
plus en plus de cette huile groflière, que nous
ayons recommandé de rectifier à part les dernières
portions d’alcool qu’on tire à chaque diftillation.
Il eft facile de reconnoîtce les différences
qu’il y a entre ces. deux portions d’alcool ; la
première ne laiffe aucune odeur .de flegme
d’eau-de-vie dans les mains après l’évaporation
du fpiritueux ; la fécondé , au contraire, laiffe
une odeur d’huile de vin femblable à l’odeur de
l’haleine des gens ivres, lorfqu’ils digèrent mal
le vin ?v.
» Quelques perfonnes fe contentent de diftiller
l’eau-de-vie à plufieurs reprifes, en laiffant mêler
la totalité de l’alcool, elles réparent feulement
chaque fois le flegme qui refte dans l’alambic :
mais cet alcool, quoique bien débarraffé de fon
flegme , contient une fi grande quantité d’huile
furabondante , qu’après un grand nombre de rectifications
, il laiffe dans les mains cette odeur dont
nous venons de parler ».
» Kunckel paraît être le premier qui ait fait quelque
attention à cette huile étrangère à l’alcool;
le moyen qu’il propofe pour la féparer , confifte
mêler l’alcool dans une très-grande quantité
d’eau , & à procéder enfuite à la diftillation
pour le retirer. On réitère la même opération
plufieurs fois de fuite & on le reétifie. Il eft certain
que ce procédé eft très-efficace ; l’huile de
vin refte nageante fur l’eau ( 1 ) , & l’alcool perd
(x) L>n artifle diftingue, M. Dubuifïon , a donne , dans fon art du dijlillateur, une obfervation remarquable fur cette huile
féparée dans la diftillation de l’alcool : Voici comment il s’exprime fur ce point. ( Art du DifiilL par Dubuijfon iy 79. jer. vo,l.
» Je ne fais à quelle époque Kunckel s’eft avifé de mettre l’alcool en dilTolution dans l’eau, à deflein de le dépouiller de
fon huile grade empyreumatique -, mais j’ai l’honneur d’affurer te d’avouer de bonne-foi que je “conçus l’idée d’exécuter la
même opération i je n’avois alors d’autre intention que celle d’adoucir la trop grande ardeur de l’alcool. Or , comme je
remarquai que mon opération rempliffoxt parfaitement bien l’objet que je m’écois propofé , je la continuai fort long-temps^
fans foupçonner même I’exiftence de cette huile grade que le hazard me fie appercevoir ; te fi jé rends raifon de la remarqué
que j’ai laite a ce fujet, je prie mes letteurs de vouloir bien être perfuadés que je n’ai point d’autre prétention que celle
de confirmer le fentiment de Kunckel. Voici le fait; dans les années 1740 8c 1741, l’eau-de-vie étant devenue fort chère
te très-raie , tant a Paris que dans les provinces qui nous approvifionnoient ordinairement, je. pris la réfolution de faire venir
une partie alfez confidérable d’alcool commun , que j’avois recommandée à Matte-la-Faveur, qui étoit alors , un des. meilleur»
diftiflateurs de Montpellier : or, .comme j’ayois obfervé, pendant plus de dix années avant cette époque, que l’alcool que'je
ne redUfiois plus qu’apres l’avoir mis en dilTolution dans l’eau, me domiôit une odeur beaucoup plus agréable, & uné fàveur
moins âcre , moins ardente , que celui que j’avois rectifié fans addition d’eau , cette méthode me! parut encore! d’autànr plus
iméredante pour mes opérations, que les liqueurs, dans la composition defquellcs je fai fois entrer cette qualité d’alcool-, étoienc
pius coulantes, & que leur parfum etoit plus délié & plus pénétrant, parce que cçt efprit ne fe cliargeoit-edentielles les plus pures des fruits«. 1 ■ — q±u e des• h--u-iles
» Enfin , fuivam le principe que-j’avois adopté, je mêlai une quatrième partie d’eau de rivière à l’alcool que' j’avoi’s tiré de
Montpellier, huit jours apres'ce mélange je procédai â la rectification. Comme je n’avois pas encore fait ufage des eaux-de-vie
ni des efprics-de-vin du Languedoc, j’en obfervai plus attentivement les produits èc les réfidus, que je trouvai d’abord plus
de 'plus en plus fa mauvaifé odeur.-Mais’ce procédé
eft embar,raflant, parce qu'il exige qu’on emploie
beaucoup d’eau, & qu’il faut en venir à
plufieurs diftillations pour féparer entièrement
l’alcool d’avec l’eau , & pour le réduire en ce que
l ’on nommé alcool devin ».
» D’autres recommandent de rectifier l’alcool de
vin fur de la chaux vive ou éteinte à l’air. Ce
moyen eft très efficace pour féparer de l’alcool
l’huile & l’eau furabondante 5 mais la chaux altère
fingulièrement les principes de l’alcool, en s’em
parant d’un grande partie de fon acide ; on retiré
aufli une bien moindre quantité d’alcool, & celui
qu’on obtient eft très-pénétrant ».
» Quelques perfonnes faifoient ufage. à Paris de
ces différens procédés en même temps , mais
dans la vue feulement d’enlever à l’alcool l’odeur
des huiles effentielles qu’on y avoit mêlées pour
l’aromatifer, afin qu’il payât moins de droits aux
entrées de Paris ; mais peu-à-peu cès manoeuvres
fe font découvertes , & l’on a mis ; des . droits
égaux fur l’alcool odorant comme fur celui qui
n’a point d’odeur.' Voici: la méthode, qu’on!em-
ploie-pour enlever à l’alcool fon odeur étrangère.
» On mêle l’alcool aromatique avec une fuffi-
fante quantité d’eaii j le mélange devient laiteux
à raifon de l’huile qui fe fépare ; on filtre la
liqueur dans des vaiffeaux clos , mais au- travers1
d’une cértaine quantité de chaux éteinte à l’air ;
l’fhuile éfferitielle refte (dans" la chaux ; on reétifie
enfuite cette liqueur pour féparer l’alcool d’avec,
l’eau 5 il fe trouve très-pur & fans odeur lorfque
l’on a bien opéré. Il eft cependant bon de faire
©bferver.. que ce moyen ne réuflit cjue lorfque
l’alcool'eft peu chargé d’huile effentielle, comme
il l’étoit dans le temps que les droits étoient
différens ; mais lorfque l’alcool en contient beaucoup,
il y a une portion d’huile effentielle. qui
fe reétifie de plus en plus avec l’alcool, & qui
lui eonferve l’odeur de l’aromate qu’on lui avoit
ajouté : toutes les manipulations imaginées pour
frauder les droits font inutiles aujourd’hui pour
remplir cet objet, mais doivent être toujours
employées pour reétifier l’alcool odorant.
.» Quelques chimiftès recommandent de reétifier
l’alcool fur du fel alcali, après les avoir fait
digérer enfemble ; mais ce fel décompofe l’alcool
à-peu-près de même que la chaux5 l’alcool acquiert
d’ailleurs une couleur rouge, qui eft une
preuve du commencement de fa décompofition :
il eft vrai qu’il perd fa couleur par la rectification,
mais il n’en eft pas moins altéré, puifque
la matière faline qu’il laiffe après fa diftillation,
fournit un fel neutre criftallifable , formé par
l’acide de l’alcool & le fel alcali ». C e que dit
là M. Baumé de la décompofition de l’alcool par
les alcalis, mérite confirmation : il en fera queftion
plus bas.
» D’autres chimiftès recommandent de rectifier
l’alcool fur de la mie de pain fèche, ou fur du
fon, ou fur de la craie : cës fubftances font très-
propres à retenir le phlegme & l’huile furabondante
de l’alcool; mais la craie produit un effet
à-péu-près femblable à celui de la chaux , à
l’exception de cette différence feulement qu’ elle
décompofe moins promptement l’alcool : la mie
de pain ou le fon, n’altèrent point l ’acool; elles
fourniffent pendant la diftillation un mucilage qui
; s’empare du flegme; ils font l’un & l’autre de
très-bons intermèdes pour rectifier l’alcool ».
» L’alcool que j’ai tiré du vin d’Efpagne, a con-
fervé .une. grande partie; de fa faveur & de fon
odeur, même:après avoir paffé fucceflîvement par
toutes les opérations dont nous venons de parler
ce qui pourrait faire préfumer que ces -propriétés
font dépendantes de la nature de cette
efpèce de vin. y
• » Lorfqu’on diftille de l’eau-de-vie, ou lorf-
.qu’on redifie de l’alcool, il refte dans l’alambic
■ une certaine quantité de flegme qui fent un peu
l’eau-de-vie. J’ai toujours trouvé ce flegme plus
; léger que de l’eau diftillée, même après"en avoir
ardehs & inoins favoureux que les alcools que j’avois retirés des eaux-de-vië de Cognac. Des occupations indifpenfables ne
m’ayant pas donné le temps de démonter mon alambic auflï-tôt âpres l’opération , lorfque je levai le chapiteau , à l’effet de
recommencer une, fécondé diftillation, le réfidu de la première, étoit prefque totalement refroidi. Comme le collet de ma cu-
curbité étoit fort large, j’apperçus d’abord quelques bulles d’huile qui flottoient fur la fuperficie de ce réfidu , & dont chacune
é,toit prefque aufli étendue qu’une pièce de fix fols ; je retirai doucement ma çucurbite de fon bain-marie j je l’inclinai de-
manière que j’enlevai toutes ces parties d’huile qui s’étoient déjà fort épaiffies ; je les ralTemblai dans une foucoupe de porcelaine,
que je mis .en -réferve, te lorfque cette huile fut totalement refroidie, fa couleur devint femblable à celle du marron •
elle acquit d’abord la confîftance du beurre, te enfuite celle dix fuif de mouton; fa faveur étoit âcre te défagréable , & fon
odeur, etoit prefque aufli forte que celle .de la térébenthine ; je formai de ces particules d’huile réunies une boule qui pefoic
un gros, elle, étoit de la groffeur d’une aveline. Je la fournis à l’infpeétion de feu M. Rouelle : comme je ne pus le peifuader
«lue cette huile provenoit de l’alcool que j’avois reftifié, pour mieux m’affurer je nétoyai bien exactement mon alambic, qui
eroit d’étain fin, & dont je me fervôis depuis plus de douze ans; je le chargeai avec quarante-huit pintes de la même liquc" •
c’eft-a-dire, delà même quantité que j’avois employée dans l’opération précédente; je luttai les jointures de mon vaiifeau •
je procédai à la rectification; te lorfque j’eus obtenu la même quantité d’efprit que dans la première,opération, je iaiflai
refroidir le réfidu; je démontai mon alambic, te je retirai un peu plus que la m.ême quantité d’huile grafle, parce que je l’a-
Vois enlevée avec plus de précaution et.
Quelques années après je répétai la même opération avec l’eau-de-vie de Cognac ; mais le réfidu, de la même quantité d’alcool
•commun que jè retirai de cette eau-de-vie ne m’a donné qu’un demi-gros te près d’un fcrupule de.cette huile gralfe dont la faveur
te la.couleur étoient les mêmes que,celle des eaux-de-vie du Languedoc;. Si mes opérations ont été aufli bien-fumes que j’ai
lieu de le: préûimer, je me crois autorifé à- conclure que cette efpèce d’huile, fe trouve en plus ou moins grande quantité, mais
toujours, en raifon de ee que les vins contiennent une quantité plus ou moins grande de, tartre „avec lequel cette huile eft intimement
unie «.