
me dofe qu’on avoit coutume d’employer pour une
quantité beaucoup plus confidérable, les toiles furent
fort affoiblies, accident qui n’étoit jamais arrivé
dans les opérations qu’il avoit conduites pendant
plus d’une année.
Lebianchimentdes toiles de coton eft beaucoup
plus facile & plus court; deux leffives, tout au plus
trois, & autant d’immerfîons dans la liqueur, leur
fuffifent; & comme elles, blanchiffent beaucoup
plus facilement, il eft avantageux , lorfqu’on a en
même-temps à blanchir des toiles de lin, de chanvre
& de coton, de réferver pour les toiles de
coton les liqueurs qui ont été déjà affoiblies par
celles de lin ou de chanvre ; car il eft important
d’épuifer ces liqueurs autant qu’il eft poflible, &
celles qui font confidérablement affoiblies fuffifent
encore pour le coton, quoiqu’elles n’exercent
prefqu’aucune aélion fur le chanvre & fur le lin.
Les fils offrent dans le blanchiment ordinaire
beaucoup plus de difficultés que les toiles , à caufe
des furfaces multipliées qu’il faut préfenter fuc-
ceffivement à l’aàion de l’atmofphère ; ils pré-
fentent une partie de ces difficultés dans le blanchiment
par l’acide muriatique oxigené. Cependant
on trouve en dernier réfultat plus d’avantage dans
ce blanchiment que dans celui des toiles. M . Wel-
ter a formé à Lille, avec deux affociés, un blanchiment
de fil, qui a beaucoup de fuceès, & il en
a, déjà commencé quelques autres. 11 a éprouvé
qu’il falloit dix ou douze leffives & autant d’im-
merfions pour quelques efpèces de fils. Pour que les
fils foient environnés de liqueur , il faut les mettre
fans les preffer dans un panier qui lui permette de
pénétrer, dans toute la furface. Lorfqu’elle eft fort
affaiblie, il eft également avantageux de l’employer
pour le blanchiment du coton.
J’avois, dans le commencement de mes expériences,
effayé fi la vapeur ne feroit pas préférable
à l’acide muriatique oxigené en liqueur, & !
j’avois obfervé qu’elle blanchiffoit avec beaucoup
de promptitude; mais quelques précautions que
j’ai prifes, il m’a paru qu’on en raifoit une perte
confidérable, que les parties de la toile qui y
étoient les plus expofees étoient fujettes à être
affoiblies , & qu’il étoit plus difficile d’obtenir
l’égalité du blanchiment.
Pour prévenir tous les accidens qui peuvent
réfulter de l’énergie trop grande de la liqueur,
il eft important d’avoir un moyen pour en mefu-
rer la force. Decroifille a imaginé pour cela
de fe fervir de la diffolution d’indigo dans l’acide
fulfurique. On prend une partie d’indigo réduit
en poudre fine avec huit parties d’acide fulfurique
concentré ; on met ce mélange dans un
matras que l’on tient pendant quelques heures au
. bain-marie. Lorfque la diffolution eft achevée, on
écend de mille parties d’eau. Pour éprouver la
force de l’acide muriatique oxigené, on met une
mçfure de cette diffolution dans un tube de verre
gradué, & on ajoute°de la liqueur jufqu’à ce
que la couleur de l’indigo foit détruite. Il faut déterminer
combien de mefures d’une liqueur dont
on a apprécié la bonté par des expériences directes
lur la toile, font néceffaires pour détruire uneme-
fure de la diffolution d'indigo, ce nombre fer-
vira à déterminer la force refpeétive de toutes les
liqueurs qu’on voudra lui comparer. M. W att s’eft
fe'rvi de la même manière d’une diffolution de
cochenille.
Dans le commencement de mes épreuves , ®n
me pria d’aller à Javelle pour y montrer la manière
dont il falloit préparer l’acide muriatique oxigené,
& s’en fervir pour le blanchiment. Je ne faifois
aucune difficulté de montrer ce procédé', que je
defirois de voir fe propager > j’allai même deux fois
à Javelle j j’y exécutai la diftillation de 1’acide muriatique
oxigené dans des vaiffeaux que j’y portai,
& j’y blanchis quelques échantillons de toile. A
cette époque , j’employois encore une liqueur
concentrée , & j’y mêlois un peu d’alcali. Quelque
temps après, les manufacturiers de Javelle
publièrent dans différens journaux qu’ils avoient
découvert une liqueur particulière qu'ils appellent
leflive de Javelle , & qui avoit la propriété de blanchir
les toiles par une immerfion de quelques
heures. Le changement qu’ils avoientfait au procédé
que j’avois exécuté en leur préfençe, confiftoit
en ce qu’ils mettoient de l’alcali dans l’eau qui reçoit
le gaz , ce qui fait que la liqueur fe concentre
beaucoup plus, de manière qu’on peut enfuite
l’étendre de plufieurs parties d’eau pour s’ en fervir.
Voici les proportions qui m’ont donné une
Iqiueur pareille à la prétendue leffive de Javelle;
deux onces & demie de fel , deux onces d'acide*
fulfurique , fix gros d’oxide de manganèfe, & dans
le flacon où vient fe concentrer le gaz , une livre
d’eau & cinq onces de potaffe quil faut y faire
diffoudre. La liqueur de Javelle a un oeil rougeâtre
qui provient d’un peu de manganèfe, ou
qui paffe dans la diftillation, parce qu’on ne fe
fert pas de vaiffeau intermédiaire , ou parce que
la plupart des potaffes en contiennent, ainfi que je
m'en fuis affuré. Cette liqueur peut être étendue
de dix à douze parties d’eau, & malgré cela, elle
blanchit plus promptement que la liqueur fimple ;
mais fans parler des imperfections de la méthode
qui eft décrite dans l’anonce de Javelle, & qui
ne peut être fuffifante que pour le coton , l’on
ne peut blanchir avec l’acide muriatique oxigené
engagé de cette manière avec l’alcali, qu’une quantité
de toile bien moins confidérable que celle
qu’on blanchiroit avec la même quantité d’acide
muriatique oxigené qui feroit Amplement combiné
avec l’eau , parce qu’il fe forme une partie de
. ce fel neutre qui eft connu à préfent fous le nom
de muriate furoxigené de potajfe , & dans lequel
l’oxigène fe concentre. Or tout l’oxigène qui entre
dans la compofition de ce fe l, eft devenu inutile
au blanchiment ; carie muriate oxigené de potaffe
ne détruit point les couleurs^ainfi que je l’ai annon*
cé dans mon mémoire fur quelques combinaifons
Je l’acide muriatique oxigené , dans lequel j'ai
donné en détail tous les phénomènes que prëfente
la potaffe avec l’acide muriatique oxigené ( mém.
de l’acad. de Turin.) Ajoutez à ces coniidéra-
tions l’augmentation de prix, qui provient de la
quantité de potaffe dans laquelle on reçoit le gaz,
& cependant l’un des anciens entrepreneurs de Javelle
a demandé en Angleterre un privilège ex-
elufif pour ce nouveau procédé de fon invention.
J’efpère que les’détails que je viens de donner
pourront guider ceux qui voudront entreprendre
le nouveau blanchiments l’obfervation nous donnera
fans doute des moyens de le perfeélionner,
& j’inftruirai le public de ce qui parviendra à ma
connoiffance. Il y a , par exemple, une partie importante
fur laquelle je ne puis rien dire encore de
particulier s c'eft le moyen de retirer la foude du
rélîdu des diftillations que j’ai preferit de raffetn-
bler dans un vafe pour cet ufagë. J’ai effayé fur
ce rélîdu un procédé que M. Morveau m'a comn-
muniqué & qui lui appartient, & j’en ai retiré là
foude. M.Morveau a bien voulu à ma prière faire
des expériences fur ce rélîdu, & d'après fes premiers
apperçus, il préfume que le bénéfice qu’on
pourra en tirer couvrira à-peu-près tous les frais
de l'acide muriatique oxigené ’, de forte que cette
liqueur ne coûtera prefque rien, & qu’il ne reliera
que les dépenfes des leffives;'Je connois plufieurs
procédés propres à remplir cet objet s mais je ne
puis en difpofer , parce qu’ils m’ont été confiés
fous le fecret.
Si la fabrication de l’acide fulfurique étoit réunie
au procédé du blanchiment , cette fubftance
a laquelle eft due la plus grande partie du prix de
la liqueur , reviendrait à beaucoup plus bas prix
quelle ne fe vend, fur-tout en épargnant lés frais
de la concentration. L’on a l’efpérance de voir
perfe&ioJn..n e_r• l_a_ fabar_ic_a_tio1.n d1e' ce• t a. •c ide 1p a.r la fu- preflion du nitre , & par la diminution delà perte
des vapeurs ^(encyclopédie méthodique page 357.)
C,e tte réuni.o..n.. -f-e-r-o--it- -n- éc--e-f-f-a-i-rje ppoouurr rréédduuiirree àà rriieenn
le prix de la liqueur.
Enfin , 1’ art des leffives pourroit être perfection
né par le fecours des machines , & lorfque l’action
del’alcali eft épuifée parce qu’il eft faturé, foit
de matière extradtive , foit de parties colorantes,
«n pourroit au moins dans les endroits où le eom-
buftible eft à bon marché, les évaporer jufqu’à
ficcité, & rendre fon activité à l’alcali en calcinant
les matières qui le faturoient.
Si donc à prèfent que l’acide muriatique oxigené
revient à-peu près à trois deniers la pinte de Paris
dans les provinces qui ne font pas fujettes à- l’im-
pot de gabelle (1) , l’on trouve déjà avantageux le
nouveau blanchiment même pour la dépenfe directe
, lorfqu’il eft bien dirigé’; l’on ne peut douter
qu’il ne puiffe le devenir beaucoup plus par
les économies que je viens d’indiquer ; mais pendant
que la liqueur confervera quelque valeur, il
y aura toujours une grande inégalité en faveur des
toiles fines, parce qu’ à furface égale elles ont
beaucoup moins de malle, & qu’elles blanchiffent
plus facilement ; ainfi une aune de toile fine exige
beaucoup moins de liqueur qu’une aune de toile
groflière, & de plus une livre de toile fine en demande
moins qu’une livre de toile groflière.
Ce n’eft pas feulement par les frais du nouveau
procédé, comparé rigoureufement avec ceux du
blanchiment ordinaire , qu’il faut juger de fes
avantages; il en préfente de particuliers qui feroienc
propres à compenfer un prix fupérieur. Les toiles
& les fils qui dans quelques endroits demandent
plufieurs mois pour être blanchis , peuvent l’être
facilement dans cinq ou fix jours, même dans un
grand établi ffement; car une opération- qui ne fe
fait que fur quelques pièces, peut fans difficulté fe
terminer dans deux ou trois jours. Pendant l’hiver,
le nouveau blanchiment peut s’exécuter aufli-bien
qu’en été y feulement la déification exige plus de
temps.
L’habitant de la campagne dont la famille occupe
les intervales de loifir à la filature, eft obligé d’attendre
la faifon favorable pour envoyer fes fils &
fes toiles fouvent à une grande diftanee ou on leur
fait fubir un long blanchiment ; cependant fes be-
foins le preffent, il eft obligé de les livrer à perte
à des eommerçans intermédiaires qui mettent un
impôt fur fon indigence. Mais fi des établiffemens
deitfnés à la préparation de l’acide muriatique oxigené
fe multiplient affez , celui qui aura tiflù une
toile pourra la blanchir lui-même, & jouir de tout
le fruit de fon travail aufli-tôt qu'il fortira de fe»
mains. !
Le commerçant , dans une faifon défavorable
au blanchiment ordinaire > ne peut remplir fes en-
gagemens que d'une manière onéreufe ; il eft obligé
d’employer des fonds confidérab-les pour remplir
fes magafinsdans la faifon où le blanchiment
s’exécute. 11 fe trouve feuventdans l’impuiffance
de fe livrer à des fpéculations heureufes, & de
profiter des occafions favorables qui fe’ préfentent
dans un moment inattendu, parce qu’il faudroit
trop- de temps pour blanchir les toiles dont il au
roit befoim
Le eonfommateur trouvera auffr fon avantage ,
puifquenon-fêulementil doit en dernière analyfe
réfulter quelques diminutions fur le prix des toiles
& des fils,, mais encore le nouveau blanchiment
adminiftré comme il doit l’être, diminue beaucoup
moins la folidité originaire du lin & du chanvre
que les opérations Longues & multipliées dq
.( 1 ) Ce mémoire a été écrit" en 1789 >• de pure cetre époque-, P impôt delà gabelle a été fupprimé, lë fel eft à très-bon marché
tous les calculs-fondés alors fur fon prix, doivent être rabaifles, comme le prix du fel dans les différens lieux où feront fai«
s etabliffemens. Ainfi les avantages de ce procédé font aujourd’hui-beaucoup plus confidérables qu’ils l’étoient en 1783*- ^