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d’ailleurs très-ingénieufes , ne font point encore
affez multipliées , 8c ils comptent eiix-mêmes encore
trop peu fur leurs réfultats généraux , pour
qu’il foit poflible de les regarder comme faifant
une fuite de principes applicables aux élémens de
la fcience chimique. 11 eft cependant vraifembla-
ble qu’elles conduiront à une théorie générale
applicable à tous les phénomènes de la chimie ,
puilqu’il lien eft aucuns dans lefquels elle ne
joue un rôle , foit par l'on abforption., foit par
fon dégagement.
Les travaux les plus exaéts Sc Tes plus délicats
n'ont encore pu rien apprendre de pofitif fur la
nature du calorique , 8c les chimiftes font parta -7
gés, ainfi que les phyfîciens, fur cet objet important.
Les uns avec Bacon de Vérulam, penfent
que la chaleur, n’eft qu’une modification dont tous
les corps naturels font fufceptibles i qu’elle n’e-
xifte point par elle-même 3 8c qu’elle ne confifte
que dans l’ofcillation des petites molécules qui
compofent le ti(Tu de tous les êtrés. Telle étoit
l’opinion adoptée par Macquer. Ces favans appuyant
leur théorie fur les faits fuivans. La chaleur
Çu.\t tous les phénomènes du mouvement,'8c paraît
obéit aux mêmes loix j elle raccompagne
conftamment 3 augmente avec lui , 8c diminué
en même proportion. Si l’on en excepte les différences
quelle préfènte dans fa communication,
ou fon paffage de corps à corps 3 qui ne fuit pas
des loix femblables ~à celles du mouvement 3 elle
offre une analogie frappante avec lui dans toutes
fes autres propriétés- ; lorfque la caufe qui la
produit fe rallentit ou celle entièrement , la cka- '
leur diminue 8c fe diffipe bientôt. Pour faire concevoir
cette hypothèfe 3 les phyfîciens qui l’ont
propofée , obfervent que les corps même lès plus
denfes . font remplis d’une grande quantité de petites
cavités’ ou de pores^dont le volume peut être
beaucoup plus grand que celui de la fubftance
qu’ils environnent 8c qu’ils renferment. Ces vides
permettent à leurs molécules de fe mouvoir
les unes fur les autres 3 d’ofciiler dans tous les
lens. Si ces ofciliations ne Font point apperçues
c’eft qu’elles fe font fur des parties extrêmement
fines qui échappent à nos fens, comme les vides
ou pores y échappent eux-mêmes. Enfin ,
les favans qui regardent la chaleur comme l’effet
d’un mouvement inteftin , font encore fondés
fur ce qu’aucune expérience pofitive ne démontre
fon exiftencé , fur ce qu’on n’a pu y recon-
noître aucune pefantenr , 8cc.
Plufieurs autres phyficiens 8c quelques chimif-
tes modernes, croyent au contraire que Je calorique
eft. lin fluide particulier répandu dans tous
les corps de la n a tu r e 8 c dont ils font pénétrés
avec plus ou moins d’énergie > ils diftinguent
cefluide dans deux états, dans celui de com-^
binaifon 8c dans celui de liberté. Le premier , le
calorique combiné , n’eft pas fenfible à nos organes.,
-ni au thermomètres il repofe dans les
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corps dont il conftitue iin des principes s il y eft
dans un état de comprefiTion plus ou moins con-
fidérable s il fe dégage fouvent dans la décompo-
fition , & alors il paffe a l’état de calorique libre
ou de chaleur ; il devient fufceptible d’agir fur
les corps placés dans fon atmofphère j le thermomètre
peut en mefurer jufqu’à un certain point
l’inte'nhté, 8c en indiquer les degrés. Comme
tous les corps qui paffent de l ’état folide à l’état
fluide, 8c de ce dernier à celui de vapeurs ,
excitent du froid dans l’atmofphère environnante ,
ils foupçônnent qu’il y a une grande quantité de
caloriquè abforbé par ces corps , 8c que lorlqu’au
contraire les fubftances qui de fluides deviennent
concrètes, produifënt de la chaleur, le calorique
eft dégagé de ces fubftances, & paffe de l’état
de combinaifon à celui de liberté.
Schéele ,perfuadé, ainfi que Bergman, que Je
calorique eft un corps exiftant par lui-même , a-
examiné avec beaucoup de foin, les phénomènes
qu’il préfente comme agent chimique 8c comme
fufceptible de combinaifon. 11 a cru même
pouvoir conclure de fes expériences , qu’il eft
un compofé d’air vital, qu’il appelle air du feu ,
8c de feu fixe ou pklogijlique ; qu’il ne diffère
de la lumière que par la quantité relatiye de. ce
dernier principe : mais quelqu’ingénieufês 8c quelques
vraies que foient en elles-mêmes les recherches
auxquelles il s’eft livré , lés inductions
qu’il en a tirées fur la nature 8c les principes
du calorique ne nous ont point paru en découler
naturellement, 8c nous ne penfons pas qu’on
pniffe regarder fon analyfe du calorique comme
démontrée. Quelques phyficiens croyent que la
lumière 8c le calorique font un même corps , 8c
ne différent que par leur état. Ce corps eft lumière
, lorfque fes molécules raffemblées 8c jouif-
fant de toute leur attraction , font lancées avec
beaucoup de force ; il eft chaleur 3 lorfque ces
mêmes molécules ffivifées fe meuvent lentement
8c tendent à l’équilibre. Ils croyent que la chaleur
peut devenir lumière , & la lumière chaleur;
cependant on neipeut fe-diffimuler que la lumière
ne produife fouvent des effets très - différons. ; dp
ceuxrdu calorique, comme cela a lieu dans l’acide
nitrique l’acide muriatique, oxigené , les
oxides métalliques, les feuilles, des végétaux plongées
dans l’eau ; tous ces corps donnent de l’air
vital ou du gaz oxigène, lorfqu’ils font exposés
aux rayons du foleil, 8c la plupart n’en donnent
pas par la feule aCtion du calorique. C ’eft
ainfi que la lumière artificielle de nos feux venant
à.traverfer les vaiffeaux , change la nature
des produits qui s’en dégagent.
Enfin, MM. Lavoifier 8c Laplace femblent
foupçonner que les deux h'ypothèfés fur lé calorique
, font vraies 8c ont lieu en même - temps. >
c’eft - à - dire-, que la chaleur eft -due à l’exif-
ténce d’un corps particulier , 8c aux ofçilla-
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tions inteftines des corps excitées par la préfence
du calorique.
Quelle que foit au refte la nature de ce cofps ,
les phénomènes qu’il préfente dans les combinai-
foiis 8c les décompoffrions chimiques,n’en font pas
moins certains, 8c ne doivent pas moins .être
obfervés avec foin. Un grand nombre de faits
ont démontré que ce corps ou cette modification
eft inaltérable en elle-même, quelle né. fe perd
point, & c’eft ce qui a porté MM. Lavoifier
8c Laplace a préfenter un axiome ou un principe
général fur fon apparition ou fa •disparition.
Comme ce principe eft de la plus' grande importance
pour la théorie chimique, nous croyons devoir
le rapporter ici.
« Si dans une combinaifon ou dans un chan-
« gement d’état quelconque , il y a une diminu -
m ,tion dè: chaleur libre , cette chaleur reparoîtra
» toute entière , lorfque les fubftances revien-
M drônt à leur premier étatj 8c réciproquement,
33 fi dans la combinaifon ou le changement d’é-
33 tat, il y a line augmentation dé chaleur li-
33 bre, cette nouvelle chaleur difparoîtra dans le
» retour des fubftances à leur état primitif «.
En géftéralifant encore plus .ce principe, & en
l’étendant à tous les phénomènes du calorique.,,
ils l’ont expofé de la manière fuivante. ^ Toutes
33 les variations de chaleur y foit réelles foit ap-
33 parentes , qu'éprouvent un fyftême de corps,
33 en changeant d’état, fe reproduifent dans un
33 ordre inverfe, lorfque ie fyftême revient à fon
»s .premier écat 33.
Pour mefurer la quantité de calorique abforbée
ou dégagée dans les différens phénomènes chimiques
, méfure qui devient aujourd’hui de la plus
grande importance d’après ce que nous avons expofé
, les phyficiens modernes ont cherché des
moyens capables de fuppléer aux thermomètres
dont les échelles n’ont point l ’étendue convenable,
&•- dont la marche n’eft pas auffi certaine
qu’on l’avoit cru d’abord. M. Wiike avoit pro-
pofé d’employer la fonte de la neige par les corps
dont il vouiôit connoître la quantité de calorique ;
mais MM. Lavoifier 8c Laplace, ont trouvé une
méthode plus frire 8c plus facile à pratiquer. Elle
confifte en général à expofer les corps qui dégagent
du calorique pendant leur combinaifoon ,
après les avoir ré c its , ainfi que le vafe qui les
renferme, à la température de o , dans un vaiffeau
entouré de glace, dont la couche intérieure ne:;
peut être fondue que par le calorique dégagé de
ces corps pendant leur union, 8c à mefurer la
quantité de ce calorique, par celle. de l’eau fondue
8c recueillie avec foin. -Ils font auffi parvenus
par ce procédé à connoître sûrement le calorique
fpécifique des corps , à mefurer celui qui
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eft abforbé dans certaines combînaifons, te enfin
à déterminer jufqu'à celui qui fe dégage dans la
combuftion & la refpiration. La précifîon que
nous nous fommes impofée, & les longs détails
qu’il féroit néceffaire de donner ici pour faire
connoître i’inftrument ingénieux imaginé par ces
deux favans , & la manière dont ils s’en fervent
pour déterminerie'calorique fpécifique des corps,
ainfi que celui qui eft abforbé ou dégagé dans
les combinaifons chimiques, nous forcent de renvoyer
à leur ouvrage même (1). •
Arrêtons - nous encore ici fur le rapport qui
paroît exifter dans quelques cas entre la lumière
& le calorique , &c fur les différences qui les ca-
raéiérifent dans les procédés de la narure 8c de l’art.
De ce que la lumière des rayons du foleil échauffe
les corps qu’elle frappe, on ne doit pas en con“
clure que la lumière 8c le calorique foient un#
feule 8c même fubftance j comme il exifte au
contraire un grand nombre de cas dans lefquels
il y a beaucoup de lumière fans calorique, ainfi
que de ceux où l’on rencontre beaucoup de calorique
fans lumière, plufieurs phyfîciens croyent
que la lumière diffère beaucoup du calorique.
En effet, les phofphores, lè diamant, le bois
pourri, les matières animales en putréfaction ,
les infeétes 8c les lumineux, les rayons de la luné
réfléchis 8c concentrés par les miroirs métalliques
8c les lentilles , offrent une lumière très-
vive 8c très-éclatantè , fans préfenter de calorique
fenfible ; 8c tous les corps naturels peuvent
être fortement échauffés fans devenir lumineux.
Les rayons folaires ne paroiffent produire du
calorique libre , que par la pereuflion des corps
fur lefquels ils font reçus,. 8c par le frottement
qu’ils éprouvent de la part de ceux qui s’oppo-
fent à leur paffage. Si les corps opaques-colorés
en rouge 8c particulièrement en noir, s’échauffent
plus 8c fur-tout plus vite que les furfaces
blanches 8c brillantes , c’eft fans doute parce que
i les rayons éprouvent des réfraérions» plus fortes ,
8c peut-être même parce qu’ils fe combinent avec
•la:fubftance même de ces corps très - colorés
tandis que les furfaces blanches les réfléchifiènt
plutôt que de les abforber.
Quant à la production de la lumière par l’action
du calorique forte 8c continuée, comme on
l’obferve dans la combuftion des huiles, des bois,
des graiiîes, dans l’incandefcence des métaux*
des pierres , elle tient encore à des caufes qui
rie fuppofent en aucune manière une identité
. entre la lumière 8c le calorique. Lorfqu’on chauffe
fortement les corps combuftibles , ils finiffent
par produire de la flamme qui fupplée â l’ab-
fence des rayons du foleil -, 8c donne naiffance
aux mêmes effets. Mais cette lumière, le pro-
( 1 ) Voye\ mémoire fur la ch a le u r , lu à l’ académie clés fcien ce s , le 18 ju in .1785, par M M . Lavoifier 5c .Laplace-.