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Ton. En étendant une portion de liqueur dans une
grande quantité d’eau 3 l’on parviendroit bien à
procurer le blanc fans altérer beaucoup les nuances
précédentes; mais dans ce cas il ne faudroit traiter
qu’uhe pièce à la fois , 8c renouveller le bain
•pour chaque pièce , ce qui n’eftpas pratiquable en
grand. L’on peut auffi ajouter au bain une petite
portion de nouvelle liqueur après chaque pièce,
qu’on y pafle.
Lorfque la liqueur a cédé tout fon oxigène aux
partiès colorantes , elle fe trouve colorée par l’action
que fon excès d’alcali a exercée fur ces parties
* & c’eft une marque certaine qu’elle n’eft
plus propre à blanchir. L’on peut encore s’èn
convaincre en y verfant un peu d’un acide quelconque
, qui n’en dégage plus de gaz muriatique
oxigené. Lorfque la liqueur exerce fon'a&ion, 8c
que l’oxigène fe combine avec les partiès colorantes
3 il s’en dégage une odeur qui m’a paru ref-
femblèr à celle du raifort.
Four tirer le meilleur parti poflible de la liqueur
à blanchir 3 il faut bien dégorger les pièces qui
fortent des chaudières de teinture : pour cet effet ,
après les avoir foulées 8c rincées 3 on les fait premièrement
bouillir dans l’eau de fon, enfuite dans
l’eau de favon, 8c après avoir répété à chacune
de ces opérations le foulage 8c le rinçage; on peut
les expofer fur le pré pendant quelques jours s ce
qui ménage 8c favorife beaucoup l’aélion de la liqueur.
( ï ) Cette préparation préliminaire a encore
l’avantage de rendre les couleurs beaucoup
plus folides, 8c par conféquent de les faire mieux
refiler à l’aétion de l’oxigène; cependant cette
obfervation ne regarde que lesjfonds blancs 8c les
fonds couverts en violets 3 lilas 8c îofes, mais
pour les fonds qui font foncés , tels que les rouges
de cérife & de fang, les puces;, marrons, 8cc~je
confeillerois Amplement de les faire bouillir dans
l’eau de fon & non dans l’eau de. favon; je m’étendrai
fur les raifons de cette différence en parlant
dans une autre occalion des obfervations que
j ’ai faites fur les teintures à garance, j’ajouterai
feulement ici qu’après avoir tiré les pièces de là
liqueur, 8c les avoir foulées 8c rincées, on ne
fera pas mal de .les paffer légèrement dans de l’eau
de favon bouillante, ce qui r chauffera l’éclat des
couleurs, Il eft prefque fuperflu de prévenir que
ces fortes d’opérations ne peuvent convenir qu’aux
indiennes de bonne qualité, ear les indiennes ordinaires
ne fupporteroient pas cette fatigue, qui
terniroit les couleurs au lieu de les embellir. Les
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fonds noirs pour deuil ne peuvent non plus être
fourni^ au blanchiment artificiel, parce que les
noirs ordinaires que l’on teint àu moyen du bois
de Campêche, n’y réfîfterqiënt pas du tout, 8c
ceux que l’on obtient en employant la garance
rifquent de tirer plus du moins à la nuance de
marroh, félon la fôlidité qu’on leur aura donnée
par la manière de les garancer, & l’a&ion plus ou
moins forte 8c continuée plus ou moins long-temps
de la liqueur à blanchir.
Schéele eft le premier chimifte qui fe foit ap-
perçu que l’acide muriatique oxigené diffère de
l’acide muriatique ordinaire, par la propriété de
décolorerles fubftances végétales ; vous, Mon-
fieur, vous êtes le premier qui en ayez fait une application
heureüfé & utile aux arts. Il ne refte
plus de doute que la liqueut à blanchir ne produire
fon effet que !par fon oxigène , qui fe combine
d’abord avec les parties colorantes & enfuite
avec la fubfiancé décolorée même , lorfqu’on la
laiffe expofée à fon a&ion, 8c dont elle affoiblit
& détruit à la fin’ la ftruéture,. en changeant la
manière d’être de fes parties conftituantes. Si donc
Texpofition fur le pré produit un effet analogue,
on ne peut l’attribuer qu’au gaz oxigène qui fait
partie ae l’air atmofphérique , & fi cet effet a lieu
plus lentement, ce ne peut être què parce que
l’oxigène fe trouve étendu dans-une trop grande
maffe d’autres fluides, tandis qu’il fe laiffe très-
bien concentrer dans la liqueur à blanchir.. L’air
atmofphérique m’a toujours paru agir plus promptement
fur les pièces expofées fur le pré, lorfque
fes couches font déplacées 8c renouvellées par le
vent, & fur-tout lorfque le" calorique en étendant
les molécules intégrantes des couleurs 8c des par-
tien fauves,, favorife fon a£tion ; l’arroferrient 8c
les déifications multipliées contribuent beaucoup
.auffi à accélérer le blanchiment des pièces , ce
qui peut provenir .de l’air atmofphérique qui fe
trouve difféminé dans l’eàhLEn confidérarit avec
attention dans .toutes les faifons froides 8c chaudes,
venteufes & calmes, la marche du blanchiment
naturel, je ferois tenté de croire ;qü’en même-
temps que l’oxigène exèrce fona&ion fur les couleurs,
les liquides 8c fluides en emportent une
partie.
Il réfulte de ce que je viens d’expofer fur 'le
blanchiment artificiel des toiles imprimées, que
les fabricans d’indiennes peuvent s’en fèrvir avec
avantage en hiver. Comme nous fommes fuffifam-
ment pourvus de prés, qui, pour notre comrno-
( i ) Si les toiles que 1 on deftine a 1 impreffïon ont été préalablement bien blanchies , elles -fortent plus pures de toutes les
teintures en général, & blanchifient enfuite plus facilement & plus promptement. -foit fur le pré, foit par’ la liqueur. If feroit
donc important de rendre un blanc parfait, fur-tout .aux toiles de cocon des Indes, qui pèchent ordinairement par le degré
de blancheur avant de les foumettre à l’impreflïon; mais comme-on en reçoit qui oiit. le .défaut d’être bien fqiMés, & de fe
déchirer facilement, je n ai pas ofe depuis entreprendre le blanchiment complet dans la crainte de les affoiblit davantage; car
lorfqu’une fois lés toiles de coton ou de lin ont acquis uncertain degré de blancheur, jl ne faut pas s’imaginer quelles na
fouftrent abfolument rien par l’aétion de l’oxigene, foit qu’oh achève de les blanchir fur pré ou par l’acide, muriatique oxi-
gene, encore moins faut-il croire qu’elles acquièrent plus de fôlidité eh les blanchiifant. davantage, comme; quelques perfoim.es
veulent le faire croire. - . ' ■
flité fe . trouvent en face ,de notre fabrique, 8c,J
comme nous ne manquons jamais de provisions
polir les pinceautages , & pour la fucceffion de
nos travaux, je préfère de faire ufage du blanchiment
naturel en é té , & cela d’autant plus ,
qu’il exige moins_ de furveillance de ma part, Je
vous ai .déjà dit que j’avois blanchi l’hiver dernier
avec la liqueur oxigenéè trois à quatre mille pièces
de toutes les longueurs ; j'c compte faire bien
davantage dans le courant de celui-ci. ..
Lorfque j’établis dans ma fabrique Image de la
teinture en gaude & en guer-citron, quantité de
nos pièces teintes en jaune,. capucine, merde-;
d’.oië, carmélite, &c. furent tachées pendant
quelles étoierit imprégnées d’eau par l’attouche-'
ment du fer, ce dont je m'affûtai par la liqueur du
pruflîate de potaffe, ce qui jufqu’alors ne m’é-
toit arrivé avec, aucune autre couleur ; depuis lors
cet accident n’arrive plus'que. très-rarement, parce
que j’ai recommandé très-fort à tous les’ouvriers
d'éviter aux étendagés èc par-tout ailleurs, l’ap-»
proche du fer que j’ai banni de toutes les brouettes,
brancards, &c. J’ai, pbfervé que le fer oxidé à la
furface -faliffo.it plus'promptement ces fortes de
couleurs que le fer non oxidé. Dans le premier
cas, on peut croire que les couleurs & l’oxide de
fer exercent une a&ion réciproque, & dans le fécond
cas je croirois facilement que. l’oxigène fai-
fant partie conftituante des molécules, colorantes
de: la gaude, & du guer-citron, agit d’abord au
moyen de l’eau fur lé fer eh l’ox-idant, 8c que les,
parties colorantes retiennent avec force cette nouvelle
combinaifon pour former par ce moyen des
nuances fixes. Peut-être âufïi pourroit-pn expliquer
ce phénomène par la décompofition de l’eau.
Je me propofe pour éclaicir ce fait, de mettre en
contad des chiffons cle toiles teintes en jaune avec
descoupeaux de fer non rouillé dans un flacon rempli
d’eau, pour voir s’il ne fe fait pas un dégage- !
ment de.gaz hydrogène, pendant que le jaune fe
change..
Réporife de M. Bënhollét aux deux lettres précédentes.
t Je me fuis occupé moi-même de I’ufage de l’acide
muriatique oxigené pour les toiles imprimées,
parce que-j’ai prévu qu’il falloic combiner fes effets
avec un grand nombre de circonftancès qui ne
pouvoient être obfervées autre part que dans
un attèlier où l’on pût affeOir toutes les tentatives
aux combinaifons très-variées des couleurs Per-
fonne n’étoit plus propre à ce genre d’épreuves
que vous, Monfieur, qui réuniffez aux lumières
de la phyfîque les connoifTances de l’art. M. Wid-
uiei; a mis également beaucoup de foin & de fa-
gacité dans-les opérations qu’il a dirigées dans la
J célèbre manufa&ure de M. Oberkattipf. Je - vais
donner un ;précis de fon procédé & de fes obfer-
vatibns qui. ont dû fe rencontrer avec les vôtres
fur plufieurs objets.
L’appareiLdont fe fert M. Widmer eft femblabîe
à celui que j'ai décrit, 8c il s’en fért indifféremment
pour la préparation de l’acide muriatique
oxigené & pour la liqueur mêlée de potaffe, mais
fon récipient eft. formé d’une grande fontaine de
grès, dans laquelle il a placé trois couvercles de
terre cuite, & fous celle qui eft inférieure vient
s’ouvrir un tube de verre qui apporte le gaz. C e
récipient contient trois cens livres d’eau, dans laquelle
il fait diffoudre trente-fix livres de potaffe
ordinaire. Pour faturer\cette quantité d’eau alca-
lifée,,, il met en diftillâtion vingt livres de fel marin,
féché &: réduit en poudre, fept livres & demie
de manganèfe, également réduitèen poudre,
vingt livres d’acide fulfurique concentré ( i ) qu’il
étend de poids égal d’èàu. Il fait fécher le fel 8c
il le réduit en poudre, parce qu’il a remarqué que
par ce. moyen la décompofition fe faifoit mieux 8c
plus promptement.
La liqueur qu*on obtient par cette opération
doit être étendue de vingt à vingt-quatre parties
d’eau lorfqu’on veut en faire ufage, & on la modifie
félon les circonftances, ainfi qu’on le verra.
Vous nous apprenez qu’on peut fe fervir d’unè
cuvette d’étain, mais elle doit fe détruire peu-à-
peu par l’aélion du gaz ; car fi l’on met une lame
d’étain dans l'acide muriatique oxigené, l’on'voit
bientôt une gelée, fe former à fa furface. Il me pa-
rott donc plus avantageux d’employer des cuvettes
de terre cuite ou de pierre ; comme le gaz fe combiné
facilement avec la liqueur alcaline, ôn pour-
roit peut-être fe contenter de deux cuvettes ou
même d’une feule; cependant M. Widmer prétend
qu’il eft mieux d’en employer trois.
La proportion d’acide fulfuriqüe que vous employez
eft beaucoup trop petite pour .retirer toute
la quantité de gaz qu’on peut obtenir des
quantités de fel 8c d’oxide de manganèfe, dont
vous faites ufage. Vous avez, fans doute, ob-
fervé que cette proportion étoit plus convenable
pour faire l’opération à la chaleur de l’eau, 8c
je préfume que vous aurez été déterminé à ne
pas employer le bain de fable, par la difficulté de
vous procurer des vaiffeaux diftillatoires plus con-
venablés que les grands flacons qui fervent à con-;
- tenir l’acide fulfurique car ces flacons font très-
füjets à .fé cafter à la chaleur qué prend le bain
4e fable.
La liqueur préparée , comme je l’ai dit c i - ,
devant, eft foutirée du récipient de grès, 8c
tranfportée dans une grande cuve dé pierre qui
eft furmontée d’un moulinet, par lequel on fait
( i ) L’on; a- obiervé qu^fl convenait d’augmenter un peu la .proportion d’acide falfurique que j’ai indiqué pour la préparation
de l’Acide muriatique oxigené. '( Ann. de chimie, iorti. JI. )