
c'eft le défintéreffêment qu'ils marquent dans quelques
occafions où ils abandonnent le'profitde ces
tranfmutàtions , 8c l'honneur même qu'ils pour-
roient en retirer. Mais ce faux défîntéreffement eft
une des plus grandes- fupercheries, car il fert à <
répandre 8c à entretenir l'opinion de la poffibilité
de la pierre philofophale , qui leur donne moyen
par la fuite d'exercer d'autant mieux leurs fupercheries
, & de fe dédommager amplement de
leurs avances. »
§. IV. Quefiîons fondamentales , fur la pofibilitç
& l'exigence du grand-oeuvre, par Bergman, (i) _
Pour nous occuper avec fuccès de l'hiftoire du
grand-oeuvre 3 8c de l'art de faire de l'or qui a tant
occupé les. laborieux alchimiftes, il faii-t d'abord
traiter deux queftions préliminaires ; il faut lavoir
en premier lieu, fi la folution de ce problème de
faire de l'or eft poffible , & en fécond lieu, fi la
première propofition étant donnée, il y a véritablement
quelqu’un qui ait fait de l'or.
Première queftion. Est-il possible de faire
de l' or ?
11 faut avant de difeuter la queftion, en bien
déterminer le fèns. L'o r, comme tous les autrés
métaux , dit Bergman , eft compofé d'une terre
particulière & du principe inflammable. Si l'on
peut obtenir le premier principe"-, il fuffira de l'expo
fer à un feu fuftifant pour obtenir l'or parfait
(2.).
Si on nommoit cette opération fabrication de
f o r , il faudroit: de même nommer fabrications
les procédés par lefquèls on fait tous les jours
réprendre la forme métallique à des quantités plus
ou moins,grandes d'oxides de-différens métaux,
& certainement cette manière de parler répugne
à la raifon. Reprenons la chofe de.plus loin.
J- roduire les premiers élémens n'appartient qu'au
créateur ; mais en connoiÏÏant bien les loix de Bat-
traèuion. établies par la nature , l'art chimique fait
tous les jours des compofés inorganiques ,'foit-fem-
blables à ceux qu'on trouvé dans notre planète ,
foit différens de ceux-ci , & entièrement nouveaux.
On réuflfit d'autant mieux à former ces
compofés , cu'on en cônnoît plus exactement les
principes conftituans & leurs propriétés. Si donc
les principes prochains de l ’oxide d'or ou dë'la terre
de l'o r, font le phlogiftique 8c un acide particulier
comme cela eft vraifemblable, la difficulté fe'
borne à obtenir cet. -acide en affez grande quantité
, car on ne manque point de moyens pour
fournir du phlogiftique 5 cet acide étant une fois
coagulé par le phlogftique, on a la terre ou l'oxide
d'or , 8c le refte de l'opération devient très-
facile.
Comme l'acide de l'or attire fortement le phlogiftique
répandu par-tout, comme il eft impoffible
qu'il refie long-temps fans combinaifon, il eft douteux
s'il exifte plus de cet acide d'or dans le fein
de la terre, qu’il n'exifte de fon oxide, ou de l'or
lui-même à l'état métallique. Mais comme on ne
peut nier fon exiftence avec certitude, fi elle a
réellement lieu, on ne pêut pasaffurer qu'une fois
découvert, il foit impoffible de le faturer de
phlogiftique , 8c que cela paffe le pouvoir de la
fcience* _
Les alchimiftes font perfuadés que tous les autres
métaux contiennent le principe propre de l'or,
& que quoiqu'il foit altéré par différentes- matières
, on peut le purifier par un art convenable, 8c
l’amener à fa plus grande perfeétion. Ilréfulte des
confidérations déjà préfentées § que l'affertion précédente
reffembie à celle-ci, les acides métalliques
radicaux font tous les mêmes ; la proportion différente
& le mélange de corps hétérogènes y fait
naître une différence telle, que la quantité de phlogiftique
que chacun eft fufceptible de prendre, les
convertit en diverfes efpèces de métaux 5 mais
les alchimiftes ajoutent que les. altérations dans les
proportions & les meianges de corps étrangers font
entièrement détruites par leur élixir ou leur pierre
philofophale, de forte que par fon moyen-les métaux
les plus vils’peuvent être convertis en or, ou, comme
ils le difent, les plus imparfaits deviennent le plus
parfait métal, par l’a&ion teignante de. cette pierre.
Mais fi l'on examine les expériences connues
jufqu’ici pour être les plus ex-aftes fur ce point,
on eft obligé de convenir qu'elles ne préfentent pas
la plus légère preuve que les métaux ou les autres
corps plus fimples , puiffent être réciproquement
convertis les uns dans les autres. A l’époque où.
les eftais. chimiques n'avoient point l'exaéte préci-
fion que l’on y apporte,aujourd'hui, le réfui tarde
| Quelques expériences a bien pu offrir l'apparence
(1) Bergman. H ifto ru t chimia medium oevum. Op ufcula, xv vol. L ip f ix -1787» Pag; 11
(1) Loncjue Bergman ècrivo'k cètte dilfertation au commencement dy .xySi,,. puxiqu^:11e a été fouteûue en forme de thèfe
po;
„„'il eft celui de tous les métaux qui tient lé moins' à èe piincipe ; ainfi , pour rapprocher la phrale î< , .
état od eft aujourd'hui la fcience, on conçoit que fuppofé qu’on trouvât quelque part un oxide d or, ce qu on aurait nomme
u réfoU la te re de'l'or, il ferait facile d'en obtenir l'or en le chauftanc. Les autres tatfoimemens de cet habile phyficum
“ocôrderonJ facilement avec ces nouvelles vérités chimiques, en (iibftituant totqouts à un prétendu principe de 1 or, un com-
~lc naturel d’or 6c d’oxijènc, ou de quclqu’autre matière unie a l’or 8c qui en mafque les propriétés.
i
de cette tranfnvatation ; mais il y a ds)a long-temps
quon a reconnu l'erreur de cette, apparence : les
matières qu'on croyoit abfoltiment exemptes d o t ,
ont pu en récéler quelques atomes , car après le
fer , l’or paroît être un des métaux qu’on trouve
le plus fréquemment, malgré qu’il échappe fou-
vent à nos recherches par fa petite quantité. Une
matière quelconque qui en contient, étant traitée
à un grand feu , . fera entièrement volatilifee ,
il ne reftera qu’un atome d'or ; l'opérateur admirera
cette prétendue, production , qui ner fera
cependant qu'une extraéiion. Cependant un homme
accoutumé à interroger la nature avçc la faga-
cité 8c Binduftrie qu'exige l’art expérimental ,
doit bien fe garder de regarder comme impoffible
une opération , à moins qu'elle ne foit entièrement
contraire à une vérité fuffifamment établie.
Dans la queftion préfente; perfonn.e ; il ..eft
vrai, n’a une pareille objection à faire , une vérité
démontrée à oppofer ; au contraire m'êrhe l’expérience
la plus fréquente préfente des effets analogues
à la purification dont parlent les chimiftes 5
c'eft ainfi qu’un atome de ferment i excite, avec
tant de force la fermentation dans . une grande
quantité de moût, que 1 alcool , :ou cache dans
les grains de froment fe développe en fé ; débar-
raffant des matières^qui le couvroient en .quelque
forte , ou fe forme par une nouvelle combinaifon
de principes. Qui peut démontrer l'impoffibilité
de changer' un oxide métallique quelconque en
o r , par l'addition d'un agent quelconque-, qui
portera ou enlevera quelques principes ,. ou en
changera la proportion ? ^ | - .
C'eft une oojeétion bien foible. que celle qui
porte fur l'imperfe&ion 8c Binftabilitéides compo-
fitions artificielles comparées à celles de la nature,
dans le même genre de compofés î c'eft un fait qui
reffembie parfaitement , 8c dans toutes .leurs pro- .
priétés , à ceux de la nature^ les fels neutres n'ën
font-ils pas un exemple frappant ? L'union ; moins
forte ne dépend que de l'humidité qui exifte, fou- ,
vent dans les compofés artificiels, 8c dont la nature
fe débarraffe par le temps.
Tout ce qui a été dit, jufqu'ici. prou ve que l'on
ne peut'pas démontrer Bimpoffihilité de faire_.de
Bot ou de tranfmuer tous les métaux les uns dans
les autres > mais ce feroit fe tromper .que de conclure
de-là que la poffibilité de cet art eft démontrée
; entre les deux propofitions il. y . a une
grànde différence. Pour pénfer qu'on peut avancer
quelque chofe de certain a priori fur cet objet ,
il faudroit bien plus connoître la nature & fes
procédés que perfonne n'y eft encore parvenu:
fi cette poffibilité étoit même démontrée ,. il
manqueroit encore le complément de la preuve >
car. de ce qu'une chofe eft démontréé poffible,
il ne s'enfuit pas que l'art puiffe la faire'.) Mais
fi l'opération réuffit fuivant une ; méthode expérimentale
, o,n ne doit plus s'inquiéter de la preuve
de la poffibilité j.car > comme on fait , on conclut
exactement de l'être au poffible , ab effe ad pcjfe
valet. confequen$a.
Seconde queftion. A-t -on véritablement
FAIT DE L'pR ? ,
Parmi le grand nombre d’alchimiftes qui fe
font, flattés d’avoir obtenu du fuccès, y a-t-il quelque
homme qui ait véritablement compofé ou fait
de l’or, ? Cette queftion eft très-difficile à réfoudre
avec une entière certitude, parce qu'il
manque toujours quelque chofe à la defeription
de la plupart des tranfmutàtions. On doit d’abord
dans cett,ei>hiftfoire , ne point accorder trop de
confiance aux auteurs qui ont parlé de leur propre
ouvrage, ni au témoignage des. fpeêfateurs, fou-
vent groffiers 8c peu inftruiçs. On fait combien de
preftigèSjont imaginé de femer de prétendus alchimiftes
5 ils ont cache, l'or dans les creufets, les
i.nftrumens dplaboratoire, les charbons ; mais quoiqu'on
-puiffe. geeufer cette fraude dans récits
de . tranfmütatipn ,•. i l , fe peut que la 1 cocme-
foit vraie 5 cependant cette centième même doit
être-regardée comme invraifemblable, quand elle
| n'eft point appuyée fur des preuves très-fortes 8c
très- parti cul armées. 11 eft quelques relations qui
paroiflent offrir un affez grand cara&èr.e de vérité.
S i, par exemple, un homme fans aucune confiance
dans les tranfmutàtions alchimiques , obtient quelques
atomes de la pierre philofopkique, .répète l'expérience
feul 8c fans confident comme fans té^-
moin, s'il trouve, un plus grand poids de véritable
or qu'il n'à employé de pierre, il eft difficile de
foupçonner de la fraude en cas pareil. Tel paroît
être le caractère de l’aventure farneufe arrivée
a Helvétius., Etant à Magdebourg , il y nioit avec
forcé, B exiftence d’un remède uni verfel.i il s’étoit
expliqué d’une manière formelle dans un ouvrage
imprimé , fur la poudre fympathique du chevalier
Digby. Le ,2.7 décembre 1666 % un inconnu fe
préfenta à lui 5 8c, après lui avoir parlé de la
médecine univerfelle, il lui montra la pierre philofophale
d’une couleur de foufre, & cinq grandes
lames d'or pur, 8c il lui raconta la manière dont
il étoit parvenu.au faîte de l'art. Helvétius le
conjura de lui donner un peu de fa pierre , ou
de lui en montrer les effets par le feu ; ce que
l ’inconnu lui refufa, en lui promettant de revenir
dans trois femaines. A fon retour, qui eut lieu
effeérivement comme il le lui avoit; annoncé , ce
ne fut qu’à force de prières & de follici.tations
qu'il lui en accorda un petit fragment, gros comme
une femence de rave j 8c comme Helvétius dou-
toit qu'une fi petite quantité, pût changer quatre
grains 4e plomb en o r , l'alchimifte en enleva la
moitié, en lui difant que cette portion étoit fuffi-
fante pour produire Beftet qu'il defiroit. Helvétius.,
dans; le premier; entretien qu'il avoit déjà
eu avec cet homme, avoit enlevé quelques portions
de la pierre , 8c l’avoit placée fous fon
ongle j il l'avoit jçttée. fur du plomb fondu j mais
tout 5 étoit diffipé, ,8c. il n étoit relié au fond du