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plus importantes à diftinguer & à connoître que
les précédentes , parce ou elles conduifent plus
précifément encore aux découvertes chimiques,
en déterminant avec exactitude la puiflance de
Fart fur les produits de la nature. De ces deux
dernières efpèces, lime doit être nommée ana-
Jyfe vraie ou fimple j 8c l’autre, analyfe fauffe ou
compliquée.
On appelle analyfe vraie ou fimple, celle par
laquelle on obtient les principes d'un corps quon
décompofe, fans qu’ils aient fubi d’altération. Le
ieul caractère auquel on puilfela reconnoître, c’eft
qu’en unifiant les principes qu’elle a fournis, on
donne naiflance à un compofé tout-à-fait fem-
blable à celui qu’on a analyfe j le cinabre peut
ici fervir d’exemple. Lorfque, par des moyens
chimiques , on lepsre les deux fubftances qui
forment ce compofé 5 c’eft-à-dire, le foufre 8c
le mercure, on obtient ces deux principes dans
leur état de pureté , & tels qu’ils exiftoient dans
le cinabre 5 puifqiten les unifiant de nouveau ,
on forme un être en tout femblable à celui qu’on
a d’abord décompofe} cette efpèce d’analyfe eft
malheureufement trop rare. Les chimiftes ne font
pas aflez heureux pour pouvoir l’appliquer à tous
les corps qu’ils traitent5 puifque, excepté la plupart
des corps du règne minéral, toutesJes fubftances
animales & végétales ne font pas fuceptibles
de le prêter à l’analyfe vraie.
Uanalyfe fauffe ou compliquée, eft celle par
le moyen de laquelle on ne fépare d’un corps
que des principes qui n’exiftoientpas tels dans cette
compofidon , & qui, par çonféquent, ne peuvent
plus , par leur union, reformer le premier
compofé. Cette efpèce de décompofition a lieu
pour la plus grande partie des corps que les chimiftes
analyfent 5 il fuffit pour cela qu’il entre plus de
deux principes dans leur compofidon, & que
ces principes aient entr’eux quelque tendance à
fe combiner. Flufieurs .minéraux, & toutes les
fubftances animales & végétales, fans en excepter
une feule, ne peuvent être analyfées que de cette
manière. C ’eft ainfi, par exemple, que le fucre
mis dans une cornue, donne à la diftillation de
l’acide, de l’huile, des gaz & un charbon que
l’on tenteroiten vain de recombiner , pour reproduire
cette fubftance telle quelle étoit avant fon
analyfe. Cette forte de décompolîdon n’indique
point Véyt dans lequel fe' trou voient les fubftances
unies avant qu'on les eût féparées ; elle
ne peut donc fournir que très-peu de lumières,
& l’on doit même fe méfier des réfultats qu’elle
donne. Ainfi, dans l’exemple cité, on conclueroit
à tort que l’acide, l’h u ile ,-& les gaz obtenus
dans la diftillation du fucre étoient contenus dans
cette matière, & là formoient par leur union
directe j c’eft cependant cette conclufion que~ion
adoptoit autrefois : on difoit qu’une matière con-
tenoit tant de fel volatil & d’huile , parce qu’on
les retiroit par la diftillation 5 on alloit même
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jufqu’ à expliquer fes propriétés médicinales par
la proportion de ces prétendus principes. Les ou-
Trages de Lemery & de Cèoftroy font pleins de
pareilles induftions erronées. C ’eft de-là qu’ont
pris naiflance les reproches que l’on a faits avec
jufte raifon aux époques-indiquées, à la chimie.
On a dit qu’elle défor^anifoit les corps 3 8c il f;lUt
convenir qu’elle meritoit alors ces reproches;
eu S eJft lHlf c<?rr'S®e de ces anciennes erreurs,
elle a depuis allez long-temps reconnu .les fauffes
routes où cette analyfe avoit engagé les chimiftes ;,
elle a découvert fur-tout depuis une quinzaine
d années, la caufe de ces réfultats erronés. Elle
fait que les prétendus principes qu'on obtient
dans les analyfes faufles ou compliquées, ne font
que de nouveaux compofés, 8c que Jorfqu’une
matière ^contient trois ou quatre principes dif-
férens d’un ordre divers de volatilité, deux de
ces principes réduits en même temps en vapeurs,
fe combinent entre eux d’une manière différente
de ce'qu’ils étoient, dans le compofé primitif,
8c donnent naiflance , ainfi que les principes qui
reftent, & s’ unifient enfemble au fond des vaif-
feaux diftillâtoires, à des combinaifons nouvelles
plus ou moins éloignées de la première combi-
naifon generale.} en un mot, les chimiftes ne
vpyent, dans ces prétendues analyfes, que des
fynthefes qui font différer les compofés nouveaux
qu’on obtient pour produits , par le nombre moins
grand, 8c par la proportion variée des principes
qui fe feparent. En appliquant cette aflertion à
ce qui arrive dans l’exemple déjà cité du fucre décompofe
par la diftillation , elle acquerra la clarté
néceflàire. Le fucre eft un compofé végétal d’hydrogène
, de carboné 8c d’oxigène , dans les proportions
de huit parties du premier, de vipgt-
huit du fécond, & de foixante-quatre du troi-
fième, a peu de chofes près fuivant les expé-
periences de M. Lavoifier. Ces trois principes
reftent étroitement unis, & ne tendent point à
fe féparer, tant qu’on ne préfente au fucre aucun
corps qui y puifle .porter de nouveaux principes,
ou échanger, par une,nouvelle attraction
l’adhérence des premiers. ^ toutes les températures
jufqu’à quelques degrés au-defius de
celle de 1 eau bouillante, l’équilibre fubfifte encore.
Mais lorfque la chaleur qu’on lui appliqué
pafle cent degrés, alors l’équilibre eft tout-à-
côup rompu ; l’hydrogène tend à fe réduire en
gaz par la grande' quantité de calorique qu'il ab-
forbe} fon attradion poi-r l’oxigène, porte ce
dernier à s’ unir à lui à raefure qu’il fe volatilité
, 8c il féj forme de l ’eau ; une portion de
carbone enlevée par l’hydrogène, & unie à une
partie de 1 oxigene, conftitue i huile} une autre
partie de carbone, combinée à de l’oxigène feule,
forme 1 acide carbonique qu’on obtient auflidans
cette analyfe. Comme il n’y a pas fuffifamment
d’oxigène pour.faturer en particulier tout l’hydrogène,
& tout le carbone contenu dans le
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fucre il i'efte une grande quantité de carbone
à nud5dans le vaiffeau diftillatoire Ainfi l’on voit
oar ces détails que l’action du feu fur le fucre,
ne fait que changer le nombre & la proportion
des principes qui le compofentj que ce changement
donne naiflance à de nouveaux compofés
qui n’étoient pas contenus dans cette matière,
& que cette analyfe confifte uniquement dans
la formation de compofés plus fimples, & dans
le pafiage d’un compofé ternaire à piufieurs côm-
pofitions binaires. Voilà comment la chimie moderne
eft parvenue non-feulement à reconnoître
une ancienne 8c trop longue erreur, mais encore
, à rendre d’une clarté frappante des phénomènes
dont elle n’avoit autrefois aucune con-
noifiance, & à. tirer même un parti utile d’une
opération jufqüè-là trompeufe, pour mieux déterminer
la nature des corps.
C ’eft à ces quatre efpèces d’analyfe qu on
peut rapporter toutes les différences generales
qu’on a mifes entré elles > car, or conçoit bien
que ce n’eft pas dans cet ordre de diftinétions fpé-
cifiques qu’il faut inferire les variétés nommées '
analyfe par le feu , analyfe par les menftrues ,
analyfe par les acides, analyfe par l’alcool, analyfe
immédiate, &c. variétés qui appartiennent
à des pratiques, à des moyens particuliers, 8c ,
dont il ne doit être fait par çonféquent mention
que dans la feétion fécondé de cet article.
§. I I . Des moyens d‘analyfe en general.
En confidérant en général toutes les méthodes
d’analyfe qüe les chimiftes emploient , tous les
moyens dont ils fe fervent pour parvenir à con-
noitre les principes des corps, 8c en cherchant
fur-tout à rapporter toutes lès méthodes, tous
les moyens à un principe général, pour en concevoir,
s’il eft poflîble, l’unité, on reconnoït
bientôt que les chimiftes n’ont jamais d’autre but
que de mettre en action la force de combinai-
lon qui exifte entre tous les corps , 8c de la
développer avec plus ou moins d’énergie, fuivant
les fubftances dont ils vèulent faire l’analyfe. En
effet, les matières dont on veut féparer les principes
, ne font compofées, ne reftent formées
ou conftituées par les principes , que parce qu’une
force naturelle les retient adhérens les uns aux
autres. 11 eft indifpenfable que cette force, cette
attraôlion foit vaincue, pour que la défuniôn de
ces principes ait lieu , 8c pour invoquer d’abord
un axiome mécanique ou une image fenfible de
la néceflité d’appliquer une force fupérieure à
celle qui tient les'principes réunis : Ta&ion que
les chimiftes font naître dans ce cas, refiemble
à celle d’un effort, d’une preflion néceflàire pour
chafîer un clou, pour féparer une cheville, pour
débarrafîer un coin engagé dans un milieu quelconque.
Le coup, l’effort, doivent être fupé-
rieurs à l a force qui tient ces corps a d h é r e n s .
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C e principe ainfi pofé, doit être plus directement
appliqué aux forces chimiques, en rappel-
lant ici la bafe des connoifiances relatives aux
affinités. On fait en général que l’affinité diffère
entre les différents corps, que fi on préfente à
un compofé de deux corps, un troinème corps
qui ait pour l’un des deux plus d’affinité qu’ils
n’en ont enfemble., il faut que les deux premier*
foient féparés; De quelque manière qu’on confédéré
l’analyfe, quelque moyen qu’on emploie
pour la faire, à quelque efpèce que fe rapporte
celle que l’on exécute , c’eft toujours en vertu
d’une affinité qu’on opère & qu’onréuflit. Le feu,
l’air , l’eau , les acides , l’alcool &c. tout ce qui
eft mis en ufage par les chimiftes pour opérer une
analyfe, n’agit qu’en attirant plus fortement quelqu’un
ou quelques - uns des principes du corps
compofé avec plus de force qu’ils ne s’attirenl
eux-mêmes ; de forte qu’il refaite toujours d’une
analyfe quelque compofidon ou quelque fynthèfe,
qu’on ne peut pas même faire d’analyfe fans employer
la fynthèfe, ou fans former de nouvelles
combinaifons , & que la force d’affinité bien ob-
fêrvée entre tous les corps naturels, eft en dernier
réfultat la fource de toutes les efpèces d’analyfes
quelconques. C ’eft donc par une loi naturelle
que les décompofitions ont lieu Jes chimiftes après
l’avoir reconnue ont appris à la mettre en jeu par
les différentes méthodes que l’art expérimental
leur a peu-à-peu fait découvrir , & qui feront décernes
dans les paragraphes fui vans.
§. III De la maniéré £ agir des dijferens matériaux ou
in f rumens quon emploie pour faire les analyfes.
En partant du principe bien établi dans le par*-
graphe précédent, que toute analyfe eft fondée
fur l’attraétion 8c les affinités, il ne s’agit plus que
de déterminer comment ces affinités agiflent en
général dans les opérations analytiques des chimiftes.
Obfervons d abord , que pour mettre les
affinités en jeu , pour en déterminer l’aétion , il
faut employer des fubftances quelconques dans
lefquelles réfident ces forces capables de produire
lès effets attendus.:C es fubftances étant confidé-
rées ici comme des inftrumens généraux d’analyfe.
il faut en connoître l’aétion générale. On peut ranger
parmi les principaux inftrumens d’anaîyfe,le calorique,
la lumière,l’air,l’eau,les alcalis, les acides,
les fels nitreux, les huiles , l’alcool, le charbon ,
8c les oxides métalliques , &rc. On pourroit fans
doute multiplieriSeaucoupici les agens > on pourroit
même regarder tous les corps chimiques comme
autant d’inftrumens ou d’agèns utiles aux analyfes,
& cela eft parfaitement vrai , puifque entre les
mains d’un chimifte habile , tout peut devenir un
moyen de- connoître la nature & les principes des
compofés qu’il examine } mais il ne doit être ici
quelconque des principaux , des plus connus &
des plus employés- C e qui fera expofé fur ces.