
quentés par les cachalots, & où cependant on
ne trouve pas d'ambre.
Mais quelle e ft, dira-t-on , la nature & l'origine
de l’ambre gris ? D’après ce qui vient d'être
expofé , & en confidérantla propriété qu'a l'ambre
gris * d'adhérer au tranchant au couteau quand
on le coupe, comme la cire & les bitumes moux ,
Zc d'après Ton inflammabilité & fa fufion en une
huile épaifle & noirâtre, il me femble que je
puis hafarder de dire que c'eft une efpèce de
bitume fous marin , propre aux climats chauds,
-qui, étantrejettéepar les vagues fur le rivage, s’y
endurcit : ce bitume eft quelquefois avalé par des
cachalots & par d'autres cétacés qui, ne pouvant
le digérer , le rejettent plus ou moins altéré avec
leurs autres excrémens. L ’ambre gris que M. Do-
nadei a trouvé fur les rivages de la mer, aux côtes
de Guyenne , qui étoit mou & vifqueux , &
d'une odeur qu'il appelle urineufe très-forte , &
qui, au bout d'un certain temps, l'a perdue,
& eft devenu folide, ne s’oppofe point à mon
opinion } il eft venu des ifles du Cap-Vert ou des
CJanaries, ainfîque les pierres ponces de ces mêmes
îfles qu'on rencontre fur les côtes de la Gaf-
cogne, & qui y ont été jettées par les courans de
l'océan & de la méditerrânée. L'analyfe complète
de cette fubftance, & les obfervations plus
nombreufes que je me promets de faire au B,réfil
& aux ifles du cap, pourront peut-être mettre
cette matière dans toute l'évidence poffible.
Malgré ces réflexions , ces obfervations de
‘M . Dandrada, il eft encore loin d'avoir prouvé
que l'ambre gris eft un bitume analogue au fuc-
cin , au jayet, au charbon de terre, & c . il y a
d'un côté trop de différence entre l'ambre gris
& Ces vrais bitumes, & de l'autre, trop de
rapprochement entre les propriétés de l'ambre,
& d'un grand nombre de fubftances animales,
odorantes,, ou fufceptibles de le devenir par
des altérations fueceflives, pour adopter l'opinion
de M. Dandrada. Il n'eft pas fi dénué de vraif-
fémblance que cela lui paroît au premier coup-
d’oeil,. de penfer que la matière même du corps
de la fèche à huit pieds , puiffe contribuer à la
formation de l'ambre. L’encre de la Chine,. qu'oa
aAure être faite avec le fuc noir de ce polype,
répand une odeur ambrée très - forte. Il y a des
variétés d'ambre qui ont une couleur noire &
une très-vive odeur; les parfumeurs ne rejettent
point cette variété , 8c elle reflemble à un fuc
noir épaifli : on y trouve même des membranes
animales.
M. Donadei, après avoir entendu lire les
obfervations de M. Dandrada , m'âdrefla quelques
jours après fur l'ambre qu'on trouve dans
Je golfe de jGafcogne, la note fuîvante.
L'ambre gris nous étoit feulement connu,
comme venant des deux Indes. Dans le journal
de phyfique du mois de mars 1790, j'ai certifié
que cette fubftance appartenait ftuffi au golfe
de Gafcogne. L'exiftence de l’ambre fur cette côte,
m'avoit paru confirmer les recherches de M. Swe-
diaur, par lefquelles il prouvé que l'ambre gris
eft une production animale appartenante au cachalot.
M. Dandrada , dans une des dernières féances
de la fociété, a été d'une opinion contraire; il
foupçonne que l'ambre gris eft une efpèce de
bitume, provenant de quelque volcan fous marin
, & par conféquent, il le regarde comme
une fubftance minérale. Si cette opinion eft la vraie,
le golfe de Gafcogne, ne devroit l'ambre gris qu'aux
ifles Açores. Celles du Cap-Vert & des Canaries,
portent, par des courants très - vîolens, fur les
côtes de Barbarie.
Pour décider une quéftion qui occupe depuis
fi long-temps les naturaliftes , il faudroit, comme
la fociété l'a propofé, avoir une analyfe bien
faite de cette fubftance, 8c que les naturaliftes
qui fe trouveroient aux Açores pufient y faire des
recherches capables d'éclairer fur l'opinion de
M. Dandrada.
Pour ce qui me concerne-, je regarde toujours
l'ambre gris comme une fubftance animale 1 °. par
l’odéur urineufe* qu'il exhale quand il eft fraîchement
rejetté fur le rivage^: il eft-alors aflez
mou 8c vifqueux ;. 2°. par l’avidité que les oi-
feàux de mer ont pour cette fubftance. Ces animaux
ne vivent que de poiflons.
Les couches horifontales &de diverfes nuances
que l'on trouve dans divers morceaux d’ambre,
ne peuvent être une preuve pour le fyftême
de M. Dandrada; au contraire, une fubftance
rejettée dans un fluide plus denfe, & qui ne la
diflout pas ,, ne peut que s'aglomérer, & ne peut
pôint fe former par couches horifontales. Il n'en
eft pas de même de notre opinion, où cette fubftance
peut très-bien prendre un accroiflement
par couches ; l'ancienneté de fes couches , les
divers parages où l'animal auroit vécu, pour-
roient être la caufe des diverfes nuances.
Les coquilles , les becs de lèche y & les autres
corps que l’on trouve dans l’ambre gris , ne peuvent
être que des corps étrangers à fa nature j
qui s'y font joints fur le bord du rivage ou cette
fubftance, encore molle , eft balottée & froiffée
par la vague.
Enfin ,fi ,,réunifiant les deux opinions,.l'ambre
gris étoit véritablement un bitume qui eût be-
foin de féjourner quelque temps dans Le corps
d'une baleine, pour acquérir toutes les qualités
que nous lui délirons, notre quéftion.fêroit bien,
difficile à réfoudre ; mais n’eft-ce pas trop pouffer
les conjectures ? ' Je regarderai donc toujours
l'ambre gris comme une efpèce de bezoàrd , 8c
je defirerois que,, dans l'analyfe, on pût en fé-
parer la partie, jaune qui me paroît avoir beaucoup
de rapport avec la bile, ou être une matière
analogue. Le meilleur ambre a un fond gris»
parfemé de petites, taches jaunes *
C ’eft, fans doute à l'analyfe chimique^feule,
qu’il appartient de prononcer fur cet intéreffant
objet. Les difficultés élevées par rapport aux produits
obtenus par Geoffroi, Neumann, Grim , 8c
Bvown, qu'ils ont aflîiré être ceux des bitumes;
ne doivent point l'emporter fur les idées nouvellement
connues d'après les obfervations modernes
, puifque ces analvfes peuvent fe reflen-
tir de l’état d'inexa&itude où étoit, il y a cinquante
ans , la pratique 8c la théorie de la chimie.
Il rfy a malheureufement point eu depuis cette
époque , d'analyfe exaCte de l'ambre gris , 8c il
n'eft pas poflible de fe conduire, d apres cette
analogie qui nous manque encore.
MM. Vauquelin & Bouvier, deux de mes
élèves les plus inftruits 8c les plus habiles dans
les recherches chimiques, viennent de faire une
fuite d'expériences fur une efpèce d'ambre gris
qui leur a été remifepar M. Macquart ; on va voir
que, malgré l'exa&itude de ce travail, il eft bien
difficile de prononcer fur l’origine de cette produc-
M. Macquart nous a remis un^ échantillon
d’ambre gris del'efpèceoudelavariété connue des
naturaliftes fous le nom d’ambre noir. ( 1 ) Cet
ambre eft en fragmens qui paroiflent avoir appartenu
à un pain orbiculaire comprimé. On y
voit des couches d’épaiffeur 8c de couleur differentes;
fa furface extérieure eft fauve & fort
peu épaifle; immédiatement au-deffous, il y a
une couche d’environ deux lignes d’epaiffeur,
d’une couleur grife, bleuâtre ; plus profondément
eft une troifième couche qui paroît moins
denfe 8c moins lifte que la précédente, & dont
la couleur eft fort analogue a. celle de la couche
extérieure. Quelques-unes de ces couches font
diftin&es, & comme féparées par une légère lame
blanchâtre, collée ou interpofée entre ces couches.
Cette matière blanche recouvre comme une ef-
florefcence une forte de plaque ou de membrane
lèche, fort mince, de couleur d'écaille brune, tranf-
parente, jouiffant d’une certaineélaftidté-, coriace
fous les dents, 8c faifant l’effet d’une matière mu-
cilagineufe dans la bouche. Dans certains points
de la malfe de l'ambre dont il eft ici quéftion,
on voit manifeftement des criftaux blancs , ifo-
lés ; l’odeur de cet ambre eft forte & défa-
gréable ; on lui a trouvé quelque rapport par
cette propriété avec l'urine de jument, & fur-
tout avec les fels qu'on obtient par l’évaporation
de cette liqueur.
Sa pefanteur fpécifique a paru peu confidérable ;
tin fragment de cette fubftance 3 arrondi 8c bien
folide, nageoit à la furface de l’eau.
On a pris 50 parties de cet ambre groflièrement
pulvérifé, on les a fait bouillir dans deux onces
d’eau diftillée pendant 10 minutes, il s eft répandu
une odeur moins défagréable que celle de 1 ambre
folide ou en maffe. L’eau a pris une couleur de
paille foncée ; l’ambre s'eft fondu 8c s eft etendu
à la furface de l'eau, à la température de 60 degrés.
L'ambré, ainfi fondu, a une couleur brune
demi-tranfpar ente. . N
On a filtré la liqueur afin de l'obtenir a part,
elle ne verdiflbit point le firop de violettes; on
l'a fait évaporer pour obtenir ce qu elle avoit
diffous, elle a donné un produit jaune, pefant
près de deux grains, d'une faveur piquante & fa-
lée, entremêlé de criftaux qui faifoient effervef-
cence avec l’acide fulfurique, & doù il
gageoit des vapeurs d’acide muriatique : la difio-
lution verdiffoit le firop de violettes.
On a fait bouillir fur le réfidu une once d alcool
, il s'en eft diffous' une grande partie, 1 alcool
a pris une couleur brune foncee, & il eft re.
une matière noire grumeleufe, qui ne s eft point
diflbute 8c qu'on a traitée avec une fécondé once
d’alcool ; ce réa&if a encore pris une couleur
jaune, mais le réfidu n'a point été diffous. Apres
avoir été féché, il pefoit f grains, il etoit pref-
qu'entièrement formé des plaques que nous avons
décrites plus haut; mifes fur les charbons ardens,
elles ont donné une fumée jaune, fetide & ammoniacale.
. .
L'alcool a dépofé, en réfroidiffant, une grande
partie de la matière qu'il avoit prife a 1 ambre ,
& qui eft beaucoup plus diffoluble à chaud qu &
froid. | , ÿmm
Une portion de ce réfidu, ayant eté^ diltillee
dans une petite cornue , a donne de 1 huile rouge
extrêmement fetide 8c abfolument femblable 3
celle des matières animales, & du carbonate
d'ammoniaque, très reconnoiffable par fon odeur,
fa faveur, fa volatilité 8c fes propriétés de verdir
le firop de violettes, & de répandre une fumes
blanche par les. vapeurs de 1 acide muriatique
oxigené. .
L'alcool, avec lequel on avoit diffous une portion
de l’ambre, a été évapore a une chaleur
douce; il eft refté dans la capfule une matière
tranfparente de couleur de miel jaune, qui fe
fond facilement, qui s’enflamme & brûle avec beaucoup
d'activité ; à une certaine température elle
eft duêtile & fe. manie, aifément ; quand elle com