
offrant pas ta folitude 8c le repos qui lui étoit
néceffaire pour l'exercice de la philofophie hermétique
, il fe fit anachorète , 8c, renfermé
dans fa cellule, il travailla pendant long-temps
avec tant de circonfpeétion 8c de fîlence, que fes
confrères, qui ne comprenoient rien à ce qu'il
faifoit, le déclarèrent magicien après fa mort,
qui arriva en 1490. C'eft lui qui a écrit le livre
des Dou^e portes.
L’ Italie dans ce temps ne fut point fans alchi-
milles ; mais on s’étonne de voir le célèbre Mar-
file de F i c i , ce fe&ateur zélé de la morale de
Platon, ne point trouver indigne de fes regards
cette prétendue fcience qui devoit, félon lui,
être une des- branches de la médecine. Il mourut
en 1499.
Jean Pic , prince de la Mirandole, contemporain
de Marfile de Fici, a laide un ouvrage fur
l'o r , qui nous repréfente moins un artille qu'un
favant curieux de connoître les progrès de la
lcience hermétiquè.
Le feizième 8c le dix-feptième fiècle furent
fi féconds en artiiles 8c en chimiftës de tout
genre , que ce feroit fe jetter dans un labyrinthe
dont on ne pourrait fortir, que d'efifayer d'en faire
l'hilloire détaillée. Erafme raconte, dans fes dialogues
fur la chimie, une partie ,des fupercheries
auxquelles s’exercent ces fortes de gens pour
tromper la crédulité des avares.
Jean Aurelio Augurelli, né £ Rimini, a écrit
en vers fur l'alchimie , 8r comme il enfeigna
d’ abord les belles-lettres à Venife & à Trevife,
c’ëtoit une fuite de fon premier métier ; il a paffé
une grande partie de fa vie dans fon laboratoire,
entouré de fourneaux , de foufflets 8c de charbon
, inftrumens de fa cupidité , efpénint faire
de l’or 8c de l’argent avec le mercure vulgaire. C e
n’étoit point affez pour lui d'être ridicule pendant
fa vie , - il voulut l’être aufïi après fa mort, en
faifant un poème qu'il dédia au pape Léon X : ce ;
pape lui fit remettre une grande bourfe vide, en
lui difant qu’il ne devoit manquer aux faifeurs
d'or qu’un lieu pour le mettre.
Henri Corneille Agrippa, naquit en 1486 avec
des talens fupérieurs ; il fut affez vain pour vouloir
fe faire regarder comme un théologien fublime,
un excellent jurifconfulte, un médecin habile 8c un
grand philofophe, 8c il trouva des gens alfez con-
fians pour l’en croire fur parole ; cela cependant
lui procura les emplois les plus importans 8c les
plus honorables ; mais fa fortune ne fut pas de
longue durée, fon imprudence lui fit bientôt
perdre la confiance qu'on avoit en lui 5 il fut
abandonné, réduit à la mifère la plus grande,
d’autant plus promptement 8c plus complètement,
qu’il arbora le figne de l’alchimie , de
'laquelle beaucoup de perfonnes commencoient à
fe défier. Il mourut en France, à l’âge de 49 ans.
Paracelfe naquit à Einfiedelen, près de Zurich
en Suiffe ; cet homme extraordinaire ne
fuivitpoint, dans l’art de guérir, les préceptes de
fes predecefieurs ; on croit même qu'il ne fe
donna jamais la peine de les connoître : il commença
a 1 exercer à Zurich, d'où fa réputation le
fit pafler a Baie ; mais une aventure fingulièrel’en
fit fortir défagréablement; Un chanoine étoit à
1 extrémité ; les médecins l'avoient abandonné ;
Paracelfe le v it, & promit de lui rendre la fan té ;
il n y avoit fortes de reconnoiffance qué le malade
ne lui offrît, comme c'ell l’ufage ; il convinrent
de prix ; Paracelfe n'employa que deux
pilules pour guérir le chanoine qui, à peine con-
valefcent, contefta fur Thonorarre du médecin.
Le^ procès fut porté devant les magiftrats de la
ville q u i, trouvant que le médecin avoit guéri
trop promptement le chanoine, lui fixèrent un
falaire très-modique : comme il fe plaignit tout
haut de cette: inju'ftice, les juges le forcèrent de
quitter-la ville. 11 mourut à Saltzbourg, le 24
feptembre 1541 , à 48 ans , après avoir promis des
fiècles de vie à tous ceux qui le confultoient.
C e ne fut que dans fa jeunelfe- ( âge. où il eft
permis d'errer ) que George Agricola s'occupa de
-1 alchimie : après quelques voyages, dont le motif
étoit de vifiter les mines , il. revint dans, fa patrie >
qù il fut employé dans les mines ; il fentit que
cette voie étoit plus, fûrë que celle de la tranfmutation
des-métaux 5 il a publié fur cet objet des
ouvrages eftimés : il prit maiffance un ,an après
P a r a c e lfe& il efl mort le n décembre 1,555 „
en laiflant après lui une réputation durable.
Denis Zachaire, .né en 1510, gentilhomme de,
Guyenne , avoit pris ce nom fuppofé pour fe fouf-
traire au mépris qui a tant pourfuivi alors les al-
chimiftes. 11 a fait une hiftoire de fa v ie , dans
laquelle il raconte , le plus ingénuement du
monde, toutes les avântures qui lui font arrivées
pendant l'exercice la fcience hermétique ; il
détaille toutes les efpérances frivoles qu'il avoit
conçues, tous les voyages inutiles, les opérations
ruineufes qu'il a faites 5 toutes les embûches auxquelles
il a. été expofé par la cupidité des philo-
fophes peu délicats du. fécond ordre. C ’eft un
plaifir de l'entendre raconter la manière dont fes
écus diminuoient, 8c fe réduifoient en'fumée;
& tout en difant qu'à force de travail il a fini par
réuflir, il cherche à dégoûter les jeunes gens de
l'étude d'une fcience dont les réfultats font fi
incertains, 8c qu'il n'eft donné qu'aux philofophes
par excellence infpirés de Dieu de trouver.
Kelley Notaire Anglais , fut banni de fon pays
pour avoir fabriqué de fauffes pièces de monnoie ;
8c parcourant le pays de Galles ,il lui tomba fous la
main un vieux livre qui traitoit de la tranfmutation
des métaux. Il s'informa de l'aubergifte chez qui
il étoit, d'où venoit ce livre ; on lui répondit qu'on
l'avoir trouvé avec deux boules d'ivoire remplies,
l’une d'une poudre rouge très-pefante, l ’autre d’une
poudre blanche , dans le tombeau d'un évêque ,
ibupçonné devoir été enterré ayec quelque tréforf
C e t aubergifte confervoit encore par fimplè cu-
riofité une de ces boules, 8c même une portion
de la poudre rouge de celle dès boules qui avoit
été brifée. il en offrit à l’aubergifte une livre
llerling, qu'il reçut avec beaucoup d'empreffe-
ment, n'y attachant aucun prix, fi ce n'étoit celui
d'une vaine curiofité. Kelley retourne aufli-tôt à
l'un des fauxbourgs de Londres-, où chez un
orfèvre il fit la projeélion de fa poudre, qui lui
donna un réfultat félon fes defîrsj_ alors il partit
pour 1 Allemagne, comme étant un pays plus
libre. La 3 il s'abandonna aux excès ordinaires à
ceux qui paffent fubitement de l'indigence à une
fortune confidérable ; il femoit l'or de tous côtés,
& il tranchoit du grand feigneur. 11 répéta la projection
en préfence de l'empereur Maximilien II ;
èc pour fe faire valoir davantage-, il fe vanta de
poiféder le fecret. Cette gloriole imprudente engagea
l'empereur à lui ordonner de lui faire de
cette poudre, fous peine de prifon ; 8c comme
il manqua fon operation, il y fut en effet conduit :
il fe tua en voulant fe fauver.
Jean-Baptifte Nazaré ne fut pas un véritable
alchimifte, mais il a peut-être fait beaucoup plus'
de mal que chacun d'eux, en expofant dans une
feule langue très-connue, toutes les' opérations
fauffes & ruineufes qui ont été faites fur cette
fcience ; car c'eft fortir des bornes de l'honnêteté
que d offrir, fous des dehors agréables 8c comme
certains , des procédés que l'on fait être faux 8c
pernicieux. La première édition de fa Concordance
mfi PhiïoJ'opkes eft de 1572, & la fécondé, qui
eft plus ample, de 1599.
1 homas Eraftus , fameux médecin , né à Bafle
en Suiffe, s'éleva dans les cours publics qu’il y
làifoit, contre les opérations de l'alchimie , comme
étant illufoires 8c fophiftiques ; mais il eût à.
combattre un adverfaire terrible, Gallon de Clavés,
dit Ledoux, avocat, 8c enfuite préfident du parlement
de Nevers. Celui-ci mit une telle chaleur,
un tel foin dans cette affaire, qu'un factum préfenté
des j uges pour, foutenir fon honneur offenfé,
n'auroitpas été plus foigneufement travaillé; c'eft
ce qui a produit fon apologie de la fcience hermétique
écrite en latin. Son traité de La Pierre
phiLojophaLe , fa triple préparation de tor3 ont été
traduits en françois par M. Salmon, médecin. Ils
font écrits très-nettement, 8c quelques-unes des
.operations y ont un air de vraifemblance.
Blaife de Vigénére , contemporain de Gafton de
Clayes, né à Saint- Pourçain -en Bourbonnois ,
quoique n ayant fait qu'effleurer la fcience hermétique
, a cependant donné quelques opérations
utiles : fon traite du feu 8c du fel ÿ avec fes commentaires
-, prouvent, par le génie qui y brille 3
combien cet homme aurait avancé la fcience , s'il
son étoit fpecialement occupé. 11 mourut en 1596
le 19 février. Dans le dix-feptième fiècle, l'alchi-
jette de profondes racines $ fes branches fe
puutipliènt, s agrandiffent, 8c portent ombrage
Çkvniie, Tome II, i
aux rois,* comme étant funeftes à leurs états.
Chacun fe cache donc, 8c n’ofe paroître fou que
dans fon cabinet : malheur à celui qui a l’imprudence
de'fe découvrir ! .
Cofmopolite , d’origine écoffaife, dont le vrai
nom eft Séthon ou Sidon, fut la viêtime de fon
imprudence 8c de fon filence. Ayant fait la tranfmutation
devant Jacques Hauffen, celui-ci en fut
frappé, 8c ne put s’empêchèr de communiquer ce
fait aux médecins de la ville. Georges Morhoffe
avoue avoir vu un morceau d’or fur lequel Jean-
Antoine Vanderlinder avoit marqué qu'il prove-
noit d'une tranfmutation faite le 13 mars 1602, à
quatre heures après-midi. Au lieu de relier tranquille
dans fa patrie, héthon alla en S“âxe, où il eut
l'imprudence d'opérer la tranfmutation devant des
perfonnes qui nè manquèrent pas de l'aller dénoncer
à l'éle<àeùr. C é prince, amateur de rîcheffes
comme tous le£ autres, fit arrêter le tréfor vivant,
8c le mit dans unè tour fous la garde de quarante
hommes, C e fut en vain que l'élééleuf employa,
promeffes 8c menaces fucceflivement pour obtenir
fon fecret. Michel Sendivogius, gentilhomme,
s'occupant un peu d’alchimie, eut envie de voir
Cofmopolite ; ce qu'il obtint par fes amis qui
étoient à la cour, efpérant que le prifonhier, par
reconnoiffance , lui aonneroit fon fecret.. 11 lui
propofa'de lé faire.fortir ; ce qui fu t, comme on
fent, accepté avec reconnoiffance. Le jour qui
avoit été fixé pour l’exécution du projet dë fon
évafion, ils enivrèrent les fentinelles, 8c ils partirent
enfemble dans un chariot de pofte pour
Cracovie. Là Sendivoge fomma Séthon de fa parole
; mais le philofophe lui répondit : « vous
voyez en quel état j'ai été réduit pour n’avoir
point voulu découvrir mon fecret ; un corps à
; demi-pourri, des nerfs retirés, des membres entièrement
difloqués doivent vous faire connoître
combien eft grand le filence que je dois garder
fur mon opération;». 11 n'en put obtenir qu'une
once de poudre de projeélion, qui étoit cependant
capable de faire fa fortune. Séthon ne jouit pas
long-temps de fa liberté ni de fon tréfor, car il
mourut avant l'année 1604. Tant d'événemens
fihiftres arrivèrent à Séthon en moins de deux
ans ; 8c l'on voit que quand le fecret de la tranf-
mutatioh exifteroit véritablement, ce feroit pref-
que à coup fur un grand malheur que de le pofieder.
Les frères de la Rofe-Croix formoient entr'eux
une fociété dont les règlemens n'étoient pas feulement
des folies, mais des fourberies 8c des méchancetés.
Ils prétendoiènt tout favoir , ne manquer
de rien, être tout-puiffans ; ils pouvoient
vivre toujours ; aucune maladie’ne leur réfiftoit;
ils les prévenoient même quand ils vouloîent, 8cc.
G'étoient des efpèces de dieux, peut-être même
des, êtres plus puiffans que Dieu même ; mais
malgré toutes ces belles qualités, ils ne purent fe
fouftraire au jugèmént qui fut porté contre eux.
Quelques-uns même furent pendus, d'autres en