les connoififances néceflaires pour traiter de ces
lubftances , on æ pu fuppofer qu Orphée devoît
avoir celle de la pierre philofophale. Homère St
Pindare ont été également rangés parmi les al-
chimiftesparce que Ton a regarde rhiftoire des
pommes du jardin des Hefpérides 3 de l'hydre
vaincue par H e r cu led u phénix renaiffant de fa
cendre, de1 la toifon d'or, S t c ., comme autant
d'emblèmes qui cachoient le fecret de la pierre
philofophale j & , e n effet , les alchimiftes des
fiècles fuivans ont employé les mêmes figures
pour voiler leurs opérations. Démocrited'Abdère
eft un des philofophes grecs qu'on: a le plus vantés
parmi les alchimiftes de l'antiquité. Senèquedit
qu'il favoit fondre les pierres * imiter les émeraudes
3 colorer de toutes les manières les verres & les
compofitions, ramolir l'ivoire. Pétrone allure qu'il
■ avoit examiné les fucs d'un grand nombre de
plantes , & qu'il a pafte une grande partie de fa vie
a faire des expériences. Suivant Diogène Laërce
fi a écrit fur l'or St l'argent, St fur-tout fur
la pierre philofophale , ainfi que fur les pierres St
la pourpre ; mais ce qu'il y a de fingulier-, c'eft
que cet hiftorien le loue d'avoir été précis St
obfcur, tandis qu'il blâme Pammènés , fon contemporain
dans ces études, d'avoir été clair &
détaillé. Mais on a lieu de douter que Démocrite
ait véritablement écrit fur la pierre philofophale ;
il paroit qu'il a fait un traité fur ies pierres pré-■
cieufes j à la vérité on lui en attribue un autre
fur les teintures de La lune & du.foleil , dont le titre
a plus de rapport avec les prétentions de l'alchimie.
Ariftote 3 Théophrafte, Diofcoride & Galien,
ont écrit fur les foffiles St fur les métaux ;
mais ils n'ont prefque rien dit dans leurs ouvrages
qui puiffe être appliqué à l'alchimie.
On range dans cet ordre le manufcrit de Porphyre
fur la chimie, dans le troifièmé fiècle; dans;
le quatrième fiècle, lë poème d'Heliodore , fur
l'art myftique des philofophes ; dans le cinquième,
les teintures de l'airain de Perfe, St. du fer de
l’Inde , par Philippe 5 l'opufcule de Diolcorus
prêtre de èerapis ; l'épître de Synéfîus, au même
Piofcorus, fur la teinture d'or & d'argent de
Démocrite : c'eft au cinquième fiècle qu'il faut
encore rapporter Zofime Panopolite, fameux parmi
les alchimiftes ; on conferve, dans les bibliothèques,
les ouvrages manufcrits de cet homme.,;
fur la compofition des eaux y,fur lart J aéré & divin y
fir les inftrumenS & les fourneaux , &c. Olympiodore
èft cité comme commentateur des ouvrages .de
Zofime; on compte auffi, à-peu-près à cette
époque , Théophrafte le philofophe, qui a écrit
fur Van facré t? divin y Hierothéus fur la pierre
philofophale y Archelaiis, fur Vart chimique y Ané-
pigraphus , fur le moyen de blanchir l'eau divine , St
fur La chryfopêe ou Y art de faire de Cor y Pélagius,
fur cet art divin y Eugène , fur le fecret chimique y
& un grand nombre d'autres auteurs alchimiques
d’une origine obfcure , dont l'époque eft difficile
à fixer, St dont on conferve beaucoup d3ouvra-
ges manufcrits dans les grandes bibliothèques :
Libavius, Olaus Borrichius St Conringius , ont
beaucoup parié dès auteurs, d'alchimie 3 St ceux
qui voudront les connoître plus en détail doivent
les confulter. Tout ce qu'on peut tirer de cette
partie de l'hiftoire de la chimie , qu'on a entiè-
-rement rangée dans celle de l'alchimie, c'eft que
les Grecs Ont fait peu d'expériences, St qu'ils ont
imaginé un grand nombre de fyftêmesplus ou moins
frivoles ; ainfi, en les co’nfidérant fous ce dernier
point de vue, cm peut, à jufte titre, les regarder
comme s'étant occupés des chimères alchimiques,,
dont leurs idées St leur ftyle fe rapprochent
en effet beaucoup.
Cn croit que l'alchimie a régné dans l'Inde ,
& qu'elle y eft même, très-ancienne 5 mais il n'ÿ
a- rien de certain à cet égard. Quant aux Chinois.,
fi nous en croyons les millionnaires, St fur-tout
le. jéfuite Martini, ils s'occupoient d'alchimie
2500 ans avant Jefus-Chrift ; mais ce qu'on v o it,
& qui a pu autorifer cette opinion, c'eft qu'ils
poflédoiént les arts chimiques long-temps avant
l'arrivée des Européens en Chine. On compte,
parmi ces arts, la préparation du nitre, du borax,
del'alua, du vert-de-gris, du fublimé. corrofif,
du fublimé doux, de l'éthiops mercuriel, la poudre
à canon , les feux d'artifice , les teintures
très-belles & très-durables, les porcelaines d'une
excellente qualité ; ils favoient auffi obtenir purs,
l'o r , l'argent, le mercure, le plomb, le cuivre ,
le fer, l'étain, le zinc; ils préparoient ce cuivre
blanc, compofé de cuivre, de nickel, de fer St de
zinc, qu'on fait encore être employé à beaucoup
d'ufages dans ce pays.
Suivant Jofeph Scaliger, les Romains n'.ont
connu la chimie que très - tard, St après avoir
fubjugué les Égyptiens & les Grecs , on trouve
vers le commencement de 1ère chrétienne quel-,
ques traces d'expériences St d'arts, que les alchimiftes
ont regardées .comme des preuves de l'exif-
tance de l'alchimie chez les Romains. Vitruve
décrit l'amalgamation de l'or employée, pour
extraire ce métal des étoffes brûlées. Pline indique
la dorure en or moulu, & l'effai de l'argent
par la pierre de touche. Il parle auffi d'une
extra&ion , ou comme le prétendent les alchimiftes
d'une fabrication de l'or avec de l'orpiment faite*
par Caligula , mais, il avertit que le profit a été
fort au-deffous de la dépenfe. Pétrone annonce
la découverte du verre duôtiie, dont Dion Caffius
parle auffi’; mais Pline obferve que cette découverte
a été beaucoup plus vantée que prouvée.
En général la plupart des arts de luxe que l'on
doit à la chimie ont été cultivés avec .fueçès
à Rome; mais on me trouve pas dans l'hiftoire
des Romains des preuves qu'ils ayenv fait grand
cas de Part de faire de l’or, & que beaucoup
d'entre eux ayent non pas réuffi, mais même travaillé
dans cet art.
Ces notions fur l'hiftoire de l’alchimie dans les premiers âges de la fcience , appartiennent à l'hiftoire
générale, confîdérée depuis les plus an-
ciens peuples jufqu'à la deftruéfion de la bibliothèque
d'Alexandrie par les Arabes. Quant a ce
que Bergman nomme la fécondé époque ou le
moyen âge de la chimie , elle s^étend depuis
le milieu du feptieme fiècle jufqu'au milieu du
dix-feptième, & comprend à peu-près mille ans.
Une foule d’hommes fé font occupés de l'alchimie
dans cet efpace de temps ; en forte qu'on pourroit
nommer cet âge alchimique ou hermétique. Les
Arabes ont beaucoup cultivé l'alchimie dans le
neuvième fiècle , c'eft alors qu’èlle eft en quelque
forte confondue avec l'aftronomie , qu'on a
j
naçoieht même du derniér fupplice ceux qui
aurôient écrit trop clairement St dévoilé leur
fecret ; tout, jufqu'à leurs noms, étoit un myftère
dans leurs ouvrages, & ceux-ci cependant étoient
extrêmement multipliés même avant la découverte
de l'imprimerie.
fur-tout fait fympathiferles métaux avec les plantes :
cet accorda duré bien long-temps, en Europe.
Tiçhobrahé avoit un laboratoire où il traitoit les
-corps terreftres par le feu, en même temps qu'il ;
obfervoit le mouvement des aftres, St le grand
Newton à mêlé fes recherches chimiques à fes’
calculs fublimes. Les expéditions des Européens
en Orient, répandirent les tréfors litéraires des
Arabes en Europe vers la fin du onzième fiècle,
St l'alchimie n'eft point oubliée dans ce commerce
qui fait le plus d'honneur à l'efprit humain, puif-
qu'il tend au perfëétionnement de la raifon humaine
& de l'art focial. Mais les alchimiftes augmentèrent
encore leur ftyle myftérieux, il s'enveloppèrent
d'une ombre plus epaiffe, parce que
tous les hommes quLfè diftinguoient par l'étude
St par des découvertes, étoient pourfuivis par la
fuperftition ; fouvent tils furent punis de mort
comme magiciens ou poffédés du démon. Peu-à-
peu cependant, S t à .mefure que les alchimiftes
multiplièrent leurs expériences , la fcience chimique
,y gagna, fans que l'alchimie acquît plus
d'éclat dans fes procédés St plus dë précifion
.dans fes moyens. La maffe ides^expériences recueillies
fans ordre & fans fyftême reffembloit,
dit Bergman , à un tas de pierres y de fable ,
de chaux, de poutres , & c . , propre à la conf-;
truélion d'un édifice, mais l'arrangement nexiftoit
point dans tous ces matériaux. Les opihi'ons
fauffçs, les préjugés répandus trop généralement,
épaiffiffoiént encore les ténèbres; on croyoit certain
qu'on faifoit de l'or de toutes pièces 3 St qu’on
étoit fur le point de pofféder des remèdes capables
de guérir tous les maux St de rendre même l'homme
immortel. Ainfi attachés uniquement aux ri-
cheffes St à la prolongation de la v ie, les hommes
qui étudioient alors la nature tournoient tous
leurs, efforts vers ce but ; ils évitoient avec le plus
grand foin d'inftruire les autres St de les mettre
fur la voie pour arriver à- leurs découvertes ; ils
imaginoient des caractères St dés figures méta-
phyfiques , ou figurées, pour.fe rendre inintelligibles
; St les ouvrages qu'ils publioient en grand
nombre y fembloient n'être deftinés qu'à tromper I
ceux qui vouloient fuivre -leurs traces ; ils me- J
Telle eft l'idée que Bergman donne de l'alchimie
dans le moyen âge ; mais ce tableau rapide
ne fuffit point dans un article qui a l’alchimie pour
objet : il faut puifer dans un hiftorien particulier
de cette fcience prétendue, quelques détails fur
les hommes finguliers qui fe font occupés de
l'alchimie, depuis les Arabes jufqu'à la création
des fociétés favantes. Lenglet Dufrefnoy, dans
le premier volume de fon hiftoire delà philofophie
hermétique , préfente un précis aflez exaéfc dont
on croit devoir donner ici les traits principaux.
C'eft vers le tiers du neuvième fiècle que les
Arabes commencèrent à fe diftinguer dans la
fcience hermétique. On doit rapporter, à cette
époque, les ouvrages de Geber, fameux en alchimie.
On le croit de la ville de Thus , en Cora-
fan, province de Perfe. Il refte trois ouvrages de
ce philofophe , dans lefquels on a cru voir tous
les fecrets de l'alchimie , le teftament, l'invefti-
gation de la perfeétion des métaux, & le fumma
: perfeliionis ,magi(ierii in fuâ naturâ : c'eft fur-tout
dans fon dernier traité, que, Geber a , d it -o n ,
décrit le grand oeuvre, quoiqu'on convienne qu'j I
eft nécelfaire d'en chercher les véritables opérations
dans une foule de procédés faux.
Dans le dixième fiècle on compte fur-tout
Rhafès, médecin de l'hôpital de Bagdad, fameux
pour avoir introduit le premier la chimie dans la
médecine : lié, par fes talens diftingués , avec les
princes du temps, fes ouvrages ont été la fource
de ceux de la plupart des médecins arabes qui l'ont
Tuiyi : il eft difficile de favoir pourquoi on le
range parmi les alchimiftes , à moins que ce ne
Toit en raifon.de J'obfcurité qui règne dans Ja
defcription de fes opérations fur les fubftances
minérales. Farabi ou Alfarabi, eft encore un des
arabes qui, dit on, a écrit fur l’alchimie, & qui
enpofledoit tous les fecrets: il paroît que c'étoit
un de ces ; hommes nés heureufement, St faits
pour réuffir dans tous les genres d'études, puisqu'il
pofledoit un grand nombre de talens en
apparence très-éioignés les uns des autres. Lenglet
rapporte encore, à cette époque, l'hiftoire de
Morien , qui a écrit en arabe quelques ouvrages
fur l'alchimie, St qui a montré le grand oeuvre à
Ca lid, fultan d'Egypte. Avicenne,, dont les
ouvrages en médecine ont été pendant fi longtemps
un des principaux guides de ceux qui ont
voulu étudier avec foin cette fcience, eft encore
cité comme ayant écrit fur la philofophie hermétique
& pratiqué le grand-oeuvre mais plufîeurs
favans croient apocryphes les ouvrages qu'on lui
attribue fur.cette matière.
[ H règne beaucoup d’obfcurité dans l'hiftoire de