
la formation des fluides élaftiques *: cjui fe dégagent
dans un gfand nombre d'opérations de la
nature & de l'art. Elle a lieu toutes les fois qu'un
corps reçoit 8c abforbe affez de calorique pour
paffer à cet état de divifibilité qui conftitue la
fluidité aériforme- Tous les fluides qui jouiffent
de cette propriété * la doivent donc au calorique ;
mais il faut auffi que la preflion des corps am-
bians * 8c fur-tout de l'air * rie s'oppofe pas7à
cette extrême dilatation * ou que celle - ci foit
arrivée au point de vaincre l'obftacle* que lui op-
pofela pefanteur de l'air. De-là-* un corps plus
ou moins voifin de la fluidité élaftique* pourra
y arriver tout-à-coup * fl le'poids ou la preflion
de l’atmofphère eft fouftraite * comme cela a
lieu dans le vide. De-là l'évaporation plus forte
8c plus rapide fur les hautes montagnes. De - là
la néceflité d'indiquer exaétement dans le détail
des expériences* à quelle preflion tel corps a pris
la forme de fluide élaftique* ou laquelle au moins
peut l'y maintenir; car on doit encore obferver
que tous les corps fufceptibles de prendre plus
ou moins facilement cette efpèce de fluidité va-
poreufe ou élaftique, ne la confervent pas également
* & qu'il exrfte, à cet égard * des différences
fl grandes entr'eux * qu'on les a diftin-
gués en permanens & non permanens. Les premiers
relient fluides élaftiques pendant très-
long-temps* 8c jufqu'à ce qu'une combinaifon
leur enlève le calorique qui les tient dans cet
état; les féconds* qu'on peut défigner par le nom
de vapeurs * perdent la fluidité élaftique par une
preflion ou par un réfroidiflement facile à déterminer
* & fe laiffent enlever par tous les corps
environnans le calorique qui les conftituoit fluides
aériformes. Tels font l'eau , l ’alcool & l'éther;
ces trois fluides fe réduifent en vapeurs* ,8c
confervent leur état aériforme * le baromètre
étant à vingt-huit pouces * l'eau à quatre- vingt
degrés du thermomètre de Réaumur* l'alcool
à foixante-fix * & l'éther à trente-deux * ,&c.
On voit donc* i°. que l'état de fluide élaftique i
eft une manière -d’être des corps * due au calorique
combiné; 2°. que tout fluide élaftique eft
un compofé d’une bafe plus ou moins folide *
& de calorique ; 3P. que chacune de ces bafes
exige plus ou moins de calorique pour être fondue
en état de vapeur ou de fluide élaftique *
& que c'eft fans doute en raifon de ces propriétés*
que tous-les fluides élaftiques préfentent f
des différences dans leur pefanteur * leur ref-
fort* 8cc. :
M. Lavoifîer a expofé cette théorie. d'une
manière très-îumineufe dans un mémoire imprimé
parmi ceux de l’académie en 1777.
Quoique nous ayons diftingué les fluides élaftiques j
en permanens & non permanens* il faut obferver
que cette diftiri&ion n’exifte point réel--)
lement dans la nature ; qu'elle n'eft relative qu'à
.l'état de chaleur & de preflion moyennes que I
nous avons dans -nos climats * 8c fur le plus
grand nombre des points de notre globe * &
que fi le froid 8c la preflion étoient çonfidé-
rables* les fluides reconnus aêtuéllement pour
les plus permanens* cefleroient bientôt de l'être
: ainfi * par une raifon inverfe * l ’éther &
l’alcool feroient des fluides élaftiques permanens à
une certaine hauteur de l’atmofphère ou à la
température élevée-de quelques climats fitués fous
l'équateur * 8cc.
Les diverfes altérations que le calorique fait
éprouver aux corps-* font employées par les
chimiftes, pour parvenir* foit à décompofer * foit
à combiner les différens produits naturels. La
première attention qu’ils doivent avoir* c'eft
de mefurer exactement les degrés-de chaleur ou
les' quantités de calorique néceffaires pour opé*
rer les changemens dont les matières qu’ils traitent
font fufceptibles. Çomme ils fe font fervis
jufqu’ici du thermomètre* malgré fes inconvé-
niens * ils en reconnoiffent en général deux claffes ;
la première comprend les degrés de chaleur au-
deffous de l’eau bouillante* & la fécondé renferme
ceux qui font au-defliis. L’échelle de
Réaumur ou de Farenheit fert à diftinguer les
uns ; quant aux autres * on ne les détermine que
d’après la fufibilité. connue de différentes fubf-
tances.
Degrés de chaleur inférieurs a Veau bouillante.
Le premier degré s'étend de cinq à dix au-
deflus de zéro du thermomètre de Réaumur :
cette température favorife la putréla&ion * la
végétation* l'évaporation lente* &c. On ne
s'en fert point communément dans les opérations
de chimie * parce quelle n'eft pas affez confî-
dérable ; elle a lieu cependant dans quelques
macérations que l'on fait l’hiver. Elle ,eft aufli
utile pour la criftallifation des diffolutions falines*'
ue l'on porte après une évaporation convenable *
ans des lieux dont la température eft de dix
degrés* tels que les caves.
Le fécond degré* fixé à quinze jufqu'à vingt*
continue à entretenir la putréfa&ion. 11 excite
la fermentation vineufe 'dans les liquides fucrés.
Il facilite l'évaporation * la criftallifation lente.
C ’eft celui qui règne ordinairement dans les pays
tempérés. On le met en ufage pour les macérations*
les diffolutions falines* les fermentations*
&c.
Le troifième degré s’étend de vingt cinq à
trente; la fermentation acide ou acéteufé s’établit
dans les végétaux * l’exficcation des plantes
s’y pratique avec fuccès. On s'en fert pour quelques
diffolutions falines & pour des fermentations.
Le quatrième degré * porté à quarante-cinq*
eft appelle degré moyen de l’eau bouillante, c’eft
celui que prennent les yaiffe.aux appelles bain*
marie. II déforganife les matières animales * évapore'
la partie la plus tenue des huiles volatiles *
& fur-tout 1 arôme. On l’emploie pour la diftil-
lation des matières végétales & animales dont on
veut retirer le principe odorant 8c le phlegme. .
. ha température de l’eau bouillante ou le quatre-
vingtieme degré * fert dans les décoctions * l'extraction
$es huiles v-olatiles* 8cc.
les modernes fur le calorique. Pour remplir
cette vue* j’ai choifi la differtation fur le calorique
que M. Séguin a fait inférer dans les
annales de chimie; on y trouvera l’état-comparé
des travaux célèbres de Black* de Crawford,
& de MM. Lavoifîer & Laplace * enforte qu’on
aura tout ce que la fcience poflède de plus avancé
& de. plus exaét à cet égard.
M ÉMO I R E S UR L E C A L O R I Q U E ,
Degres ae chaleur au-dejfus de Veau bouillante.
Le premier degré rougit le verre * brûle les
matières organïfées* fond le foufre.
Le fécond degré fond les métaux mous * tels
que Je plomb * l'étain * le bifmuth 8c les verres
iufibles.
troi^ème degré produit la fufîon des métaux
d une moyenne dureté * comme le zinc * l'an-
timoine, l'argent 8c l'or.
Le quatrième degré cuit la porcelaine * fond
les métaux réfraétaires * le cobalt* le cuivre* le
1er * 8cc.<
Le dernier degré 8c le plus fort de tous *
exiite dans Je foyer du verre ardent. Cette température
extrême calcine * brûle 8c vitrifie en un
mitant tous les corps qui en font fufceptibles.
^xc-*te une chaleur femblable * en verfant fur
un charbon de Pair vital ou gaz oxigène * à l'aid-a
a un foufflet 0« d'un chalumeau. M. Monge
penfe qu'en préfentant aux corps combuftibles
enflammes dans lés* fourneaux* de l'air atmof-
phenque comprimé* on produira un effet fem-
tflabJe a celui qu'excite Lair vital. C e procédé eft
j J a apphqué aux travaux en grand; par L ufage
ctes foufflets ; mais il eft fufceptible d’un grand
perteélionnement.
Quoique ces degrés, fupérieurs à celui de
eau, bouillante, foient déterminés par des phénomènes
bien connus des chimiftes, leur me-
iure n a cependant pas toute la précifion qu'on
peut y defirer. Il étoit donc de la plus-grande
importance d’avoir un infiniment capable d'indiquer
avec exactitude les températures employées
dans ces opérations. M'. Wedgwood a confirait
en Angleterre un thermomètre dé cette nature ;
11 eit formé de petits morceaux ; d’argile d’un
demi-pouce de diamètre. Ces pièces contractées
Par le calorique , avancent plus 'ou moins entre
deux réglés de cuivre convergentes l’une vers
1 autre, fur une plaque du même métal, & désignent
ainfi par l’échelle tracée fur ces règles,
le degre de contraction , 8c conféquemment de
température qu’elles ont éprouvé. {Journal Je
phyjique, année 1787..)
Telles font les notions élémentaires que j’aipré-
enteesfur le calorique ; mais ces notions (impies
ne lufKfent point dans cet ouvrage on doit y
donner tous les détails des travaux faits par
P a r M. S é g u i n.
P R E M I E R E P A R T I E .
Faits généraux concernant le calorique & les effets
qu'il peut produire.
C h a p i t r e p r e m i e r .
Du calorique , de la chaleur, du froid, de la température,
d%calorique fpécifique , & de la capacité
des corps pour contenir le calorique.
i° . Jufqu’à l’époque ofi l’on a publié la nouvelle
nomenclature, le mot C haleur a fouvènt
eu urj£ double lignification ; i! fervoit indillinc-
tement alors à défigner la fenfation qu’on éprouve,
& le principe inconnu qui l’a produit : c’eft pour
reparer la caufe d’avec.J’effet, qu’on a donné le
nom de calorique à ce principe inconnu, foit qu’on
le confîdere comme une qualité ou comme une
» c ancej' ^ ftu>on a réfervé les mots C haleur
,..ROIDj> P011/ exprimer lesfenfationsdifférentes
quil produit fur nos o rg an e s e n verra de la
propriété dont il jouit, de fe mettre en équilibre
dans tous les corps qui font en contaCt
, A l’inftànt où le dofteur Crawford a publié
ia jjjsèconde édition de fou ouvrage fur la cha-
leur, la nouvelle nomenclature étoit à peine
connue; les phyfîciens qui defiroient alors pré-
Tenter jeurs idées d’une manière claire , ne dif-
tinguoient la fenfation de la caufe produite que
par- des épithètes. C ’eft par cette raifon que
fe doCteur Crawford , confidérant le calorique,
fans prendre garde aux effets qu’il peut produire
le nomme chaleur abfolue, & que, confidéré
çomme ayant du rapport avec lès effets, il le
nomme chaleur relative : il fe fert aufli de l’ex-
prefilon chaleur fenfible, pour exprimer un de ces
effets.
M. Lavoifier ,s'eft pareillement fervi de cette
expreflion dans, fon abrégé de-chimie ; mais il
s’eft apperçu, depuis la publication de cet ouvrage,
qu’en adoptant la nouvelle nomenclature
cette épithète eft fuperflue, pour nelîpas dire
fauffe, en ce qu’elle peut donner l’idee d’une
chaleur mfenfible ; contradiction frappante puif-
que le mot C haleur exprime la fenfation pro-
duite par le calorique } ôc qu'il ne peut exifter
V v v v 2