§. III. Des propriétés , des attraclions chimiques ,
6* combinaisons de l'alcool.
L’alcool pur obtenu & re&ifié par les procédés
qui ont été décrits dans le paragraphe précédent,
eft un fluide très-tranfpar.ent , très-mobile., très-
léger , qui pèfe 6 gros 48 grains dans une bouteille
qui tient une once d’eau diftillée. Son odeur eft
pénétrante & agréable , fa faveur eft vive 8c
chaude : l’une & l’autre font particulières 8c vraiment
caraélériftiques. n 11 eft extrêmement volatil. Lorfqu’on le chauffe
même légèrement dans des vaiffeaux fermés $ il
s’élève & paffe fans altération dans les récipiens :
il le fépare du peu d’eau qu’il pourroit contenir.
C ’eft pour cela que les premières portions obtenues
dans la rétification de l’alcool , font les
plus fuaves , les plus volatiles 8c les plus pures 5
suffi employoit-on autrefois des alambics à col très-
élevé , dans l’intention de n’obtenir vers le haut
que la portion la plusfpiritueufe. On croyoit il n’y
a pas long-temps , que , dans la diftillation de l’alcool
y il fe dégageoit toujours une grande quantité
d’air : on fait aujourd’hui que c’eft l’alcool
lui - même qui fe fépare 8c qui rfe volatilife dans
l’état de gaz , 8c qui conferve cet état à une
température donnée. On s’exprime aujourd’hui
fur cette tendance de l’alcool à prendre la forme
gazeufe , d’une manière très - fimple 8c très-
exaéte, en difant qu’à la prèffion la plus ordinaire
de l’ahtmofphère , c’eft-à-dire à 28 pouces du baromètre
3 8c 64 degrés de température , l’alcool
prend la forme de fluide élaftique. Ainfi en mettant
une couche de quelques lignes de cette liqueur
dans une cloche de verre au-deffus du mercure
3 & en fufpendant cette cloche dans un vafe
couvert de quelques lignes de mercure ., 8c affez
grand pour recevoir toute la quantité de ce fluide
contenu dans la cloche, fi l’on plonge tout l’appareil
foutenu en pofition par des fils de fer 3 dans
un bain d’eau falee affez chaude pour lui communiqueras
64 degrés d’élévation de température,
on voit tout - à - coup l’alcool fe dilater 3 devenir
gazeux & invifible , comprimer le mercure 3 8c
le forcer de defcendre dans le vafe qui fupporte
la cloche ; tant que la température relie élevée à
64 degrés 3 l’alcool conferve la forme de fluide
élaftique 5 mais dès que l’air extérieur ou le
contaét d’un corps froid quelconque, lui enlève
du calorique 3 il perd tout-à-coup cette forme,
& redevient liquide. La preflion de l’air fait varier
dans l’alcool cette propriété de devenir gazeux }
ainfi furies hauteurs 3 l’alcool fe vaporife beaucoup
plus vite , ainfi que fous le récipient d’une machine
pneumatique ; il eft tout-à-coup réduit en
vapeur au-deffous de 28 pouces de mercure dans
la partie vide du baromètre.
M. Prieftky 3 en faifant paffer de l’alcool dans-
un tube d’argile rougi au feu ,e n a retiré dugaz
hydrogène mêlé de gaz acide carbonique > M. Lan- \
driani a remarqué que dans cette opération, le tube
étoit enduit d’ une matière charboneufe. En expo-
fantde l’alcool à l’àâion de l’étincelle électrique ,
M- Prieltley l’ a vu fe réduire auffi en gaz hydrogène.
Ces faits annoncent que l’alcool éprouve
une décompofition par une haute température.
Lorfqu’on chauffe l’alcool avec le contaét de
l’air j il s’allume bientôt, 8c préfente une flamme
légère 3 blanche dans le milieu 3 8c bleue fur les
bords ; il brûle ainfi fans laiffer aucun réfidu ,
lorfqu’il eft bien déflegmé : le^ choc électrique
l ’allume également. Plufieurs chimiftes ont effayé
de favoir ce que donne l’alcool en brûlant. Ils fe
font affurés que laflamme n’eft accompagnée d’aucune
fuie ni d’aucune fumée, 8c qu’en recevant ce
qui eft volatilife 3 on n’obtient que de l’eau pure y
inlipide 3 inodore & abfolument dans l’état d’éaU
diftillée. Boerhaave penfoit, d’après ce phénomène,
que la flamme étoit due à l’eau -, & cette
opinion eft confirmée aujourd’hui par toutes les
découvettes faites fur le gaz hydrogène provenant
de la décompofition de l’eau, & fur l’eau
qu’on obtient en brûlant ce même gaz avec l’air
vital. En brûlant de l’alcool dans une cheminée
propre à en recueillir les vapeurs , 'M. Lavoifier
a trouvé que l’on obtient plus d’eau que l’on
n’emploie d’alcool j ce qui éprouve que ce liquide
contient une grande quantité d’hydrogène > d’un
autre côté, M* Berthollet a démontré que lorfque
l’on fait brûler un mélange d’aIcool&: d’eau, le fluide
réfidu précipite l’eau de chaux ; cette expérience
annonce que l’alcool contient du carbone qui ,
par fa combuftion ou fa combinaifon avec l’oxi-
gène , forme de l’acide carbonique.
La manière dont M. Lavoifier a opéré la combuftion.
de l’alcool , exige quelques détails qui
peuvent intéreffer la marche de la fcience. Ayant
d’abord employé le même appareil que |x>ur brûler
le charbon , le phofphore, c’eft - a - dire ,
une cloche pleine d’air ordinaire placée fur le 'mercure
, 8c fous laquelle il mettoit une lampe remplie
d’alcool dont la mèche portoit un petit morceau
de phofphore pour pouvoir l’allumer à Laide
du fer rouge recourbé porté à travers le mercure 3
( Voyeç la defcription des appareils propres à la
combuftion, au mot C o m b u s -t i -o n . ) il a
trouvé que cette manière d’opérer étoit fufcepti-
ble de beaucoup d’inconvéniens j il feroit fui-
vant lui , imprudent d’employer de l’air vital
par la crainte de la détonation qui auroit lieu en
raifon de l’évaporation de l’alcool 5 ce rifqùe eft
encore à craindre en employant del’air athmofphé-
rique , & M. Lavoifier en a fait une épreuve qui
a manqué lui devenir funefte , parce que l’alcool
difpofé de la veille avoitpris en partie la forme de
gaz, 8c s’ étoit diffous dans l’air- En modifiant l’expérience
par rapport à la qüantité d’air, M. Lavai-
fier eft parvenu à brûler en différentes fois affez
d alcool pour recueillir le produit de fa combuftion^.
8c établir des réfültats affez exaéts fur fa nature*
On trouvera dans le premier volumé de ce dictionnaire
, article A i r , pag- 7*3 >. 7 r4 j *a
defcription détaillée de j cette belle expenence.
Nous n’en retracerons ici que les réfültats qui appartiennent
à l’hiftoire de 1 alcool. Cette liqueur
paroît être compofée d’après les produits de fa
combuftion obtenus, en eau 8c en acide carbon
nique, de 28 parties 8c demie environ de car^-
bone,, de près de 8 parties d’hydrogène ,< & de
é.3 parties d’eau toute formée : en comparant ce
réfultat avec celui de la fermentation vineufe 8c
de la converfion de fucre en alcool, on ne trou*
vera pas un rapport exaél dans l’un 8c l’autre ;
mais on doit favoir qu’il n’a encore été permis d’avoir
que des à-peu-près fur ces expériences , 8c
qu’il manque encore plufieurs connoiffances pour
les rendre auffi pofîtives qu’on le defire ; la . feule
conclufion importante qu’on peut tirer dp ces faits,
c’eft qu’on a plus de connoiffances fur là nature
de l’alcool, qu’on n’en avoit autrefois. Au refte
les chimiftes ont adopté différentes opinions dans
différens tems fur cette nature de l’alcool. Sthal,
Bôerhaave & plufieurs autres, ont regardé ce fluide
comme compofé d’une huile très-tenue, d’un acide
atténué , & d’eau. Il feroit donc, fuivant cette
opinion, une forte de favon acide.. D’autres, à la
tête defquels on doit placer Cartheufer 8c Mac-
quer, penfentque l’alcool eft formé de l’union du
phiogiftique avec l'eau. On voit combien cès opinions
s’écartoient de la vérité j mais il étoit bien
difficile de s’en rapprocher à l’époque où elles ont
été conçues.. On ne favoit rien alors fur les premiers
principes conftituans des corps , 8c fur-tout
des compofés végétaux : on n’avoit nulle idée du
carbone pur, & fpécialement de l’hydrogène & de.
l’oxigène. On en avoit créé d’imaginaires , on
s'étoit fait des méthodes fauffes, des raifonnemens,
des fyftêmes & des hypothèfes que l’expérience a
renverfés. Voye^ les mots Principes élémentaires
, Phlogistique.
L'alcool expofé à l’air, s’évapore à une température
de 10 degrés au-deffus de là glaee , & il ne
laiffe aucune elpèce de réfidu, fi ce n’eft un peu
d’eau, Iprfqu’il n'eft pas très-déflegmé. Cette évaporation
à l’air eft d’autant plus rapide , que l’ath-
mofphère eft plus chaude : elle produit un froid plus
ou moins fort fuivant fa rapidité > c’eft pour cêfô
qu’en fe frottant les mains d’alcool bien re&ifié ,
8c en les agitant dans l’air , on éprouve un froid
eonfidérable. Les médecins peuvent tirer un grand
parti de cette obfervation. Quand falcool bien
re&ifié eft expofé . à l’air froid ou à la température
de quelques degrés au-deffus de 6 , il en ab-
forbe l’humidité il s'affaiblit fenfihlëment.
L’ alcool s’unit à l’eau en toutes proportions ,,
8c il eft parfaitement diffoluble. Pendant cette
union il fe dégage du calorique 8c de l’ air j les
liqueurs fe pénètrent réciproquemènt, 8c elles
occupent bientôt moins a’efpace qu’elles n’en
occupoient auparavant.} auifi la p.efanteut fpécifiquè
qu’acquiert cette liqueur mixte, ne répond
point à celle que l’alcool indique, d’après la pe-
fanteur particulière à chaque liquide. Cette combinaifon
d’alcool 8c d’eau forme des efpèces d’eau *
de-vie faêfrcés-, d’autant plus fortes que l’alcooL
;y: eft eh plus grande quantité , mais qui diffèrent
de l’eau de-vie naturelle par l’abfence de l’huile }
auffi l’eau-de-vie artificielle , faite par l’union de
l’alcool & de l’eau , n’a-t-elle pas le cara&ère
onélueux & favonëux de la naturelle. Celle-ci,
quand on l’agite , moufle à la manière d’une légère
eau de favon , fes bulles relient quelque
temps après l’agitation à la furfàce fous la forme
d’une efpèce d’écume} au contraire, l’eau-de-
vie fa&ice perd tout-à-coup , après la ceffation
du mouvèment qu’on lui communique, les bulles
!qui s’en étoient élevées 8c qui fe brifent très-
promptement. C e phénomène , produit par l’agitation
, porte le nom d'épreuve hollandoife.
L’affinité de combinaifon entre l’alcool' 8c l’eau
eft fi forte, que l’eau eft capable de féparer de l’alcool
phifieurs corps qui lui font unis , & que réciproquement
Lalcooi décompofe la plupart des
diffolutions Talihes 8c en précipite les fels. C ’eft
d’après cette dernière propriété que Boulduc a
propofé de fe fervir d’alcool pour précipiter les
fels contenus dans les. eaux minérales , 8c pour
les obtenir fans altération ; mais Boulduc ne
favoit pas que les fels déliquefcens étoient diffo-
lubles dans l ’alcool.
L ’alcool n’a point d’a&ion fur les terres pure*',
fur lalilice &: l’alumine, elles ne s’y combinent
point 8c ne changent point lattra&ion de fes
principes : on ne fait point s’il feroit altéré par
la baryte 8c la magnéfie. La chaux paroît fufcep-
tible.dêlui faire éprouver quelque changement,
puifque lorfqu’on diftille l ’alcool fur cette fubf-
tance falino-terreufe, ce fluide prend une légère
odeur particulière} mais on n’a pas affez fuivi
cette altération. Les auteurs qui ont recommandé
de rectifier l’alcool fur la chaux , l’avoient fait
dans l’intention d’enlever l’huile qu’ils admet-
toient dans l’alcool impur , mais ils n’ont pas indiqué
l ’altération qu’il : éprouve & la diminution
qu’il paroît fupporter. M. Baumé en a fait mention
dans : fes Elémens de pharmacie ; mais il ne
s’eft point convenablement expliqué fur cet objet.
Cependant c’eft une des expériences qu’il feroit
le plus important de faire avec foin , pour favoir
ce qui arrive à la terre calcaire, & déterminer
fi l’on né pourroit pas par-là découvrir fa nature.
Par exemple, fi l’on obtenoit de l’ammoniaque
de cette combinaifon, on pourroit en conclure
que l’azote eft un des principes de la chaux, 8c
peut-être même trouver à quelle matière l'azote
y eft uni. Ainfi cette combinaifon de l'alcool
avec la chaux eft une de celles qui méritent leï
plus d?être examinées avec foin.
’ Les ■ alcalis fixes; purs, la potaffe 8c la foude
cauftiques, font diilolubles dans l’alcool } ç’eft
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