
Animalisation , N utrition, Respiration,
T ranspiration, OEufs.
Albumine végétale.- Les travaux des chi-
miftes modernes fur les fubftances végétales ,
offrent aux philofophes qui méditent fur les progrès
des fciences , deux réfultats généraux également
import-ans 5 l'üii eft la découverte de
plufieurs principes qu'on ne reconnoiffoit point
autrefois dans fes plantes 5 l'autre eft l'analogie
de plufieurs de ces principes avec les matières
d'un autre règne -, & fur - tout avec celles du
règne animal. Le glutineux , trouvé par Beccari
dans la farine de froment, eft la première découverte
qui a donné , pour-ainfi-dire , naiffance à
toutes les autres découvertes fucceflives ; ce Lavant
avoit fait fentir que cette matière , déjà
prefque animalifée , annonçoit les plus grands rapports
avec les fubftances animales , & rendoit
néceffairé une comparaifon chimique plus exaéle
entre les principes de ces deux règnes, que celle qui
avoit été faite jufques-là. Rouelle , en parlant de
plantes qui donnent de l'ammoniaque dans leur ana-
lÿfe par le feu , les a nommées plantes animales ,
& a bien déterminé par-là l'intention où il étoit
de comparer lès fubftances Végétales à celles du
règne animal. L'analègie trouvée & reconnue
par un grand nombre de chimiftes , entre les
huiles végétales & les graiffes animales , entre les
émuîfions Si le la it, entre les mucilages fades &
les gelées , entre le fucre végétal proprement dit
& le fucre de la it, ne pouvoit que porter toutes
les idées 8: tous les efforts vers un travail comparé
dans l'analyfe de ces deux claffes d'êtres organi-
fés. Ainfi, tandis que l'anatomifte & le phyfio-
logifte recherchoient & démontroient de véritables
rapports de ftru&ure & de fon&ions entre
les végétaux & les animaux 5 pendant qu'une
nouvelle efpèce d'anatomie comparée découvroit
une analogie dans la forme 8c les ufages des organes
des plantes avec ceux des animaux, la chimie
trouvoit de fon côté des analogies dans la nature
des matériaux qui compofent les corps de ces deux
claffes d'êtres, & confirmoit à fa manière leur af-
fociation dans un feul règne connu fous le nom de
règne organique ou organifé, oppofé à la maffe
inerte , brute & inorganique des minéraux.
M. Berthollet vient encore d’ajouter à cette
analogie entre les principes compofans des.végétaux
8c des animaux , en trouvant, il y a quelques
années dans plufieurs parties des premiers ,
l’azote ou la bafe de l'ammoniaque 8c de l’acide
nitrique , &c. qui eft fixée en grande quantité
dans les matières animales , & à laquelle ces dernières
doivent, comme l'a démontré cê favant,
la propriété de fournir de l’ammoniaque par
l’aétion du feu , & de paffer promptement à la
putréfaction. Auffi les fubftances végétales , qui
contiennent de l'azote , préfentent-elles abfolu-
ment les mêmes caraftèies., telles font le glutineux,
la fécule verte , les femences cornées/
J'ai déjà raffemblé dans un chapitre particulier
de la troifième partie de mes Élémens de chimie
, les points les plus évidens des analogies de
nature 8c de compofition que préfentent les végétaux
& les minéraux. C'eft pour ajouter un
trait de plus à ces analogies, que- j'expoferai ici
unè fuite de faits fur la préfenee de la matière
albumineufe , ou de véritable albumine-, dans
les végétaux. Je rappellerai d'abord ici les caractères
chimiques de l'albumine animale. Une
confiftance fouvent épâiffe 8c filante , la faveur
fade , la difiolution dans l'eau froide , la concref-
cibilicé par la chaleur , la diffolubilité par les
alcalis , & fur-tout par l'ammoniaque, fe féparer
de tous les liquides où elle eft diffoute par la température
de quarante-huit degrés, & à plus forte
raifon à celle de l'eau bouillante , paffer à la putréfaction
fans acidité 5 telles font les propriétés
qui caraCtérifent l'albumine. Les premières obfer-
vations qui m'ont fait foupçonner , & bientôt
reconnoître fa préfenee dans les végétaux, font
relatives aux phénomènes de la défécation de
leurs fucs exprimés. On fait que pour déféquer
les fucs de cochléaria , de creffon , de raifort ƒ
8c de toutes les plantes antifeorbutiques , . on
plonge la bouteille qui les contient dans un bain--
marie 3 bientôt la fécule verte qui en troubloit-
la tranfparence , fe prend en petits flocons durs
& prefqu'arrondis, qui viennent nager à la fur-
face du liquide , & fe féparent ■ très - aifément
par la filtration. Il eft aifé de concevoir que fans
la propriété de fe coaguler par la chaleur , propriété
qui appartient exclufivement à falbu-
mine , cette défécation ne s'opéreroit pas par
la feule aCtion du bain-marie 3 mais ce premier,
apperçu devoit être confirmé par des expériences
plus direCles.' La matière coagulée dans les fucs
par le procédé indiqué , ne pouvoit pas être con-
fidérée comme de l'albuiTïine pure5, puifqu'elle eft:
très-colorée , & entraîne avec elle la partie verte
des fucs. Je fuis parvenu à. féparer ces deux
fubftances , & à obtenir l'albumine végétale pure-
à l'aide du procédé fuivant. J'ai pris deux, livres
de fuc de creffon jeune , je l'ai filtré à froid , 8>c
immédiatement après l'avoir exprimé à travers
un iîmple papier jf. j'ai eu par ce moyen la fécule;
verte la plus groffière , Se le fuc a paffé clair 8c
encore d'un beau vert. Je l'ai expoféT L'air dans
un vafe très-plat ; le thermomètre marquoit.ee
jour-là vingt-trois degrés ; en deux heures le fuc
s'eft troublé & a changé de couleur, on y voyoit
flotter une fécule , & le fuc n'étoit plus alors,
que d'un vert-pâle. 11 a été plongé en cet état
dans un bain-marie d'eau bouillante 3 après quel-*
qnes minutes , il s'eft troublé par la .féparation 8c la coagulation d'une grande quantité de petits
grumeaux blanchâtres. Une fécondé partie de ce
fuc iaiffée à l'a ir, a préfenté , au bout de deux
jours,, des flocons gris de la mêjne matière.,:
enfin , f acide fulfurique a féparé d une troifieme
portion de ce fuc décoloré , des grumeaux affez
fol ides de la même matière. Cette fubftance coagulée
, bien féparée 8c lavée à l’eau diftillée
froide , a préfenté toutes les propriétés de ,1'al-
® bumine animale. Les' alcalis l'ont facilement 8c
promptement diffoute 3 l'eau bouillante ne, l a
point altérée, 8c lui a , au contraire , donné plus
de folidité elle m'a même offert une des propriétés
de la véritable albumine animale , que
je ne m'attendois pas à y trouver ; c'eft la couleur
verte qu'elle a fait prendre aux teintures
végétales, 8c fpécialement à celle de mauve. J'ai
diftillé deux gros de cette fubftance coagulée ,
féparée du jus de creffon ; elle a fourni une quantité
affez notable d'ammoniaque. Laiffée avec un
peu d'eau au contaét de l'air chaud , elle s'y eft
gonflée , elle a bientôt exhalé une odeur ammoniacale
très-fétide, 8c a donné tous les lignes de
la putréfaction la plus forte. On fait, d'après ce
phénomène,, pourquoi les Lues des plantes cru-
.cifères fe corrompent fi . promptement, & l'on
connoît la fourçe de l'ôdeur infeéte qu'ils répandent
en fe gâtant. On a fait fécher une portion
de cette. fubftance albumineufe retirée du
fuc de creffon, en l'expofant à,l'air fec 8c chaud,
après l’avoir bien égouttée dans du papier 5 elle a
pris de la ductilité & de la- tranfparence , comme
une efpèce de colle-forte.
Les fucs de chou & de cochléaria m'ont donné,
parla chaleur, un coagulum albumineux, parfaitement
femblable à cëlui du creffon. .
La racine de patience préfente , à l’égard de
l'albumine qu'elle contient , un fait très-remarquable.
On corThoît en pharmacie., l'extrait brun-
Toûgeâtre , que fournit affez abondamment la
racine de patience dans l'état parfait. Ayant eu
; une fois des racines de cette plante très - jeune
pour en préparer l'extrait, je les trouvai remplies
-d'une fi grande quantité de fuc , que je les fis réduire
en pulpe & exprimer 3 le fuc exprimé étoit
| prefque fans couleur , il n’avoit. peint de faveur
amère ; en le foumettant à l’évaporation, on n en
obtint pas un atome d’extrait ; mais au lieu de
ce principe, il s’en fépara une grande quantité de
flocons blancs , concrets , femblables à ceux
du fromage qu’on extrait du petit-lait pendant
fa clarification 3 une partie de cette matière concrète
fe précipita au fond de la liqueur 5 une
autre portion s'éleva en une .écume confidérable
à la furface du fuc , qui prit en même^temps ,
par les progrès de l'évaporation, la confiftance
mucilagineufe : ces flocons bien lavés , m'offrirent
toutes les propriétés de l’albumine.
Une autre circonftance dans laquelle on obferve
facilement cette matière dans les végétaux, c'eft
l'analyfe de l'eau du lavage de la farine de.froment.
On fait que pour extraire la matière glu-
tineufe, on lave % pâte avec une grande quantité
d'eau que l'on fait tomber eu filet 5 ce li-
Çhintie. Tome II.
quide entraîne avec lui la fubftance amilacée , 8c laiffe le glutineux dans la main de l'opérateur ,
ou fur le tamis qui fert à l'expérience faite plus en
grand 3 l’eau s'éclaircit .à mefure que l'amidon
s'en précipite. Lorfque l'eau eft bien claire, 8c
filtrée à travers un papier jofeph, fi on l'a fait
-bouillir , il s'en fépare des flocons blancs d’une
matière concrète qui fe dépofent au fond dut
vafe, 8c qui forment auffi une écume à la fur-
face de la liqueur. Ces flocons blancs, recueillis
avec foin & bien lavés., ont préfenté toutes les
propriétés de la matière albumineufe : ainfi ,
voila deux fubftances animalës contenues dans le
froment 5 l'une, le glutineux analogue à la partie
fibreufe des mufelés des animaux 3 l'autre , femblable
à l'albumine , qui exifte en fi grande proportion
dans les liquides animaux.
Cette matière que nous avons indiquée déjà
dans un affez grand nombre de végétaux , mais
dont nous avons trouvé des traces dans un beaucoup
plus grand nombre d'autres , exifte en
général dans toutes les plantes vertes , & dans
toutes les parties molles 8c fucculentes 3 il pa-
roît qu'elle Le condenfe , s'épaiffit par le travail
de la-végétation , 8c qu’elle contribue à la formation
de leurs parties fol ides. En effet, j'en ai
obtenu des quantités notables des bois jeunes ,
. des tiges’’vertes 3 mais le bois fec n'en dopne plus
fenfiblement, parce que cette matière y a pris
la confiftance folide. C'eft fans doute à fon exif-
tence qu'eft due l'odeur putride 8c manifefte-
ment ammoniacale que prend l'eau dans laquelle
on' a laiffé infufer un bois quelconque 3 je fuis
d’autant plus porté à le croire , que je fuis sûr,
d’après mes expériences , que le bois flotté ne
donne pas autant d’ammoniaque à la cornue que
le bois neuf.
En recherchant la matière albumineufe dans
tous les végétaux que j’ai eu occafion d’analyfer
depuis la première découverte , j’ai reconnu que
toutes les fubftances végétales acides, 8c en particulier
les fruits , ne contiennent pas un atome
d’albumen, 8c qu’on y trouve au contraire conf-
tamment de la gelée : tels font les fucs d’orangé ,
de citron & de grofeille , qui donnent une grande
quantité de matière gélatineufe , 8c dans lesquels
on ne trouve pas de trace de fubftance albumineufe
: d?un autre côté , j’ai vu fouvent l'albumine
du fang former avec les acides nitrique
muriatique & acçteux , une elpèce de gelée Lo-
luble dans l'eau , fufible par la chaleur , 8c coagulable
par le réfroidiffement, Il feroit donc pof-
fible que l'albumine-qui exifte dans toutes les
fubftances végétales jeunes 8c dépourvues d’acide
, fe convertît par la combinaifon avec les
acides , & à mefure que ceux-ci fe forment par
les progrès de l’âge 8c de la végétation, en fubftance
gélatineufe.
M. Thouvenel a déjà préfenté des idées analogues
fur la gelée 4es matières animales $ ne
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