
R É S U L T A T S
1)ES D E U X A N J L Y S ES COMP AR É E S , E T LEUR
A P P L I C A T I O N A L A M É D E C I NE ,
Le premier & le plus frappant réfultat de cette
analyfe,, c'eft la différence qu'elle offre entre ce
qu'on a dit déjà des principes du quinquina & ce
que^nous avons trouvé 5 le fécond confifte dans la
différence des deux quinquinas de Saint-Domingue
& du Pérou ; le troifième eft relatif à l'utilité qui
peut réfulter de tout ce travail pour la pratique de
îa médecine. Parcourons ces trois points que nous
regardons comme la bafe de nos recherches , &
faifons voir tout ce qu'ils promettent pour les avantages
& le perfedionnement de l'art de guérir,
relativement à la cônnoiffance exade de la vertu
tnédicamenteufe en général.
Depuis le tiers du fiècle dernier que l'on a commence
à connoître le quinquina en Europe, juf-
qii'au commencement du nôtre, on s'elt contenté
d obferver les effets principaux de ce précieux re-
mede, fans s'occuper de fa nature & de fes propriétés
chimiques. On connoît les premiers elfais
en ce genre de Geoffroi & Neumann; ils fe bor-
noient à diftiller les fub'ftances végétales, & à en
tirer, par l'eau & l'alcool, des teintures & des
extraits dont la nature n'étoit pas même indiquée ;
la proportion de ces principes varia bientôt entre
les mains des différens chimiftes, parce que les
d°fes des diffolvans, le manuel des opérations, &c.
i f étoient pas fixés. Cartheufer, qui cherchaà mettre
plus de précifion dans l'analyfe des médicamens,
s'eft contenté d'indiquer ici le rapport de ce qu'il
appelloit la partie réfineufe & la partie gommeufe
du quinquina, & fur-tout la liaifon & la cohérence
de ces deux principes, qui faifoit qu'on ne
pouvoit guère, fuivantlui, obtenir l'un fans l'autre,
il rapporte la différence de fon analyfe a.vec celle
de Boehmer & de Neumann, à la nature diverfe
du quinquina & la manière .d'opérer, lien conclut
qu'il y a plus de matière gommeufe que de réfineufe
dans le quinquina. La Garaye, avec quelques
idées nouvelles fur la manière d'extraire par l'eau
les principes adifs du quinquina, & fa nouvelle
•méthode de préparer le prétendu fel ejfentiel du
quinquina, ne fit rien de plus exad fur la véritable
analyfe de cette écorce que fur les autres médicamens.
Rouelle, qui connut toute l'inexaditude des
travaux faits jufqu'à lui fur l'analyfe végétale, ef-
faya de répandre quelques clartés fur la nature &
la différence des extraits, & rangea celui de quinquina
fous le titre des extraits favoneux. Poulletier
a donné , dans le fécond volume de îa pharmacopée
de Londres, de bonnes obfervations fur les différens
extraits de quinquina préparés par l'eau froide,
l'eau chaude, la dëcodiqn longue ; il a décrit les
propriétés de ces extraits, leurs proportions, leur
laveur diftindive 5 il a vu la matière rouge dont
nous avons parlé, une portion de la réfine jaune 1
formes par une longue décodion ; il a infiffé fur la
précipitation d'une matière qu'il croyoit une ré-
fine par le réfroidiffement de la décodion 5 il a
confidere auflî la matière rouge comme une forte
de terre ; enfin d a fait quelques expériences fur le
refidu du quinquina épuifé par l'eau & l'alcool,
r u l t0US oeS t.ravaux > au^ exads qu'il étoit pof-
lible de les faire alors, il conclut fimplemènt que
le quinquina étoit formé de parties terreufes, de
gommeufes & de réfineufes. M. Baumé, en décrivant
dans fa pharmacie plufieurs phénomènes
de la decodion du quinquina, a diftingué la ma-
tiere brune & rouge qu'il a regardée comme une
refine dans deux états & décompofée, dont l'une
en poudre rouge n'étoit plus foluble dans l'alcool.
Enfin on s etoit toujours contenté de regarder les
principes du quinquina comme extradif, réfineux
& terreux, & de comparer entr'elles les préparations
de cette écorce feulement par la proportion
diverfe des uns & des autres de ces principes.
En portant la précifion & l'exaditude de la chimie
moderne dans ce travail, & fur-tout à l'aide
des inftrumens nouveaux que l'art poflede, nous
avons fait voir que l'eau enlevoit au quinquina en
général quelques matières falines en petite quantité
, un peu de mucilage gommeux & une ftibf-
tance brune ou rouge foncé, qu'on ne peut comparer
qu au réfino-extradif de Rouelle, mais dont
les propriétés font très-différentes de celles qu'on
a attribuées jufqu'ici à toutes les efpèces d’extraits
quelconques. Nous avons fur-tout fair voir i°.
que, fufceptible de beaucoup de modifications,
cette fubftance fe préfente fous des formes différentes
fuivant la proportion cToxigène qu'elle contient
, ^ & cela depuis la nature apparente d'une
forte d'extrado - réfineux jufqu'à l'état d'une réfine
pure5 20. que ces modifications, dues prefque
toujours au contad de l'air plus ou moins grand,
plus ou moins long, doivent donner beaucoup de
différence aux qualités des infufions, des décoctions
& des extraits qu'on y préparé, fuivant la
forme des vaiffeaux, la quantité d'eau & le temps
de 1 opération, & que telle eft la vr^ie différence
des variétés de produits obtenus par les différens
auteurs ; y', que cette matière qui n'eft ni un extrait
proprement dit, ni un mélange de gomme &
de réfine, comme on l'a cru, mais une fubftance
particulière abforbant par-tout & toujours l'oxi-
gène, fe colorant , devenant infoluble dans l'eau
par cette abforption, finit îorfque celle-ci eft à
fen terme, par devenir une véritable réfine ;
40. que t eft elle qui eft la plus abondante des
matières que l'eau enlève au quinquina, que c'eft
elle qui fe précipite des décodions, tantôt en
une malfe filante & dudile (c'eft fon premier
état dans lequel elle a le plus de faveur amère &
fans doute de vertus ) , tantôt fous la forme d'une
poudre d'un beau brun marron ou pourpré, infoluble
dans l'eau & l'alcool, & perdant alors toute
apparence d'extrait ; c’eft alors la terre légère que
Poulletier yavoitobfervée, & queM. Baumé adé-
fignée comme réfîne décompofée $5°. enfin quelle
prend, quoique rarement par la feule décodion
long-temps continuée, & la feule expofition à
l'air, la forme d'une poudre jaune, infipide, fu-
fible au feu, réfineufe.
Nous avons prouvé que le réfidu du quinquina,
épuifé par les plus longues décodions, n'eft point
du tout une terre, mais une matière végétale particulière,
formée de charbon, de la bafe du gaz
hydrogène, d'azote & d'une foible portion d'oxi-
gene, & qu’en ajoutant à cette dernière, par le
moyen de l'acide nitrique que cette bafe ligneufe
ou folide végétale décompofe, on convertit ce
réfidu en acides végétaux, femblables à ceux qui
fe trouvent tout formés dans l'ofeille, dans les
pommes, dans le fuc de citron, &e. Voilà ce que
les moyens fournis par l'analyfe nous ont fait connoître
fur la nature des principes immédiats du
quinquina. 11 ne nous refteroit plus qu’à connoître
les proportions des principes primitifs de chacun
des matériaux de cette écorce. On fait bien que ■
l'hydrogène, le carbone, l oxigène •& l'azote, i
font prefque les feuls principes primitifs qui forment
par leur union intime toutes les variétés
poffbles de ce que l'on appelle les principes immédiats
des végétaux , diftingués par les noms
d'extraits, dégommé, de mucilage, de gluten,
d'huile, de fels effentiels, de matière colorante,
&c. On.a bien entrevu que chacun de ces corps
conftituant immédiatement les végétaux, contient
des proportions différentes des principes primitifs,
& que ce n'eft que par ces proportions;
qu'ils varient entr’eux, mais on n'a point déterminé
la diverfité de ces proportions ; c eft-là le
complément de l'analyfe végétale} c'eft à cela
que doivent tendre les recherches des modernes.
Les moyens pour y parvenir ne feront peut-être
trouvés que par nos fucceffeurs 5 heureufement
que ces découvertes ne font pas d'une indifpen-
fable tiéceflité pour les progrès des fciences auxquelles
la chimie eft liée, & fpécialement pour
ceux de la médecine; une connoiffance exade des
matériaux immédiats, de leur rapport, de leurs
proportions, de leurs propriétés diverfes, fuffit à
cette dernière.
Quant à la comparaifon des deux efpèces de
quinquina que nous avons examinées, elle ne
préfente pas des réfultats moins fingulievs que
1 analyfe générale dont nous venons de parler.
La différence de ces deux écorces paroît au premier
coup-d'oeil être, pour-ainfi-dire, auffi grande
qu'elle peut l'être ; en effet, i° . celui de Saint-
Domingue a perdu la moitié de fon poids par l'eau
bouillante, & celui du Pérou n'a perdu qu'un
peu plus d'un feizième; 20. le premier, une fois
épuifé par l'eau bouillante, n'a plus rien fourni
par l'alcool 5 le fécond a donné par ce diffolvant
Prefqu'autant de principes que par l'eau} j 9. i’écorce
de Saint-Domingue a préfenté un feizième
de fon poids de mucilage gommeux; celle du Pérou
n'en a prefque pas montré de traces ; 4°. on
a extrait un. cinquième de plus de fels diffolubles
du premier que du fécond; y9. le quinquina du
Pérou a donné dans fa décodion du muriate
ammoniacal & du muriate calcaire ; il n’y avoit
point de ces feis dans le quinquina de Saint-Domingue
; 6 °. celui-ci contenoit plus du double de
craiè que celui du Pérou, & de plus un peu de
phofphate calcaire qu'on n’a point trouvé dans le
quinquina du Pérou; 79. celui du Pérou a fourni
des traces de magnéfîe, & celui de Saint-Domingue
n’en a point offert ; 8°. enfin le réfidu du
quinquina de nos colonies, épuifé par l’eau & l’alcool,
pefoit moins de îa moitié & 11'avoit aucune
faveur, tandis que le réfidu du quinquina du Pérou,
épuifé par l'eau & par l'alcool, contenoit
les j de fa maffe & confervoit une légère faveur
aftringente qu’il a été impoffible de lui enlever
entièrement. Au milieu de toutes ces différences ,
celle qui nous frappe le plus & fur laquelle il
nous paroît le plus important d'infifter, c’eft la
proportion générale de la matière diffoluble avec
îa fubftance. indiflbluble dans l’une & l'autre
écorce, ainfi eue la différence des propriétés de
la matière diffoluble dans l'une & l’autre. Toutes
nos expériences prouvent que la fubftance foluble,
nommée jùfqu'ici extradive par les chimiftes, eft
huit fois moins abondante dans le quinquina du
Pérou que dans celui de Saint-Domingue; îa dé-
coébion du premier fe décompofe prefqu’entière-
ment par le réfroidiffement, & laiiïe dépofer pref-
cue tout ce quelle contient; celle du fécond con=
ferve une grande partie de fes principes & ne les
dépofe que par l'évaporation. Ainfi non-feulement:
la matière extradlive du quinquina du Pér^u eft
moins abondante, elle eft encore moins diffoluble
que celle du quinquina de Saint-Domingue ; la
première^ fe dépofe promptement par le réfroidiffement
& fous la forme de pouffière ou de
flocons d'une couleur marron, fa faveur eft auffi
aftringente qu'amère; la plus grande partie de la
fécondé le dépofe en matière épaiffe, filante 8r
poiffeufe, fa faveur eft beaucoup plus amère qu'af-
tringente. Si on fait bouillir pendant quelque
temps & fi on expofe long-temps à l'air la dé-
Lco&ion du quinquina du Pérou, elle perd beau-
1 coup de fes principes, & fon dépôt perd en même-
I temps la plus grande partie de fa faveur. Dans le
quinquina de Saint- Domingue , la décoélion,
quoique prolongée , retient fes principes longtemps
, & ce qui fe précipite conferve, pendant
un ternie beaucoup plus long, fa faveur & fes
propriétés ; mais ce que nos expériences nous orft
appris de plus remarquable à cet égard, c'eft
qu'en combinant l'oxigène au produit de fa décodion
du quinquina de Saint-Domingue, on lui
enlève fa laveur amère & on le rapproche, foit
par fa couleur, foit par fon indiffolubilité ^ foi?