
qùi ruinent ordinairement la fanté 8c la fortune,
avant que rien ait fait concevoir le moindre elpoir
de fuccès. Voilà des raifons bien capables d’engager
les hommes fages à ne point fe livrer à des
circulations , à des recherches qui n’ont aucune ba-
fe , 8c qui ne préfentent aucun motif d’efperance.
11 ell d’ ailleurs très-vrai de dire que fi jamais la
chimie conduit, par fes découvertes 8c fes progrès
, à trouver la nature & les principes des métaux
, fi elle arrive conféquemment à faire concevoir
la poflibilité de fabriquer de l’o r , ce ne
fera jamais qu’un fait fimple de plus 5 & du moment
que cette découverte feroit dans l’ordre de
celles qu’on pourroit faire en raifon de l’avancement
de la fcience, elle feroit bientôt la poffef-
fion d’un grand nombre d’hommes , 8c perdrôit
bientôt la plupart de fes avantages, par la grande
quantité d’or qu’elle verferoit tout-a-coup dans
le commerce : il n’y a fans doute que des têtes
foibles qui peuvent être féduites par le myftère
des ouvrages alchimiques 8c par la néceflité de
ce myftère, pour conferver tout le prix de la pierre
philofophale ; il faut renoncer à l’efpoir de perfuader
de pareils hommes; mais on doit repréfenter.à
Ceux qui font capables de quelques réflexions , que
c’eft avec cet appareil myftérieux qu’on a leduit
les crédules , que c’eft fous ce voile qu’on leur a
Vendu de prétendus fecrets, 8c que la fraude
veille fans ceffe autour d’eux pour les tromper.
A u refte, on offrira une fuite de vérités 8c de
raifonnemens fur la même queftion aux articles
M étaux , Mé ta llisation , T ransmutation
3 qu’ on doit lire après celui-ci.
ALCHIMILLE , ou Pied de Ly o n , (Pkarm.)
Alchemilla v idg ans, LiNN. Genre de plante de la
famille des pimprenelles, qui croit naturellement
dans plufieurs endroits de l’Europe , & fur-tout
dans les vallons 8c les prés montagneux ; cette
plante, que l’on trouve infcrité dans la claffe des
fubftances officinales, étoit fort recommandée par
les anciens , comme aftringente , déterfive 8c
vulnéraire.
Les racines font groffes , ligneufes, chevelues,
noirâtres à l’extérieur , blanchâtres intérieurement
; fraîches , elles ont un goût ftyptique,
acerbe, une odeur défagréable, qui approche de
celle de l’ urine de chat, 8c qui fe perd -par la
déification; les feuilles fraîches ont une odeur foi-
b le , un faveur herbacée ; leur décodion , dans
l’eau , donne une liqueur jaunâtre , légèrement
amère , fans odeur, 8c qui noircit par l’addition
d’une folution de fulfate de fer.
Les anciens employoient principalement les
feuilles de cette plante. Ils en tiroient, parladif-
tillation, une eau qu’ils faifoient entrer dans les
potions aftringentes & vulnéraires ; ils en prépa-
roient des infufions , des décodions , qu’ils rer
commandoient contre la dyfenterie, la diarrhée , ,
les flux utérins , les crachemens de fang, les ulcérations
internes •. ils fe fervoient suffi de cette
déçodion en clyftères, 8c pour faire des lotions
aux ulcères ; ils tiroient le fuc des feuilles fraîches,
8c le faifoient entrer dans des potions,
des ônguens, des emplâtres ; enfin, ils- donnoient
la poudre des feuilles, 8c ils en préparoient des
cataplafmes, dont ilsyantoientl’efficacité, comme
un moyen propre à guérir radicalement les hernies.
Quoique cette plante ne foit pas fans vertu,
puifque le principe aftringent y elt trèsTénfible ,
cependant, comme nous en avons tant d’autres ,
dans lefquelles on trouve le même principe en
plus grande quantité combiné avec T arôme ou
avec quelqu’autre fubftance qui ajoute à Ton énergie
, cette plante eft-très-peu employée dans nos
pharmacies ; elle entre feulement dans la Com-
pofition dé’quelques efpèces vulnéraires, & foh
fuc eft preferit dans la préparation de l’emplâtré
8c du baume opodeldoch. On recueille' cette plante
en juillet, & il faut la renouveller tous les ans.
ALCHIMISTE. Celui qui travaille à l’alchimie.
V o y e% Alchimie. Qüelques anciens auteurs
fe font fervis du mot x?oiroçro4^T^ — 3 qui
fignifiefaifeur d’or, pour dire alchimifté ; & de
Xpvo-oTrotqTtxq — Part de faire de l’or , en parlant
de Y'alckimie. On lit dans d’autres livres grecs,
Troitjrqs — ficlor , faifeur alchimifté , qui fignifie
aufli auteur de vers, poëte. En' effet, la chimie 8c
la poéfie ont quelque conformité entr’elles. M.
Diderot dit, page 8 du profpeétus du dictionnaire
encyclopédique1, la chimie eft imitatrice 8c rivale;
de la-nature ; fon objet eft prefqu’auffi étendu que
celui de la nature même : cette partie delà phyfiqùe
eft entre les autres , ce que la poéfie'eft entre les
autres genres de littérature ; ou elle décompofe les
êtres, ou elle les revivifie, ou elle les transforme,
&c.
On doit diftinguer les alchimiftes en vrais, 8c
en faux ou fous. Les alchimiftes vrais font ceux
qui, après avoir travaillé à la chimie ordinaire en.
phyficiens, pouffent plus loin leurs recherches ,
en travaillant par principes 8c méthodiquement
à des combinaifons curieufes 8c utiles, par lefquelles
on imite les ouvrages de la nature, ou
qui les rendent plus propres à l’ ufage des hommes ,
foit en leur donnant une perfection particulière ,
foit en y ajoutant des agrémens qui, quoique
artificiels, font dans certains cas plus beaux que
ceux qui viennent de la fimple nature dénuée de
tout art, pourvu que ces agrémens artificiels
foient fondés fur la nature même, & l’imitent
dans fon beau.
Ceu x , au contraire, qui, fans favoir bien la
chimie ordinaire, ou qui même fans en avoir de
teinture, fe jettent dans l’alchimie fans méthode
8c fans principes , ne lifant que des livres énigmatiques
, qu’ils eftiment d’autant plus qu’ils les
comprennent moins, font de faux alchimiftes qui
perdent leur temps & leur bien , parce que,
travaillant fans conuoiffance , ils ne trouvent point
'c e qu’ils cherchent, 8c font plus de dépenfes que
s’ils étoientinftruits, parce qu’ ils emploient fouvent
des chofes inutiles, qu’ils ne favent pas fauver
certaines matières qu’on peut retirer des operations
manquées.
10 ailleurs ils ont pour les charlatans autant de
goût que pour les livres énigmatiques : ils ne fe
foucient pas *d’un bon livre qui parle clairement,
mais ne flatte point leur cupidité , comme font
les livres énigmatiques auquels on ne comprend
rien, 8c auxquels les gens entêtés du fabuleux ou
du moins du myftérieux , donnent le fens qu’ils
veulent y trouver, & qui eft plus fuivant leur
imagination. Aufli ces faux alchimiftes s’ennuieront
aux difeours d’un homme inftruit de cette fcience,
qui la dévoile, 8c qui réduit fes opérations à
leur jufte valeur : ils écouteront plus volontiers
des. hommes à fecrets aufli ignorans qu’eux, mais
qui font profeflion d’exciter leur curiofité. Il faut
dans toutes chofes, 8c fur-tout dans celles de
cette nature , éviter les extrémités : on doit éviter
également d’être fuperftitieux ou incrédule. Dire
que l’alchimie n’eft qu’une fcience de vifîon-
nafre, 8c que tous les alchimiftes font des fous
ou des impoüeurs, c’eft porter un jugement im-
jufte d’une fcience réelle à laquelle des gens
fenfés & de probité peuvent s’appliquer ; mais
aufli il faut fe garantir d’une efpèce de fanatifme
dont font particulièrement fufceptibles ceux qui
s’y livrent fans difeernement, fans confeil, fans
eonnoiffances préliminaires, en un mot, fans principes.
Or les principes des fciences font des
chofes connues ; on y doit paffer du connu à;
l’inconnu ; fi en alchimie , comme dans les autres :
fciences , on paffe du connu à l’inconnu, on >
pourra en tirer autant & plus d’utilitéque de certaines
autres fciences ordinaires, (anc. Engyclop.) 1
11 eft fingulier que l’auteur de cet article dans
l’ancienne encyclopédie, n’ait pas défini avec :
plus de clarté le mot alchimiste. On diroit qu’il 1
a craint également 8c d’en parler comme de
fimples chercheurs de la pierre philofophale , &
de les louer de cette recherche. Il femble d’un
côté adopter fans réflexions toutes les prétentions
des alchimiftes, fur les opérations les plus difficiles
8c les moins connues ; 8c de l’autre, oublier
que le but principal de ces hommes eft la découverte
de la pierre philofophale. En un mot,
fous le prétexte très - apparent de l’auteur, de
confondre les chimiftes avec les alchimiftes, il a
fait un article obfcur, malgré fa diftin&ion des
alchimiftes en vrais & en faux. Pour fuppléer à
ce qui peut y manquer , ou pour éclaircir ce qui
peut y être répandu de douteux , il faut (avoir ;
j ° . que le mot alchimifté eft depuis long-temps
copferve pour défigner les chercheurs de pierre
philofophale ; 2.0. que ces hommes diffèrent entiè-
ment des chimiftes qu’ils méprifent affez communément
; fuivant eux , parce que leur fcience eft
placée à une hauteur bien plus grande que la
chimie ; fuivant les phyficiens , parce qu’il n'exifte
pas une véritable fcience dans l’alchimie, 8c
parce qu’ils ne font point guidés par des principes
certains ; 30. que-Ies vrais alchimiftes ne font pas
feulement ceux qu’on affure avoir réufli à la
pierre philofophale ; car on ne connoît pas de
fuccès bien avérés fur ce point, mais ceux qui
perfuadés que cette opération peut réuflir, 8c
féduits par l’efpérance au fuccès, paffent fouvent
leur vie dans des travaux pénibles 8c ruineux ;
40. que le nombre de ces hommes laborieux 8c
malheureux diminue tous les. jours à mefure que
les lumières de la phyfiqùe 8c de la chimie fe
répandent ; y °. qu’il n’y a pas de livres ni d’études
connus qui puiffent former des alchimiftes , 8c
qu’on ne connoît pas de principes dans l’art prétendu
qu’ils exercent; que les faux alchimiftes
font encore - en affez grand nombre dans les
grandes villes, qu’ils y trouvent encore des
dupes qui croient à leurs fecrets, qu’ils les fé-
duifent 8c les entraînent dans des dépenfes rui-
neufes 5 7°. que rien n’eft plus ordinaire que de
voir de ces hommes qui vantent leur fcience 8c
leurs opérations, 8c qui femblent avoir à leur
difpofition des tféfors inépuifables , vous demander
des fecours d’argent, 8c fe réduire même
aux plus minces prétentions quand ils ne peuvent
rien obtenir de plus ; 8°. que depuis plus d’un
fiècle on èft généralement convenu de regarder
les alchimiftes de bonne-foi comme des hommes
à plaindre , qui méritent la compafiion de leurs
femblables , par la foibleffe d’efprit qui dirige
leur conduite, comme des efpèces de fous ou
d’infenfés d’autant plus malheureux, que l’expérience
prouve que leur genre de démence eft
peu curable, à caufe de l’opinion où ils font que
leurs penfées font bien au-deffus de celles d*
commun des hommes ; 9?. que cette opinion ,
lorfquelle eft accompagnée de probité 8c fuivie
d’un travail opiniâtre comme elle l’eft chez les
vrais alchimiftes, annonce une efpèce de mélanr-
colie dont ces hommes portent en effet tous les
cara&ères dans leurs traits , leurs geftes, leurs
difeours 8c toute leur conduite ; ils habitent des
quartiers peu fréquentés , fuient en quelque forte
la compagnie des autres hommes, relient preff-
que toujours feuls 8c enfermés dans leur chamr
bre ou leur laboratoire , ne parlent que par mo-
nofyllabes, fouvent d’un ftyle énigmatique 8c
figuré , paroifiènt toujours occupés de réflexions
profondes , foignent peu leur extérieur, 8c quelquefois
même fe vêtiffent d’une manière fin-
gulière ; io \ enfin, qu’il n’y a nulle efpèce de
rapport depuis long-temps entre les alchimiftes
8c les chimiftes ; ces derniers font guidés dans
leurs opérations par des eonnoiffances préliminaires
plus ou moins étendues, par des principes
certains ; les alchimiftes, au contraire , fuivent
des routes dont ils ne connoiffent ni le comnaen-
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