
eft oxide, & plus il lui faut de foufre pour être
faturé.
D ’après ces données Bergman effaie de trouver
la caufe pour laquelle certains médicamens antimoniaux
ont plus d’énergie que d’autres, qui
femblent au premier coup-d’oeil n’en différer que
très-légèrement. Si l’on précipite, dit-il, à plufieurs
reprifes une diffolution métallique par le
même précipitant, les molécules féparées les
premières feront très-énergiques, enfui te un peu j
moins fortes & enfin d’autant plus inertes que i
le nombre des précipitations fera plus grand. C e J
font fans doute des phénomènes dignes d’ad- j
miration, cependant ils ont leurs analogues. En
effet, pour que les métaux s’uniffent aux acides
il faut néceffairement qu’ils abforbent une portion
d’oxigène 5 mais fi la proportion de ce principe
excède certaines limites, l’attra&ion du métal
pour les acides diminue & finit même quelquefois
par fe détruire entièrement. Alors les molécules
métalliques fe précipitent j & c’eft ce
qu’on remarque fur-tout pour l’étain , l’antimoine
& le fer. On fait qu’une diffolution de fulfate
de fer très-limpide expofée à l’air libre, laiffe
dépofer fpontanément à la longue des molécules
de fer à. qui l’air a fourni une portion d’oxigène
de plus.
De même fi l’on verfe une diffolution de po-
taffe dans une diffolution qui a été ainfi expofée
à l’air, & dont quelques - unes des molécules
foient encore dans leur état primitif, les autres
plus chargées d’oxigène qu’il eft néceffaire pour
que B attraction entre elles & l’acide foit la plus
forte poffible, on verra d’abord celles-ci fe précipiter
avec la couleur de l’ochre, & enfuite fous
une couleur verte celles qui font moins chargées
d’oxigène. La diffolution de l’antimoine dans le
fulfure de potaffe, dit l’auteur, paroît fq comporter
comme celle de fer dans l’acide fulfurique ;
les portions les plus oxidées fe précipitent les
premières & ainfi de fuite ; mais l'oxidation pouffée
jufqu’à un certain point augmente, comme nous
avons dit, la vertu de ces précipités ; donc les
précipités font d’autant plus doux qu’il? ont lieu
plus tard.
Une leffive cauftique bouillante tenant en diffolution
tout le foufre dqré qu’elle eft fufcep-
tible de diffoudre à ce dégré de chaleur, en
abandonne une certaine quantité en réfroidiflant ;
d’après les principes que nous avons établis plus
haut, dit l’auteur, la portion du foufre doré
qui fe précipite fpontanément doit être plus-doqqe
que celle qui relie en diffolution dans la liqueur
léfroidie. 11 eft aifé de voir ici dans Bergman une oppo-
fition de principes, entre cette conclufion exaéte
& ce qui précède j en effet, il jpofe d’abord pour
principe que celles des molécules métalliques
diffoutes dan? un acide qui font le plus oxidées
fe réparent les premières. 11 dit enfuite que cette j
oxidation augmente leur vertu , & cependant
il conclut que la portion du foufre doré qui fe
précipite la première eft la plus douce; elle
devroit, au contraire r , être la plus aélive, fi
c’eft en raifon d’un excès d’oxigene qu’elle fe
précipite la première ; je ne ferois pas éloigné
de croire qu’ il y eut là une faute d’mipreffion,
car la contradiction eft trop marquée pour être
de Bergman.
Les effets violens que produifent ces prépa-.
rations étant dues à la prëfenc'e del’oxigène, fe
trouvent en partie adoucis par une plus grande
quantité , de foufre qui partage leur oxigène &
le divife entre une plus grande quantité de molécules,
d’où il réfuite que leur véritable efficacité
gît dans le terme moyen entre l’état métallique
& celui de l’oxidation parfaite.
Bergman finit cette differtation par donner
quelques préceptes' fur la manière de préparer
le verre d’antimoine > le kermès. Un procédé
très-facile pour faire le verre d’antimoine eft de
fondre enfemble l’oxide blanc de ce métal par le
nitrate^ & le foufre comme dans l’expérience ÏX .
Parce moyen on s’épargne l’ennui d’une longue
oxidation, & on a l’avantage d’avoir un oxide
fulfuré vitreux, toujours fembiable. à lui-même,
& dont l’ufage en médecine eft beaucoup plus
fur que celui du commerce.
Le carbonate de potaffe n’a point d’aétion à
froid fur le foufre ; mais Iorfqu’il bout fur du
fulfure d’antimoine, il devient en quelque forte
cauftique, &. l'attaque. La chaleur de l ebullition
de l’eau h eft pas capable'dé' ieparer l’acide carbonique
de la potaffe, mais la préfence du foufre
pour lequel cet alcali a beaucoup d’attraélion ,
favori fe cette féparation ; l’aélion de la potaffe
dans cet état, fur le fulfure d’antimoine, eft à
la vérité beaucoup plus lente.
Le procédé que Bergman a donné pour faire
le kermès (expérience X X V I ) , lui fémble de
beaucoup préférable à celui par la voie humide,
tant à caufe de la moindre dépenfe, que du
temps moins long & du travail moins pénible.
Il ne nous refte plus, pour compléter l'hiftoire
chimique de l’antimoine, qu’à parler de l ’efpècé
de fel antimoine fi fouvent & fi heuroufement
employé en médecine , fous le nom impropre de
tartre ftibié ou tartre émétique. Il a paru plu? convenable
de n’en traiter qu’à la fin de cet article,
parce que pour bien concevoir fes propriétés, ii
eft indifpenfable de bien connoître la nature des
différentes fubftances antimoniales , & fur-tout
des divers fulfures antimoîniaux que l’on emploie
pour les combiner avec l’acidule tartareux.
La combinaifon d’acidulé tartareux . & d’oxide
d’antimoine porte le nom détartré ftibié ou antimonié.
C ’eft du tartrite d’antimoine & de potaffe.
Comme c’eft un des remèdes les plus, impôrtans
que la chimie ait fourni à la médecine , il faut
en examiner avec foin la préparation & les promtétés.
Depuis Adrien ,de Mynfichc, qui, le pre-
miet l’a fait connoître en 1631, on a,beaucoup
varié fur la manière de le préparer. Les pharmacopées
& les ouvrages des chimiftes different
tous, foit fur les fubftances antimoniales qu’on
doit employer pour cette préparation, foit fur
leur quantité, ainfi que fur celle de l’eau & de
l’acidulé tartareux , foit enfin fur la manière de
la faire. On a fuçceffivement tonfeiilé les oxides
blancs fublimés &: vitreux tranfparent ou opaque ;
les uns ont prefcrit de faire bouillir ces fubftances
avec l’acidule tartareux, & une plus ou moins
grande quantité d’eau, pendant dix à douze
heures; d’autres ne demandent qu’une ébullition
d’une demi-heure; enfin il eft des auteurs qui‘
veulent qu’on évapore la leffive filtrée à ficcité,
& il en eft d’autres qui exigent qu’on la faffe
criftallifer & qu’on n’emploie que les criftaux.
11 arrive de ces différentes préparations, que le
tartrite d’antimoine n’ eft jamais le même, & qu’il
jouit de divers degrés d’énergie , de forte qu’on
11e peut jamais être fur de fes effets.' A uffi Geoffroy,
qui a examiné plufieurs tartres ftibiés de différens
degrés de force, a-t-il prouvé par l’analyfe que
les phis foibles contiennent par once depuis 30
grains jufqu’à 1 gros 18 grains d’oxide d’antimoine;
ceux d’unè -éméticité moyenne, 1 gros & demi,
& les plus a&ifs jufqu’à z gros 10 grains. L’oxide
d’antimoine fulfuré vitreux a été choifi préférablement
aux autres fubftances antimoniées, parce;
qu’il eft un des plus folubles par i’acidule de
tartre; ce verre métallique pèut contenir l’antimoine
plus ou moins oxidé > & ces degrés divers
d’oxidation doivent néceffairement influer fur foft
éméticité ; cependant en prenant un oxide vitreux
d’antimoine bien tranfparent porphyrifé, en le
faifant bouillir dans l’eau avec partie égale d’a-
cidule tartareux, jufqu’à ce que le dernier foit
faturé, filtrant & faifant évaporer à une chaleur
douce cette diffolution, on obtient par le
repos & le iéfroidiffement des criftaux de tartrite
antimonié, dont les degrés d’éméticité pàroif-
fent être allez cqnftans; On décante la liqueur,
on la fait évaporer, & elle fournit par plufieurs
évaporations fucceffives de nouveaux criftaux.
L’eau-mère contient du tartrite antimonié, du
foufre, & une certaine quantité de fulfure alcalin
antimonié. Lorfqu’on filtré le mélange d’acidule
tartareux , d’oxide ^vitreux d’antimoine & d’eaii
qu’on a fait bouillir pour la préparation du tartrite
ajftimonié , il refte fur le filtre une matière
comme gélatineufe, jaune ou brune, que Rouelle
a fait connoître, & qui paroît être du tartrite
d’antimoine : cette gelée diftillée donne un py~
rophore très-inflammable, fuivant M. Prouft.
Macquer apropofé de fubftituer à l’oxide filière
vitreux d’antimoine , l’oxide blanc précipité
de Macquer, & on prépare depuis, dans 1»
laboratoire de l’académie de Dijon, un tartrite
d’antimoine fuivant la méthode de ce chimifte
& celle de Laffone. C e médicament a été employé
avec le plus grand fuccès ; il opère à la dofe
de 3 grains fans fatiguer l’eftomac ni les in-
teftins.
Le tartrite d’antimoine fe criftallife en pyramides
du muriate d’antimoine par l’eau; cet oxide eft
un émétique violent que Macquer croyoit être
toujours le même. Bergman a adopté l'opinion
trièdres tranfparentes ; il fe décompofe au
feu & devient charboneux ; il eft efflorefcent
à l’air, & détient d’un blanc mat & farineux;
il fe diffout dans 60 parties d’eau froide, 8d
dans beaucoup moins d’eau bouillante ; il fe crif-
talife par rérroidiffemenc ; les alcalis & la chaux
le décompofent. La terre calcaire & l’eau pure
en grande dofe font fufcept^bles de le décom-
pofer, d’où il fuit qu’on ne doit l’adminiftrer
que dans l’eau diftillée. Les fulfures alcalins &
le gaz hydrogène fulfuré le précipitent en une poudre
rouge ou efpèce d’antimoine fulfuré, & peuvent
fervir à faire reconnoître ce fel dans toutes
les liqueurs où il fe trouve. Le fer s’empare de
l’acide tartareux, & fépare l’oxide d’antimoine;
on ne doit donc pas préparer le tartre ftibié dans
des vaiffeaux de ce métal. M. Durande, médecin
& profeffeur de Dijon, a propofé de faire
préparer ce médicament publiquement, & par
un procédé uniforme, comme on a coutume de
faire pour la thériaque. Cette difpofition ne pour-
roit qu’être fort utile en procurant un tartrite
d’antimoine uniforme, & fur les effets duquel
le médecin pourroit toujours compter. Il paroît
que le tartrite d’antimoine contient la portion de
tartrite de potaffe qui fait partie de l’acidule tartareux,
& que c’eft une forte de fel triple. Tel
eft le précis des principaux faits fur la combinaifon
de l’acidule tartareux avec l’oxide d’antimoine,
que j’avois confignés dans mes élémens de chimie ;
mais cette importante combinaifon exige d’autres
détails pour être connue à fond dans un ouvrage
deftiné à préfenter l’enfemble des connoiflances
acquifes dans la fcience. Je crois donc devoir
ajouter ici un extrait détaillé des recherches de
Bergman fur le tartrite de potaffe antimonié, &
une notice des expériences faites par MM. Vau-
quelin & Legrand fur ce fel trop peu connu en
ràifon de fes impôrtans ufages.
Les remèdes héroïques, dit Bergman, doivent
être conftamment les mêmes, pour ne compromettre
ni la médecine ni le médecin. Cela eft
extrêmement vrai, fur-tout par rapport aux antimoniaux.
On préfère les préparations faillies de l’antimoine
pour avoir des remèdes doués toujours
de la même force ; rien n’eft • cependant plus
différent que les diverfes formules décrites dans
les différens difpenfaires pour la préparation du
tartrite d’antimoine & de potaffe : fi prefque tous
prefcrivent le tartre ou la crème de tartre, les
pharmacopées d’Ausbourg, ( 1734 ) d’Utrecht
( 1749 ) , de Witteniberg ( 1750 ) , d’Edimbourg