
Dehne, Lorgna-, & Osburg fur la foude , que
nous ferons connoître plus en détail dans examen
de chacun de ces alcalis fixes en particulier,
m’ont fait penfer i°. que tous les alcalis -conte-
,noient de l’azote ; 2°. que l’azote paroiffoit conf-
tituer la nature alcaline comme l'oxigène conftitue
la nature acide ; a0, qu’en raifon de cette influence
de l’azote dans la produétion des alcalis,
il feroit peut-être néceffaire de donner à ce principe
le nom d’ alcaligène ; 40. que cet alcaligène.
uni à des matières différentes conftituoit les di-
verfes efpèces d’alcalis 8c même de terres alcalines,
dont la . différence tenoit alors à celle du radical
combiné dans chacune d’elle à l’azote ou alcali-
gène; 5°. que la chaux unie à l’azote, pourrait
bien conftituer *lâ potaffe, la magnéfie unie au
même principe former la foude, tandis que 1 ammoniaque
a l’hydrogène pour radical ou bafe alca-
lifiable. Telle étoit mon opinion dès 17845 j’en ai
fait part alors à MM. Lavoifier, Morveau, Ber-
.thoilet, Monge, Meufnier, Laplace, avec Ief-
quels je travaillois à l’établiffement de la nouvelle
nomenclature ; je leur ai propofé le mot al-
caligène pour, défigner le principe que nous nommons
azote 5 ils ont penfe que mon opinion fur
les alcalis n’étoit point appuyee.fur un allez grand
nombre'de faits,- & fur-tout fur des expériences
affez décifives, pour qu’il fût temps.encore,de
prendre un parti décifir fur 1 influence de^l azote
dans la formation des alcalis. Depuis cette epoque,
déjà éloignée de fept ans, (- & je puis même en
.mettre dix, puifqu’ il y a au moins ce temps que
d’après les premières expériences de Bergman & de
jPrieitley , fur le gaz pklogifiiqué qui fedegageoit
dans des cas 011 l’ammoniaque étoit manifeftement
décompofée , je me fuis forme ces, premières idees
fur la nature des alcalis ; ) la fciençe n’a rien acquis
de plus, & nous fommes toujours dans la même
incertitude, dans la meme ignorance a cet
. égard ; aucune découverte , aucun fait nouveau
n’eft encore venu ou confirmer où infirmer 1 idée
que j’ ai préfentée fur la nature des trois alcalis. M.
Chaptal l’a feulement adoptée, en indiquant les
expériences déjà .annoncées ci-deffus , ainfi que
les tiennes propres. Sans doute il n a pas fu que
la première opinion fur l’azote confidéré comme
alcaligène, 8c, fur fa! combinafon avec la chaux
dans la potaffe & avec la magnéfie dans la foude,
étoit venue de moi ; car fa juftice 8c fon impartialité
font trop connues, pour qu il ne m eut pas
cité fur cet objet. Mais il en eft de cela comme
d’une foule d’autres principes de chimie ; Les
ayant, répandus 8c rendus publics dans les leçons
multipliées que je fais à Paris depuis douze ans,
lesperfonnes qui les ont entendues les ont . communiqués
à un grand nombre d’autres, quelquefois
même en oubliant à ce qu’il paraît deles rapporter
à leur véritable fource. J’ai fait cette réflexion
relativement à la théorie de la formation des alcalis
, parce que fi mes foupçons fp confirment par
de nouvelles expériences, il eft jufte que l’oit
fâche que j’ en fuis le premier auteur ; 8c fi les
découvertes futures font voir que je me ‘ fuis
trompé, il ne l’eft pas moms que le reproche ne
frappe pas d’autres Chimiftes. Le réfultat des détails
dans lefquels je viens d’enfter, eft qu’on ne
connoit point encore avec exactitude la nature
générale des alcalis , qu on ne fait pas fi 1 azote
entre véritablement comme principe alcaligène
dans, tous les alcalis, qu’on ne connoît pas encore
la formation de ces fels de la nature. Quant
aux connoiffances particulières acquifes fur chaque
efpèce, elles feront préfentées à l’article de chacune
d’elles.
§. IV. Des ufages des alcalis en général.
Les alcalis confidérés comme formant un genre
dé matières falines, ont des ufages très étendus
dans les opérations de la Chimie. Un des pre-
mlèrs foins qu’ôn doit avoir dans un laboratoire ,
c’eft de fe procurer ces fels bien purs, 8c on
verra aux articles Potasse 8c Soude , quelles difficultés
il faut vaincre pour les obtenir tels. Dans
étatles alcalis fervent à opérer un grand nombre cet
de fcombinaifons. On les unit aux acides pour
avoir des fels neutres parfaits 8c bien purs. 5 on les
employé pour précipiter les terres & fur-tout la
chaux, la magnéfie, &c l’alumine .dans leur pureté
; on s’ en feçt pour féparer la plupart des
oxides métalliques d’avec les acides. Oh les
combine avec du fqufre pour préparer les fulfures
ou foies de foufre, pour fe procurer le gaz hydror
gène fulfiiré. ou gaz hépatique ; on les diffout
dans l’alcool pour employer ces difiolutions-à; divers
ufages, on les fait agir fur les végétaux
pour en tirer différens principes 8c fur-tout la
réfine 8c quelques matières colorantes ; on les
unit aux huiles qu'ils mettent dans l’état favoneux;
on les applique aux matières.animales qu’ils rongent
8c diffolvent avec une grande aélivité ; enfin ils conf-
tituent une claffe d’agens auffi utiles qu’ils font
. énergiques pour un grand nombre de procédés
chimiques.
En médecine, ils fervent comme des fondans
très-aétifs 8c très-avantageux; on les prefcrit trç-s-
étendus d’eau dans les obftruêtions des vifcères du
bas-ventre, dans l’hydropifie,j le calcul de la
veffie, le virus vénérien aiicien ; on les applique
à l’extérieur comme cauftiques pour ouvrir des
cautères, fondre, détacher Sc enlever des tumeurs
fquirrheufes 8c cancéreufes , des loupes , des
excroiffançes contre nature : fi on les adminiftre
fans précaution, ils peuvent agir trop fortement,
8c à la manière d’un^poifon cauftique, auquel
on. oppofe, .avec fucqps, a caufe de fa nature
chimique bien connue, les acides légers & végétaux,
l’eau fraîche, le lait, les huiles .douces,
les graiffes, les. bouillons gras. \
Dans les arts rien n’eft d'un ufage plus frequent
Sc plus néceffaire que les alcalis proprement dits ;
ils font en quelque forte la bafe des verreries,
de Tart de faire le favon , de celui de couler les
leflives.
S e c t i o n D e u x i è m e .
■ Des alcalis en particulier , ou. des trois efpèces
_ £ alcalis connues.
C e n’eft point affez d’avoir étudié les propriétés
générales des alcalis, comme on 1 a fait dans la pre-
mière fe&ionj aux caraétères du genre doivent fuc-
céder les détails qui comprennent les cara&ères des
efpèces ; c’eft même en faifant connoître, avec 1 e-
tendue & la difcuflion convenables, ces efpèces ,
qu’on prendra une idée plus exaéte & plus claire
du genre de ces fels. Depuis environ quarante ans
■ on fait bien diftinguer trois efpèces d alcalis> de
■ ces trois efpèces , deux fe reffemblent beaucoup
plus entrrelles que la troifième.
Cette reffemblance des deux premières efpèces
les a fait comprendre fous la dénomination generale
£ alcali fixe ; & comme on a été très-longtemps
avant de les bien diftinguer, comme meme
après les travaux de Margraf & Duhamel un grand
nombre de chimiftes fembloient s obftiner a confondre
ces deux efpèces , les mots alcali, fixe fe
prenoient toujours au fingulier 5 tirais aujourd hui
que leur nature & leurs propriétés différentes
font généralement reconnues & bien fixées, on
ne„-doit plus dire alcali fixe en général comme on
le difoit encore il y a quinze ans, ainfi qu’on peut
le voir dans le dictionnaire de Macquer 5 mais il
faut dir&■ alcalis fixes. -
Sous ce nom on range donc deux efpèces d alcalis
qui ont de fortes analogies entr’elles, toutes
deux font sèches & folides, toutes deux cryftal-
lifent, toutes deux fe fondent fans fe fublimer,
toutes deux font âcres cauftiques ; enfin, à les
voir ifolées, à les comparer l’une & l’autre dans
leur état de pureté, il eft très-difficile de les diftinguer
, & l’ on conçoit très-bien comment avant
d’avoir bien examiné leurs combinaifons différen-,
• te s , avant d’ avoir bien faifi la différence de leur
origine , & fur - tout avant d’avoir fu déterminer
les Attractions particulières à chacune de ces deux
efpèces , les chimiftes ont eu tant de peine a les
■ croire différentes, & à leur donner des noms dif-
tinCiifs ; il faut donc être prévenu de cette con-
fufion , qui a pendant long - tems régné entre les
■ deux efpèces d’alcali fixe , afin d’entendre les ouvrages
écrits fur cette fcience avant le milieu &
même prefque les deux tiers de notre fiècle. L une
de pes efpèces eft aujourd’hui nommée Potasse,
& la fécondé eft défignée par le nom de Soude.
Quant à la troifième efpèc^, elle diffère tellement
de? deux autres dans toute *es propriétés, qu’on l’a
connue dès les premiers temps fous le nom £ alcali
volatil en raifon de fon extrême volatilité compa-
Chimie. Tome 11,
fée à la fixité des deux premières efpèces ; nous
la décrirons fous le nom d’ Ammoniaque, par les
raifons que nous expoferons dans fon article.
Pour connnoître chacune des ces trois efpèces
d'alcalis, il faut lire les mots , Ammoniaque ,
Potasse & Soude. Tbyep ces mots.
Alcali aéré. C ’eft le nom que Bergman
avoit donné à la combinaifon d’un alcali en général
avec l’acide carbenique qu’il nommoit acide
aérien , il difoit alcali végétal aéré, alcali minerai
aéré , 8c alcali volatil aéré. Ces mêmes fels font
tous défignés dans la nouvelle nomenclature par
les noms de carbonate de potaffe, carbonate <le
foude , carbonate d’ammoniaque , parce que l’acide
eft nommé lui-même acide carbonique. Il faut
fe rappeller, pour bien concevoir les dénominations
propofées 8c adoptées par Bergman , qu’il
avoit donné le nom d’acide aérien à l’air fixe,
foit parce que cet acide eft fouvent fous la forme
d’air-, foit parce qu’il fait toujours partie de l’air
athmofphérique. Il croyoit auffi que les fels neutres
devoiént porter d’abord le nom fubftantif de
la bafe alcaline , 8c enfuite celui de l’acide terminé
comme un adjeétif : il difoit, fuivant cette
règle , alcali végétal vitriolé, nitré, phofphorê, fluoré,
Oc, Voyesq les mots CARBONATE DE POTASSE ,
C arbonate de soude, C arbonate d’ammoniaque.
Alcali caustique. Lorfqu’on ne connoiffoit
pas l’acide, carbonique , lorfqu’on ne favoit pas
que cet acide étoit contenu dans les alcalis fixes ,
tels qu’on les obtient dans les arts , 8c qu’on les
débite dans lé'commerce, lorfqu’enfin on croyoit
que cette combinaifon étoit leur état naturel, on
trouvoit néceffaire d’appliquer la dénomination de
cauftiques à ces alcalis traités par la chaux, 8c qui
paroiffoient ainfi lui devoir leur caufticité. On étoit
alors fort éloigné de penfer que les alcalis fixes
fuffent purs lorfqu’on'les''avoit traités par la
chaux ; on penfoit même que cette terre, âcre 8c
cauftique par elle-même, donnoit aux alcalis le
principe de la caufticité : 8c que c’étoit par l’addition
d’un principe que les alcalis prenoient cette
propriété, Telle étoit la raifon pour laquelle ori
ne parloit jamais des alcalis dans cet é ta t, fans y
ajouter l’épithète de cauftiques. Mais aujourd’hui ,
depuis qu’il eft établi par des expériences pofitives ,
que les alcalis font purifiés par la chaux, 8c que
c’ eft le caraétèreMe cej fels purs d’être bien cauftiques
, tandis que dans l’état où on les croyoit
purs autrefois , ils font neutralifés plus ou moins
par l’acide carbonique, on n’ajoute plus cette épithète
de cauftiques, on fe contente d’employer
les exprelïions qui appartiennent aux. alcalis purs ;
on dit Potasse, Soude. Ammoniaque. ( Voye-^
le mot générique Alcalis. )
A lcali déliquescent. C ’étoit par ces mots