
3i A L C
tète de fon diâionnaire , il s'exprime encore fur
cette fcience d’une manière ciu'on ne fauroit
trop louer, à caufe de la prëçifiqn des idées
& de la clarté qui y régnent. Eri commençant
l’hiftoire de la chimie , il s’arrête fur 1 alchimie
, qui l’a en effet précédée & qui lui a même
donné naiffance. « Quoique nous foyons , dit-il,
fort peu avancés dans l'hiftoire de la chimie ,
nous ne pouvons cependant la Cuivre plus loin ,
fans faire mention d'une fingulière manie qui
attaqua la tête de tous les chimiftes : ce fut une
forte d’épidémie générale , dont les fymptomes
prouvent jufqu’ où. peut aller la folie de l’efprit
humain, lorfqu’il eft vivement préocupé de quel-.
que objet, qui fit faire aux chimiftes des efforts
furprenans , des découvertes admirables , & mit
néanmoins de grands obftacles a 1 avancement de
la chimie ; dont la guérifon enfin , qui n’a commencé
'à paroître que dans le dernier, fiècle , a
été la véritable époque du renouvellement de
cette fcience, 8c de fes progrès vers la per-
feâion. » .
■ . » Cn voit bien, fans doute, que je veux parler
du defir de faire de l’or : dès que ce métal fut
devenu, par une convention unanime, le prix de
tous les biens, il alluma un nouveau feu dans
'le fourneau des chimiftes. 11 paroiffoit fort naturel
en effet que ceux qui avoient des connoiffances
particulières fur la nature 8c les propriétés
des métaux, qui favoient les travailler 8c leur
faire prendre mille formes differentes, cherchaf-
fent à produire le plus beau 8c le plus précieux
des métaux. Les merveilles qu’ils voyoient chaque
jour naître de leur art, leur donnoient meme
une efpérance allez raifonnable d ajouter ce nouveau
prodige à ceux qu’ils opéroient déjà : ils
étoient bien éloignés de favoir alors fi ce qu ils
entreprenoient étoit poffible ou non , puifque
même à préfent la chofe n’eft point encore décidée.
C e feroit donc une injuftice que de blâmer
leurs premiers efforts > mais pat. malheur ce
nouvel objet ’de leurs recherches n’ étoit que trop
capable d’exciter dans leur ame des mouvemens
bien oppofés aux difpofitions philofophiques ; il
s’empara tellement de leur attention , qu il leur
fit perdre de vue les autres objets : ils crurent
voir la perfection de toute là chimie , dans ce
qui n’ étoit que, la folution d un problème particulier
de chimie ; la fphère de leur ^fcience , au
lieu de s’étendre, fe trouva par-là concentrée
autour d’un point unique, vers lequel us dirigèrent
tous leurs travaux : le defir du gain devint
leur mobile ; ils furent cachés 8c miftérieux ; en
un mot, ils eurent%bfolument les caractères des
artifans ’■ s’ ils avoient reufifi., ils auroient ete de
fimples faifeurs d’or , au lieu d’être des chimiftes
éclairés 8c favans; mais, par malheur pour
eu x , ils ne furent que les ouvriers d’un metier
qui n’exiftoit point, » . .
„ Cette çirconftançe qui les pnvoit d un gain
A I C
habituel, fut néanmoins ce qui les empêcha de (e
confondre avec les autres artifansy ils,eurent par-,
là une forte de conformité avec les favans : 8c
comme il eft naturel.de profiter de tous fes avantages
, ils fe prévalurent de celui-ci pour s’arroger
le nom de nhiiofophes ou de chinjiftes pat
excellence ; qualité qui eft exprimée par la particule
arabe a l, qu’ils ajoutèrent au nom de leur
fcience, 8c d’où font venus les noms d’alchimie
8c d’alchimiftes. »
» Cette forte ' d’hommes fut donc, comme on
le v o it , une efpèce moyenne entre les favans 8c
les artifans : ils eurent le nom des premiers, le
caraâère des féconds , 8c ne furent, en >iefet,.nl
l’un ni l’autre. Pour-foutenir, leur nom ,• fis firent
des livres comme les philofophes, ils écrivirent
les principes de leur prétendue fçience ; mais
comme le caraâère ne fe dément point , ils le
firent d'une manière fi obfcüre 8c u peu intelligible,
qu’ils ne donnèrent pas plus de lumière fur
leuf art prétendu, que n’en donnent fur les métiers
qu’ils exercent, les ouvriers qui n’écrivent rien. »
» Plufieurs d’entr’eux Tentant apparemment Je
reproche bien fondé qu’ on pouvoit leur faire a
cet égard, s’efforcent d’attirer l’attention de leur
leâeur, en annonçant dès le commencement de
leurs livres, qu’ils vont parler très - clairement ;
mais ils Te donnent bien de garde d’en rien faire.
C ’ eft une chofe fingulière que de les voir, après
avoir promis avec beaucoup d’emphafe de révéler
les fecrets les plus cachés , s'expliquer d’une manière
encore plus obfcure que tous ceux qui les
ont précédés* »» _ ,
» On peut juger du degré de confidération que
s’acquirent, dans la fociété, ces perfopnages qui
n’y faifoient rien , 8c dont on n’apprenoit rien ;
auffi leur hiftoire n'eft-elle pas moins obfcure 8c
moins embrouillée que leurs écrits. On ne fait au
jufte le vrai nom de la plupart d’entr’eux, le tems
où ils ont vécu, fi les livres qu’on leur attribue
font ou ne font pas fuppofés ; en un mot, tout
ce qui les concerne eft une énigme perpétuelle. »
Ces confidérations générales, fi bien penfées 8c
fi bien préfentées par Macquer, fembleroient devoir
fuffire, pour donner de l’alchithie l’idée que
les hommes, les plus favans 8c les plus fages en
même - temps , en "ont conçue depuis^ long-tems.
Mais on pourroit peut-être croire qu’on a voulu
affeâer une forte de mépris , fur un objet qui a
occupé tant d’hommes pendant uné longue fuite
de fiècles, fi l’on s’en tenoit à cet expofé fuccinâ
de l’opinion d’un feul chimifte ; on pourroit en
inférer qu’un jugement trop prompt ne feroit provenu
que d’un examen trop léger ; 8c l’on doit
éviter un pareil reproche, fur-tou%dans un ouvrage
deftiné à préfenter l’enfemble le plus vafte
8c le plus complet des connoiffances acquifes fur
toutes les parties de la chimie. Il y a encore un
certain nombre de chimiftes" qui ne penfent point 1 tout-à-fait comme Macquer fur l’alchimie il n'eft
f<w
A LC A L C 33
pas démontré impojjiblt de faire de Vor, eft pour
beaucoup d’hommes un argument qu’ils oppofent
fans celle aux détra&eurs de cet art prétendu, &
contre lequel on n’a rien à oppofer , que l’infue-
cès des travailleurs ; mais cet infuccès même, 8c le
conleil qui doit en réfulter pour ceux qui feroient
tentés de fe livrer aux travaux alchimiques , ne
peuvent avoir de bafe que dans l’examen approfondi
de la queftîon. Pour ne rien négliger fur ce
point j il a paru convenable : i° . de préfenter dans
cet article 3 après les généralités qui y ont déjà
été expofées , une efquiffe de l’hiftoire de l’alchimie
y i° . de faire connoître les fraudes, les fuper-
cheries , employées pour féduire 8c tromper les
hommes à différentes époques, & qui ont été re -
cueillies par Geoffroy ; $°. de le terminer par les
obfervations 8c réflexions de Bergman , fur le
fond de la queftion. On aura par ce moyen tout
ce qu’il y a de plus effentiel fur l'alchimie. A l’hif-
toire des principaux perfonnages qui s’en font
occupés j'-fera jointe celle des opérations qu’on
dit leur avoir réuffi, & dés tranfmutations ou
projetions les plus fameufes. L’examen approfondi
de ces faits principaux , l’enfemble des
réflexions les plus fages qu’on ait faites jufqu’ici
fur l’art en lui-même , affûteront enfuite la marche
de la penfée fur cette branche de la chimie ;
on verra dans les deux premières parties la liaifon
de l’alchimie ayec la chimie , le rapport de ces
deux genres de connoiffances, leur ancienne con-
fufion, le départ qui s’en eft opéré dans le fiècle
dernier, leur éloignement réciproque qui eft bientôt
devenu auffi remarquable , que leur ancien
' rapprochement avoit été intime. Comme beaucoup
d’hommes fans aveu , dq charlatans 8c
d’impofteurs, de plus d’un genre, ont pris fou-
vent le prétexte de l’alchimie , 8c fe font armés
du titre d’adeptes pour tromper des hommes crédules
quils ont entraînés dans des dépenfes folles
, 8c dont ils ont même quelquefois caufé la
ruine totale, on a cru qu’il pourroit être utile,
pour éviter les malheurs , dont on a encore trop
d’exemples , de fournir, par l’hiftoire de leurs
împoftures connues , un rempart pour fe défen?
dre contre leurs împoftures à venir. Le mémoire
de Geoffroy l’aîné , qui a pour titre : des Supercheries
concernant La Pierre Philofophale 3 8c qui eft
inféré parmi ceux de l’académie des fciences ,
pour l’année 172 a , pag, 6 1 , a fourni tous les
détails .relatifs aux impoftures des faux alchimiftes.
Les ouvrages de Borrichius, du favant Conrin-
gius , de Lenglet Dufrenoy, de Sénac , de Macquer
, de Bergman , ont fervi pour tracer les
principaux points de l’hrftoire de l’alchimie ; deux
paragraphes , très-bien faits, de la differtation de
Bergman, fur le moyen âge de la chimie, traitent
la queftion de la poffibilité delà pierre phi-
lofophale,>& de l’exiftence des tranfmutations 3
d’une manière fi complette, qu’il a paru fufftfaflt
d ’en offrir la tradu&ion pour remplir cette partie.
Çh'mie. Tome II,
§. II. Hifioire abrégée de Valchimie.
Les anciens monumens égyptiens ne préfentent
point de traces de la fcience de ces peuples dans
l’art de faire de l’or. Quelques auteurs attribuent,
à la vérité à cet art , les immenfes richeffes
de l’Egypte; telles que les étonnantes pyramides ,
les obelifques, les coloffes , les jardins fufpen-
dus, les fépulcres , les labyrinthes , les canaux
fouterrains, dont les anciens hiftorietis ont parlé
d’après leur propre infpeêtion, 8c dont il relie
encore quelques veftiges ; tous ces travaux ne
peuvent ; fuivant ces auteurs , avoir été conf-
truits qu’avec les grands moyens que donne l’art
de faire de l’or. Diodore de Sicile rapporte que
Sefoftris fit bâtir un vaiffeau de bois de cèdre,
tout couvert d’or ; il parle d’un cercle d’or de
coudées, placé au faîte du tombeau d’Ofy-
mandua; il affure que fous le fiècle d’Ofiris , on
éleva, en Egypte-, des ftatues ' d’or maflif, 8c
même des temples entiers du même métal pré-;
cieux ; mais-"comment ajouter foi aces récits!
11 eft, à la vérité, bien étonnant qu’avec de pareilles
richeffes, on ne connût aucune mine du
temps d’Hermès ; 8c que celles qu’on découvrit
enfuite ayent exigé plus de dépenfes qu’elles n’a-
voient de rapport ; auffi quelques hiftoriens pen-
Tent-ils que le récit de ces mines n’a été, que le
voile dont les rois d’Egypte ont couvert ou enveloppé
le fecret de faire de l’or qu’ils pofledoient.
On étaye l’exiftence de cet art, d’un temple élevé
à Memphis en l’honneur de Vulcain, dont Hérodote
8c Diodore parlent, en nous apprenant
que c’eft à ce dieu qu’on attribuoit la découverte
de tous les arts métalliques, 8c qu’il étoit
lui-même adoré fous le nom du feu , en raifon
des fervices fignalés que le feu a rendu aux
hommes pour la création 8c le perfectionnement
de ces arts. C ’étoit-là la plus belle partie de la
chimie, fuivant Zofime 8c Synéfius. Cédrénus ,
auteur du onzième fiècle, affure pofitivement que
Faunus ou Hermès* a pofledé l’art de faire de
l’or ; mais toutes ces affertions, tous ces exemples
ne prouvent point que les Egyptiens ont
connu cet art ; car l’induftrie 8c le travail peuvent
fe.uls procurer de pareilles richeffes. Il eft bien
plus vraifemblable que ces contrées, dans les
temps reculés dont on parle, recéloient des immenfes
quantités d’or natif dans leur propre domaine
, ou dans des pays voifiiîs, d’ou on les
apportoit en Egypte par la voie du commerce.
Dans le quatrième fiècle, la fingulière folie de
faire de l’or s’empara de tous les hommes qui cui-
tivoient la chimie.-Depuis<long-temps ce métal
procuroit tous les autres biens. Les chimifte«'
connoifiant les propriétés de tous les corps , 8c
leur faifant tous les jours éprouver des change-
mens-qui fembloienr tenn: du miracle , s’occupèrent
à i’enyi, 8c par un accord commun , à
produire ce métal li p ré c ieu x fo it par l’appât du